2
b) Les persécutions
diaboliques.
Et Dieu accepte que de
toutes parts fondent sur elle les épreuves.
S'il lui a manqué celle qui
vient de la maladie (mais peut‑on le savoir, puisqu'elle ne se plaignait
jamais ?) et celle qui vient des hommes (sa vie familiale comme sa vie
religieuse pourraient sembler exemptes des grandes contradictions qui
marquèrent celle d'une sainte Marguerite‑Marie), par contre, plus que
beaucoup d'autres, elle a été livrée à la fureur de Satan. Il ne faut
pas s'en étonner.
Il est peu de vies de
Saints où ne s'exerce pas sa rage malfaisante. Ennemi personnel de
Jésus‑Christ qu'il ne peut atteindre dans la gloire du ciel, il emploie
toutes les ressources de sa puissante activité à contrecarrer l'oeuvre
divine dans le monde.
Plus une âme est aimée du
Christ, plus il s'acharne à sa perte, sans doute dans l'orgueilleux
désir d'accroître ainsi le nombre de ses infortunés sujets, mais surtout
avec le dessein pervers de ravir au Christ des âmes qu'Il aime et qu'il
a payées au prix de son Sang. Il s'attaque donc de préférence aux saints
et aux consacrés qu'il veut souiller, séduire et déshonorer. Plus que
les autres, il hait les âmes rédemptrices.
Josefa lui était donc
spécialement odieuse.
Pour l'amour de Jésus, elle
avait joyeusement fait les trois sacrifices qui lui coûtaient le plus :
sa mère, sa soeur et son pays; elle s'était offerte pour le salut des
pécheurs et devait en arracher un grand nombre à l'enfer, aussi
verrons‑nous Satan se dresser sur son chemin et en faire comme son
jouet. Dieu lui laisse un plus grand pouvoir sur les âmes expiatrices.
N'est-ce pas dans la
logique de leur vocation ? .
Prenant à leur compte les
péchés d'autrui, ces âmes acceptent par le fait même d'en porter les
conséquences.
Or, en consentant au péché,
l'homme, qu'il le veuille ou non, qu'il en ait ou non conscience, donne
au démon grand pouvoir sur lui, pouvoir de séduction et d'emprise. On
s'en aperçoit généralement assez peu, car le démon excelle à le
dissimuler pour ne pas inquiéter l'âme ; il renforce la mauvaise nature
derrière laquelle il s'abrite et, de là, multiplie les occasions de
péché et engourdit l'âme dans une somnolence mortelle.
Mais lorsqu'une âme victime
s'est substituée au pécheur, le démon se heurte alors à une volonté qui
lui résiste obstinément, impuissant à la faire pécher, il s'en venge
avec fureur en usant pour cela du pouvoir qui lui appartenait sur le
coupable lui-même.
Et Dieu le permet ainsi
tout d'abord pour que soit manifeste à tous l'existence du démon que
beaucoup mettent en doute. Il existe, tout comme l'enfer qu'on voudrait
avec lui oublier ou ensevelir dans le silence.
C'est bien un être réel et
dans sa conduite vis-à-vis des saints, il apparaît avec toute la
perversité méchante de sa nature. Et si sa cruauté est déjà telle quand
il s'agit d'âmes sur lesquelles il n'a, somme toute, qu'un pouvoir très
limité, que doit être celle qu'il exerce sur les damnés qu'il tient en
sa puissance ? Qui oserait dire que cette leçon soit inutile, à l'heure
actuelle surtout ?
Dieu veut ensuite confondre
l'orgueil du prince des ténèbres. Malgré toute sa puissance et son
acharnement, il n'avance à rien et n'aboutit qu'à des défaites. Et une
grande gloire en revient à Dieu!
Ainsi en fut-il avec Soeur
Josefa.
Par tous les moyens, il
cherchera à la tromper, se déguisant en « Ange de lumière », prenant
même les traits de Jésus-Christ, mais le plus souvent c'est en la
martyrisant qu'il s'efforcera de la détourner d'une voie où elle lui
arrache tant d'âmes.
Dans ce corps à corps qui
met aux prises l'humaine faiblesse et la puissance satanique, Dieu
intervient pour augmenter l'endurance de l'âme, Il lui communique une
énergie indomptable qui la rendra supérieure à toute tentation comme à
toute souffrance. La force du démon se brisera sur la fragilité de
Josefa. Avec l'aide divine, elle, le « rien », « la misère », comme
l'appelle Notre-Seigneur, triomphe du « fort armé ».
Mais que n'eut-elle pas à
endurer ?
Dès son postulat, c'est une
grêle de coups dont l'accable, jour et nuit, une main invisible, surtout
quand elle prie et affirme sa volonté d'être fidèle. Elle est violemment
arrachée de la chapelle ou dans l'impossibilité d'y entrer.
Puis les apparitions du
démon se succèdent sous l'aspect d'un chien répugnant, d'un serpent, ou
‑ plus terrible encore ‑ sous la forme humaine.
Bientôt les enlèvements se
multiplient, malgré la surveillance active des Supérieures. Sous leurs
yeux, elle disparaît subitement et on ne la retrouve que longtemps
après, jetée dans des greniers, sous des meubles ou dans quelque endroit
désert. En leur présence, elle est brûlée et, sans que le démon leur
soit visible, elles voient brûler les vêtement de Josefa et, sur son
corps, les traces profondes de ces brûlures.
Enfin, fait bien rare dans
la vie des saints, Dieu permet que le démon la fasse descendre vivante
en enfer. Elle y passe de longues heures, parfois toute une nuit, dans
d'inexprimables angoisses. Plus de cent fois, elle descend dans cet
abîme et toujours il lui semble y être plongée pour la première fois et
y demeurer depuis des siècles. À l'exception de la haine de Dieu, elle
en subit toutes les tortures, dont la moindre n'est pas d'entendre les
confessions stériles des damnés, leurs cris de haine, de douleur et de
désespoir.
Quand elle en revient,
brisée et meurtrie, toute souffrance lui paraît peu de chose pour sauver
les âmes, et lorsqu'elle reprend contact avec la vie, son cœur ne se
contient plus à la pensée qu'elle peut encore aimer.
C'est son grand amour qui
la soutient. Parfois, cependant, l'épreuve pèse lourdement à sa nature.
Comme Jésus à Gethsémani, elle a ses heures d'abattement et d'angoisse.
Témoin de la perte d'un grand nombre d'âmes, elle se demande à quoi
servent tant de descentes en enfer et de si terribles souffrances.
Mais elle se ressaisit vite
et son courage ne faiblit pas. La Sainte Vierge l'y aide :
— « Tandis que tu souffres,
l'emprise du démon est moins puissante sur cette âme. » .
— « Tu souffres pour Le
reposer, n'est-ce pas assez pour te donner courage ? » .
Et Notre-Seigneur lui
découvre les trésors de réparation et d'expiation cachés sous cette
épreuve .
En même temps, Dieu permet qu'elle assiste en enfer à des explosions de
rage, quand échappent au démon des âmes qu'il croit déjà tenir, celles
précisément pour lesquelles elle expie.
Ces deux pensées, d'une
part qu'elle console et repose Notre-Seigneur, de l'autre, qu'elle Lui
gagne des âmes, soutiennent et excitent son courage.
Bien qu'elle ait du démon
une peur instinctive, car elle ne sait que trop par expérience sa
méchanceté et sa puissance, jamais cette crainte ne parvient à la
détourner d'un devoir à remplir. À une certaine époque, il l'enlève
presque journellement, lorsqu'elle se rend à son office : elle le
prévoit, elle tremble, mais ne recule jamais devant cette perspective et
le lendemain la trouve décidée, avec le même courage, à ne pas céder à
la peur.
Cependant, à travers cette
héroïque fidélité, le plus admirable n'est-il pas encore que Josefa,
sous l'impression de ses craintes et parfois de ses répugnances,
s'estime sincèrement une créature ingrate et infidèle, et croie toujours
n'avoir rien fait pour Dieu !
Après des nuits de
tourments indicibles, brisée, mais vaillante, elle reprend dès l'aube
son travail ordinaire sans vouloir être exemptée d'aucun point de la vie
commune. C'est bien le feu du Sacré Coeur qui la brûle, car tout ce
qu'elle a subi en enfer, tout ce qui lui est donné comme participation
des douleurs du Christ, loin de la décourager ou de l'abattre, ne fait
que raviver et accroître son ardeur à souffrir.
Comme jadis sainte
Marguerite‑Marie, elle s'immole pour des âmes religieuses, pour des
prêtres, des pécheurs de toute sorte. Docile au bon plaisir de Celui
auquel elle s'abandonne, elle ne veut que Le consoler et s'offre à tous
les martyres pour Lui gagner des âmes inconnues le plus souvent, mais
qu'elle aime tant à travers Lui !
Il fallait, disions-nous au
début, qu'elle fût victime pour être messagère. N'a-t-elle pas, en
effet, tous les titres pour être écoutée des hommes, celle qui a tant
souffert pour eux ?
Et celle qui savait si bien
l'amour du Coeur de Jésus pour les âmes, n'était‑elle pas, plus que
toute autre, indiquée et qualifiée; pour transmettre au monde son
Message d'Amour et de Miséricorde?
LE MESSAGE
I. ‑ SA SUBSTANCE
C'est un Message d'Amour et
de Miséricorde. Nulle part, il n'est donné dans son entier, mais on en
trouve des fragments presque à toutes les pages du livre. Les points
essentiels en sont souvent répétés, sous des formes à peine différentes.
En voici le résumé
succinct :
A) Tout d'abord, c'est le
Coeur de Jésus et son excessive Charité pour les hommes qui sont mis en
relief de façon frappante. C'est comme une révélation nouvelle du Sacré
Coeur venant confirmer, et, sur certains points, achever et
perfectionner celle que reçut jadis sainte Marguerite‑Marie.
Depuis 1675, plus de deux
siècles et demi ont passé; des courants nouveaux de dévotion ont surgi
dans l'Eglise. Actuellement. Les âmes se passionnent, et à juste titre,
pour le Christ mystique dont la réalité profonde résonne au plus intime
de nos âmes de chrétiens, il semble qu'il y ait recul dans la dévotion
au Sacré Coeur, qu'elle soit moins comprise .
Un grand nombre semble la
considérer comme une mutilation de la dévotion au Christ total, ou comme
une dévotion féminine où le sentiment, disons mieux, la sentimentalité a
trop de part.
À l'encontre de ces
impressions si fausses, Notre-Seigneur réagit fortement. C'est bien son
Cœur de chair percé de la lance qu'il présente aux hommes, son Cœur si
aimant et si peu aimé, et dont la blessure restée ouverte, crie
l'immense Amour.
Cet Amour, comme tout amour
véritable, brûle d'être payé de retour, d'autant plus que ce retour, si
juste et si naturel, qu'il exige, est pour les hommes l'unique moyen
d'être heureux ici-bas et de parvenir au bonheur éternel. S'ils ne le
donnent pas, qu'ils se rendent bien compte du terrible enfer qui les
attend !...
Et le Cœur de Jésus jette
par Josefa un grand Appel à l'amour du monde.
B) Pour mieux attirer les
hommes, le Sacré Coeur leur manifeste par elle ‑ et c'est ce qui fait la
nouveauté et la force du Message ‑ son infinie Miséricorde.
Il les aime tous
individuellement, tous tels qu'ils sont, même les plus misérables, même
les plus pécheurs, on pourrait presque dire, surtout les plus
misérables, surtout les plus pécheurs.
Ce qu'Il leur demande, ce
ne sont ni leurs qualités, ni leurs vertus, mais leurs misères et leurs
péchés. Loin d'être un obstacle, les misères et les fautes sont donc un
encouragement à s'approcher de Lui.
C'est là le cadeau que Dieu
attend de ses chers pécheurs, à la seule condition qu'ils se repentent
vraiment et soient prêts à se convertir par amour pour Lui.
Son Coeur attend, avec
toutes les impatiences de l'amour, le retour des pauvres égarés. Il leur
promet le pardon total.
— « Ce n'est pas le péché
qui blesse le plus mon Coeur – dit-Il — ce qui Le déchire, c'est que les
âmes ne viennent pas se réfugier en Moi après l'avoir commis. » .
Ce qu'il veut, ce qu'Il
désire ardemment, c'est leur confiance en sa Bonté et sa Miséricorde
infinies.
C) À ses Consacrés qu'Il
aime d'un amour spécial, Jésus adresse un appel à partager sa Vie
rédemptrice.
Il veut qu'ils Lui servent
d'intermédiaires pour sauver les âmes et c'est pourquoi Il demande à
tous l'esprit de sacrifice dans l'amour.
Le plus souvent, Il n'exige
pas de grandes souffrances, mais Il apprend à ses âmes choisies
l'importance des actions ordinaires, si minimes qu'elles soient, quand
elles sont faites en union avec Lui, dans un esprit d'immolation et
d'amour .
Il leur découvre la valeur
des moindres sacrifices, qui peuvent les conduire loin en sainteté, et
servir en même temps au salut de beaucoup d'âme .
Par contre, Il leur
rappelle le danger des petits relâchements : c'est la pente fatale qui
peut les entraîner aux grandes infidélités et les exposer à tomber dans
les châtiments de l'enfer où elles souffriront incomparablement plus que
les âmes moins privilégiées .
Que les âmes consacrées
raniment leur confiance dans le Cœur de Jésus :
— « Peu M'importe leurs
misères, ce que Je veux leur faire savoir, c'est que Je les aime avec
plus de tendresse encore si, après leurs faiblesses et leurs chutes,
elles se jettent humblement dans mon Cœur : alors Je leur pardonne et Je
les aime toujours.
— « Ne sais‑tu pas –
ajoute-t-il ‑ que, plus les âmes sont misérables, plus Je les aime. »
Et Il insiste encore :
— « Je ne veux pas dire
qu'une âme soit libérée de ses défauts et de ses misères par le fait
même que Je la choisis. Cette âme peut tomber et tombera plus d'une fois
encore. Mais si elle s'humilie et reconnaît son rien, si elle essaie de
réparer sa faute par de petits actes de générosité et d'amour, si elle
se confie et s'abandonne de nouveau à mon Cœur, elle Me donne plus de
gloire et peut faire plus de bien aux âmes que si elle n'était pas
tombée. Peu M'importe la misère ; ce que Je demande, c'est l'amour. »
(20 octobre 1922).
Ce que le Cœur de Jésus
veut des siens, c'est donc l'humilité, la confiance et l'amour.
D) À tous, enfin, Il fait
entendre le rappel obstiné de la Passion, et de la Passion présentée à
la fois comme signe de son immense Amour pour les hommes et comme
l'unique Voie du salut.
C'est toujours le Coeur de
Jésus, douloureux et souffrant, qui se manifeste. Il nous exhorte et
nous supplie au titre de ses immenses Douleurs. Comme il faut qu'Il nous
ait aimés pour avoir accepté de tant souffrir pour nous ! Mais en même
temps combien est terrible le malheur de ceux qui, par leur faute, se
mettent en dehors d'une Pareille Rédemption !
Entre Dieu et lui, l'homme
a mis son péché et, désormais, l'abîme est infranchissable. Alors, entre
l'homme et Lui, Jésus met sa douloureuse Passion. Pour venir à nous, Il
passe par-dessus notre péché, Il le couvre de son Sang ; la route vers
Dieu est, dès lors, rouverte, mais il faut traverser la Passion pour
reprendre contact avec Lui. Impossible donc de se sauver sans faire
entrer en soi, en quelque manière, la Passion de Jésus‑Christ. Le
dilemme est net : la Passion ou l'enfer.
C'est la mission et le rôle
des consacrés d'entrer comme de plain-pied dans la Passion, de la faire
entrer en eux et, par leurs sacrifices personnels, d'en communiquer les
fruits, d'en infiltrer la vertu aux âmes pour lesquelles elles prient et
s'immolent.
II. ‑ SON OPPORTUNITÉ.
Ce Message si instant
apparaît d'une actualité saisissante.
De toutes parts, le péché
se multiplie de façon effrayante. L'orgueil de l'homme qui cherche à se
passer de Dieu, prétend transformer la terre en paradis. Il ne réussit à
en faire qu'un vestibule d'enfer, où règnent l'immoralité et l'impiété,
où toutes les mauvaises passions se donnent libre cours, où se
déchaînent les plus furieuses guerres, et où l'immense majorité des
hommes souffre dans la pauvreté et la servitude, sans le réconfort que
la foi seule peut apporter.
Le Cœur de Dieu se penche
vers ses enfants de misère. Il leur indique la route du bonheur, de la
paix, du salut.
Ce Message n'est pas
seulement transmis aux hommes, il est vécu. Jésus-Christ nous instruit,
non seulement par ce qu'Il dit à Josefa, mais par ce qu'Il opère en elle
: les faits touchent plus que les paroles.
Veut-on savoir l'Amour de
Dieu pour les âmes ? Qu'on lise les pages où elle note les battements
qu'elle entend du coeur de Jésus. « Chacun de ces battements ‑ lui
dit-Il ‑ c'est une âme que J'appelle. » (26 octobre 1920).
Peut-on douter de la
réalité de cet Amour, quand on Le voit brûler de sa flamme le coeur de
Josefa, et la rendre si intrépide et si vaillante à souffrir pour sauver
les âmes de l'enfer ?
Peut-on douter de
l'immensité de cet Amour, quand Josefa qui accepte de subir pour les
âmes un inexprimable martyre, dont nous touchons du doigt l'intensité,
nous dit, elle qui sait, que son pauvre amour n'est rien à côté de celui
de Jésus, comme sa souffrance n'est qu'une ombre comparée à celle de la
Passion ?
Peut-on douter de la bonté
de cet Amour, quand on découvre, dans la vie de Josefa, et l'immense
peine du Coeur de Jésus en face de la perte des âmes et sa joie de leur
retour ? .
— « Aide-Moi ‑ lui
disait-Il — aide-Moi à découvrir mon Cœur aux hommes. Voici que Je viens
leur dire qu'en vain cherchent-ils le bonheur en dehors de Moi, ils ne
le trouveront pas. Souffre et aime, car nous avons à conquérir les
âmes. » (13 juin 1923).
Dans son amour si vrai pour
les âmes, comment ne pas reconnaître le grand Amour du Coeur divin qui,
seul, a pu l'inspirer ?
De même manifeste-t-Il
aussi sa Miséricorde infinie à travers la vie de Josefa.
— « Je t'aimerai ‑ lui
dit-Il le 8 juin 1923, fête du Sacré-Cœur ‑ et les âmes connaîtront mon
Amour dans l'amour que J'ai pour toi.
— « Je te pardonnerai et
les âmes connaîtront ma Miséricorde dans les pardons dont Je
t'envelopperai. »
Il dira même un jour :
— « C'est de la folie que
J'ai pour les âmes. » (27 septembre 1922).
On est surpris de cette
parole, mais n'a-t-elle pas son équivalent dans l'infaillible Ecriture
Sainte ?
« Si une mère peut oublier
son enfant, Moi Je ne t'oublierai jamais ! Et voici que ton nom est
inscrit sur ma Main. » .
« Tes péchés, où sont-ils ?
Je les ai jetés au fond de la mer. » .
« Il m'a aimé et Il s'est
livré pour moi. » .
N'est-ce pas de la folie ?
Quant à l'enfer et sa réalité, là encore quel Message vécu par Sœur
Josefa ! Toutes les souffrances de la Passion qui se continuent en elle,
toutes les persécutions du démon et les descentes en enfer n'ont pour
but que d'arracher les âmes à leur perte et de rapprocher les pécheurs
du salut dont ils s'éloignent. C'est, en action, le dogme de la
Rédemption et de la Communion des Saints. Comment ne pas croire, d'une
part, à l'existence du démon, de l'enfer et du purgatoire, de l'autre, à
l'efficacité de la souffrance pour les autres, quand on lit les pages
émouvantes où ces grandes réalités surnaturelles s'inscrivent dans la
chair et l'âme de Josefa ?
L'essentiel du Message ne
nous apporte rien de nouveau : il découvre seulement, de façon plus
saisissante et plus claire, ce que nous savons déjà par la foi.
— « Je le répète encore :
ce que Je dis maintenant, ce n'est rien de nouveau. Mais de même que la
flamme a besoin d'aliment pour ne pas s'éteindre, de même les âmes ont
besoin d'un nouvel élan qui les fasse avancer et d'une nouvelle chaleur
qui les ranime. » (5 décembre 1923).
Et quelle force a cet Appel
transmis par l'humble Josefa !
III. — SON AUTHENTICITÉ.
Car on a pu le constater,
le Message ne consiste pas seulement dans les paroles confiées à Josefa
il est dans sa vie tout entière. C'est même et surtout par sa vie, que
nous parle la privilégiée du Coeur de Jésus. Toute son existence est un
merveilleux garant de l'Action divine.
Elle seule a entendu les
paroles de Notre-Seigneur. Elle seule, par conséquent, est témoin. Mais
sa vie témoigne de la vérité de son Message, sa vie qui a été vue,
suivie de près par des témoins qualifiés. Ceux-ci peuvent nous dire à la
fois la vertu incontestable de la petite et obscure Messagère de l'Amour
Infini, et la réalité de ses états surnaturels dont ils ont eu la preuve
palpable.
Sa vertu a toujours été
admise sans conteste dans son entourage, non qu'elle s'imposât par des
dehors éclatants ‑ Josefa fut toujours plus imitable qu'admirable ‑ mais
parce qu'on en subissait, même à son insu l'influence pénétrante. Jamais
de recherche personnelle, une exacte mortification en toutes choses, une
obéissance sans réserve, une patiente douceur, fruits d'une humilité
sincère.
— « Tu es l'écho de ma
Voix » lui
avait dit Notre-Seigneur, et tout en elle est, de fait résonance divine.
Cette vertu si simple
emporte la conviction d'une action de Dieu vraie et profonde dans cette
âme. À elle seule, elle aurait pu authentiquer comme venant de Dieu, ses
états surnaturels.
Toutefois, ses Supérieures,
comme son Directeur, restent, un certain temps, volontairement hésitants
et incertains. Il faut leur être reconnaissant de cette sage réserve, de
cette défiance instinctive qui exigent des preuves. Candide et loyale
comme elle l'est, jamais elle n'aurait voulu les tromper. Mais on
pourrait se demander si elle-même n'était pas dupe de son imagination et
de son cœur. Ce fait est fréquent chez des âmes même sincèrement
pieuses. Mais ‑ et c'était là très bon signe ‑ Josefa vivait dans cette
perpétuelle crainte, toute prête, si ses Supérieures le lui disaient, à
considérer comme des illusions tout ce qu'elle éprouvait. Et rien n'est
plus caractéristique que ce fait.
À Rome, où elle était allée
pour porter à sa Très Révérende Mère Générale, de la part de
Notre-Seigneur, un Message qui concernait la Société du Sacré-Cœur,
subitement, sous la suggestion mensongère du démon, elle croit avoir été
le jouet d'un rêve et n'avoir reçu en réalité aucune mission de Dieu.
Sans hésiter, ni considérer le tort qu'elle pouvait ainsi se faire dans
l'esprit de ses Supérieures, elle leur dit son angoisse, sa persuasion
d'être dans l'illusion et leur demande de ne rien croire de tout ce
qu'elle avait pu leur dire. Ce souci si humble de vérité, à un pareil
moment, signe à lui seul la véracité de Josefa.
Seule une âme héroïquement
humble et oublieuse d'elle-même peut agir ainsi. Ses écrits rendent le
même son de vérité.
Sur l'ordre de
Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge, elle tient ses Supérieures au
courant de tout : « Tu dois écrire », lui avait dit son Maître. Sans
doute veut-Il ainsi que rien ne se perde de ses paroles .
Mais Il entend aussi assurer par là, le contrôle des moindres faits et
gestes de Josefa et leur donner plus de créance aux yeux de tous. Or,
dans tous ces écrits rien d'inutile, rien de faux, rien de simplement
équivoque, rien qui la mette en relief ou puisse trahir une ombre de
vanité : tout y est juste, mesuré, émouvant, saint.
Ses états surnaturels
n'échappent pas à ce même contrôle. Quand elle descend en enfer ou
qu'elle revient de ses extases, ses Mères sont à côté d'elle,
surveillant attentivement et maternellement son retour à l'existence,
écrivant les paroles dites au cours de ces heures émouvantes.
Quand elle prend contact
avec le purgatoire et apprend des âmes qui réclament son aide, leur nom,
le lieu, le jour et la date de leur mort, ces précisions se révèlent
toujours exactes chaque fois qu'on peut les vérifier.
De même, aucun doute ne
peut subsister soit sur le fait des enlèvements de Josefa par le démon :
ils s'accomplissent sous les yeux mêmes de ses Supérieures, impuissantes
à les empêcher ; soit sur celui des brûlures, constatées au vif de sa
chair et par les parcelles des linges noircis que l'on conserve encore.
Mais ce qui est encore plus
convaincant, c'est que tout ce surnaturel diabolique, de nature à
affoler l'imagination (visions du démon, descentes en enfer), ne trouble
ni son calme ni son équilibre total; c'est que le surnaturel divin, avec
les privautés d'amour qu'elle reçoit de la Sainte Vierge et de
Notre-Seigneur ,
qui auraient dû émouvoir profondément sa sensibilité si vive, la laisse
paisible, silencieuse, sans même ce besoin, si naturel à l'âme, de
communiquer à d'autres son émotion. Ses Mères ont noté son extrême
discrétion à parler de toutes ces faveurs dont elles étaient les seules
confidentes.
C'est enfin que toutes
ces souffrances qui eussent dû lui faire crier grâce (nuits en
enfer, ou sous le poids de la croix, ou la douleur de la couronne
d'épines. etc...), ne font que lui donner une nouvelle ardeur à souffrir
davantage pour l'Amour du Coeur de Jésus et le salut des âmes qu'il aime
à la folie.
Ainsi l'ensemble des écrits
concorde avec l'ensemble de la vie de Josefa, pour attester en elle
l'Action divine. Même les faits les plus étranges ont un but et une
signification. Aucun détail inutile, aucune révélation, aucune parole
qui ne souligne avec plus de force une vérité dogmatique et qui ne fasse
mieux pénétrer le Coeur de Jésus, son Amour, le prix des âmes, le
bonheur du ciel, l'irréparable malheur des damnés.
Les écrits de cette humble
sœur coadjutrice, ignorante aux yeux du monde, seront, sans aucun doute,
lus et médités par des théologiens et des maîtres de la vie spirituelle.
Comme pour sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, de nombreux ouvrages seront
publiés pour en développer la doctrine profonde et en faire connaître
les secrets d'amour. Mais ce qui est mieux encore, d'innombrables grâces
de conversion et de sainteté en suivront la lecture. Le monde pourra
s'étonner que, de ce rien qu'est la vie de Josefa, soient sorties de si
grandes choses : c'est précisément ce rien qui est la grande preuve.
En vérité, le Message est
signé de Main divine :
Digitus Dei est hic.
H. Monier-Vinard, S. J.
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