CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

Dom Vital LEHODEY
Ancien Abbé de Notre-Dame de Grâce
1857-1948


 

CHAPITRE V
L'ABANDON DANS LES BIENS DE L'OPINION

ARTICLE PREMIER. - Réputation.

Notre réputation nous est chère, et spécialement vis-à-vis de nos Supérieurs et de la Communauté. Nous attachons le plus haut prix à leur estime et à leur confiance; nous pouvons d'ailleurs en avoir besoin pour l'exercice de notre charge. Or il n'est pas rare que, pour un motif légitime ou coupable, à tort ou à raison, les langues se déchaînent contre nous; et ce n'est pas une petite épreuve. Le Psalmiste s'en plaint maintes fois à Dieu : il connaissait bien « la contradiction des langues », « les enfants des hommes, dont les dents sont des armes et des flèches et la langue un glaive affilé », «  les langues méchantes ou trompeuses; semblables à des charbons dévorants, à des flèches aiguës lancées par un bras vigoureux » .

S'il arrive que leurs traits, décochés dans l'ombre ou à découvert, blessent notre réputation, nous devons toujours en supporter patiemment l'atteinte, et nous conformer au bon plaisir divin. Derrière les hommes, en effet, il faut voir Dieu seul dont ils sont les instruments, qu'ils en aient conscience ou non. Il leur demandera compte de chaque parole et leur rendra selon leurs œuvres. Mais, en attendant; il veut mettre à contribution le zèle, l'étourderie, la malignité même, pour nous éprouver. Notre réputation lui appartient; il a le droit d'en disposer comme il lui plaît. Nous croyons en avoir besoin pour l'exercice de notre charge; il sait mieux que nous ce qui convient aux intérêts, de sa gloire, au bien des âmes, a notre avancement spirituel. S'il a résolu de nous éprouver de ce côté, il est maître de choisir à cette fin tel instrument qu'il voudra. Malgré les plaintes et les récriminations de la nature, oublions délibérément les hommes pour ne voir que Dieu seul; et, baisant avec une filiale soumission sa main qui nous frappe dans un dessein d'amour, appliquons-nous à cueillir tous les fruits que l'épreuve peut nous donner.

Ces tribulations nous fournissent, en effet, des occasions rares de grandir en beaucoup de solides vertus. L'âme, en se détachant de sa réputation, s'élève au-dessus de l'opinion des hommes jusqu'à Dieu seul, pour le servir avec une intention parfaitement pure. L'humilité prend de la force et s'enracine profondément, quand elle agrée cette dure épreuve; c'est bien alors que le juste se méprise et qu'il accepte d'être méprisé des autres. On s'affermit dans la douceur, en étouffant les révoltes de la colère; dans la patience, en modérant la tristesse, que font naître ces injustices. Elle est belle et sublime la charité, qui pardonne tous les torts, qui aime ses ennemis, parle d’eux sans amertume, et rend le bien pour le mal!  La confiance en Dieu s'épanouit dans la tranquillité avec laquelle on porte sa croix, et l'amour de Notre-Seigneur dans la fidélité à le servir comme de coutume . Un doux fruit de cette amère épreuve sera souvent de vaincre le mal par le bien, et toujours, de goûter la béatitude promise à ceux qui sont parfaitement doux, miséricordieux et pacifiques .

Dieu veut par là nous rendre humbles de cœur, suivant l'exemple et les leçons de l'Agneau et de ses amis fidèles. «  Y eut-il jamais réputation déchirée comme celle de Jésus-Christ ? De quelles injures n'a-t-il pas été attaqué ? De quelles calomnies chargé ? Cependant le Père lui a donné un nom par-dessus tout nom, et l'a exalté d'autant plus qu'il a été abaissé. Et les Apôtres ne sortaient-ils pas joyeux des assemblées, où ils avaient reçu des affronts pour le nom de Jésus ? Mais c'est gloire de souffrir pour un si digne sujet ! Je l'entends bien, nous le voulons que des persécutions illustres, afin que notre vanité brille parmi nos souffrances; nous voudrions être crucifiés glorieusement.  A votre avis, quand les martyrs ont enduré tant de cruels supplices, étaient-ils loués des spectateurs de leurs tourments ? Au contraire, n'en étaient-ils pas maudits et tenus en exécration ? Eh ! qu'il y a peu de gens qui veuillent faire litière de leur réputation, afin d'en avancer la gloire de Celui qui est mort si ignominieusement sur la croix, pour nous porter à une gloire qui n'aura pas de fin » (2).

Ainsi parle saint François de Sales, et il ajoute: « Qu'est-ce donc que la réputation, pour que tant de gens se sacrifient à cette idole ? Après tout, c'est un songe, une ombre, une opinion, une fumée, une louange dont la mémoire périt avec le son; une estime souvent si fausse, que plusieurs s'étonnent de se voir blâmés de défauts qui ne sont nullement en eux, et loués de vertus quand ils savent bien qu'ifs ont les vices opposés » .  On venait parfois dire au saint Evêque qu'on parlait mal de lui, qu'on avançait des choses étranges et scandaleuses. Au lieu de se défendre, il répondait : « Ne disent-ils que cela ? Oh! vraiment ils ne savent pas tout; ils me flattent, ils m'épargnent; je vois bien qu'ils me souhaitent meilleur que je ne suis. Dieu soit béni ! Il faut se corriger; si je ne mérite pas d'être repris en ceci, je le mérite en beaucoup d’autres choses; c'est toujours miséricorde que je le sois si bénignement » .

Si parfaits pourtant que soient notre détachement de la réputation, et notre abandon à Dieu en ce qui la concerne, nous ne manquerons pas d'en avoir un soin raisonnable. C'est l'expresse recommandation du Sage , et, par conséquent, la volonté de Dieu signifiée. La bonne réputation, dit saint François de Sales, « est l'un des fondements de la société humaine; sans elle, nous sommes non seulement inutiles, mais dommageables au public, à cause du scandale qu'il en reçoit; la charité, requiert donc, l'humilité agrée que nous la désirions et conservions précieusement. Outre cela, elle ne laisse pas d'être très utile pour la conservation de nos vertus, principalement des vertus encore tendres et faibles. L'obligation de maintenir notre réputation et d'être tels qu'on nous estime, force un courage généreux d'une puissante et douce violence. Il ne faut pourtant pas que nous soyons trop ardents, exacts et pointilleux à la conserver. Le mépris de l'injure et de la calomnie est pour l'ordinaire un remède beaucoup plus salutaire que le ressentiment: le mépris les fait évanouir; si on s'en courrouce, il semble qu'on les avoue. Il faut être jaloux, mais non pas idolâtre de notre renommée; et, comme il ne faut pas offenser l'œil des bons, aussi ne faut-il pas vouloir contenter celui des méchants ».

« On quittera donc cette vaine conversation, cette inutile pratique, cette amitié frivole, cette hantise folâtre, si cela nuit à la renommée; car la renommée vaut mieux que toutes sortes de vains contentements; mais si, pour l'exercice de la piété, pour l'avancement en la dévotion, et acheminement au bien éternel, on murmure, on gronde, on calomnie, laissons dire, ayant toujours les yeux sur Jésus-Christ crucifié; il sera le protecteur de notre renommée; et s'il permet qu'elle nous soit ôtée, ce sera pour nous en rendre une meilleure, ou pour nous faire profiter en la sainte humilité, de laquelle une seule once vaut mieux que mille livres d'honneurs. Si on nous blâme injustement, opposons paisiblement la vérité à la calomnie; si elle persévère, persévérons à nous humilier, remettant ainsi notre réputation avec notre âme entre les mains de Dieu; nous ne la saurions mieux assurer. J'excepte néanmoins certains crimes, si atroces et infâmes, que nul n’en doit souffrir la calomnie, quand il s'en peut justement décharger. J'excepte aussi certaines personnes de la bonne réputation desquelles dépend l'édification de plusieurs. Car, en ce cas, il faut tranquillement poursuivre la réparation du tort reçu » .

Ainsi parle saint François de Sales à sa Philotée; ainsi faisait-il lui-même. Il voulait que la dignité épiscopale fût respectée même en sa personne; mais il était indifférent, pour son propre compte, à l'estime et au mépris, et ne se souciait pas plus des louanges que des blâmes. Il s'est défendu modestement contre certaines calomnies qui pouvaient compromettre son ministère; mais, en général, il demeurait insensible aux injures et mauvaises opinions qu'on avait de lui, et ne faisait qu'en rire, quand il s'en ressouvenait (ce qui arrivait très peu souvent). « Ceux qui se plaignent des médisances, disait-il, sont bien délicats; c'est une petite croix de paroles que l'air emporte; il faut avoir l'oreille et la peau bien tendres; pour ne pouvoir souffrir le bourdonnement et la piqûre d'une mouche ». Dans les calomnies d'importance, il regardait le Sauveur mourant comme un infâme sur la Croix, au milieu de deux brigands,: « Voilà, disait-il, le vrai serpent d'airain dont l'aspect nous guérit de la morsure des langues d'aspic; devant ce grand exemple, nous aurons honte de nous plaindre, et beaucoup plus encore d'avoir du ressentiment contre les calomniateurs ». Il pensait au jugement final qui nous rendra pleine justice; en attendant, il lui importait peu d'être censuré par les hommes, pourvu qu'il plût à son Maître bien-aimé.  Il ne voulait même pas que l'on prit sa défense: « Vous ai-je passé procuration de vous courroucer pour moi ? Laissez dire; ce n'est qu'une croix de parole, une tribulation de vent; il est possible que mes détracteurs voient mes défauts mieux que ceux qui m'aiment; ils sont nos amis, bien plutôt que nos ennemis, puisqu'ils entreprennent avec nous la destruction de notre amour-propre ». Bref, indifférent aux louanges et aux mépris, il s'abandonnait entre les mains de la divine Providence, prêt à faire son devoir dans la bonne ou la mauvaise renommée, et ne voulant la réputation qu'autant que Dieu jugeait bon qu'il en eût pour les intérêts de son service .

Alors même qu'ils pouvaient repousser la calomnie, et qu'ils semblaient presque en avoir le devoir, les Saints ont le plus souvent préféré garder le silence, à l'exemple de Notre-Seigneur durant la Passion, remettant à la divine Providence le soin de les justifier, si elle le jugeait à propos . Saint Gérard Magella, parmi beaucoup d'autres, nous en fournit un mémorable exemple. « Une indigne créature l'accusa d'un crime horrible. Inquiet et troublé, saint Alphonse manda, l'accusé, lui fit part de la dénonciation, et lui demanda ce qu'il avait à dire pour se disculper. Impassible comme le marbre, Gérard n'articula pas un mot. Alphonse lui interdit la communion et toute relation avec le dehors : le frère ne se permit pas le moindre murmure. Convaincus de son innocence, les Pères le pressaient de se justifier : « Il est un Dieu, répondit-il; c'est à lui d'y « penser ». Et comme on lui conseillait de demander au moins, pour alléger son martyre, la permission de communier : « Non, dit-il, mourons sous le pressoir « de la volonté divine ». Cinquante jours après, Dieu, content d'avoir fait de son Gérard comme de son divin Fils « l'opprobre des hommes », révéla son innocence. La malheureuse qui l'avait accusé rétracta la calomnie, avouant qu'elle avait agi sous l'inspiration du démon. La justification n'émut pas plus Gérard que l'accusation. Comme Alphonse lui demandait pourquoi il avait refusé de se disculper, il fit une réponse sublime : « Mon Père, est-ce que la Règle « n'ordonne pas de ne jamais s'excuser, mais de souffrir « en silence toute espèce de mortification » ? Assurément la Règle n'obligeait pas dans la circonstance, et l'exemple est plus admirable qu'imitable; mais comme il confond bien notre délicatesse!

ARTICLE II. - Les humiliations.

L’humilité est la vertu la plus antipathique à la nature; mais son importance est capitale, et son action souverainement bienfaisante. En ôtant le principal obstacle, elle prépare les ascensions de l'âme. Elle apporte la force et la sécurité dans les dangers, les illusions, les épreuves, parce qu'elle sait se défier et demander. Elle plaît aux hommes, en nous rendant soumis à nos supérieurs, doux et condescendants avec nos égaux, bons et sans fierté pour nos inférieurs. Elle charme notre Père céleste, parce qu'elle nous donne l'attitude qui convient devant sa majesté et son autorité. Elle nous imprime une touchante ressemblance avec notre Frère, notre Ami, notre Epoux, Jésus « doux et humble de cœur » N'est-il pas l'humilité personnifiée? L'humble l'attire, l'orgueilleux l'éloigne. « Il protège l'humble et le délivre; il aime l'humble et le console; il s'incline vers l'humble et le comble de ses grâces; après ravoir abaissé, il l'élève à la gloire; il révèle à l'humble ses secrets, il l'invite et l'attire à lui doucement » . La parole du Maître est formelle : « Celui qui s'abaisse sera élevé, et, par contre, celui qui s'élève sera abaissé » .

Si donc nous avons, la noble ambition d'obtenir chaque jour un peu plus l’amitié, l'intimité de Dieu, le meilleur secret pour nous élever dans ses bonnes grâces sera toujours de nous abaisser par l'humilité . Secret, hélas ! trop peu connu. On dispose des ascensions dans son cœur; mais on ne se préoccupe guère que de monter, quand il faudrait surtout s'étudier à descendre. Ah! qu'il serait bon de méditer la réponse si profonde de Sœur Thérèse de l'Enfant-Jésus à l'une de ses novices: « Oh ! quand je pense à tout ce que j'ai à acquérir !  Dites plutôt à perdre. Je vois bien que vous vous trompez de route, vous n'arriverez jamais au terme de votre voyage. Vous voulez gravir une montagne, et le bon Dieu veut vous faire descendre, il vous attend au bas, de la vallée de l'humilité... Le seul moyen de faire de rapides progrès dans la voie de l'amour est celui de rester toujours bien petite; c'est ainsi que j'ai fait » .

Beaucoup de chemins conduisent à l'humilité. Nous aurons une confiance particulière dans les abaissements, selon cette belle parole de saint Bernard : « L'humiliation mène à l'humilité, comme la patience à la paix, et l'étude à la science » . Voulez-vous constater si votre humilité est vraie, jusqu'où elle va, si elle avance ou recule ? Les humiliations vous en fourniront le moyen. Bien reçues, elles poussent vigoureusement en avant, elles font réaliser parfois d'énormes progrès, et, sans elles, on ne sera jamais parfait dans l'humilité. «Désirez-vous la vertu d'humilité ? conclut saint Bernard. Ne fuyez pas la voie de l'humiliation; car si vous ne supportez pas d'être abaissé, vous ne pourrez être élevé à l'humilité » .

Saint François de Sales disait qu'il y a deux manières de pratiquer les abaissements : l'une est passive, elle relève du bon plaisir divin et forme un des objets de l'abandon; l'autre est active et rentre dans la volonté de Dieu signifiée. La plupart des gens ne veulent que celle-ci; ils ont celle-là à contrecœur : ils consentent à s'humilier et n'acceptent pas d'être humiliés. Ils ont grand tort .

Il importe assurément de s'humilier soi-même; et nous donnerons toujours la préférence aux pratiques les plus conformes à notre vocation, et les plus contraires à nos inclinations. Saint François de Sales voulait qu'on ne dît jamais de paroles d'humiliation, si elles ne procédaient du fond du cœur : autrement, « cette sorte de langage est un fin sublimé d'orgueil; pour avoir la gloire d'être estimé humble, on fait comme les rameurs qui vont à leur but en y tournant le dos; sans y penser, on cingle à pleines voiles sur la mer de la vanité » . Nous recourrons donc aux œuvres plutôt qu'aux paroles pour nous abaisser. La meilleure humiliation active, dans nos cloîtres, sera toujours la loyale dépendance envers la Règle, nos Supérieurs et même nos frères. Chacun sait que les douze degrés de l'humilité, d'après notre Père saint Benoît, sont faits presque uniquement d'obéissance. C'est aussi de cette même vertu que saint François de Sales tirait la marque de la véritable humilité, se fondant sur ce mot de saint Paul, que Notre-Seigneur s'est anéanti en se rendant obéissant « Voyez-vous, disait-il, à quoi il faut mesurer l'humilité ? C'est à l'obéissance. Si vous obéissez promptement, franchement, allègrement, sans murmure, sans retour, sans réplique, vous êtes vraiment humbles, et, sans l'humilité, il est malaisé d'être vraiment obéissant : car l'obéissance veut soumission, et le vrai humble se rend inférieur et sujet à toute créature pour l'amour de Jésus-Christ; il prend tous ses prochains pour ses supérieurs, se tenant pour l'opprobre des hommes, le rebut et la balayure du monde » .  C'est encore une excellente humiliation que de découvrir le fond de notre conscience à ceux qui en ont charge, en leur rendant fidèlement compte de nos tentations, de nos mauvaises inclinations, et généralement de tous les maux de notre âme. Enfin, c'est une salutaire humiliation de faire notre coulpe devant nos Supérieurs comme nous la ferions devant Dieu lui-même, et d'accomplir, d'un cœur contrit et humilié, les pénitences en usage dans nos monastères. Outre ces humiliations de règle, il y en a d'autres qui sont spontanées. Saint François de Sales « voulait en celles-ci beaucoup de discrétion, parce que l'amour-propre s'y peut glisser subtilement et imperceptiblement. Il mettait au sixième rang la recherche des abjections, quand elles ne-nous venaient pas du dehors » .

Il estimait beaucoup plus les humiliations qui ne sont pas de notre choix. Et de fait, les croix que nous taillons sont toujours plus délicates ; elles seraient rares, et ne feraient guère mourir notre amour-propre; nous avons besoin qu'on nous couvre de confusion, qu'on nous dise nos vérités sans ménagements, qu'on nous révèle, qu'on nous présente à maintes reprises, qu'on nous fasse bien sentir tout ce monde de misère et de corruption qui grouille en nous. Voilà pourquoi Dieu nous ôte la santé, diminue nos facultés naturelles, nous délaisse, dans l'impuissance et les ténèbres, ou nous afflige par d'autres peines intérieures. Voilà pourquoi il nous soufflette par la main de Satan, pourquoi il ordonne à nos Supérieurs de nous reprendre, à la Communauté de participer selon nos usages à la correction de nos fautes. C'est spécialement par ceux qui nous entourent qu'il veut exercer sur nous l'action rude et salutaire de l'humiliation; il les emploie tous à cette œuvre, utilisant pour cela le zèle éclairé et le zèle amer, les vertus et les défauts, les intentions saintes, la faiblesse, au besoin la malice. Les hommes ne sont que des instruments responsables; il se réserve de les punir ou de les récompenser quand il en sera temps. Laissons-lui ce rôle; et ne voyant que lui, notre Dieu, le Sauveur, l'Ami par excellence, oubliant ce qu'il y a d'amer pour la nature, acceptons, comme de sa main, cet austère et bienfaisant traitement des humiliations. Elles sont généralement courtes et légères; fussent-elles longues et douloureuses, elles n'en seront, que plus efficacement, par la miséricorde de Dieu, « la rançon des fautes passées, la rémission des fragilités journalières, le remède à nos infirmités; un trésor de vertus et de mérites, un témoignage de notre dévouement à Dieu, le prix de ses divines amitiés et l'instrument de notre perfection ».

L'humiliation nourrit l'orgueil, quand on la repousse avec indignation ou qu'on la subit en murmurant; et c'est ce qui explique comment « l'on rencontre tant de gens humiliés qui, ne sont pas humbles » . Celui-là seul en profite, qui lui fait bon accueil, et dans la mesure où il la reçoit humblement, comme de la main de Dieu, par exemple en se disant : J'en ai grand besoin, et je l'ai bien méritée. Puisqu'il suffit d'une légère offense, d'un manque d'égards, d'une parole désagréable, pour me jeter dans le trouble et l'agitation, l'orgueil est encore plein de vie dans mon cœur, et, loin de regarder l'humiliation comme le mal, je devrais la regarder comme le remède, bénir Dieu qui veut me guérir, savoir gré à mes frères qui m'aident à vaincre mon amour-propre. Et d'ailleurs, la honte, la confusion, la véritable humiliation n'est-elle pas de me sentir encore si plein d'orgueil, après tant d'années passées au service du Roi des humbles ? Ah! si nous connaissions bien nos fautes d'autrefois et nos misères présentes, nous n'aurions aucune peine à nous persuader que jamais personne ne pourra nous infliger le mépris, l'injure et l'ignominie que nous méritons; et, loin de nous plaindre quand Dieu nous envoie la confusion, nous le remercierions comme d'une faveur inexprimable, puisque, au prix d'une épreuve courte et légère, il cache à presque tous les regards ici-bas la vue de nos misères sans nombre, et il nous épargne la honte éternelle. Et ne disons pas que nous sommes innocents dans la circonstance présente; nous avons fait bien des fautes qui sont restées impunies, et l'expiation, pour avoir été différée, n'en demeure pas moins méritée.

Saint Pierre, martyr, injustement jeté en prison, s'en plaignit à Notre-Seigneur : « Mais quel crime ai-je donc commis pour me voir infliger pareil châtiment ?  Et moi, lui répondit le divin Crucifié, pour quel crime ai-je été attaché à la croix »  ? L'Église chante de lui qu'il est « le seul Saint, le seul Seigneur, le seul Très-Haut, avec le Saint-Esprit, dans la gloire du Père »; Et cependant, il est venu dans son royaume, et les siens ne l'ont pas reçu; ils l'ont même accablé d'outrages et de mauvais traitements; on l'accuse, on le condamne, on lui préfère un homicide; on le mène au supplice entre deux voleurs, on l'insultera jusque sur la croix; c'est le grand méprisé, le dernier des hommes; sa face adorable est meurtrie de soufflets, souillée même de crachats. Il ne détournera pas son visage, il ne dira pas un mot de reproche; il adore en silence la volonté de son Père, il la trouve parfaitement juste, il l’accepte avec amour, parce qu'il se voit couvert des péchés du monde. Et nous, ses chétives créatures, tant de fois coupables, nous regarderions comme un déshonneur de partager les abaissements du Fils de Dieu, de les recevoir humblement sans mot dire ? Pour des fautes qui sont les nôtres et non les siennes, nous accepterions que la sainte Victime eût seule à souffrir, et nous ne voudrions aucunement boire au calice de ses humiliations ? Est-ce juste et généreux ? Ou plutôt, ne, serait-ce pas une honte ? Avec un tel orgueil, comment plaire à « Celui qui est doux et humble de cœur »? N'aurait-il pas le droit de nous dire : « J'ai été méprisé, calomnié, traité d'insensé : et toi, tu voudrais qu'on t'estimât, tu serais encore sensible aux mépris ».

D'ailleurs, l'amour veut la ressemblance. A mesure qu'il grandit, on accepte plus volontiers, on finit même par être heureux de, partager les humiliations, les injures et les opprobres de son Jésus Bien-Aimé. Alors l'amour « nous fait prendre à faveur extrême, à singulier honneur, les affronts, calomnies, reproches et opprobres que le monde nous fait; il nous fait quitter, renoncer et rejeter toute autre gloire que celle qui procède du bien-aimé Crucifié, pour laquelle nous nous glorifions en l'abjection, abnégation et anéantissement de nous-mêmes, ne voulant autres marques de majesté que la couronne d'épines du Crucifié, le sceptre de son roseau, le mantelet de mépris qui lui fut imposé, et le trône de sa croix, sur lequel les amoureux sacrés ont plus de contentement, de joie, de gloire et de félicité, que jamais Salomon n'eut sur son trône d'ivoire » .

En parlant ainsi, saint François de Sales nous dépeint ses propres dispositions. Sous le coup des mépris et des outrages, il reconnaissait la volonté de Dieu et s'y unissait aussitôt; il demeurait immobile, n'en conservait aucun ressentiment, n'en prenait jamais occasion de refuser une demande raisonnable; si quelqu'un lui eût arraché l'un des yeux, de l'autre il l'eût encore regardé avec la même affection. Menacé d'une conférence publique, avec un ministre insolent, qui avait une bouche d'enfer et la langue la plus injurieuse du monde : « Bon, disait-il, voilà justement ce qu'il nous faut. Notre-Seigneur n'a-t-il pas été rassasié d'opprobres ? oh! que Dieu tirera de gloire de ma confusion ! Si nous sommes bravement insultés, il sera magnifiquement exalté; vous verrez des conversions à tas, mille tombant à gauche, et dix mille à droite » .  Saint François d'Assise était dans les mêmes sentiments. Un jour qu'on l'avait fort bien reçu: « Allons-nous-en d'ici, dit-il à son compagnon; nous n'avons rien à gagner là où l'on nous honore; notre gain se trouve aux lieux où l'on nous blâme et l'on nous méprise ».

ARTICLE III. - Persécutions par les gens de bien.

La persécution peut venir ou des méchants ou des gens de bien. « D'être méprisé, repris et accusé par les méchants, ce n'est que douceur à un homme- de courage, dit saint François de Sales; mais d'être repris, accusé et maltraité par les gens de bien, par les amis, par les parents, C'est là où il y va du bon. Comme les piqûres des abeilles sont plus cuisantes que celles des mouches, ainsi le mal que l'on reçoit des gens de bien, et les contradictions qu'ils font, sont bien plus insupportables que les autres » . Saint Pierre d'Alcantara, pénétré de la plus vive compassion pour sainte Thérèse, lui dit qu'une des plus grandes peines dans cet exil était celle qu'elle avait endurée, c'est-à-dire cette contradiction des gens de bien  : Est-ce parce que l'estime et l'affection de ces personnes nous sont plus chères ? Est-ce parce que cette épreuve est moins attendue ? Est-ce parce que les gens de bien, s'en faisant une question de conscience, croient devoir y mettre moins de ménagements ? Quelles que soient l'origine et les circonstances de ces dures épreuves, voici diverses considérations qui aideront à les sanctifier.

« Tous les Saints ont passé ici-bas par la persécution, dit saint Alphonse. Voyez saint Basile, accusé d'hérésie devant le pape saint Damase; saint Cyrille, condamné comme hérétique par un concile de quarante évêques, puis déposé honteusement; saint Athanase poursuivi sous inculpation de sortilège, et saint Jean Chrysostome pour mauvaises mœurs. Voyez encore saint Romuald; il a plus de cent ans, on l'accuse néanmoins d'un crime exécrable, tellement qu'on veut le brûler vif; et saint François de Sales : pendant trois années, il passe pour avoir entretenu un commerce criminel avec une personne du monde, et, pendant trois années, il attend que Dieu le lave de cette calomnie; enfin sainte Lidwine, dont une misérable femme envahit un jour la chambre pour vomir contre elle mille injures plus grossières les unes que les autres » . Chacun sait que notre bienheureux Père saint Benoît faillit être empoisonné par les siens, et combien nos premiers Pères de Cîteaux eurent à souffrir et de leurs frères de Molesmes et des autres moines de leur temps ! Il en fut de même pour le vénérable Jean de la Barrière et pour l'abbé de Rancé, quand ils voulurent établir leur réforme. Saint François d'Assise renonça à son office de Supérieur, à cause de l'opposition qu'il rencontrait parmi les siens; le frère Élie, son vicaire général, n'avait même pas craint de l'accuser devant un grand nombre de religieux d'être la ruine de l'Institut; ce même frère Élie fit jeter en prison saint Antoine de Padoue. Saint Ignace de Loyola fut enfermé dans les cachots du Saint-Office. Saint Jean de la Croix, ayant réformé le Carmel, est jeté par les Pères de l'Observance dans une obscure prison; et là, privé de célébrer la sainte messe, il devra, pendant de longs mois, endurer une très rigoureuse abstinence, d'humiliantes disciplines et les plus durs reproches. Pour le même motif et à cause des voies par où Dieu la conduisait, sainte Thérèse eut à subir de très dures vexations, dont on trouve un écho dans sa Vie. Son confesseur, le P. Balthazar Alvarez; endura, lui aussi, une sorte de persécution à cause de son oraison surnaturelle. Il faudrait citer des multitudes d'autres noms. Nous terminerons par saint Alphonse : il fut poursuivi sans pitié, durant de longues années, comme théologien par les rigoristes, comme fondateur des Rédemptoristes par les régalistes, et même finalement par deux de ses propres enfants, ainsi que nous l'avons dit p1us haut . Baronius raconte comment le pape saint Léon IX se laissa prévenir contre saint Pierre Damien : « Je le dis, ajoute ce savant cardinal, pour consoler les victimes de ces mauvaises langues, pour rendre plus prudents ceux qui sont trop crédules, et leur apprendre à ne pas prêter facilement l'oreille aux calomnies, surtout contre des hommes que recommande une vie longue et honorable » .

Ces persécutions trouvent leur explication apparente dans la diversité des esprits : « Quel accord peut-il y avoir entre le Christ et Bélial »  ? Les méchants ne peuvent supporter la vertu, si modeste et si réservée qu'elle se fasse, parce qu'élie les condamne, elle les gêne, elle veut les convertir. Les gens de bien, tant qu'ils n'ont pas encore assez maîtrisé leurs passions (c'est le cas du grand nombre), s'en laissent aveugler et entraîner, un jour ou l'autre, au détriment de la paix et de la charité, C'est ainsi que le P. François de Paule, le principal persécuteur de saint Alphonse, était loin d'être un mauvais religieux; il avait même un passé très recommandable; on l'eût bien étonné, si on lui avait prédit qu'un jour il s'emploierait, avec un zèle digne d'une meilleure cause, à perdre son illustre et saint Fondateur, par des rapports tendancieux, envenimés, calomnieux; il l'a fait cependant, parce qu'il n'avait pas combattu suffisamment sa passion d'ambition; peut-être même ne l'avait-il pas aperçue jusque-là. Les plus saints, enfin, peuvent encore se faire souffrir mutuellement, : soit qu'ils se trompent, soit qu'ils ne comprennent pas leur devoir de la même façon; il y aura toujours, parmi des hommes, la diversité des vues et des humeurs .

Mais, pour saisir à fond le mystère de ces épreuves, il faut remonter jusqu'à Notre-Seigneur, et pénétrer dans les conseils de la Providence, Jésus nous avertit qu'il est venu apporter le glaive et non la paix, et que les ennemis de l'homme seront les gens de sa maison; on l'a persécuté, on l'a même appelé Béelzébub ; le disciple n'est pas au-dessus du Maître; on nous haïra, on nous poursuivra de ville en ville, on nous livrera; l'heure vient où ceux qui nous donneront la mort croiront servir Dieu . Et l'Apôtre se fait l'écho de son Maître : « Tout ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus souffriront persécution » . Mais, conclut Notre-Seigneur, « bienheureux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des Cieux leur appartient. Lorsqu'on vous aura maudits et poursuivis, et qu'on aura dit contre vous toute sorte de mal, à tort cependant, là cause de moi, réjouissez-vous, soyez. dans l'allégresse : votre récompense est grande au ciel, et c’est ainsi qu'on a persécuté les Prophètes avant vous » . Mais quel est le but que poursuit la Providence, au moyen de ces purifiantes épreuves ? Elle veut marquer toutes ses œuvres du sceau de la croix, nous détacher de l'estime et de l'affection, nous former à la patience, au parfait abandon, à la charité pour Dieu seul, consommer la sainteté de ses meilleurs amis.

Jésus humilié, méprisé, victime de l'iniquité, mais doux et humble de cœur parmi les outrages, aimant, dévoué jusqu'à l'effusion de son sang malgré toutes les injustices et les perfidies, voilà le Maître qui nous montre la voie, le Modèle auquel le Saint-Esprit a mission de nous rendre conformes. La Providence emploie les méchants et les bons, comme instruments, pour reproduire en nous Jésus outragé, vilipendé, indignement traité; mais, en même temps, l'Esprit-Saint nous offre la grâce, il travaille en nous, pour nous faire imiter fidèlement Jésus doux et humble de cœur, Jésus plein de mansuétude et d'héroïque charité. Marcher d'un pas résolu sur les traces de Jésus persécuté, c'est entrer dans les voies de la sainteté. Murmurer, se plaindre, et suivre à contrecœur, c'est se traîner lamentablement dans le malaise et la médiocrité. D'ailleurs, dit saint Alphyonse, « persuadons-nous qu'en récompense de notre patience à bien souffrir toutes les persécutions, Dieu prendra soin de nous (il est maître de nous relever quand il voudra). Mais, fallût-il vivre désormais sous le poids du déshonneur, il y a l'autre vie où nous serons, pour notre patience, comblés d'honneurs d'autant plus magnifiques » .

Oublions donc les hommes et tous les torts qu'ils nous semblent avoir; rejetons bien loin de notre cœur l'amertume et le ressentiment. Les yeux constamment fixés sur l'éternel persécuté, sur Jésus notre modèle et le bien-aimé de nos âmes, adorons comme lui toutes les volontés de son Père qui est aussi le nôtre; embrassons avec amour et les épreuves qu'il nous envoie et leurs effets déjà consommés et irréparables, essayant, pour en tirer le meilleur parti possible, d'entrer pleinement dans les dispositions de notre doux Jésus, et d'agir en tout comme il ferait il notre place. Cela ne nous empêche pas, quant à l'avenir, de faire ce qui dépend de nous pour écarter le danger, pour en conjurer les conséquences, s'il plaît à Dieu, toutes les fois que la gloire divine, le bien des âmes ou d'autres justes raisons l'exigent ou le permettent.

Le bienheureux Henri Suso marcha longtemps par cette voie douloureuse, et voici les enseignements qu'il reçut du ciel. Une voix intérieure lui dit : « Ouvre la fenêtre de ta cellule, regarde et apprends ». Il ouvrit et regarda. Il vit un chien qui courait au milieu du cloître, portant dans sa gueule un morceau de tapis; l'animal jouait avec ce tapis, le jetait en l’air, le traînait par terre, le déchirait et y faisait des trous. Une voix intérieure dit au bienheureux : « Tu seras ainsi jeté par la bouche de tes frères et déchiré ». Il pensa en lui-même : « Puisqu'il ne peut pas en être autrement, résigne-toi, vois comme ce tapis se laisse maltraiter en silence, fais de même ». Il descendit, prit le tapis et le garda pendant de longues années comme son cher trésor; lorsqu'il avait une tentation d'impatience, il le prenait, afin de se reconnaître en lui, et de se taire courageusement. Lorsqu'il détournait son visage avec mépris de quelques-uns qui l'opprimaient, il en était puni intérieurement, et une voix lui disait au fond de son cœur: « Souviens-toi que moi, ton Seigneur, je n'ai pas détourné mon visage de ceux qui me crachaient à la face ». Il éprouvait alors un véritable repentir, et rentrait de nouveau en lui-même... La voix intérieure lui dit encore : « Dieu veut, lorsqu'on te maltraitera en paroles et en actes, que tu supportes tout patiemment, il veut que tu meures entièrement à toi-même, que tu ne prennes pas ton repas de chaque jour avant d'être allé vers tes adversaires, et d'avoir apaisé, autant que cela te sera possible, la colère de leur cœur par des paroles et des actes doux et humbles... Tu ne dois pas croire qu'ils soient un Judas dans le vrai sens du mot, mais les coopérateurs de Dieu qui doit t'éprouver pour ton bien » .

Saint Alphonse, condamné par le Pape sur d'injustes accusations, et définitivement retranché de la Congrégation qu'il avait fondée, ne se plaignit pas, ne récrimina pas; il prononça seulement cette parole d'héroïque soumission : « Depuis six mois je fais cette prière : Seigneur, ce que vous voulez, je le veux aussi ». Et il accepta, l'âme brisée mais résignée, de vivre en proscrit jusqu'à la mort, puisque telle était la volonté de Dieu. Loin de conserver de l'animosité contre son persécuteur, il lui écrivait : « J'apprends avec plaisir que le Pape vous prodigue ses faveurs. Instruisez-moi toujours de ce qui vous arrivera d'heureux, afin que je puisse en remercier Dieu. Je lui demande d'augmenter en vous son amour, de multiplier vos maisons, et de vous bénir ainsi que vos missions ». Dans cette épreuve comme en toutes les circonstances difficiles, il avait commencé par mettre sa Congrégation en prière, et par recommander à chacun de se renouveler dans la ferveur pour mettre Dieu de leur côté; puis il avait fait toutes les démarches que la prudence pouvait conseiller, mais en se tenant prêt d'avance au bon plaisir divin .

Au plus fort de la persécution, saint Jean de la Croix recevait les opprobres avec joie, parce qu'il croyait mériter plus de mauvais traitements encore. Il lui semblait qu'on ne l'injuriait pas assez; il soupirait après l'heure où il devait recevoir ses sanglantes disciplines, afin de pouvoir souffrir pour Dieu cet affront et cette douleur. Il croyait avoir tant de défauts, être coupable de tant de péchés, qu'il ne s'indignait pas des réprimandes et des outrages,. il ne les trouvait ni injustes ni cruels. Quoique ses peines intérieures fussent, à cette époque, plus grandes encore, il se consolait, dans ses intimes communications avec Dieu, et en composant cet admirable cantique qu'il expliqua plus tard .

   

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