LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

NOTICE BIOGRAPHIQUE

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b) Les persécutions diaboliques.

Et Dieu accepte que de toutes parts fondent sur elle les  épreuves.

S'il lui a manqué celle qui vient de la maladie (mais peut‑on le savoir, puisqu'elle ne se plaignait jamais ?) et celle qui vient des hommes (sa vie familiale comme sa vie religieuse pourraient sembler exemptes des grandes contradictions qui marquèrent celle d'une sainte Marguerite‑Marie), par contre, plus que beaucoup d'autres, elle a été livrée à la fureur de Satan. Il ne faut pas s'en étonner.

Il est peu de vies de Saints où ne s'exerce pas sa rage malfaisante. Ennemi personnel de Jésus‑Christ qu'il ne peut atteindre dans la gloire du ciel, il emploie toutes les ressources de sa puissante activité à contrecarrer l'oeuvre divine dans le monde.

Plus une âme est aimée du Christ, plus il s'acharne à sa perte, sans doute dans l'orgueilleux désir d'accroître ainsi le nombre de ses infortunés sujets, mais surtout avec le dessein pervers de ravir au Christ des âmes qu'Il aime et qu'il a payées au prix de son Sang. Il s'attaque donc de préférence aux saints et aux consacrés qu'il veut souiller, séduire et déshonorer. Plus que les autres, il hait les âmes rédemptrices.

Josefa lui était donc spécialement odieuse.

Pour l'amour de Jésus, elle avait joyeusement fait les trois sacrifices qui lui coûtaient le plus : sa mère, sa soeur et son pays; elle s'était offerte pour le salut des pécheurs et devait en arracher un grand nombre à l'enfer, aussi verrons‑nous Satan se dresser sur son chemin et en faire comme son jouet. Dieu lui laisse un plus grand pouvoir sur les âmes expiatrices.

N'est-ce pas dans la logique de leur vocation ? [1].

Prenant à leur compte les péchés d'autrui, ces âmes acceptent par le fait même d'en porter les conséquences.

Or, en consentant au péché, l'homme, qu'il le veuille ou non, qu'il en ait ou non conscience, donne au démon grand pouvoir sur lui, pouvoir de séduction et d'emprise. On s'en aperçoit généralement assez peu, car le démon excelle à le dissimuler pour ne pas inquiéter l'âme ; il renforce la mauvaise nature derrière laquelle il s'abrite et, de là, multiplie les occasions de péché et engourdit l'âme dans une somnolence mortelle.

Mais lorsqu'une âme victime s'est substituée au pécheur, le démon se heurte alors à une volonté qui lui résiste obstinément, impuissant à la faire pécher, il s'en venge avec fureur en usant pour cela du pouvoir qui lui appartenait sur le coupable lui-même.

Et Dieu le permet ainsi tout d'abord pour que soit manifeste à tous l'existence du démon que beaucoup mettent en doute. Il existe, tout comme l'enfer qu'on voudrait avec lui oublier ou ensevelir dans le silence.

C'est bien un être réel et dans sa conduite vis-à-vis des saints, il apparaît avec toute la perversité méchante de sa nature. Et si sa cruauté est déjà telle quand il s'agit d'âmes sur lesquelles il n'a, somme toute, qu'un pouvoir très limité, que doit être celle qu'il exerce sur les damnés qu'il tient en sa puissance ? Qui oserait dire que cette leçon soit inutile, à l'heure actuelle surtout ?

Dieu veut ensuite confondre l'orgueil du prince des ténèbres. Malgré toute sa puissance et son acharnement, il n'avance à rien et n'aboutit qu'à des défaites. Et une grande gloire en revient à Dieu!

Ainsi en fut-il avec Soeur Josefa.

Par tous les moyens, il cherchera à la tromper, se déguisant en « Ange de lumière », prenant même les traits de Jésus-Christ, mais le plus souvent c'est en la martyrisant qu'il s'efforcera de la détourner d'une voie où elle lui arrache tant d'âmes.

Dans ce corps à corps qui met aux prises l'humaine faiblesse et la puissance satanique, Dieu intervient pour augmenter l'endurance de l'âme, Il lui communique une énergie indomptable qui la rendra supérieure à toute tentation comme à toute souffrance. La force du démon se brisera sur la fragilité de Josefa. Avec l'aide divine, elle, le « rien », « la misère », comme l'appelle Notre-Seigneur, triomphe du « fort armé ».

Mais que n'eut-elle pas à endurer ?

Dès son postulat, c'est une grêle de coups dont l'accable, jour et nuit, une main invisible, surtout quand elle prie et affirme sa volonté d'être fidèle. Elle est violemment arrachée de la chapelle ou dans l'impossibilité d'y entrer.

Puis les apparitions du démon se succèdent sous l'aspect d'un chien répugnant, d'un serpent, ou ‑ plus terrible encore ‑ sous la forme humaine.

Bientôt les enlèvements se multiplient, malgré la surveillance active des Supérieures. Sous leurs yeux, elle disparaît subitement et on ne la retrouve que longtemps après, jetée dans des greniers, sous des meubles ou dans quelque endroit désert. En leur présence, elle est brûlée et, sans que le démon leur soit visible, elles voient brûler les vêtement de Josefa et, sur son corps, les traces profondes de ces brûlures.

Enfin, fait bien rare [2] dans la vie des saints, Dieu permet que le démon la fasse descendre vivante en enfer. Elle y passe de longues heures, parfois toute une nuit, dans d'inexprimables angoisses. Plus de cent fois, elle descend dans cet abîme et toujours il lui semble y être plongée pour la première fois et y demeurer depuis des siècles. À l'exception de la haine de Dieu, elle en subit toutes les tortures, dont la moindre n'est pas d'entendre les confessions stériles des damnés, leurs cris de haine, de douleur et de désespoir.

Quand elle en revient, brisée et meurtrie, toute souffrance lui paraît peu de chose pour sauver les âmes, et lorsqu'elle reprend contact avec la vie, son cœur ne se contient plus à la pensée qu'elle peut encore aimer.

C'est son grand amour qui la soutient. Parfois, cependant, l'épreuve pèse lourdement à sa nature. Comme Jésus à Gethsémani, elle a ses heures d'abattement et d'angoisse. Témoin de la perte d'un grand nombre d'âmes, elle se demande à quoi servent tant de descentes en enfer et de si terribles souffrances.

Mais elle se ressaisit vite et son courage ne faiblit pas. La Sainte Vierge l'y aide :

— « Tandis que tu souffres, l'emprise du démon est moins puissante sur cette âme. » [3].

— « Tu souffres pour Le reposer, n'est-ce pas assez pour te donner courage ? » [4].

Et Notre-Seigneur lui découvre les trésors de réparation et d'expiation cachés sous cette épreuve [5]. En même temps, Dieu permet qu'elle assiste en enfer à des explosions de rage, quand échappent au démon des âmes qu'il croit déjà tenir, celles précisément pour lesquelles elle expie.

Ces deux pensées, d'une part qu'elle console et repose Notre-Seigneur, de l'autre, qu'elle Lui gagne des âmes, soutiennent et excitent son courage.

Bien qu'elle ait du démon une peur instinctive, car elle ne sait que trop par expérience sa méchanceté et sa puissance, jamais cette crainte ne parvient à la détourner d'un devoir à remplir. À une certaine époque, il l'enlève presque journellement, lorsqu'elle se rend à son office : elle le prévoit, elle tremble, mais ne recule jamais devant cette perspective et le lendemain la trouve décidée, avec le même courage, à ne pas céder à la peur.

Cependant, à travers cette héroïque fidélité, le plus admirable n'est-il pas encore que Josefa, sous l'impression de ses craintes et parfois de ses répugnances, s'estime sincèrement une créature ingrate et infidèle, et croie toujours n'avoir rien fait pour Dieu !

Après des nuits de tourments indicibles, brisée, mais vaillante, elle reprend dès l'aube son travail ordinaire sans vouloir être exemptée d'aucun point de la vie commune. C'est bien le feu du Sacré Coeur qui la brûle, car tout ce qu'elle a subi en enfer, tout ce qui lui est donné comme participation des douleurs du Christ, loin de la décourager ou de l'abattre, ne fait que raviver et accroître son ardeur à souffrir.

Comme jadis sainte Marguerite‑Marie, elle s'immole pour des âmes religieuses, pour des prêtres, des pécheurs de toute sorte. Docile au bon plaisir de Celui auquel elle s'abandonne, elle ne veut que Le consoler et s'offre à tous les martyres pour Lui gagner des âmes inconnues le plus souvent, mais qu'elle aime tant à travers Lui !

Il fallait, disions-nous au début, qu'elle fût victime pour être messagère. N'a-t-elle pas, en effet, tous les titres pour être écoutée des hommes, celle qui a tant souffert pour eux ?

Et celle qui savait si bien l'amour du Coeur de Jésus pour les âmes, n'était‑elle pas, plus que toute autre, indiquée et qualifiée; pour transmettre au monde son Message d'Amour et de Miséricorde?

LE MESSAGE

I. ‑ SA SUBSTANCE

C'est un Message d'Amour et de Miséricorde. Nulle part, il n'est donné dans son entier, mais on en trouve des fragments presque à toutes les pages du livre. Les points essentiels en sont souvent répétés, sous des formes à peine différentes.

En voici le résumé succinct :

A) Tout d'abord, c'est le Coeur de Jésus et son excessive Charité pour les hommes qui sont mis en relief de façon frappante. C'est comme une révélation nouvelle du Sacré Coeur venant confirmer, et, sur certains points, achever et perfectionner celle que reçut jadis sainte Marguerite‑Marie.

Depuis 1675, plus de deux siècles et demi ont passé; des courants nouveaux de dévotion ont surgi dans l'Eglise. Actuellement. Les âmes se passionnent, et à juste titre, pour le Christ mystique dont la réalité profonde résonne au plus intime de nos âmes de chrétiens, il semble qu'il y ait recul dans la dévotion au Sacré Coeur, qu'elle soit moins comprise [6].

Un grand nombre semble la considérer comme une mutilation de la dévotion au Christ total, ou comme une dévotion féminine où le sentiment, disons mieux, la sentimentalité a trop de part.

À l'encontre de ces impressions si fausses, Notre-Seigneur réagit fortement. C'est bien son Cœur de chair percé de la lance qu'il présente aux hommes, son Cœur si aimant et si peu aimé, et dont la blessure restée ouverte, crie l'immense Amour.

Cet Amour, comme tout amour véritable, brûle d'être payé de retour, d'autant plus que ce retour, si juste et si naturel, qu'il exige, est pour les hommes l'unique moyen d'être heureux ici-bas et de parvenir au bonheur éternel. S'ils ne le donnent pas, qu'ils se rendent bien compte du terrible enfer qui les attend !...

Et le Cœur de Jésus jette par Josefa un grand Appel à l'amour du monde.

B) Pour mieux attirer les hommes, le Sacré Coeur leur manifeste par elle ‑ et c'est ce qui fait la nouveauté et la force du Message ‑ son infinie Miséricorde.

Il les aime tous individuellement, tous tels qu'ils sont, même les plus misérables, même les plus pécheurs, on pourrait presque dire, surtout les plus misérables, surtout les plus pécheurs.

Ce qu'Il leur demande, ce ne sont ni leurs qualités, ni leurs vertus, mais leurs misères et leurs péchés. Loin d'être un obstacle, les misères et les fautes sont donc un encouragement à s'approcher de Lui.

C'est là le cadeau que Dieu attend de ses chers pécheurs, à la seule condition qu'ils se repentent vraiment et soient prêts à se convertir par amour pour Lui.

Son Coeur attend, avec toutes les impatiences de l'amour, le retour des pauvres égarés. Il leur promet le pardon total.

— « Ce n'est pas le péché qui blesse le plus mon Coeur – dit-Il — ce qui Le déchire, c'est que les âmes ne viennent pas se réfugier en Moi après l'avoir commis. » [7].

Ce qu'il veut, ce qu'Il désire ardemment, c'est leur confiance en sa Bonté et sa Miséricorde infinies.

C) À ses Consacrés qu'Il aime d'un amour spécial, Jésus adresse un appel à partager sa Vie rédemptrice.

Il veut qu'ils Lui servent d'intermédiaires pour sauver les âmes et c'est pourquoi Il demande à tous l'esprit de sacrifice dans l'amour.

Le plus souvent, Il n'exige pas de grandes souffrances, mais Il apprend à ses âmes choisies l'importance des actions ordinaires, si minimes qu'elles soient, quand elles sont faites en union avec Lui, dans un esprit d'immolation et d'amour [8].

Il leur découvre la valeur des moindres sacrifices, qui peuvent les conduire loin en sainteté, et servir en même temps au salut de beaucoup d'âme [9].

Par contre, Il leur rappelle le danger des petits relâchements : c'est la pente fatale qui peut les entraîner aux grandes infidélités et les exposer à tomber dans les châtiments de l'enfer où elles souffriront incomparablement plus que les âmes moins privilégiées [10].

Que les âmes consacrées raniment leur confiance dans le Cœur de Jésus :

— « Peu M'importe leurs misères, ce que Je veux leur faire savoir, c'est que Je les aime avec plus de tendresse encore si, après leurs faiblesses et leurs chutes, elles se jettent humblement dans mon Cœur : alors Je leur pardonne et Je les aime toujours.

— « Ne sais‑tu pas – ajoute-t-il ‑ que, plus les âmes sont misérables, plus Je les aime. »

Et Il insiste encore :

— « Je ne veux pas dire qu'une âme soit libérée de ses défauts et de ses misères par le fait même que Je la choisis. Cette âme peut tomber et tombera plus d'une fois encore. Mais si elle s'humilie et reconnaît son rien, si elle essaie de réparer sa faute par de petits actes de générosité et d'amour, si elle se confie et s'abandonne de nouveau à mon Cœur, elle Me donne plus de gloire et peut faire plus de bien aux âmes que si elle n'était pas tombée. Peu M'importe la misère ; ce que Je demande, c'est l'amour. » (20 octobre 1922).

Ce que le Cœur de Jésus veut des siens, c'est donc l'humilité, la confiance et l'amour.

D) À tous, enfin, Il fait entendre le rappel obstiné de la Passion, et de la Passion présentée à la fois comme signe de son immense Amour pour les hommes et comme l'unique Voie du salut.

C'est toujours le Coeur de Jésus, douloureux et souffrant, qui se manifeste. Il nous exhorte et nous supplie au titre de ses immenses Douleurs. Comme il faut qu'Il nous ait aimés pour avoir accepté de tant souffrir pour nous ! Mais en même temps combien est terrible le malheur de ceux qui, par leur faute, se mettent en dehors d'une Pareille Rédemption !

Entre Dieu et lui, l'homme a mis son péché et, désormais, l'abîme est infranchissable. Alors, entre l'homme et Lui, Jésus met sa douloureuse Passion. Pour venir à nous, Il passe par-dessus notre péché, Il le couvre de son Sang ; la route vers Dieu est, dès lors, rouverte, mais il faut traverser la Passion pour reprendre contact avec Lui. Impossible donc de se sauver sans faire entrer en soi, en quelque manière, la Passion de Jésus‑Christ. Le dilemme est net : la Passion ou l'enfer.

C'est la mission et le rôle des consacrés d'entrer comme de plain-pied dans la Passion, de la faire entrer en eux et, par leurs sacrifices personnels, d'en communiquer les fruits, d'en infiltrer la vertu aux âmes pour lesquelles elles prient et s'immolent.

II. ‑ SON OPPORTUNITÉ.

Ce Message si instant apparaît d'une actualité saisissante.

De toutes parts, le péché se multiplie de façon effrayante. L'orgueil de l'homme qui cherche à se passer de Dieu, prétend transformer la terre en paradis. Il ne réussit à en faire qu'un vestibule d'enfer, où règnent l'immoralité et l'impiété, où toutes les mauvaises passions se donnent libre cours, où se déchaînent les plus furieuses guerres, et où l'immense majorité des hommes souffre dans la pauvreté et la servitude, sans le réconfort que la foi seule peut apporter.

Le Cœur de Dieu se penche vers ses enfants de misère. Il leur indique la route du bonheur, de la paix, du salut.

Ce Message n'est pas seulement transmis aux hommes, il est vécu. Jésus-Christ nous instruit, non seulement par ce qu'Il dit à Josefa, mais par ce qu'Il opère en elle : les faits touchent plus que les paroles.

Veut-on savoir l'Amour de Dieu pour les âmes ? Qu'on lise les pages où elle note les battements qu'elle entend du coeur de Jésus. « Chacun de ces battements ‑ lui dit-Il ‑ c'est une âme que J'appelle. » (26 octobre 1920).

Peut-on douter de la réalité de cet Amour, quand on Le voit brûler de sa flamme le coeur de Josefa, et la rendre si intrépide et si vaillante à souffrir pour sauver les âmes de l'enfer ?

Peut-on douter de l'immensité de cet Amour, quand Josefa qui accepte de subir pour les âmes un inexprimable martyre, dont nous touchons du doigt l'intensité, nous dit, elle qui sait, que son pauvre amour n'est rien à côté de celui de Jésus, comme sa souffrance n'est qu'une ombre comparée à celle de la Passion ? [11]

Peut-on douter de la bonté de cet Amour, quand on découvre, dans la vie de Josefa, et l'immense peine du Coeur de Jésus en face de la perte des âmes et sa joie de leur retour ? [12].

— « Aide-Moi ‑ lui disait-Il — aide-Moi à découvrir mon Cœur aux hommes. Voici que Je viens leur dire qu'en vain cherchent-ils le bonheur en dehors de Moi, ils ne le trouveront pas. Souffre et aime, car nous avons à conquérir les âmes. » (13 juin 1923).

Dans son amour si vrai pour les âmes, comment ne pas reconnaître le grand Amour du Coeur divin qui, seul, a pu l'inspirer ?

De même manifeste-t-Il aussi sa Miséricorde infinie à travers la vie de Josefa.

— « Je t'aimerai ‑ lui dit-Il le 8 juin 1923, fête du Sacré-Cœur ‑ et les âmes connaîtront mon Amour dans l'amour que J'ai pour toi.

— « Je te pardonnerai et les âmes connaîtront ma Miséricorde dans les pardons dont Je t'envelopperai. »

Il dira même un jour :

— « C'est de la folie que J'ai pour les âmes. » (27 septembre 1922).

On est surpris de cette parole, mais n'a-t-elle pas son équivalent dans l'infaillible Ecriture Sainte ?

« Si une mère peut oublier son enfant, Moi Je ne t'oublierai jamais ! Et voici que ton nom est inscrit sur ma Main. » [13].

« Tes péchés, où sont-ils ? Je les ai jetés au fond de la mer. » [14].

«  Il m'a aimé et Il s'est livré pour moi. » [15].

N'est-ce pas de la folie ? Quant à l'enfer et sa réalité, là encore quel Message vécu par Sœur Josefa ! Toutes les souffrances de la Passion qui se continuent en elle, toutes les persécutions du démon et les descentes en enfer n'ont pour but que d'arracher les âmes à leur perte et de rapprocher les pécheurs du salut dont ils s'éloignent. C'est, en action, le dogme de la Rédemption et de la Communion des Saints. Comment ne pas croire, d'une part, à l'existence du démon, de l'enfer et du purgatoire, de l'autre, à l'efficacité de la souffrance pour les autres, quand on lit les pages émouvantes où ces grandes réalités surnaturelles s'inscrivent dans la chair et l'âme de Josefa ?

L'essentiel du Message ne nous apporte rien de nouveau : il découvre seulement, de façon plus saisissante et plus claire, ce que nous savons déjà par la foi.

— « Je le répète encore : ce que Je dis maintenant, ce n'est rien de nouveau. Mais de même que la flamme a besoin d'aliment pour ne pas s'éteindre, de même les âmes ont besoin d'un nouvel élan qui les fasse avancer et d'une nouvelle chaleur qui les ranime. » (5 décembre 1923).

Et quelle force a cet Appel transmis par l'humble Josefa !

III. — SON AUTHENTICITÉ.

Car on a pu le constater, le Message ne consiste pas seulement dans les paroles confiées à Josefa il est dans sa vie tout entière. C'est même et surtout par sa vie, que nous parle la privilégiée du Coeur de Jésus. Toute son existence est un merveilleux garant de l'Action divine.

Elle seule a entendu les paroles de Notre-Seigneur. Elle seule, par conséquent, est témoin. Mais sa vie témoigne de la vérité de son Message, sa vie qui a été vue, suivie de près par des témoins qualifiés. Ceux-ci peuvent nous dire à la fois la vertu incontestable de la petite et obscure Messagère de l'Amour Infini, et la réalité de ses états surnaturels dont ils ont eu la preuve palpable.

Sa vertu a toujours été admise sans conteste dans son entourage, non qu'elle s'imposât par des dehors éclatants ‑ Josefa fut toujours plus imitable qu'admirable ‑ mais parce qu'on en subissait, même à son insu l'influence pénétrante. Jamais de recherche personnelle, une exacte mortification en toutes choses, une obéissance sans réserve, une patiente douceur, fruits d'une humilité sincère.

— « Tu es l'écho de ma Voix » [16] lui avait dit Notre-Seigneur, et tout en elle est, de fait résonance divine.

Cette vertu si simple emporte la conviction d'une action de Dieu vraie et profonde dans cette âme. À elle seule, elle aurait pu authentiquer comme venant de Dieu, ses états surnaturels.

Toutefois, ses Supérieures, comme son Directeur, restent, un certain temps, volontairement hésitants et incertains. Il faut leur être reconnaissant de cette sage réserve, de cette défiance instinctive qui exigent des preuves. Candide et loyale comme elle l'est, jamais elle n'aurait voulu les tromper. Mais on pourrait se demander si elle-même n'était pas dupe de son imagination et de son cœur. Ce fait est fréquent chez des âmes même sincèrement pieuses. Mais ‑ et c'était là très bon signe ‑ Josefa vivait dans cette perpétuelle crainte, toute prête, si ses Supérieures le lui disaient, à considérer comme des illusions tout ce qu'elle éprouvait. Et rien n'est plus caractéristique que ce fait.

À Rome, où elle était allée pour porter à sa Très Révérende Mère Générale, de la part de Notre-Seigneur, un Message qui concernait la Société du Sacré-Cœur, subitement, sous la suggestion mensongère du démon, elle croit avoir été le jouet d'un rêve et n'avoir reçu en réalité aucune mission de Dieu. Sans hésiter, ni considérer le tort qu'elle pouvait ainsi se faire dans l'esprit de ses Supérieures, elle leur dit son angoisse, sa persuasion d'être dans l'illusion et leur demande de ne rien croire de tout ce qu'elle avait pu leur dire. Ce souci si humble de vérité, à un pareil moment, signe à lui seul la véracité de Josefa.

Seule une âme héroïquement humble et oublieuse d'elle-même peut agir ainsi. Ses écrits rendent le même son de vérité.

Sur l'ordre de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge, elle tient ses Supérieures au courant de tout : « Tu dois écrire », lui avait dit son Maître. Sans doute veut-Il ainsi que rien ne se perde de ses paroles [17]. Mais Il entend aussi assurer par là, le contrôle des moindres faits et gestes de Josefa et leur donner plus de créance aux yeux de tous. Or, dans tous ces écrits rien d'inutile, rien de faux, rien de simplement équivoque, rien qui la mette en relief ou puisse trahir une ombre de vanité : tout y est juste, mesuré, émouvant, saint.

Ses états surnaturels n'échappent pas à ce même contrôle. Quand elle descend en enfer ou qu'elle revient de ses extases, ses Mères sont à côté d'elle, surveillant attentivement et maternellement son retour à l'existence, écrivant les paroles dites au cours de ces heures émouvantes.

Quand elle prend contact avec le purgatoire et apprend des âmes qui réclament son aide, leur nom, le lieu, le jour et la date de leur mort, ces précisions se révèlent toujours exactes chaque fois qu'on peut les vérifier.

De même, aucun doute ne peut subsister soit sur le fait des enlèvements de Josefa par le démon : ils s'accomplissent sous les yeux mêmes de ses Supérieures, impuissantes à les empêcher ; soit sur celui des brûlures, constatées au vif de sa chair et par les parcelles des linges noircis que l'on conserve encore.

Mais ce qui est encore plus convaincant, c'est que tout ce surnaturel diabolique, de nature à affoler l'imagination (visions du démon, descentes en enfer), ne trouble ni son calme ni son équilibre total; c'est que le surnaturel divin, avec les privautés d'amour qu'elle reçoit de la Sainte Vierge et de Notre-Seigneur [18], qui auraient dû émouvoir profondément sa sensibilité si vive, la laisse paisible, silencieuse, sans même ce besoin, si naturel à l'âme, de communiquer à d'autres son émotion. Ses Mères ont noté son extrême discrétion à parler de toutes ces faveurs dont elles étaient les seules confidentes.

C'est enfin que toutes ces souffrances qui eussent dû lui faire crier grâce (nuits en enfer, ou sous le poids de la croix, ou la douleur de la couronne d'épines. etc...), ne font que lui donner une nouvelle ardeur à souffrir davantage pour l'Amour du Coeur de Jésus et le salut des âmes qu'il aime à la folie.

Ainsi l'ensemble des écrits concorde avec l'ensemble de la vie de Josefa, pour attester en elle l'Action divine. Même les faits les plus étranges ont un but et une signification. Aucun détail inutile, aucune révélation, aucune parole qui ne souligne avec plus de force une vérité dogmatique et qui ne fasse mieux pénétrer le Coeur de Jésus, son Amour, le prix des âmes, le bonheur du ciel, l'irréparable malheur des damnés.

Les écrits de cette humble sœur coadjutrice, ignorante aux yeux du monde, seront, sans aucun doute, lus et médités par des théologiens et des maîtres de la vie spirituelle. Comme pour sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, de nombreux ouvrages seront publiés pour en développer la doctrine profonde et en faire connaître les secrets d'amour. Mais ce qui est mieux encore, d'innombrables grâces de conversion et de sainteté en suivront la lecture. Le monde pourra s'étonner que, de ce rien qu'est la vie de Josefa, soient sorties de si grandes choses : c'est précisément ce rien qui est la grande preuve.

En vérité, le Message est signé de Main divine :

Digitus Dei est hic.

H. Monier-Vinard, S. J.


[1] Voir en particulier des persécutions diaboliques subies par sainte Marguerite de Cortone, sainte Véronique Giuliani, le saint curé d'Ars, par la Carmélite libanaise, Sœur Marie de Jésus-Crucifié, dont la vie a été écrite par le T. R. P. Buzy, Supérieur général des Pères de Bétharram et tant d'autres !

[2] Plusieurs saints et saintes ont eu la vision de l'enfer, rares sont ceux qui y sont descendus, plus rares encore ceux qui, comme soeur Josefa, y ont fait de fréquentes descentes expiatrices, il semble bien que ce fut aussi le cas de sainte Véronique Giuliani, née en 1660 et morte en 1727, contemporaine de sainte Marguerite-Marie et, comme elle et Sœur Josefa, victime expiatrice.

[3] 22 juillet 1921.

[4] 12 juillet 1921.

[5] 6 octobre et 5 novembre 1922.

[6] Dans son Encyclique sur le corps mystique, de juin 1943, le Pape Pie XII nous dit que la dévotion au sacré Coeur a disposé les âmes à comprendre la doctrine du christ mystique. Il est incontestable que l'idée de réparation pour les autres que Notre‑Seigneur a jointe à la dévotion au Sacré Coeur et dont Il a fait un des éléments essentiels, suppose la solidarité de tous les chrétiens les uns vis-à-vis des autres dans l'unité du Corps mystique. Mais réciproquement, la dévotion au Christ mystique, au Christ « total », avec ses horizons d'une si séduisante largeur, incline les âmes superficielles: à trouver trop restreinte la dévotion qui s'arrête au Cœur du Christ. C'est faute de remarquer que la dévotion au Sacré Coeur est la dévotion au Christ aimant, blessé d'amour, et unissant avec Lui et entre eux, dans cet amour, tous les membres de son Corps mystique.

[7] 29 août 1922.

[8] 30 novembre 1922, 2 décembre 1922.

[9] 20 octobre 1922.

[10] 3 août 1921, 12 décembre 1922, 14-15-20-24 mars 1923, 4 septembre 1922.

[11] 28 octobre 1920.

[12] 25 août 1920, 26 décembre 1920, 3-4 août 1921, 29 juillet 1921, 3-12-25 septembre 1922.

[13] Is., XLIX, 15, 16.

[14] Mich., VII, 19; Is., XXXVIII, 17.

[15] Gal., II, 20.

[16] 10 décembre 1922.

[17] 6 août 1922.

[18] Apparition ravissante de l'Enfant‑Jésus à Noël... de la Sainte Vierge « tellement Belle et tellement Mère » comme Josefa la dépeint toujours.

   

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