
Méditations
préparatoires à la Grande Passion du Christ

Notre-Dame
des douleurs
“Voyez
s’il est douleur semblable à ma douleur...”
Soir
du Vendredi Saint! Marie est au pied de la Croix, et la prédiction du vieillard
Siméon s’accomplit dans
sa plénitude: le coeur de Marie est transpercé par un glaive de douleurs.
Marie pleure silencieusement au pied de la Croix, sans démonstration bruyante
comme c’était la coutume à l’époque chez les peuples orientaux. Marie
pleure silencieusement sa douleur grande comme le monde, sa douleur vaste comme
les siècles, puisque sa douleur est celle de la Corédemptrice.
Marie
pleure. Elle pleure son Fils, elle pleure pour ses enfants qui ne comprendront
pas. Elle pleure des larmes d’amertume, des larmes de détresse, les larmes de
son infinie douleur... Marie pleure et sa désolation est extrême. Marie pleure
au pied de la Croix. Tout semble fini pour elle, elle n’a plus de Fils... Oui,
Jésus lui a bien donné Jean, et Jean, elle saura l’adopter. Mais Jean, ce
n’est pas son Jésus, Jésus qui vient de mourir, abandonné de tous, Jésus
incompris, bafoué, mis au rang des malfaiteurs. Jésus que l’on a torturé,
à qui l’on a imposé toutes les tortures qu’on pouvait imaginer. Jésus,
son Jésus, Jésus, son Fils, son Amour, Jésus, son Dieu, Jésus qui n’est
plus!...
Marie
pleure. Marie souffre dans son coeur. Marie souffre dans son âme, son âme déchirée
qui n’est qu’une plaie vive. Marie souffre dans son coeur et dans son âme.
En elle renaissent toutes les plaies de Jésus. Marie souffre dans son être
brisé. Marie est, en ce soir du premier Vendredi Saint, comme la douleur faite
chair, la douleur faite coeur, la douleur qui déchire l’âme... Marie souffre
et pleure, sa détresse est immense, qu’espérer maintenant?... “Voyez
s’il est douleur semblable à ma douleur!”
Marie
souffre, elle appelle Jésus, elle crie vers son Dieu, ce Dieu qui est son Père...
Elle crie vers son Dieu, l’Esprit qui l’épousa et lui donna Jésus, ce Jésus
qui est là, au-dessus d’elle, suspendu à la Croix, son Jésus, son Fils qui
maintenant ne souffre plus. Son Jésus qui est dans la Paix, la Paix de Dieu.
Jésus
est dans sa Paix, la Paix de Dieu, celle qu’Il donna aux hommes, mais pas
comme le monde la donne. Jésus est dans sa Paix... Il ne souffre plus
maintenant, on ne L’insulte plus: ils sont tous partis ceux qui Le bafouaient,
Le méprisaient, L’insultaient. Ils sont tous partis car ils n’ont plus rien
à craindre de Lui, Il est mort, Il ne pourra plus les inquiéter, leur rappeler
leurs misères, la dureté de leurs coeurs...
Ils
sont bien tranquilles maintenant ceux qui ont tué Jésus, ils vont enfin
pouvoir respirer de nouveau. Ouf! Il est bien mort Celui qui les gênait, Il est
bien mort, et dans de telles conditions, des conditions si atroces, qu’il est
bien improbable qu’un autre illuminé se mêle de recommencer, de mettre
encore en doute leur autorité. Bien sûr ils ont eu un peu peur tout à
l’heure, à l’heure des ténèbres et du tremblement de terre. Mais ils ont
su garder leur sang-froid: ce n’étaient que des phénomènes naturels,
n’est-ce pas? Mais maintenant tout est fini, tout est rentré dans l’ordre.
On peut célébrer la Pâque en paix!
Marie
souffre toujours au pied de la Croix. Marie pleure toujours... “Voyez
s’il est douleur semblable à ma douleur!”
Marie
pleure toujours, mais regardant son Fils en Paix, dans sa Paix, regardant Jésus
qui ne souffre plus, Marie s’apaise un peu et Marie se souvient. Marie se
souvient des Écritures, Marie se souvient des prophètes... Des psaumes
remontent à sa mémoire, ces psaumes qui reprenaient les images du Serviteur
souffrant présenté par Isaïe. Marie se souvient, elle se souvient de tout.
Elle comprend maintenant tout ce qu’elle gardait dans son cœur, tout ce
qu’elle n’avait pas compris...
Marie
souffre toujours car son Fils n’est plus là. Jamais plus elle ne sentira la
chaleur de ses baisers et de ses embrassements. Jamais plus elle ne revivra sur
la terre avec son Fils bien-aimé auprès d’elle, jamais plus elle ne Le
suivra sur les routes de Palestine. Jamais plus... Marie pleure toujours, de
grosses larmes d’amour, des larmes qui pleurent le Bien-aimé absent, et
absent pour toujours. “Voyez s’il est
douleur semblable à ma douleur!”
Marie
pleure, mais ses larmes sont moins amères, moins désolées. Marie pleure mais
son espoir revient et sa foi se ravive. Oui Marie croit que son Fils
ressuscitera... dans trois jours, Il l’a dit. Dans trois jours Il sera là et
la prendra dans ses bras et lui dira “Maman!” Dans trois jours, le Temple,
le Temple de son Corps sera reconstruit: son Jésus l’a promis. Dans trois
jours! Oui, malgré sa douleur, Marie croit: elle croit les paroles de son Fils,
elle croit de toute la force de son coeur, de toute la force de son âme, son être
n’est que foi...
Marie
croit et Marie espère. Et Marie se souvient de ce qui s’est passé hier soir,
le soir du Jeudi Saint: mon Dieu que ce soir-là est loin. Il semble à Marie
que les quelques dernières heures ont duré des siècles. Marie se souvient de
l’Eucharistie, de ce pain que son Fils est venu lui apporter, dans la pièce où
elle se trouvait, de ce pain qui était son Corps, son Corps qui allait être
livré et torturé, son Corps qu’Il allait donner pour le salut de tous les
hommes, le Corps de la Grande Victime, le Corps de l’Hostie sainte, le Corps
de l’Agneau Immolé.
Marie
pleure, mais Marie s’apaise. Au pied de la Croix douloureuse qui deviendra la
Croix glorieuse, Marie pleure des larmes d’Amour, des larmes de Paix. Marie
pleure, mais ses larmes sont foi, ses larmes sont paix, ses larmes sont amour.


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