CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

Dom Vital LEHODEY
Ancien Abbé de Notre-Dame de Grâce
1857-1948


 

CHAPITRE II
LES FRUITS DU SAINT ABANDON

ARTICLE PREMIER. - Intimité avec Dieu.

Le premier fruit de l'abandon, fruit aussi nourrissant que savoureux, c'est une délicieuse intimité avec Dieu, dans une confiance pleine d'humilité.

Faut-il en être surpris ? Dieu n'est-il pas notre Père des Cieux et la bonté même ? Personne ne lui est comparable ici-bas pour le dévouement ni pour la tendresse; il est la source où réside infiniment l'amour et d'où celui-ci dérive en nous par participation, Il faut bien que Dieu le Père aime étonnamment les hommes, puisqu'il n'a pas hésité, pour les sauver, à livrer son Fils bien-aimé, l'éternel objet de, ses infinies complaisances, Le Verbe incarné a daigné nous aimer plus que sa vie; n'est-il pas le Sauveur, l'ami, l'époux de nos âmes ? Y eut-il jamais un cœur comparable au sien, un cœur également dévoué, doux, miséricordieux, patient, lent à punir et prompt à pardonner ? Il est merveilleusement humble, notre grand Frère aîné, et il ne tient pas à distance ses pauvres petits frères de la terre. Enfin, l'Esprit sanctificateur n'est-il pas occupé des âmes jour et nuit, venant à leur aide des milliers de fois par jour, avec plus d'amour et de sollicitude qu'une mère penchée sur le berceau de son fils ? Oui, vraiment, « Dieu est Amour » , Quand il est avec ses enfants, il oublie volontiers sa grandeur et notre petitesse, il n'y a plus que le père, et il se fait tout petit avec les plus petits, parce qu'il les aime.

Notre Père saint Bernard est intarissable, quand il décrit la suave intimité de certaines âmes avec Dieu. « Le Bien-Aimé, dit-il, est présent, le maître s'écarte, le roi disparaît, la majesté s'efface, la craillée cède à la force de l'amour. De même qu'autrefois Moïse parlait à Dieu comme un ami à son ami, et Dieu lui répondait; ainsi maintenant se forme-t-il entre le Verbe et l'âme un entretien familier, comme celui de deux personnes qui vivent sous le même toit. Quoi d'étonnant ? Leur amour n'ayant qu'une même source, il est réciproque et les caresses sont mutuelles. Des paroles plus douces que le miel s'échappent des deux cœurs; l'un et l'autre se jettent des regards d'une douceur infinie, signes de leur commune tendresse ».

Cette condescendance divine est bien merveilleuse; mais « Dieu aime, lui aussi; son amour ne lui vient pas d'ailleurs, il en est lui-même la source; il aime avec d'autant plus de force qu'il n'a pas seulement de l'amour, il est l'amour même. Et ceux qu'il aime, il les traite en amis, non pas en serviteurs. Voyez comme la majesté même cède à l'amour. Car c'est le propre de l'amour de ne voir personne au dessus de soi, personne au. dessous; grands et petits, il les met tous sur le même pied et n'en fait qu'une même chose ». Et d'où vient à l'âme cette hardiesse étonnante ? « Elle sent qu'elle aime Dieu et qu'elle l'aime avec ardeur; dès lors, elle ne doute pas qu'elle n'en soit aussi fortement aimée. Son unique application n'est-elle pas de chercher sans cesse et de tout son cœur les moyens de plaire à Dieu ? D'après son zèle et ses efforts, elle juge, à n'en pas douter, que Dieu lui rend la pareille, elle n'oublie pas la promesse du Seigneur : La mesure dont vous userez, c'est celle-là même qui vous sera appliquée. Ou plutôt, elle sait que son Bien-Aimé la devance. A ce qu'elle éprouve en elle-même, elle reconnaît ce qui se passe en Dieu; elle ne doute pas qu'elle ne soit aimée, puisqu'elle aime, Il en est ainsi. C'est l'amour de Dieu pour l'âme qui produit l'amour de l'âme pour Dieu ». « Voyez, conclut le saint Docteur, voyez comme il vous assure et de son amour si vous l'aimez, et de sa sollicitude s'il vous voit tout occupé de lui. Vous serez téméraires, si vous vous attribuez quelque chose en ce genre avant lui et plus que lui; il vous aime davantage et le premier. L'âme sachant cela, est-il étonnant qu'elle se glorifie de voir le Dieu de majesté attentif à elle seule, comme s'il oubliait le reste des créatures, quand elle-même, oubliant tout autre intérêt, se garde uniquement et inviolablement pour lui seul »  ?

Mais pour qui cette délicieuse intimité  ? Pour l'âme aimante et soumise. « J'aime ceux qui m'aiment » , nous dit la divine Sagesse. Aimons Dieu, et nous sommes sûrs d'être aimés; aimons beaucoup, et nous avons la promesse d'être aimés sans mesure. Or le véritable amour n'est-il pas celui qui se donne, celui surtout qui se manifeste par une parfaite obéissance et un filial abandon ? Notre-Seigneur, nous l'assure : « Si quelqu'un m'aime, il garderai ma parole, et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure » . « Quiconque fera la volonté de mon Père qui est aux Cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur et ma mère » . L'obéissance et l'abandon nous donnent, en effet, un air de famille avec Celui qui s'est fait obéissant jusqu'à la 'mort, et à la mort de la croix. Sa très sainte Mère fui ressemble et lui est chère au premier chef, non seulement parce que ses entrailles l'ont porté, mais bien plus encore parce que, mieux que personne, elle a: écouté la divine parole et l'a mise en pratique . Chacun de nous peut acquérir cette parenté spirituelle, cet air de famille avec notre divin Frère; et la ressemblance ira s'accentuant, à mesure qu'on avancera dans l'amour, l'obéissance et l'abandon. Vienne enfin le jour où l'âme, au prix de quels sacrifices ! n'aura plus qu'un même vouloir et non-vouloir avec Dieu. Sous le poids de la croix comme dans les joies du Thabor, elle ne voit plus que Dieu et son adorable volonté; toujours, elle révère ce vouloir divin, elle l'approuve, elle l'accepte amoureusement; toujours, elle est contente de Dieu, elle lui baise la main, alors même qu'il la crucifie; et, si elle agonise, elle lui sourit encore à travers ses larmes. Oh! vraiment, Jésus, notre amour et notre modèle, repose sur elle ses yeux et son cœur, un peu comme il les reposait sur sa tendre Mère, parce qu'il apercevait en elle des dispositions parfaitement conformes aux siennes. Dieu le Père éprouve une vraie joie en regardant la vivante image de son Fils; le Saint-Esprit, qui en est le premier auteur, contemple son œuvre avec une douce satisfaction. Toute la sainte Trinité s'incline vers elle en redisant, proportion gardée: Celui-ci est mon enfant bien, aimé, l'objet de mes complaisances.

De là viennent les privautés divines qui remplissent les vies de Saints et les pieuses biographies. S'il faut ajouter foi aux écrits de telle religieuse, à chaque page, on verra les plus touchantes marques de la bonté divine. Dieu le Père ne l'appelle que « sa petite fille de ta terre », et il lui parle aussi tendrement qu'une mère à son enfant. Notre-Seigneur la nomme « sa petite sœur, sa fille, son épouse ». « Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur », lui disait l'humble religieuse; et le divin Maître de lui répondre avec bonté, même avec tendresse : « Et moi aussi, je t'aime ». Qui ne serait ému, en lisant les délicieuses visites que le Très Saint Enfant-Jésus lui aurait faites, avec un ravissant abandon ?

A cette paternelle affection de la part de Dieu, répond de la part de l'âme une confiance pleine d'humilité. « Mon Dieu, disait cette religieuse, je crois à votre amour, je crois à votre tendresse, je crois à votre cœur ». Ces âmes, en effet, connaissent Dieu par une foi vive et pénétrante; elles le connaissent aussi par une douce expérience. Accoutumées à se voir aimées si profondément, conduites avec tant de sollicitude, elles s'enhardissent jusqu'à se livrer aux effusions de leur tendresse, et à dire au Dieu trois fois saint, dans un intime cœur à cœur, des choses si affectueuses et si pleines d'abandon, qu'on n'oserait jamais en dire autant à sa propre mère. Assurément, Dieu ne s'en offense pas, il y prend même plaisir, puisque sa grâce nous excite et nous aide à continuer. Mais voilà que, pour préserver l'âme de l'orgueil et pour la tenir dans un plein détachement, il la sèvre de ses caresses, il semble l'oublier et n'avoir plus pour elle que de l'indifférence. Alors elle ne perd rien de sa confiance, mais elle se dit avec cette religieuse : « Le Père veut que je sois sa toute petite fille. Dans la souffrance, dans les peines intérieures, je dois me conduire comme un enfant que sa mère blesse pour le guérir. Il crie quand sa mère lui fait trop mal, mais cela ne l'empêche pas de se pencher sur le sein de sa mère, et bien volontiers il reçoit les caresses de celle qui tout à l'heure le faisait pleurer. Puis, dans un baiser bien tendre et bien affectueux de part et d'autre, les larmes sont séchées. Ainsi dois-je être avec le Père qui est dans les Cieux. »

Mais que devient l'humilité dans ce cœur à cœur si confiant ? Tantôt l'âme donne libre cours à sa tendresse; puis, confuse de sa hardiesse, elle adore profondément le Dieu de son cœur, elle lui fait mille protestations d'humble et amoureuse soumission; elle s'enfonce dans le sentiment de sa misère et de son néant. Le bon Maître l'y invite par sa grâce; au besoin, il l'y ramènerait par l'humiliation; toujours, même en l'élevant, il veille à l'humilité. « Seigneur, qu'est-ce qui vous attire ainsi vers moi » ? disait cette même âme. « C'est ta grande misère », lui aurait répondu Jésus, « et mon amour pour toi est tel que tes infidélités ne peuvent m'empêcher de te combler de mes grâces ». Dieu sait élever et rabaisser tour à tour, de manière que la confiance et l'humilité grandissent ensemble, et se prêtent un mutuel appui. C'est ainsi que, pour Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, l'humilité fut l'une des sources, et non la moindre, de la confiance en Dieu. Nous l'avons déjà fait remarquer . Elle cherchait sa voie pour parvenir à la sainteté; elle la trouva dans ces paroles de la divine Sagesse : « Si quelqu'un est tout petit, qu'il vienne à moi » . Ce fut un trait de lumière : elle se fera toute petite, dans le sentiment de sa faiblesse et de son néant; elle demeurera toute petite; son ambition sera de passer inaperçue, d'être oubliée. Et petite comme un enfant, elle aimera comme un enfant, elle obéira comme un enfant, elle jettera des fleurs comme un enfant, c'est-à-dire elle fera tous les petits sacrifices que peut faire un enfant. Mais, en retour, elle sera aimée comme un enfant, et les bras de Jésus seront l'ascenseur qui l'emportera vers la perfection. Elle fera des fautes, hélas ! les enfants tombent quelquefois; mais ils viennent en pleurant se jeter dans les bras de leur mère, et ils sont pardonnés et consolés. Elle fera de même. Elle a été pure parmi les Saints les plus purs; mais eût-elle commis tous les péchés du monde, elle imiterait Marie-Madeleine repentante, et ne perdrait rien de sa confiance. « Elle sait à quoi s'en tenir sur l'amour et la miséricorde » de son bon Maître; et, d'ailleurs, avec une humilité d'enfant, on ne se damne pas; elle trouvera toujours bon accueil, auprès de. Celui qui fut « doux et humble de cœur », et qui disait : « Laissez venir à moi les petits enfants, le royaume des Cieux est à ceux qui leur ressemblent ».

ARTICLE II. - Simplicité et liberté.

Jésus, faisant son entrée dans le monde, parle ainsi à son Père : « Me voici, je viens pour faire votre volonté » . « Quoi pourtant ! remarque Mgr Gay, ne vient-il pas prêcher, travailler, souffrir, mourir, vaincre l'enfer, fonder l'Eglise, et sauver le monde par sa croix ? Il est vrai, c'est bien là sa tâche. -Mais, s'il veut tout cela, c'est que telle est l'éternelle volonté de son Père. C'est cette volonté seule qui le touche et le décide. Voyant tout le reste, c'est elle seule pourtant qu'il regarde; c'est d'elle seule qu'il parle et d'elle seule qu'il prétend dépendre. Et faisant plus tard tant de choses, des choses si relevées, si inouïes, si surhumaines, il ne fera jamais que cette chose très simple, il fera la volonté du Père céleste » . Il en est ainsi dé l'âme qui pratique le saint abandon. Elle a des devoirs multiples à remplir : mais qu'elle soit au chœur, au travail, à ses pieuses lectures, qu'elle s'occupe pour elle-même ou pour les autres, qu'elle ait des loisirs ou qu'elle soit pressée, elle n'a jamais qu'une seule chose à faire : son devoir, la sainte volonté de Dieu. Elle passera par la santé et la maladie, la sécheresse et les consolations, le calme et la tentation; parmi la diversité des évènements, elle ne voit qu'une seule chose : le Dieu de son cœur qui les dirige et lui manifeste par là ses vouloirs. Autour d'elle, les hommes vont, viennent et s'agitent; qu'ils l'approuvent, la critiquent ou l'oublient, qu'ils lui donnent à jouir ou à souffrir, elle élève plus haut ses regards, et voit Dieu qui les mène, Dieu qui se sert d'eux pour lui déclarer ce qu'il attend d'elle. En toutes choses donc elle ne voit que Dieu seul et son adorable volonté. Voilà ce qui donne à sa vie une merveilleuse simplicité, une très simple unité. Est-il besoin d'ajouter que cette vue constante de Dieu seul produit, comme naturellement, un autre fruit d'un prix inestimable, une très haute pureté d'intention ?

Elle procure aussi la liberté des enfants de Dieu. « Si quelque chose, dit Bossuet, est capable de rendre un cœur libre et de le mettre au large, c'est le parfait abandon à Dieu et à sa sainte volonté » . Et lui seul en est capable. Sont-ils libres, en effet, les pécheurs qui vivent au gré de leurs désirs ? Ce sont de malheureux esclaves; le monde et leurs passions les tyrannisent. Sont-ils libres, les chrétiens faibles encore dans la pratique de leur devoir ? Les occasions les entraînent, le respect humain les subjugue; ils veulent le bien, et mille obstacles les en détournent; ils détestent le mal et n'ont pas la force de s'en éloigner. Sont-ils libres au moins, ces hommes déjà plus avancés, mais qui se font une dévotion à leur manière, et cherchent les consolations sensibles ? Au fond, l'amour-propre les domine; ils n'en sont pas moins esclaves que les mondains ne le sont de leurs passions ; de là vient qu'ils sont pleins d'inconstance et de caprices, et que l'épreuve les déconcerte. Une âme est libre et dégagée, dans la mesure où les passions sont amorties, l'amour-propre dompté, l'orgueil mis sous les pieds. La mortification intérieure commence et poursuit cette libération; mais, nous l'avons vu, seul le saint abandon l'achève; parce que seul il nous établit pleinement dans l'indifférence, seul il nous apprend à ne voir les biens et les maux que dans la volonté de Dieu, seul il nous attache à cette sainte volonté de tout l'amour, de toute la confiance dont nous sommes capables.

Il nous rend libres du côté des biens et des maux temporels, de l'adversité ou de la prospérité. Nul objet d'avarice, d'ambition, de volupté, ne nous captive plus; les humiliations, les souffrances et les privations, les croix de toute espèce, ont cessé de nous effrayer; c'est à Dieu seul que nous avons donné notre cœur, et nous sommes prêts à tout pour accomplir son adorable volonté.

Il nous rend libres du côté des hommes. Notre seul désir étant de plaire à Dieu par une amoureuse et filiale soumission, « nul respect humain, dit le P. Grou, ne nous arrête; les jugements des hommes, leurs critiques, leurs railleries, leurs mépris, ne sont plus rien pour nous; du moins, ils n'ont pas la force de nous détourner de la voie droite. En un mot, on est élevé au-dessus du monde et de ses erreurs, de ses attraits et de ses terreurs. Qu'est-ce donc qu'être libre, si ce n'est pas là l'être » ?

Il nous rend libres à l'égard de Dieu même. « Je veux dire, ajoute le même auteur, que, quelque conduite que Dieu tienne envers ces âmes, soit qu'il les éprouve ou qu'il les console, qu'il s'en approche ou qu'il paraisse s'en éloigner», il peut tout se permettre, rien ne les trouble, rien ne les décourage. « Leur liberté à l'égard de Dieu consiste en ce que, voulant tout ce que Dieu veut, sans pencher (volontairement) ni d'un côté ni de l'autre, sans aucun retour sur leurs propres intérêts, elles ont consenti d'avance à tout ce qui leur arrive, elles ont confondu leur choix avec celui de Dieu, elles ont librement accepté tout ce qui leur vient de sa part » .

Il nous rend libres à l'égard de nous-mêmes, jusque dans les choses de la piété. En effet, le saint abandon nous établit dans une pleine indifférence pour tout ce qui n'est pas le bon plaisir divin. Dès lors, dit saint François de Sales, « pourvu que la volonté de Dieu soit faite, l'esprit ne se soucie plus d'autre chose », le cœur est devenu libre. « Il n'est pas attaché aux consolations, mais il reçoit les afflictions avec toute la douceur que la chair peut le permettre. Je ne dis pas qu'il n'aime et qu'il ne désire les consolations, mais je dis qu'il n'engage pas son cœur en icelles. Il n'engage nullement son affection aux exercices spirituels, de façon que, si, par maladie ou autre accident, il en est empêché, il n'en conçoit nul regret. Je ne dis pas aussi qu'il ne les aime, mais je dis qu'il ne s'y attache pas » Jamais il ne les omet, à moins qu’il ne voie la volonté de Dieu en ce sens; mais il les quitte avec une entière liberté, dès que le vouloir divin se manifeste par la nécessité, la charité ou l'obédience. De même, il ne se fâche point contre l'importun qui l'incommode, par exemple en l'interrompant dans sa méditation. Car il ne veut que servir Dieu; et « ce lui est tout un de le faire en méditant ou en supportant le prochain; mais le support du prochain est ce que Dieu veut dé lui au moment présent ». Les choses qui arrivent contre ses inclinations ne l'impatientent pas davantage; il n'est pas engagé dans ses inclinations, il ne veut que le seul bon Plaisir de Dieu. L'habitude du saint abandon lui a donc procuré l'heureuse « liberté des enfants bien-aimés, c'est-à-dire un total désengagement de son cœur pour suivre la volonté de Dieu reconnue ».

 ARTICLE III. -Constance et égalité d'esprit.

L'inégalité d'esprit et l'inconstance de volonté remplissent le monde, pour sa honte et sa désolation. Saint François de Sales fait remonter le mal à cette unique source : c'est que la plupart des hommes se laissent conduire par leurs passions. Ils ne voudraient rencontrer nulle difficulté, nulle contradiction, nulle peine; au contraire, c'est l'inconstance et l'instabilité qui caractérisent les accidents de cette vie mortelle. De là vient que maintenant je suis joyeux, parce que tout me réussit selon ma volonté; tantôt je serai triste, parce qu'il me sera arrivé une petite contradiction que je n'attendais pas. Aujourd'hui que vous avez de la consolation en l'oraison, vous êtes encouragés et bien résolus de servir Dieu; mais demain que vous serez dans la sécheresse, vous serez alangouris et abattus. Vous voulez une chose à présent; plus tard vous en voudrez une autre. Telle personne aujourd'hui vous plaît, demain vous aurez peine à la supporter. Je suis tout feu pour une œuvre de zèle, qui me charme par sa nouveauté ou qui me réussit; mais viennent les contradictions, les insuccès, l'uniformité, je perdrai courage. N'est-ce pas tout naturel, quand on se laisse conduire par ses inclinations, passions et affections ? Si la raison et la foi ne les règlent et ne les maîtrisent, que peut-il en advenir, « sinon une continuelle vicissitude, inconstance, variété, changement, bizarrerie, qui tantôt nous fera fervents, peu après lâches et paresseux ? Nous serons tranquilles une heure, et puis inquiets deux jours ». Mais, ajoute l'aimable Docteur, « ne faisons point comme ceux qui pleurent quand la consolation leur manque, et ne font que chanter quand elle est revenue; en quoi ils ressemblent aux magots, qui sont toujours mornes par un, temps sombre, et ne cessent de gambader quand il fait beau » . Saint Alphonse les compare à la girouette, parce qu'ils « changent sans cesse avec le vent des choses de ce monde; ils sont doux et gais dans la prospérité, impatients et tristes dans l'adversité ; ils n'arrivent jamais à la perfection; et ils mènent une vie malheureuse » .

Mais à mesure qu'on avance dans la sainte indifférence et l'abandon, on se détache de tout les choses, et c'est Dieu seul qu'on cherchera désormais. On a mis sa pleine et entière confiance en ce Père qui est aux Cieux, on s'est habitué à lui rendre une soumission prompte et fidèle. On ne veut plus voir les personnes et les événements qu'en Dieu et dans sa volonté si sage et si sanctifiante. Et par le fait même, on cesse d'être à la merci, de nos passions si changeantes, et d'être emporté comme une paille au moindre souffle de la tempête, On devient ferme dans ses idées, stable dans ses résolutions, persévérant dans ses entreprises, toujours le même dans le calme et la sérénité, Un tel, homme, dit saint Alphonse, « ne s'enfle point de ses succès, il n'est point abattu par ses disgrâces; il sait que tout part également de la main de Dieu. La volonté de Dieu étant la seule règle de ses désirs, il ne fait que ce que Dieu veut, il ne veut que ce que Dieu fait... Il accepte avec une parfaite conformité de volonté toutes les dispositions de la Providence, sans considérer si elles satisfont ou contrarient ses penchants. Les amis de saint Vincent de Paul disaient de lui pendant sa vie : Monsieur Vincent est toujours Vincent. Ils entendaient par là qu'en toutes circonstances, favorables ou contraires, le Saint paraissait toujours également calme, toujours semblable à lui-même; car, s'étant entièrement abandonné entre les mains de Dieu, il vivait sans aucune crainte, et ne désirait autre chose que le bon plaisir du Seigneur » .

« C'est cette très sainte égalité d'esprit que je vous souhaite, disait saint François de Sales à ses Filles. Je ne dis pas l'égalité d'humeur ni d'inclination, je dis l'égalité d'esprit. Car je ne fais, et je désire que vous ne fassiez nul état des tracasseries que fait la partie inférieure de notre âme. Mais il se faut tenir toujours fermes et résolus en la supérieure partie de notre esprit, en une continuelle égalité, ès choses adverses comme ès prospères, en la désolation comme en la consolation, parmi les sécheresses comme parmi les tendretés. Les colombes pleurent comme elles se réjouissent : elles ne chantent toujours qu'un même air. Voyez-les perchées sur la branche où elles pleurent la perte de leurs petits; voyez-les aussi quand elles sont toutes consolées : elles ne changent point d'air, mais elles font le même grommellement pour manifester leur joie et leur douleur. Job nous fournit un exemple sur ce sujet : car il chanta sur un même air tous les cantiques qu'il a composés. Lorsque Dieu faisait multiplier ses biens, et lui envoyait à souhait selon qu'il l'eût pu désirer en cette vie, que disait-il, sinon le nom de Dieu soit béni ? C'était son cantique d'amour en toute occasion. Réduit à l'extrémité de l'affliction, que va-t-il faire ? Il chante son cantique de lamentation sur le même air que son cantique de réjouissance : Le Seigneur, dit-il, m'avait donné des enfants et des biens; le Seigneur me les a ôtés, son saint nom soit béni ! Toujours le nom de Dieu soit béni ! Ainsi puissions-nous, en toutes occasions, prendre les biens, les maux, les consolations et les afflictions, de la main du Seigneur, ne chantant toujours que le même cantique très aimable : le nom de Dieu soit béni, toujours sur l'air d'une continuelle égalité » .

Cette égalité si suave et si désirable, saint François de Sales la possédait pleinement; et sainte Jeanne de Chantal va nous apprendre où il l'avait trouvée : « Sa méthode, dit-elle, était de se tenir très humble, très petit, très abaissé devant Dieu, avec une singulière révérence et confiance, comme un enfant d'amour. Je crois qu'en ses dernières aimées, il ne voulait, il n'aimait, il ne voyait plus que Dieu en toutes choses; aussi le voyait-on absorbé en Dieu, et il disait qu'il n'y avait plus rien au monde qui pût lui donner du contentement que Dieu. De cette union si parfaite procédait cette générale et universelle indifférence que l'on voyait ordinairement en lui. Et certes, je ne lis point ces chapitres qui en traitent, au IXe  livre de l'Amour divin, que je ne voie clairement qu'il pratiquait ce qu'il enseignait, selon les occasions. Ce document si peu connu, et toutefois si excellent : ne demandez rien, ne désirez rien, et ne refusez rien, lequel il a pratiqué si fidèlement jusqu'à l'extrémité de sa vie, ne pouvait partir que d'une âme entièrement indifférente et morte à soi-même. Son égalité d'esprit était incomparable; car qui l'a jamais vu changer de posture en nulle sorte d'action ? Je l'ai cependant vu recevoir de rudes attaques. Ce n'était pas qu'il n'eût de vifs ressentiments, surtout quand Dieu était offensé, et le prochain opprimé. On le voyait, en ces occasions, se taire et se retirer en lui-même avec Dieu; et il demeurait là en silence, ne laissant toutefois de travailler, et promptement, pour remédier au mal avenu; car il était le refuge, le secours et l'appui de tous » . Heureuses les âmes qui possèdent cette constante égalité ! Et qu'il fait bon vivre avec elles !

ARTICLE IV. - Paix et joie.

Le saint abandon ne procure pas seulement la précieuse liberté des enfants de Dieu, et une suave égalité d'âme, parmi l'instabilité des choses humaines et les divers accidents de la vie. Il apporte encore une paix profonde, et la joie intérieure, qui sont le vrai bonheur ici-bas.

« C'est par la parfaite conformité de notre volonté à celle de Dieu, dit le P. Saint-Jure, que l'on acquiert le plus parfait repos qu'il soit possible de goûter dans le temps; c'est le moyen de faire de la terre un paradis. On demanda à Alphonse le Grand, roi d'Aragon et de Naples, prince très sage et très instruit, quelle était la personne qu'il croyait la plus heureuse dans ce monde. Celle, répondit ce prince, qui s'abandonne entièrement à la conduite de Dieu, et qui reçoit tous les événements, heureux ou malheureux, comme venant de sa main » . Mgr Gay ajoute : « Acquiesce à Dieu, dit Éliphaz à Job, et tu auras « la paix », mais une paix que l'Écriture déclare ailleurs intarissable, une paix qui est comme un fleuve et qui coule à pleins bords. Les pacifiques, c'est-à-dire ceux qui ont un tel trésor de paix qu'ils la répandent tout autour d'eux, ce sont les enfants de Dieu; et les enfants de Dieu par excellence, ce sont les âmes abandonnées. Ce peuple de mes fidèles, ce peuple des petits, des enfants, des abandonnés, « il s'assoira dans la beauté de la paix, sous les tentes de la confiance, et dans un magnifique repos où il aura tout à souhait ». David demeurait sous ces tentes et jouissait de ce repos, quand il chantait ce doux psaume qu'on pourrait bien nommer l'hymne de l'abandon : « Le Seigneur me conduit, rien ne me manquera; il m'a établi au lieu des plus gras pâturages, au bord d'un ruisseau où coule une eau qui vivifie. Il a tourné vers lui toute mon âme. A cause de son nom, qui est son Fils unique Jésus, il a conduit mes pas dans les sentiers de la justice ». Et maintenant, ô mon Maître, ô mon guide, ô Providence ma mère, « quand bien même je devrais traverser les ombres de la mort, je ne craindrais aucun mal, parce que tu es avec moi. Ta houlette (qui me montre la voie), ton bâton même (qui me frappe pour me ramener quand je m'égare), tout m'est bon, tout m'est consolant »... Oui, l'abandon produit la paix, une paix profonde, parfaite, et (pour ainsi dire) imperturbable » .

« Certainement, dit le P. Saint-Jure, les âmes qui suivent cette voie (du saint abandon) jouissent d'un calme inaltérable et passent leur vie dans une paix qu'elles seules peuvent comprendre, et qu'on ne saurait trouver ailleurs sur la terre. Sainte Catherine de Sienne rapporte que Notre-Seigneur lui enseigna à bâtir une retraite dans son cœur avec la pierre très dure de la Providence divine, et à s'y tenir constamment enfermée, parce que par ce moyen elle était assurée d être bienheureuse, de trouver le parfait repos de l'âme, et d'être à l'abri de toutes les tribulations et de tous les orages. Et, en effet, peut-on se figurer un état plus heureux que celui où l'âme est portée, se repose et s'endort comme un enfant dans les bras amoureux et tout-puissants de la Providence divine » ? Voulez-vous une autre image bien claire du bonheur de cette âme ? Considérez Noé pendant le déluge : «Il était en paix dans l'arche avec les lions, les tigres et les ours, parce que Dieu le conduisait, tandis que tous les autres, parmi la plus étrange confusion de corps et d'esprit, étaient engloutis impitoyablement dans les flots, Ainsi l'âme qui s'abandonne à la Providence, qui lui laisse le gouvernail de sa barque, jouit d'une paix parfaite au milieu de tous les troubles, elle vogue avec tranquillité sur l'océan de cette vie; tandis que les « âmes indisciplinées », esclaves fugitifs et rebelles à la Providence, sont dans des agitations continuelles, et n'ayant pour pilote que leur volonté inconstante et aveugle, après avoir été longtemps le jouet des vents et de la tempête, elles finissent par un triste naufrage» .

En effet, dit Mgr Gay, « qu'est-ce qui vous trouble ? Je ne parle pas du trouble qui agite les surfaces : il suffit d'être sensible pour n'en pouvoir pas être exempt; mais je parle du trouble qui atteint le fond de l'âme et y ébranle les vertus. Qu'est-ce qui le cause ? Sont-ce jamais les ordres qu'on vous donne ou les accidents qui surviennent ? Non; car cette croix qui vous ôte la paix, la laisse entière à votre sœur. D'où vient cela ? C'est que la volonté de votre sœur est abandonnée, la vôtre se garde et fait résistance. Le trouble vient donc uniquement de la volonté propre et de l'opposition qu'elle fait à Dieu. C'est elle qui cause tant d'agitations et d'inquiétudes; l'abandon les rend impossibles » .

En effet, les âmes abandonnées ont réussi à fondre leur volonté en celle de Dieu; et, par suite, rien ne leur survient contre leurs désirs, rien ne choque leurs sentiments, parce qu'il ne leur arrive rien qu'elles ne veuillent ainsi. « Pour moi, dit Salvien, personne au monde n'est plus heureux que ces âmes. Elles sont humiliées, méprisées; mais elles veulent bien l'être. Elles sont pauvres; mais elles se plaisent dans leur pauvreté. C'est pourquoi elles sont toujours contentes . « Quoi qu'il arrive au juste, dit le Sage, rien ne le contristera » , rien n'altérera la paix et la sérénité de son esprit, parce qu'il a mis sa confiance en Dieu, et qu'il a d'avance accepté tout ce que voudra le bon Maître. Évidemment, ce n'est pas la paix du ciel, mais celle d'ici-bas. Dieu ne veut sur la terre ni bonheur parfait, ni félicité durable; nous ne pouvons fuir la tribulation, la croix nous poursuivra; partout. Mais le saint abandon nous apprend la grande science de la vie et l'art d'être heureux en ce monde, qui consiste à savoir souffrir : savoir souffrir ! c'est-à-dire souffrir comme il faut, souffrir tout ce que Dieu veut, tant qu'il le veut, et comme il veut, par esprit de foi, avec amour et confiance. Il nous apprend à nous reposer entre les bras de la croix, par conséquent dans les bras de Jésus, et sur le cœur de Jésus. On y trouve plus que la paix, on y goûte la joie.

« Il n'est pas absolument rare, dit Mgr Gay, que cette joie soit sensible. D'autres fois, et le plus souvent, elle demeure exclusivement spirituelle ». En tout cas, le saint abandon produit la joie de l'âme. « Ce serait bien assez pour cela qu'il assurât la liberté et qu'il donnât la paix; car de quoi se réjouira-t-on, sinon d'être libre et paisible, libre dans la vérité; libre dans l'amour, et paisible en sa liberté ? Et au contraire, sans la liberté et la paix, quelle joie peut-on goûter ou même concevoir » ? Voulez-vous un secret pour être constamment joyeux ? Je dis un secret; car tout le monde veut la joie, et combien peu la trouvent ! Eh bien ! le meilleur secret pour y parvenir et s’y maintenir, un secret vraiment infaillible, c'est le saint abandon. Comment cela ? Les autres âmes ont encore trop peu de foi, de confiance et d'amour, pour goûter la joie dans la tribulation. Mais celles qui sont parvenues à la conformité parfaite ont une foi vive, une espérance ferme, une charité généreuse. Elles ont appris à voir dans les moindres événements leur Père des Cieux, le Sauveur, l’Ami, l'époux, le bien-aimé, tout occupé de les sanctifier. Elles lui ont donné sans réserve leur confiance et leur amour. N'est-il pas le souverain Maître des événements ? En les combinant, pourrait-il oublier son rôle de Père et de Sauveur ? Tout sera donc pour le mieux de leur âme, pourvu qu'elles restent filialement soumises. Comment ne seraient-elles pas dans la joie ? Aux six jours de la création, Dieu contemple les œuvres de ses mains; il les voit toutes bonnes, et même excellentes; c'est pourquoi il les regarde avec une joyeuse satisfaction. « Il se fait de même, en l'âme abandonnée; je ne sais quelle effusion de cette joie divine; car le fond de son abandon, c'est justement l'approbation aimante qu'elle donne à tout ce que Dieu fait et veut, et la complaisance qu'elle prend en tous ses bons plaisirs » .

« Voilà, dit le P. Rodriguez, tout le secret du calme parfait et de la joie inaltérable, qui transpiraient sur le visage, dans les paroles et dans les actions des Saints des siècles passés, tels qu'un saint Antoine, un saint Dominique, un saint François d'Assise. Le même privilège fut, assure-t-on, accordé à saint Ignace, et il distingue ordinairement tous les vrais serviteurs de Dieu. Mais, dira-t-on, ces grands Saints étaient peut-être exempts de toutes les misères de la vie; peut-être n'étaient-ils point sujets aux infirmités corporelles; peut-être n'avaient-ils aucune tentation à combattre, aucune peine à supporter; peut-être, enfin, Dieu éloignait-il de la voie de ces zélés serviteurs toute cause d'affliction et de chute ? Erreur. La croix des Saints est plus pesante que celle des autres hommes; les tribulations, les mépris et les souffrances sont leur partage ici-bas, et leur couronne est tressée d'épines. Dieu réserve les plus rudes épreuves aux âmes qu'il aime le plus. Mais ces hommes étaient parvenus à conformer entièrement leur volonté à celle de Dieu. Les peines, les mortifications, les tentations même, tout devenait pour eux une cause de joie et de consolation, parce qu'ils savaient que tout était l'œuvre de la volonté divine, dans laquelle ils avaient mis toute leur félicité » . Ils étaient ingénieux à trouver mille saintes raisons pour approuver Dieu jusque dans ses rigueurs, et pour s'animer 'à une confiante et joyeuse soumission.

Écoutons le bienheureux curé d'Ars : « C'est la croix qui a donné la paix au monde, c'est elle qui doit la porter dans nos cœurs. Toutes nos misères viennent de ce que nous ne l'aimons pas. C'est la crainte des croix qui augmente les croix. Une croix portée simplement n'est plus une souffrance . Rien ne nous rend plus semblables à Notre-Seigneur que de porter sa croix. Toutes les peines sont douces, quand on souffre en union avec lui. Je ne comprends pas comment un chrétien peut ne pas aimer la croix, et la fuir ! N'est-ce pas fuir en même temps Celui qui a bien voulu y être attaché et y mourir pour nous ? Les contradictions nous mettent au pied de la croix, et la croix à la porte du Ciel. Pour y arriver, il faut qu'on nous marche dessus, que nous soyons vilipendés, méprisés, broyés. Souffrir ! qu'importe ? Ce n'est qu'un moment. Si nous pouvions aller passer huit jours dans le ciel, nous comprendrions le prix de ce moment de souffrance; nous ne trouverions pas de croix assez lourde, pas d'épreuve assez amère. La croix est le don que Dieu fait à ses amis. Il faut demander l'amour des croix, alors elles deviennent douces. J'en ai fait l'expérience pendant quatre ou cinq ans. J'ai été bien calomnié, bien contredit, bien bousculé. Oh!  j'avais des croix, j'en avais presque plus que je n'en pouvais porter ! Je me mis à demander l'amour des croix; alors je fus heureux; je me dis : Vraiment, il n'y a de bonheur que là ! Il ne faut jamais regarder d'où viennent les croix : elles viennent de Dieu. C'est toujours Dieu qui nous donne ce moyen de lui prouver notre amour. Oh! quand viendra le jour du jugement, que nous serons heureux de nos malheurs, fiers de nos humiliations, et riches de nos sacrifices »  !

Pour Gemma Galgani, une journée sans souffrance était une journée perdue. « II y a eu des jours, disait-elle en se lamentant, où je n'ai rien eu le soir à offrir à Jésus. Oh! que j'étais malheureuse »! Au cours d'une longue tribulation qui durait encore, Notre-Seigneur lui ayant demandé si elle avait bien souffert : « Avec vous, lui répondit-elle, il fait si bon souffrir »  !

« Je viens de réciter mon chapelet, écrivait une religieuse à son directeur, pour remercier le bon Dieu de m'avoir jetée dans le creuset des souffrances. Ce matin après la Communion, j'ai entonné le Magnificat. Je n'ai plus de consolation que de souffrir avec Jésus et pour Jésus, s'il veut bien accepter mes souffrances. Souffrir, encore souffrir, et souffrir davantage; c'est là ma prière continue ».

Minée par la maladie, tourmentée par la fièvre, Sœur Élisabeth de la Trinité écrivait dans ses derniers jours : « C'est la route du Calvaire qui s'est ouverte pour moi, et je suis tout heureuse d'y marcher, comme une épouse à côté du divin Crucifié. Oh ! si vous saviez les jours divins qui s'écoulent pour moi ! Je m'affaiblis et sens que le divin Maître ne tardera plus à venir me chercher. Je goûte, j'expérimente des joies inconnues; les joies de la douleur, qu'elles sont suaves et douces ! Je me crois déjà un peu au ciel, en cette petite cellule, seule avec Dieu seul, portant ma croix avec mon Maître bien-aimé; mon bonheur grandit à proportion de ma souffrance. Si vous saviez quelle saveur on trouve au fond du calice préparé par le Père des Cieux »  !

« Depuis que je ne me recherche jamais, disait Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus, je mène la vie la plus heureuse qu'on puisse voir ». Et, de fait, la souffrance était devenue son ciel sur la terre; elle lui souriait comme nous sourions au bonheur. « Quand je souffre beaucoup, disait-elle, quand il m'arrive des choses pénibles, au lieu de prendre un air triste, j'y réponds par un sourire. Au début, je ne réussissais pas toujours; mais maintenant j'en suis venue à ne plus pouvoir souffrir, parce que toute souffrance m'est douce ». Pourquoi êtes-vous si gaie ce matin ? C’est parce que j’ai eu deux petites peines; rien ne me donne de petites joies comme les petites peines ». « Vous avez eu bien des épreuves aujourd'hui ? Oui, mais puisque je les aime ! J'aime tout ce que le bon Dieu me donne. Mon cœur est plein de la volonté de Jésus » .

Écoutons maintenant Tauler, dans son fameux Dialogue du théologien et du mendiant . « Un théologien (c'était Tauler lui-même) pria Dieu, huit années durant, de lui faire voir un homme qui lui montrât la voie de la vérité. Un jour qu'il brûlait de ce désir plus ardemment que jamais, une voix du Ciel se fit entendre et lui dit : Sors et va sur les marches de l'église, tu y trouveras l'homme qui t'enseignera la voie de la vérité. Il sort donc, et trouve un mendiant, dont les pieds étaient blessés, nus et boueux, et dont les vêtements ne valaient pas trois oboles. Il le salua en disant : Que Dieu vous accorde un bon jour. Le mendiant lui répond: Je ne me souviens pas d'avoir jamais eu un mauvais jour. Que Dieu vous rende heureux, reprend le Maître. Et le pauvre de lui repartir : Mais je n'ai jamais été malheureux. Dieu vous bénisse, répliqua le théologien; mais parlez plus clairement, car je ne comprends pas ce que vous dites. Je le ferai volontiers, dit le pauvre. Vous m'avez souhaité d'avoir un bon jour, je vous ai répondu que je ne me souviens pas d’en avoir jamais eu un mauvais; en effet, quand la faim me presse, je loue Dieu; si je souffre du froid, si la grêle, la neige ou la pluie tombent, si le temps est au calme ou à la tempête, je loue Dieu; lorsque je suis dans le besoin, dans les rebuts et les mépris, je loue Dieu encore; et, par suite, il ne m'arrive jamais un mauvais jour. Vous m'avez souhaité ensuite une bonne et heureuse vie, et je vous ai répondu que je n'avais jamais été malheureux; et cela est vrai, parce que je sais vivre avec Dieu, et je suis certain que tout ce qu'il fait ne peut être que très bon. C'est pourquoi, quelque chose que je reçoive de Dieu, ou qu'Il permette que je reçoive d'ailleurs, prospérité ou adversité, douceur ou amertume, je le regarde comme une heureuse fortune, et je l'accepte avec joie de sa main. Du reste, je suis bien décidé à ne m'attacher qu'à la seule volonté de Dieu, et j'ai tellement fondu ma volonté dans la sienne, que tout ce qu'il veut, je le veux aussi. En conséquence, je n'ai jamais été malheureux. Mais que diriez-vous, je vous prie, si Dieu voulait vous jeter au fond de l'abîme ? Me jeter au fond de l'abîme ? Si Dieu voulait en venir là, j'ai deux bras, dont je le tiendrais étroitement enlacé : du bras gauche qui est la vraie humilité, je prends sa très sainte Humanité et m'y attache; du bras droit qui est l'amour, je saisis sa divinité, et la tiens étroitement enserrée; de sorte que s'il voulait me précipiter dans l’enfer, il faudrait qu'il y vînt avec moi, et j'aimerais beaucoup mieux être en enfer avec lui qu'au Ciel sans lui. Par là, le théologien comprit que la vraie résignation jointe à une profonde humilité est le chemin le plus court pour aller à Dieu. D'où venez-vous ? dit encore le théologien. Je viens de Dieu. Où l'avez-vous trouvé ? Je l'ai trouvé là où j'ai laissé toutes les créatures. Où fait-il sa résidence ? -Dans les cœurs purs et les hommes de bonne volonté. Qui êtes-vous donc ? Je suis roi. Où, est votre royaume ? Il est dans mon âme, parce que j'ai appris à gouverner mes sens extérieurs et intérieurs, de manière que toutes les affections et toutes les puissances de mon âme me soient soumises; et cette royauté, personne n'en doutera, vaut mieux que toutes celles de la terre. Qu'est-ce donc qui vous a fait atteindre cette sublime perfection ? Mon silence, de profondes méditations, et l'union à Dieu. Je n'ai pu prendre aucun repos en tout ce qui n'est pas lui; et maintenant j'ai trouvé mon Dieu, et je possède en lui un parfait repos et une paix inaltérable ». « Telle fut la conversation de Tauler avec ce mendiant, qui, par la conformité entière de sa volonté avec celle de Dieu, était plus riche dans sa pauvreté que les monarques, et plus heureux dans ses souffrances que ceux pour le contentement desquels les éléments et la nature entière travaillent ».

ARTICLE V. Sainte mort et puissance auprès de Dieu.

A mesure que l'âme avançait dans le saint. abandon, elle a progressé de même dans le détachement de toutes choses pour ne s'attacher qu’à Dieu seul; la foi, la confiance, l'amour et toutes les vertus ont pris en elle de vastes proportions; l'union de sa volonté à celle de Dieu est allée se resserrant de jour en jour. Elle marche à grands pas dans les voies de la perfection. Une sainte vie prépare une sainte mort, et la rend pour ainsi dire assurée. La persévérance finale est toujours la grâce des grâces, le don gratuit par excellence. Mais il n'y a rien de comparable au saint abandon, pour incliner notre Père des Cieux à nous accorder cette grâce décisive. Il poursuit le pécheur; pourrait-il rejeter une âme qui ne vit que d'amour et de filiale soumission ? Qu'elle se maintienne dans cette voie jusqu'à la fin, et la voilà sauvée, mais sauvée à la façon des Saints. Même en parlant des chrétiens ordinaires, le pieux Evêque de Genève avait coutume de dire : « Il est impossible au Dieu tout-puissant de perdre une âme qui, en sortant de son corps, a sa volonté soumise à la volonté divine. Telle que notre volonté se trouve à l'heure de notre trépas, elle demeure éternellement. Comme l'arbre tombe, il reste. Aussi, quand il assistait un mourant, il bandait tous ses efforts pour faire qu'il soumit entièrement sa volonté à celle de Dieu, et ne lui parlait presque pas d'autre chose » .

La mort nous prendra nos biens et notre situation, nos proches et même notre corps. Autant de séparations cruellement déchirantes pour les âmes attachées; on ne les ressent pas de même, quand on est bien affermi dans l'abandon. Celui-ci nous a rendus indifférents par vertu à tout ce que la mort nous ôtera par force; elle peut venir quand elle voudra, le sacrifice est déjà fait dans le cœur, on ne tient plus à rien de ce qu'elle nous enlève; on ne veut que Dieu seul, et précisément elle va nous le donner pour toujours.

Elle arrive avec un terrible cortège de souffrances et de tentations. C'est le combat suprême et l'épreuve douloureuse entre toutes. Mais rien n'y prépare comme le saint abandon, parce qu'il nous a formés à tout recevoir de la main de Dieu avec amour et confiance, et à faire bravement notre devoir jusque sous le faix de la croix, en nous appuyant sur la puissance et la bonté de Dieu. Voilà pourquoi Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus a pu dire avec une légitime assurance : « Je n'ai nullement peur des derniers combats, ni des souffrances de la maladie, si grandes soient-elles. Le bon Dieu m'a toujours secourue : il m'a aidée et conduite par la main dès ma plus tendre enfance... je compte sur lui. La souffrance pourra atteindre les limites extrêmes, mais je suis sûre qu'il ne m'abandonnera jamais » .

Même pour les plus saintes âmes, c'est une chose souverainement impressionnante, que le passage du temps à l'éternité. « Comme l'heure à laquelle je me trouve est solennelle ! disait alors Sœur Élisabeth de la Trinité. L'au-delà est saisissant; il me semblait l'habiter déjà depuis longtemps, et cependant c'est l'inconnu... J'éprouve un sentiment indéfinissable, quelque chose de la justice, de la sainteté de Dieu.

Je me trouve si petite, si dépourvue de mérites ! Comme il faut porter les agonisants à la confiance » ! « Oh! comme il faut prier 'pour les agonisants! Si l'on savait ! » disait aussi Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus; et de fait, après une vie si pure et si sainte, elle entendait une voix maudite lui chuchoter : « Es-tu sûre d'être aimée de Dieu ? Est-il venu te le dire » ? Et elle demeura plusieurs jours dans une angoisse inexprimable . « 0 mon Père, disait à son confesseur sainte Jeanne de Chantal mourante, mais je vous assure que les jugements de Dieu sont effroyables » ! Il lui demanda si elle avait peur. « Non pas, dit-elle; mais je vous assure que les jugements de Dieu sont terribles » ! C'est le cri de la nature aux abois; c'est le saisissement de ce moment décisif, infiniment solennel; c'est l'angoisse d'une conscience délicate, alarmée par son humilité même. Une âme qui vit du saint abandon triomphera mieux de cette crainte. Elle ne néglige aucun moyen de parfaire sa préparation ; mais surtout elle pense qu'elle va voir enfin son Père, son Ami, le Bien-Aimé, Celui en qui elle a mis toutes ses complaisances, le Dieu de son cœur auquel elle n'a cessé de donner sa vie goutte à goutte; elle repasse avec une douce émotion les preuves sans nombre de son amour, ses miséricordes, ses tendresses ineffables; elle sent qu'elle, l'aime du fond de son âme et qu'elle en est encore, plus chérie. Oh! qu'elle est heureuse de lui dire, avec le Psalmiste, à cette heure si grave et si décisive: « C'est vous qui êtes mon Dieu, et mon sort est entre vos mains » ! Bref, elle a vécu d'amour et de confiance, elle meurt dans l'amour et la confiance. Après une vie si remplie de peines intérieures, sainte Jeanne de Chantal et saint Alphonse de Liguori font la mort la plus douce. Peut-être Dieu voudra-t-il nous garder sur la croix jusqu'au bout. Mais il n'est pas rare de voir les âmes d'abandon trépasser sans aucune frayeur, et s'en aller dans leur éternité, tranquilles et joyeuses, comme un enfant qui rentre au foyer paternel, comme le, religieux qui va chanter le saint office. Telle fut la fin de la bienheureuse Marie-Madeleine Postel : « Il n'y aura dans sa mort aucune faiblesse, aucune frayeur. Après avoir été si parfaitement soumise à la volonté divine d'un bout à l'autre de sa longue carrière, elle ne pouvait cesser de l'être au jour décisif. Ses dernières heures seront donc pleines de calme, de confiance et d',abandon. Le chapelain l'invite à offrir le sacrifice de sa vie : « Rien ne me coûte, dit-elle; que la: volonté « du bon Dieu soit faite en toutes choses » ! Ses Filles, ravies de son calme et de sa paix, lui demandent si elle est heureuse. « Ah ! si je suis heureuse » ! Et son visage était tout rajeuni; elle paraissait radieuse, comme une âme qui s'envole au ciel; elle ne cessait point de s'unir à son Bien-Aimé par des actes de foi et par, d'amoureuses aspirations » .

A cette heure décisive, on ne se trouvera jamais ni assez pur, ni assez riche de mérites. C'est vrai. Mais rien ne vaut le saint abandon pour rendre pleinement fructueuse la suprême épreuve. Oh! combien l'on gagne, en supportant avec une amoureuse patience le dur travail de la destruction, en recevant de la main de Dieu, avec une filiale confiance, le coup de la mort ! C'est une magnifique gerbe de mérites, après tant d'autres, et ce sera la plus chargée de bon grain. C'est encore une offrande très agréable à la justice divine, et peut-être une satisfaction suffisante pour nos péchés. Au dire de saint Alphonse, « accepter la mort que Dieu nous présente, pour nous conformer à sa volonté, c'est mériter une récompense semblable à celle des martyrs: ils ne sont estimés tels que parce qu'ils ont accepté les tourments et la mort pour plaire à Dieu. Celui qui meurt en se conformant à la divine volonté fait une mort sainte; et celui qui meurt dans une plus grande conformité fait une mort plus sainte. Le P. Louis de Blois assure qu'à la mort, un alite d'e parfaite conformité nous préserve, non seulement de l'enfer, mais encore du purgatoire »

Au moins; n'est-ce pas un sujet d'angoisse, d'abandonner, dans l'exil, le danger, le besoin peut-être, tout ce qu'on a le plus aimé après Dieu : sa famille naturelle, sa Communauté, des êtres chéris qui se reposaient sur nous? La bienheureuse Marie-Madeleine laisse une Congrégation à peine fondée et dans le plus grand dénuement; mais elle « n'avait été pendant sa vie que l'instrument de la Providence, elle meurt sans préoccupation au sujet de sa Communauté; n'ayant jamais compté sur un bras de chair, à ses derniers moments, elle ne compte encore que sur le Seigneur » . Tous ceux qu'on aimait selon Dieu, on ne cesse pas de les aimer au Ciel; bien loin de là : l'affection devient plus forte et plus éclairée; on est mieux placé pour veiller sur eux, et pour prendre en mains leurs intérêts véritables. N'est-ce pas Dieu qui est le Souverain Maître de leur sort ? Et qui donc est puissant près de lui, comme une âme qui n'a vécu que de son amour, dans une constante fidélité à accomplir toutes ses volontés signifiées dans un parfait abandon à son bon plaisir ? Il nous a déclaré lui-même « qu'il fera la, volonté de ceux qui le craignent, et qu'il exaucera leur prière » . Aucune parole n'est plus encourageante que celle-là : faisons la volonté de Dieu, il fera la nôtre; faisons tout ce qu'il veut, il fera tout ce que nous voudrons, C'est de là que vient la puissance d'intercession des âmes qui vivent dans une amoureuse et parfaite conformité : elles ne refusent rien à Dieu, Dieu ne leur refusera rien. La puissance de leur prière, sur la terre et au ciel, sera toujours en rapport avec leur degré d'amour, d'obéissance et d'abandon; et, s'il plaît à Dieu de glorifier quelques âmes parmi les meilleures, ne cherchons pas ailleurs l'explication de son choix.

Voilà pourquoi Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus est la grande thaumaturge de nos jours. A la fin de sa vie, elle semble avoir conscience de sa mission, elle en révèle plus d'une fois les secrets : « Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre, Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses, Je sens que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je l’aime, de donner ma petite voie aux âmes ». « Quelle petite voie voulez-vous donc enseigner »? « C'est la voie de l'enfance spirituelle, c'est le chemin de la confiance et du total abandon ». Écoutons maintenant la raison qu’elle met en avant : « Je n'ai donné au bon Dieu que de l'amour, il me rendra de l'amour. Il fera toutes mes volontés au Ciel, parce que je n'ai jamais fait ma volonté sur la terre » .

Terminons par un trait qu'on trouve partout, mais qui nous appartient spécialement : le héros est, en effet, un frère convers de notre Ordre, le bienheureux Aignan d'Éberbach, et le narrateur est aussi l'un des nôtres, le bienheureux Césaire, prieur d'Heisterbach . Dans le monastère d'Eberbach vivait un saint frère, qui se distinguait surtout par l'obéissance et la simplicité. Dieu lui accorda si abondamment le don des miracles, qu'au seul attouchement de sa ceinture ou de ses habits les malades étaient guéris de toutes leurs infirmités. Étonné d'une faveur aussi singulière, et ne voyant en ce frère aucune marque particulière de sainteté, son Abbé lui demanda un jour, comment il s'expliquait à lui-même que Dieu opérât tant de merveilles par son entremise. Je n'en sais rien, lui répondit ce frère; je ne prie, je ne veille, je ne travaille, je ne jeûne pas plus que mes frères; tout ce que je sais, c'est qu'en chaque rencontre, triste ou heureuse, j'adore la volonté du bon Dieu. J'ai toujours eu grand soin de vouloir en toutes choses ce que Dieu voulait, et il m'a fait la grâce de tenir ma volonté totalement abandonnée à la sienne. La prospérité ne m'élève point, je ne suis pas abattu dans l'adversité; car je prends tout indifféremment comme de la main de Dieu, et l'unique fin de mes oraisons, c'est que sa sainte volonté s'accomplisse parfaitement en moi et dans toutes les créatures. Mais, reprit l'Abbé, n'avez-vous pas senti l'autre jour un peu d'émotion, lorsqu'une main malveillante a mis le feu à la grange, et détruit nos moyens de subsistance ? Non, mon Père; j'en ai même rendu grâces à Dieu, comme j'ai coutume de faire en pareil cas, persuadé que le Seigneur ne fait ou ne permet rien qui ne soit pour sa gloire et pour notre plus grand bien; ainsi, quoiqu'il arrive, je suis toujours content.

Après cette réponse, qui montre une conformité si parfaite à la volonté de Dieu, l'Abbé ne fut plus étonné de voir que son religieux opérait tant de prodiges .

   

Pour toute suggestion, toute observation ou renseignement sur ce site,
adressez vos messages à :

 voiemystique@free.fr