CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

 SAINT PAUL DE LA CROIX
 1694-1775

 SA VIE ET SA SPIRITUALITÉ

13
Dernières années et mort de Paul de la Croix

 

13-1-Les persécutions démoniaques

Nous sommes en octobre 1770. Le pape désirait revoir le Père Paul. Mais la veille au soir, le serviteur de Dieu eut à subir une attaque extraordinaire et très violente des démons. Saint Vincent-Marie Strambi raconte: "Il ne savait comment, se défendre. Il eût voulu se retirer dans son intérieur, comme dans une place de sûreté, et embrasser son Dieu; mais pour comble de peine, il éprouvait un grand abandon intérieur et des désolations d'esprit très douloureuses... Le matin suivant, il se trouva tellement abattu et épuisé, qu'il ne put se rendre auprès du pape, ni même célébrer la sainte messe. Le Pontife en fût fort affecté...

Le serviteur de Dieu resta près de huit jours dans cet abattement auquel se joignaient une grande faiblesse d'estomac et le dégoût de tout aliment. Il connaissait bien la cause du mal et la découvrit en souriant à son confesseur: 'Ceci, lui dit-il, n'est pas une maladie de médecin, mais un mal de lutins; il vient des démons.' Il les appelait du nom de lutins en plaisantant... Quoiqu'il sût à quoi s'en tenir... il obéissait promptement aux médecins et il se prépara avec soin à la mort... Il se prépara avec beaucoup de ferveur à recevoir Jésus-Christ... Il répétait souvent avec beaucoup de contrition et d'humilité: 'Mon Jésus, miséricorde! Mon Jésus, miséricorde!' Il reçut le saint viatique avec de grands sentiments de piété...

Le mal s'aggrava outre mesure. Les médecins commencèrent à dire que le cas était presque désespéré. Quand tout le monde fut parti, il déclara à son confesseur: 'II y a quelque temps, le Seigneur me fit connaître que je devais passer par une grande épreuve qui ne serait cependant pas mortelle...' Il dit encore à son confesseur, que, malgré la gravité du mal, il lui semblait n'être pas encore à la fin de sa vie..." En effet, sa santé s'améliora rapidement.

13-2-Une vie en sursis

Le mieux cependant ne dura pas longtemps. Paul répétait souvent avec des larmes dans les yeux: "Je ne crains plus, je n'ai plus peur; l'heure du départ n'est pas encore venue." Mais le pauvre malade, déjà si fatigué par la maladie, était encore en proie à l'abandon et à la désolation intérieure. Le Seigneur le purifiait ainsi de plus en plus...

Le mal augmentant toujours, le Père Paul semblait, selon toute apparence, approcher de sa fin. "Le pape lui envoya la bénédiction apostolique pour l'article de la mort, avec les témoignages de la plus tendre affection..." Le danger continuait, et la situation était toujours grave. Cependant le malade ne perdait pas de vue le gouvernement de la Congrégation et s'occupait des moyens nécessaires en vue de fonder le monastère des religieuses de la Passion qu'il avait depuis longtemps à cœur. "De son lit de douleur, il ne cessait donc pas de donner les ordres convenables, soit pour ce monastère, soit pour la Congrégation en général; il recevait les lettres et faisait répondre exactement..." Comme s'il avait été en santé, il s'acquittait de tous les devoirs de supérieur et de père. Et bientôt, la guérison eut lieu. "il fut délivré de son mal et recouvra la santé, bien qu'il restât infirme à l'ordinaire." (Chapitre 40)

Paul s'occupait aussi beaucoup des jeunes passionistes. "Une longue expérience lui avait appris que les jeunes gens sont comme des plantes délicates qui exigent une culture plus assidue. C'est pourquoi le vénérable Père mandait auprès de lui, tantôt l'un, tantôt l'autre des jeunes étudiants qui étaient dans la maison; il assistait à leur conférence spirituelle, et comme un père plein de tendresse, il donnait à chacun les avis les plus opportuns, afin que tous devinssent des hommes d'oraison et de vrais serviteurs de Dieu. Il tâchait ainsi de graver dans leurs cœurs les véritables maximes de la vertu et la vraie méthode de l'oraison."

13-3-La maison des saints Jean et Paul

Le serviteur de Dieu avait été de nouveau retenu au lit pendant dix-huit mois par une maladie "qu'il avait soufferte avec beaucoup de patience et comme un creuset où l'or se purifie... Il avait reçu de nouvelles grâces du Seigneur. Le vénérable Père commença vers la Semaine Sainte de l'année 1772, à se lever un peu.... Ayant repris quelques forces, il voulut célébrer la sainte messe le jour de la Fête-Dieu; il souffrit beaucoup... L'été lui ayant été favorable, sa santé fit quelques progrès; il recommença à célébrer. Dés qu'il fut en état, il voulut aller aux pieds du souverain Pontife... et lui dit: 'Saint-Père, si je suis encore en vie, après Dieu, c'est à Votre Sainteté que je le dois. J'ai eu grande confiance dans son ordre, et le Seigneur vous a exaucé'." En effet, Clément XIV lui avait donné l'ordre de ne pas mourir tout de suite.

C'est que "Clément XIV avait toujours présente à l'esprit la pensée de doter, à Rome, la pauvre congrégation de la Passion d'une Retraite et d'une église convenables..." En 1773 Sa Sainteté ordonna qu'on laissât au Père Paul et à ses religieux l'église des Saints Jean-et-Paul et la maison qui y est contigüe, au mont Celio. Le 9 décembre 1773, le Père Paul et ses religieux passionistes prirent possession de la maison des Saints Jean-et-Paul, passant d'un tout petit hospice à la basilique de ces saints martyrs. Le bonheur de Paul fut grand. Le serviteur de Dieu nomma le nouveau recteur avant les fêtes de Noël. Lui-même voulut officier la nuit de cette fête et chanta la messe solennelle et exhorta vivement ses passionistes "à conserver entre eux une paix et une charité inviolables et à s'appliquer de toutes leurs forces à leur perfection..." (Chapitre 42)

Le temps passait; la semaine sainte 1774 approchait. Le Père Paul se sentait mieux. Le Jeudi Saint, il fit à la communauté le discours qu'il lui adressait chaque année. Il profita de cette instruction pour admirer l'immense amour que Jésus nous a témoigné dans l'institution de l'adorable Eucharistie et "il passa ces saints jours, tout pénétré d'amour et de douleur et tout occupé à compatir à son amour crucifié."

Le serviteur de Dieu continua ainsi à se lever chaque jour, à célébrer la sainte messe, à s'entretenir plusieurs heures, assis dans sa chambre, soit à prier, soit à lire, soit à conférer de choses utiles. Le jour de la fête des saints Patrons de la basilique, Sa Sainteté le Pape daigna venir visiter l'église des Saints Jean et Paul. Clément XIV y fut reçu par le Père Paul et par toute la communauté..." Après cela, Sa Sainteté passa dans la pièce contiguë à la salle, et là, s'entretint longtemps en secret avec le Père Paul..."

Le 24 septembre 1774 le Saint-Père décédait... Paul en fut vraiment inconsolable. Après cette perte, il se regardait comme un orphelin qui a perdu son père; mais il priait sans relâche et faisait prier pour l'élection d'un nouveau pape, qui fût saint et rempli de l'esprit de Dieu. Ce fut le cardinal Braschi qui fut élu et prit le nom de Pie VI. Nous sommes en 1775. Peu de temps après son élection, c'est-à-dire le premier dimanche de Carême, le Saint-Père, Pie VI, alla visiter le Saint-Sacrement qui était exposé dans la basilique des Saints Jean et Paul, à l'occasion des prières de quarante heures. Il visita le Père Paul infirme, dans sa pauvre cellule.  (Chapitre 42) 

13-4-La mort de Paul de la Croix

"La mort est pour les justes un repos après leurs fatigues, un port après la navigation périlleuse de cette vie, le passage d'un malheureux exil à la patrie bienheureuse. Si leur corps n'est pas exempt de ressentir le poids des infirmités et des souffrances qui la précèdent et l'accompagnent, leur âme continue à jouir de la paix et de la tranquillité. Appuyés sur leur ferme confiance en Dieu, ils soupirent après le moment de sortir de leur prison, pour aller s'unir à jamais au souverain Bien.

Tel fut le sort heureux de cet homme de Dieu dont nous avons raconté en partie la vie et dont nous allons rapporter la dernière maladie et la mort."

Pendant que les Pères capitulaires, lors du dernier chapître auquel assista Paul de la Croix, examinaient les Règles, le Père fondateur s'affaiblissait de plus en plus. "Le jour des saints Jean et Paul 1775, il eut plusieurs faiblesses... et à partir de ce moment, il fut hors d'état de manger; cela dura quatre mois entiers... mais sa paix ne fut jamais troublée par ses souffrances continuelles, ni son courage abattu par la vue de la mort.

Cependant, il continuait à veiller au bon gouvernement de la congrégation...  Il passait les journées entières, dans la prière et dans des entretiens continuels et intimes avec la divine Majesté. Toujours il avait eu une grande dévotion envers la très sainte Vierge, et il la conserva très fidèlement jusque dans ses derniers moments. Il récitait chaque jour au moins  les mystères douloureux du rosaire...

Le mal augmentant toujours, le médecin jugea qu'il était temps de lui donner le Viatique..." Il communia le 30 août, en présence de toute la communauté... Il s'écria du fond du cœur: "Ah! Mon bon Jésus! Je proteste que je veux vivre et mourir dans la communion de ta sainte Église! Je déteste et j'ai en abomination toutes les erreurs." (Chapitre 44)

Il livra ensuite ce qui est considéré comme son Testament spirituel.

13-5-Le Testament spirituel de saint Paul de la Croix

"Avant toute autre chose, dit le vénérable Père, je vous recommande instamment la charité fraternelle: aimez-vous les uns les autres d'une charité sincère. Tel est l'avis que Jésus-Christ laissa à ses disciples: 'In hoc cognoscent omnes, quia discipuli mei estis, si dilectionem habueritis ad invicem.' Je rappelle aux pères, surtout au premier consulteur, qu'ils aient soin de conserver dans la congrégation l'esprit d'oraison, l'esprit de retraite, l'esprit de pauvreté. Si cet esprit se conserve, la congrégation brillera comme un soleil en présence de Dieu et devant les nations, et pour toute l'éternité." Puis il demanda pardon de ses fautes et des mauvais exemples qu'il avait donnés durant la charge qu'il avait exercée pour obéir à Dieu, pendant un si grand nombre d'années.

13-6-Le déclin et le départ

Peu de jours après, Paul de la Croix entra dans une paix de plus en plus profonde et son cœur se portait vers Dieu avec plus de vivacité. "Ensuite, élevant son cœur vers Dieu, il protesta qu'il ne voulait rien que Dieu et sa sainte volonté... Si quelque religieux lui témoignait de la compassion, tout en le remerciant de sa charité, il lui disait d'un ton plein de résignation: 'mes souffrances vous font de la peine, à moi, pas'... Il disait aussi: 'Je n'ai pas dans tous mes membres un espace de quatre doigts qui soit libre et sans douleur.' Pour mieux se préparer à la mort, il se confessa le 7 octobre 1775... et reçut l'Extrême-onction."

En présence de tous les religieux de la communauté qui récitait les prières de l'Église, le Père Paul tenait les yeux attachés sur son crucifix et sur l'image de Notre-Dame des Douleurs. "Tout à coup on vit le mourant faire plusieurs signes avec les mains, comme s'il avait appelé affectueusement à lui quelques personnages et qu'il eût voulu signifier de leur laisser un passage libre, pour qu'ils pussent s'approcher de lui... On apprit plus tard, d'une personne de piété, que le serviteur de Dieu lui était apparu après sa mort, et lui avait donné l'explication de ces signes, en lui disant qu'au moment de sa mort, il avait vu descendre dans sa cellule son aimable Rédempteur Jésus-Christ, la très sainte Vierge, saint Paul, saint Luc et saint Pierre d'Alcantara. Ils étaient accompagnés du Père Jean-Baptiste, son frère, et des autres religieux de la congrégation décédés auparavant, qui venaient pour l'assister à son heureux passage. Une foule d'autres âmes qu'il avait converties et sauvées les suivaient, et furent présentes au moment où son âme se sépara du corps, pour la conduire au ciel..."

Enfin, le Serviteur de Dieu expira; c'était le 18 octobre 1775. Paul de la Croix était  âgé de 81 ans, 9 mois et 15 jours. "Son visage paraissait tout resplendissant et inspirait de la vénération à ceux qui le regardaient... Un saint prêtre, en lui baisant la main, eut la consolation de sentir un parfum très suave s'exhaler de ce corps virginal..."   (Vie du bienheureux Paul de la Croix, par Saint Vincent-Marie Strambi – Chapitre 44)

Paul de la Croix fut canonisé le 29 juin 1867 par le pape Pie IX.

   

  

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