LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

NOTICE BIOGRAPHIQUE

1
 

NOTE IMPORTANTE :

 

Les pages qui vont suivre — dont l’auteur est le Père Jésuite H. Monier-Vinard — sont l’Introduction du livre “Un appel à l’Amour – Le Message du Cœur de Jésus au Monde”, ouvrage élaboré à partir des notes de Josefa Menéndez, religieuse coadjutrice de la société du Sacré-Cœur de Jésus, fondée par Madeleine-Sophie Barrat. Ce livre est publié par l’Œuvre du Sacré-Cœur, 9 rue des Feuillants - 86000 Poitiers.

 

* ** * * *

Le 29 décembre 1923, mourait saintement, à trente‑trois ans, dans la maison des feuillants, à Poitiers, Sœur Josefa Menéndez. Humble Soeur coadjutrice de la Société du Sacré‑Coeur, n'ayant  vécu que quatre ans dans la vie religieuse et très obscurément, elle était de celles dont le monde devait continuer à ignorer le nom et dont le souvenir, même chez ses sœurs en religion, devait rapidement s'effacer. Et voici, au contraire, que, vingt ans à peine après sa mort, le monde entier s'occupe d'elle. Du fond de l'Amérique, de l'Afrique, de l'Asie, de l'Océanie, on l'invoque avec ferveur, on écoute avec recueillement et respect le message qu'elle a été chargée par le coeur  de Jésus  de transmettre aux hommes.

En 1938, sous le titre Un appel à l'Amour, paraissait à l'apostolat de la prière, à Toulouse, la substance de ce Message. Le cardinal Eugenio  Pacelli, devenu  Pape sous le nom de Pie XII, avait bien voulu, dans une Lettre-Préface, en recommander à tous la lecture. Cinq ans après, c'est une biographie complète qu'on réclame et avec instances.  On veut connaître dans tous ses détails une vie si riche et si cachée, où la pauvreté même du cadre humain fait si vivement ressortir la splendeur de l’Action divine.

Cette seconde édition, très complète, répond à ces justes désirs. Rédigée d'après les notes mêmes de Soeur Josefa, écrites au jour le jour par obéissance, notes que confirment les souvenirs très précis des témoins de sa vie, la Supérieure et l'Assistante de la maison de Poitiers, et le R. P.  Boyer, 0. P., son directeur, elle offre toute garantie.

On l'ouvrira avec une curiosité ardente, on la lira avec émotion et admiration, on la fermera avec la volonté énergique de devenir meilleur et d'aimer enfin un  Dieu qui manifeste un si grand amour pour sa créature.

Car tout y parle de la merveilleuse providence d'amour que Dieu exerce sur l'homme. L'Écriture Sainte nous le représente, dans les psaumes, suivant avec une vigilance toujours en éveil les fils des hommes, scrutant attentivement leurs actions et répondant à leurs moindres gestes de prière. Penché avec amour sur ses fils révoltés, dès le début Il leur parle par la voix de ses prodiges et de ses prophètes, jusqu'au jour où, s'incarnant Lui‑même et prenant une Humanité dans le sein de la Vierge Marie, Il vient dire aux hommes, en langage humain, le grand amour qui remplit son Cœur.

Et Jésus, Verbe Incarné, a transmis aux hommes dans son intégralité le Message qu'Il avait Lui-même reçu du Père : Omnia quoecumque audivi a Patre meo, nota feci vobis. Il n'y a rien à ajouter à ce qu'a dit Jésus-Christ et, à la mort de saint Jean, le dernier apôtre, la révélation divine est close et scellée. On ne fera au cours des siècles, qu'expliciter son contenu. Mais il est d'une insondable richesse. Il est si riche et les hommes, au point de vue religieux, sont généralement si inattentifs et superficiels, qu'ils ne savent lire à fond un Évangile qui a besoin d'être pénétré. Aussi, comme jadis, dans l'Ancienne Loi, Dieu envoyait des prophètes pour raviver la foi et l'espérance de son peuple, ainsi le Christ suscite de temps à autre des âmes auxquelles Il confie la mission d'expliquer aux hommes ses Paroles authentiques, d'en révéler la profondeur et le sens caché.

Jadis, au matin de Pâques, c'est Marie-Madeleine qu'Il charge de porter aux apôtres la nouvelle de sa glorieuse Résurrection, et depuis, dans la suite des temps, c'est souvent aussi à d'humbles et pauvres femmes qu'Il demandera de transmettre au monde ses plus importantes Volontés.

Pour ne citer que les principales, par sainte Julienne de Montcornillon. Il fit instituer dans l'Église la Fête-Dieu et renouvela la dévotion au Saint Sacrement. Par sainte Marguerite-Marie, Il fit prendre un nouvel essor à la dévotion au Sacré Coeur, en lui donnant un sens nouveau et une portée nouvelle. Par sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, Il redit au monde, qui semblait l'avoir oublié, le mérite et la valeur de l'état d'enfance spirituelle.

Ainsi en agit‑il avec Soeur Josefa.

Les trois premières ont reçu de l'Église, par leur canonisation, comme une reconnaissance officielle de leur mission. Soeur Josefa n'a pas encore cet honneur, mais en attendant d'être leur soeur de gloire, elle est bien leur soeur de grâce et Dieu s'est plu à accréditer son témoignage. Lui qui traite ses créatures humaines avec un souverain respect, cum magna reverentia disponis nos (Sa., 12, 18), se doit de mettre son signe sur ceux qu'Il envoie : il faut qu'on puisse les reconnaître comme ses porte-parole. Ses voies, ne sont pas nos voies, ni ses Pensées nos pensées. Pour mieux montrer que tout vient de Lui seul, Il choisit des instruments débiles qui paraissent humainement inaptes à l'oeuvre qu'Il projette. Il fait éclater sa Force dans leur faiblesse « Il n'a cherché, dit saint Paul, pour établir son Église, ni les savants, ni les grands du monde. » On aurait pu attribuer à leur talent ou à leur prestige la rapide diffusion du christianisme... Il choisit des ignorants, des pauvres, faisant partie du petit peuple et Il en fait ses vases d'élection.

Et pour que la grandeur de leur mission ne les éblouisse pas et ne les induise pas en tentation d'orgueil, Il se plaît à les mettre sans cesse en face de leur néant, de leur misère native et de leur faiblesse.

Dans les âmes vraiment humbles seulement, ses Dons sont en sécurité.

Telle est la voie providentielle : c'est sur le rien que Dieu pose sa Gloire.

« Si J'avais pu trouver une plus misérable que toi, dit-Il à sainte Marguerite-Marie, c'est elle que J'aurais choisie.... »

Soeur Josefa entendra souvent les mêmes paroles :

— « Si J'avais pu rencontrer une créature plus misérable, c'est sur elle que J'aurais fixé le regard de mon Amour et, par elle, que J'aurais manifesté les désirs de mon Coeur. Mais comme Je ne l'ai pas trouvée, c'est toi que J'ai choisie. » [1].

Et, peu après, Il ajoutera :

— « Quant à toi, Je t'ai choisie comme un être inutile et dépourvu de tout, afin que ce soit bien Moi, Celui qui parle, Celui qui demande, Celui qui agit. » [2].

Rien ne semblait désigner Josefa pour une pareille mission. Les délais qui s'étaient imposés à la réalisation de sa vocation et qui eussent pu faire douter à priori de sa force d'âme, l'humble rang qu'elle occupait dans son Institut, sa situation de simple novice, l'effacement où la tenait, avec son amour pour la vie cachée, la difficulté qu'elle eut toujours à s'exprimer en français paraissaient plutôt d'insurmontables obstacles [3].

Mais c'est là précisément le signe divin: cette humble petite novice, que l'extrême sensibilité de son coeur rendait si fragile dans la lutte, se montrera d'une invincible force. Dans l'éblouissement des révélations divines, elle se réfugiera dans son néant. Plus Dieu s'approche d'elle, plus on la voit s'abaisser. Malgré l'évidence de l'action de Dieu, elle craint toujours d'être trompée et de tromper les autres. Ses Supérieures n'auront pas d'enfant plus souple, plus docile, plus respectueuse de leur autorité, plus désireuse de leur contrôle, plus prête à se sacrifier.

Dans sa piété, comme dans sa manière d'être et d'agir, rien n'est exagéré, tout est simple et vrai. Son tempérament est parfaitement sain. Elle a le sens de la mesure et de l'ordre. Le divin, qu'elle porte en elle, et dont elle sent tout le poids, à certaines heures surtout, les inexprimables tourments qui en résultent, ne détruisent point son équilibre intérieur. Et c'est tout cet ensemble, comme aussi l'endurance surhumaine avec laquelle elle supporte des épreuves et des souffrances dépassant de beaucoup les limites de ses pauvres forces, qui seront, pour ses Supérieurs. Le meilleur garant de l'Action divine.

« Le signe, Je le donnerai en toi », avait dit Notre-Seigneur à Josefa. Défiants et réservés d'abord, son Directeur et ses Supérieures durent, enfin, se rendre à l'évidence et croire à sa mission.

LA MISSION DE JOSEFA

C'est peu à peu que Notre‑Seigneur la lui dévoile.

À plusieurs reprises, Il lui avait déjà dit qu'Il voulait se servir d'elle « pour réaliser ses Desseins » [4] et « pour sauver beaucoup d'âmes qui lui ont coûté si cher » [5].

Le 24 février 1921, le soir à l'Heure-Sainte, l'Appel est renouvelé de façon plus explicite :

— « Le monde ne connaît pas la Miséricorde de mon Cœur ‑ dit Notre-Seigneur à Josefa. ‑ Je veux Me servir de toi pour la faire connaître.... Je te veux apôtre de ma Bonté et de ma Miséricorde. Je t'enseignerai ce que cela signifie, oublie-toi. »

Et comme Josefa Lui exprime ses craintes :

— « Aime et ne crains rien. Je veux ce que tu ne veux pas, mais je peux ce que tu ne pourras pas. Il ne t'appartient pas de choisir, mais de t'abandonner. »

Quelques mois plus tard, le lundi 11 juin 1921, peu de jours après la fête du Sacré Coeur, où elle reçut de nombreuses grâces, Notre-Seigneur lui dit :

— « Rappelle‑toi mes Paroles et crois en elles. L'unique désir de mon Coeur est de t'emprisonner en Lui, de te posséder dans mon Amour, puis de faire de ta petitesse et de ta fragilité, un canal de miséricorde pour beaucoup d'âmes qui se sauveront par ton moyen [6]. Plus tard, Je te découvrirai les secrets brûlants de mon Cœur et ils serviront au bien d'un grand nombre d'âmes. Je désire que tu écrives et que tu gardes tout ce que je te dirai. Tout se lira quand tu seras au ciel. Ce ne sont pas tes mérites qui M'inclinent à Me servir de toi ; mais je veux que les âmes voient comment ma Puissance se sert d'instruments pauvres et misérables. »

Et comme Josefa Lui demande si elle doit dire même cela à sa Supérieure, Il répond :

— « Écris-le, et on le lira après ta mort. »

Ainsi le Dessein de Dieu se précise : Il choisit Josefa à la fois comme victime pour les âmes et, en particulier, pour les âmes consacrées, et comme annonciatrice d'un Message de Miséricorde et d'Amour qu'il adresse au monde.

Sa mission est double : Elle doit être Victime et Messagère, et ces deux missions sont en étroite connexion l'une avec l'autre. C'est parce qu'elle est victime qu'elle est messagère et c'est parce qu'elle est messagère qu'il la faut victime.

LA VICTIME.

Une victime est essentiellement une immolée et, généralement, une  expiatrice.

Bien qu'on puisse en stricte rigueur s'offrir en victime pour donner à Dieu joie et gloire par ses sacrifices volontaires, la plupart du temps Dieu n'engage dans cette voie que des âmes auxquelles Il confie une mission médiatrice : elles doivent souffrir et expier pour d'autres à qui profitera leur immolation s'attirant sur eux des grâces de miséricorde, soit en couvrant leurs péchés aux yeux de la divine Justice. Il va de soi qu'on ne saurait de soi‑même s'ingérer dans un pareil rôle. Pour s'interposer ainsi entre Dieu et sa créature, il faut l'agrément divin. Quelle valeur aurait l'intercession de quelqu'un que Dieu se refuserait à écouter ?

Déjà, dans l'Ancien Testament, on ne pouvait offrir à Dieu n'importe quelles victimes. Pour être agréées de Lui, il les fallait de telle ou telle espèce nettement désignée ; il les fallait sans tache ni défaut, dans leur jeune force ; il les fallait surtout offertes par un prêtre selon le rite prescrit et ce rite même, rigoureusement exigé et observé, signifiait les sentiments qui devaient animer tant le prêtre qui immolait, que celui qui donnait la victime.

Dans le Nouveau Testament, où le nouveau sacrifice a remplacé les anciens, Jésus-Christ est l'unique Médiateur, l'unique Prêtre, l'unique Victime et son Sacrifice a une valeur non plus seulement représentative, mais réelle et infinie.

Si donc Notre-Seigneur veut s'associer d'autres victimes, elles devront, pour entrer dans son Sacrifice, ne faire qu'un avec Lui, participer à ses sentiments et, dès lors, ne peuvent être que des personnes humaines, douées d'intelligence et de volonté.

Ces personnes, Il les choisit Lui-même et, parce qu'elles sont libres, il requiert leur acceptation volontaire. En la donnant, elles se mettent à sa merci. Il en use, dès lors, avec elles, de façon souveraine.

Assimilée au Christ et transformée en Lui, l'âme victime exprime devant le Père Céleste les sentiments du Christ Jésus et, devant le Christ, les sentiments que devraient avoir les hommes qu'elle représente, elle se tient en état d'humiliation, de pénitence, d'expiation.

À cause même de son identification avec Jésus‑Christ, elle participera de très près à sa douloureuse Passion, elle en subira les tourments et les agonies à des degrés divers, et de manière différente, mais généralement surhumaine.

Expiant pour des pécheurs nettement désignés, elle subira les justes peines de leurs crimes : maladies, épreuves de tout genre et souvent même les persécutions du démon dont elle devient le jouet.

Ce fut le cas pour Soeur Josefa à un degré rare.

Elle est victime de par le désir exprès de Notre-Seigneur et le sera de façon totale, non seulement quant à son être tout entier voué à l'immolation, mais selon toutes les modalités que comportent les divers attributs de Dieu auxquels elle est distinctement offerte.

Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus s'est offerte comme victime à l'Amour miséricordieux ; Marie des Vallées a été spécialisée comme victime offerte à la divine Justice ; sainte Marguerite-Marie a été offerte à la fois à la Justice et à la Miséricorde : il en va de même de Sœur Josefa et Notre-Seigneur le lui détaille expressément, plus qu'Il n'avait fait pour sainte Marguerite-Marie.

— « Je t'ai choisie comme victime de mon Cœur. » (19 décembre 1920).

— « Tu es la victime de mon Amour » (2 octobre 1922 et 23 novembre 1920), « de mon Amour et de ma Miséricorde. » (30 juin 1921).

— « Je veux que tu sois la victime de la divine Justice et le soulagement de mon Cœur. » (9 novembre 1920).

À tous ces titres elle doit souffrir :

— « Tu souffres dans ton âme et dans ton corps parce que tu es la victime de mon âme et de mon Corps. Comment ne souffrirais‑tu pas dans ton coeur si Je t'ai choisie comme victime de mon Cœur ? » (19 décembre 1920).

Comme victimes du Cœur de Jésus, elle souffre pour consoler ce Coeur blessé par l'ingratitude des hommes ;

Comme victime d'amour et de miséricorde, elle souffre pour que l'Amour miséricordieux de Jésus puisse combler de grâces les pécheurs tant aimés de Lui ;

Comme victime de la divine Justice, elle porte le poids des réprobations divines et expie pour tant d'âmes criminelles qui lui devront leur salut.

Sa mission la veut en état de perpétuelle immolation. Notre-Seigneur ne le lui cache pas :

— « Aime, souffre, obéis ‑ lui dit-il ‑ ainsi je pourrai réaliser en toi mes Desseins. » (9 janvier 1921).

Et le 12 juin 1923, Il lui confirme tout son Plan sur elle :

— « Quant à toi, tu vivras dans l'obscurité la plus complète et la plus profonde ; mais parce que tu es la victime choisie par Moi, tu souffriras et, abîmée dans la souffrance, tu mourras. Ne cherche ni repos ni soulagement : tu n'en trouveras pas, car c'est Moi qui en disposerai ainsi. Mais mon Amour te soutiendra, Je ne te manquerai jamais. »

Mais pour la faire ainsi souffrir, Notre‑Seigneur lui a préalablement demandé son consentement. Bien que Maître souverain, Il s'incline devant le libre arbitre qu'Il a laissé à sa créature.

— « Toi, veux-tu ?... », dit-Il à Josefa, et comme elle hésite craintive, Notre-Seigneur part, la laissant désolée de ce départ. Et la Sainte Vierge vient lui dire : « N'oublie pas que ton amour est libre. » (3 mars 1922).

Plusieurs fois encore, Josefa se dérobera, Jésus alors se retire et il faudra qu'elle Le rappelle à plusieurs reprises pour qu'enfin Il lui donne ce qu'Il ne faisait que proposer.

La plupart du temps, elle accepte et avec quelle générosité [7] :

— « Je me suis offerte à son service — dira-t-elle ‑ afin qu'Il dispose de moi comme Il voudra. »

Dieu sait, dès lors, qu'il peut agir à sa guise et Il lui répète :

— « Je suis ton Dieu tu M'appartiens toi tu t'es livrée ; désormais tu ne peux plus rien me refuser. » (23 juillet 1921).

— « Si tu ne t'abandonnes pas à ma Volonté, que veux-tu que Je fasse ? » (21 avril 1922).

Elle s'abandonne. Comme son Maître, elle sera la victime volontairement offerte : Oblatus est quia ipse voluit. Comme lui aussi, elle sera la victime pure.

On ne peut expier pour les autres quand on a à expier pour soi-même. Et Dieu, depuis la naissance de Josefa, l'a enveloppée de pureté. On ne voit dans sa vie aucune faute vraiment consentie. Ses plus grandes infidélités, à son aveu même, seront des lenteurs à répondre aux appels de la grâce, des hésitations en face d'une mission qui la déconcertait, rien par conséquent qui pût vraiment ternir le moins du monde son coeur et son âme.

Notre-Seigneur y veillait jalousement.

— « Je te veux dans un tel oubli de toi-même et tellement abandonnée à ma Volonté, que Je ne permettrai pas la plus petite imperfection sans t'en avertir. » (21 février 1921).

À plusieurs reprises, quand Il lui demande de se mettre en état de victime, Il commence par lui conférer une grâce de purification totale :

— « Maintenant, souffre pour Moi, Josefa, mais avant Je laisserai tomber sur ton âme la flèche d'amour qui la purifiera, car il faut que tu sois bien pure comme doivent l'être mes Victimes. » (17 juin 1923).

Sur cette pureté, la souffrance qui va s'abattre ne trouvant aucune oeuvre expiatrice à accomplir, s'en ira porter sur d'autres âmes ses fruits de salut.

Comme toutes les victimes authentiques, ses souffrances auront un double caractère :

‑ Comme victime choisie par le Christ Lui-même pour continuer et parfaire son Œuvre rédemptrice, Josefa devra être en union parfaite avec le Christ rédempteur et partager sa Passion en portant les mêmes souffrances que Lui :

‑ Comme victime expiatrice des péchés des autres, ses souffrances seront en relation avec les péchés expiés.

a) La participation aux souffrances du Christ.

La Passion du Christ seule est rédemptrice. Pour être purifié de ses péchés et sauvé, il faut nécessairement entrer en contact avec le Sang répandu de l'Agneau. Le grand cri de Jésus mourant est une pressante invitation au genre humain tout entier. Que tous se hâtent d'accourir aux fontaines du Sauveur d'où découlent toutes les grâces !

Avec les âmes qui répondent à cet appel, le contact vivificateur s'établit immédiatement. D'autres, en grand nombre, hélas! s'en tiennent volontairement éloignées. Pour les atteindre, le Christ se servira d'autres âmes dont Il fera les canaux de ses Miséricordes. Branches fécondes entre toutes de la Vigne mystique, chargées de sève par leur étroit contact avec le Cep divin, elles se solidarisent avec les pécheurs en se constituant responsables de leurs fautes et ainsi, ne faisant qu'un avec eux comme elles ne sont qu'un avec le Christ, en elles et par elles se fait le contact de grâce : ce sont les âmes victimes.

Pour bien remplir ce rôle, il faut qu'elles soient identifiées au Christ crucifié, que leurs coeurs battent pleinement à l'unisson du Sien, tandis que Lui, pour en faire ses Images vivantes, incrustera au profond de leur âme, de leur coeur et de leur corps, sa douloureuse Passion.

Dans ces âmes, Il en renouvellera tous les Mystères : comme Lui, elles seront contredites, persécutées, humiliées, flagellées, crucifiées et ce que les hommes ne feraient pas, Dieu le complétera Lui‑même par des douleurs mystérieuses, des agonies, des stigmates qui font d'elles des crucifix vivants.

On devine facilement le pouvoir d'intercession et de médiation qu'ont auprès de Dieu de pareilles âmes quand elles implorent la divine Miséricorde pour le salut de leurs frères, quand, en elles et par elles, crie vers le Père ce Sang précieux du Christ infiniment plus éloquent que celui d'Abel.

Toutefois, chez certains saints, comme saint François d'Assise par exemple, il semble que la Passion s'arrête à eux et qu'elle ait pour but dernier de les rendre des copies parfaites du Crucifié. Dieu répond ainsi à leur amour. à leur dévotion à la Passion en leur faisant partager physiquement et moralement les douleurs de son Fils bien-aimé.

Chez les victimes expiatrices, il y a plus encore, elles sont comme expropriées au bénéfice des autres ; la Passion du Christ, après les avoir marquées de son Signe, passe par elles pour accomplir dans d'autres âmes pour lesquelles elles expient, ses Fruits de salut. Elles sont ainsi porteuses de la grâce du Calvaire.

Ce sont les corédemptrices au sens le plus strict du mot ; l'amour du prochain les presse, leur mission est différente de celle des autres. Alors que Dieu se plaît pour les autres à un amour qui reste à Le contempler et s'immobilise dans la Gloire ainsi donnée à son infinie perfection, pour les corédemptrices, Dieu, quand elles le contemplent, leur découvre l'immensité de son Amour pour les âmes et sa Douleur de la perte des pécheurs. Cette vue leur brise le coeur. Leur désir de consoler Jésus ne s'arrête pas à Lui dire leur amour, il excite leur zèle ; il leur faut, à quelque prix que ce soit, amener ces âmes au Christ et Lui, le Christ, attise encore ce zèle. Il leur communique son ardent Amour pour les âmes que, dès lors, elles aiment avec son Cœur. Cet Amour leur donne une endurance surhumaine bien décrite par Josefa elle-même :

— « Depuis quinze à vingt jours, mon âme a l'attrait de souffrir. Autrefois, tout me faisait peur. Quand Jésus me disait qu'Il m'avait choisie comme victime, tout mon être en frémissait ; maintenant, c'est le contraire. Il y a des jours où je souffre tant que, s'Il ne me soutenait, je ne pourrais pas vivre ainsi, car je n'ai pas un seul membre qui soit épargné !... Malgré cela, mon âme voudrait supporter bien davantage pour Lui, quoique ce ne soit pas sans résistance de la partie sensible. Quand je commence à éprouver ces douleurs, je tremble et je recule instinctivement, mais dans la volonté, il y a une force qui accepte, qui veut, qui désire souffrir plus encore, de sorte que si à ce moment même on m'offrait de choisir, ou d'aller au ciel, ou de continuer à souffrir, je préférerais mille fois rester ainsi pour consoler son Cœur, bien que je me consume d'aller à Lui. Je comprends que c'est Jésus qui a fait cette transformation... » (30 juin 1921).

Josefa a raison, cette force ne vient pas d'elle, mais de Jésus, ou plutôt c'est la Force même de Jésus qui vient en elle, comme Il lui communique ses Sentiments, ses Désirs et ses Souffrances [8].

— « Puisque tu es prête à souffrir ‑ lui dit-Il ‑ souffrons ensemble. » [9].

Et Il lui donne sa Croix :

— « Jésus vint, la Croix sur son Épaule, et Il la mit sur la mienne. » [10]).

— « Je viens t'apporter ma Croix, car je veux M'en décharger sur toi [11].

— « Je veux que tu sois mon Cyrénéen, tu M'aideras à porter la croix [12].

— « Que ma Croix soit ta croix. » [13].

Et cette croix que d'innombrables fois Il lui met sur les épaules, elle la garde des heures, des journées, des nuits entières.

Il lui confie sa Couronne d'épines, qu'elle porte pendant de longues périodes, ne sachant, comme Lui, où reposer sa tête endolorie :

— « Je te laisserai ma Couronne.... Ne te plains pas de cette souffrance... c'est une participation à la Mienne [14].

— « Ma Couronne... Moi-même J'en ceindrai ton front. » [15].

Il lui fait sentir la Blessure de son Côté :

— « Cette douleur ‑ lui dit la Très Sainte Vierge, le 20 juin 1921 ‑ est une étincelle du Coeur de mon Fils; quand elle se fait sentir plus fortement... c'est le signe qu'à cette heure une âme Le blesse profondément. »

Il veut qu'elle souffre la douleur des clous dans ses mains et dans ses pieds :

— « Je vais te donner une nouvelle preuve d'amour : aujourd'hui, tu partageras la douleur de mes Clous. » [16].

        Il l'associe étroitement aux souffrances de son âme et de

son Coeur :

— « Tous les vendredis et surtout les premiers de chaque mois, Je te ferai participer à l'amertume de mon Coeur et tu souffriras d'une manière spéciale les tourments de ma passion. » [17]

Le 1er mars 1922, Il lui apparaît, la figure ensanglantée :

— « Approche-toi ‑ lui dit-Il ‑ repose dans ce Cœur, partage son amertume... »

« Il m'approcha de son Cœur et mon âme fut remplie d'une telle angoisse et d'une telle amertume, que je ne puis l'expliquer. »

Et, comme Jésus, c'est pour les autres qu'elle souffre ainsi.

— « Je veux que tout ton être souffre pour Me gagner des âmes » [18].

— « J'ai une âme qui M'offense.... Ne crains pas si tu te sens désemparée, car Je te ferai partager l'angoisse de mon Cœur » [19].

— « Garde ma Croix jusqu'à ce que cette âme connaisse la vérité » [20].

— « Prends ma Croix, mes Clous, ma Couronne. Moi J'irai chercher les âmes. » [21].

Ces quelques exemples suffisent, ils abondent au cours de ce livre. Victime expiatrice, Josefa partage toutes les douleurs de Jésus, elle porte incrustée dans ses membres comme dans son coeur, l'inénarrable Passion. Elle ne fait qu'un avec Jésus Crucifié ; ses Angoisses la torturent, ses Désirs la consument, la même soif brûlante du salut des âmes la fait s'offrir à toutes les réparations et expiations.

Paulette Leblanc


[1] 7 juin 1923.

[2] 12 juin 1923.

[3] Parmi les novices d'alors, la plupart polonaises, si l'on eût cherché à deviner d'après une certaine apparence mystique, le choix de Dieu, on n'eût pas pensé à Josefa : dans son extérieur, rien qui attirât le regard et pût faire soupçonner une élection divine.

[4] 9 février 1921.

[5] 15 octobre 1920.

[6] Quelques années plus tard, Notre-Seigneur fera cette même promesse à une autre âme-victime : Alexandrina Maria da Costa (1904-1955), béatifiée le 24 avril 2004 par le saint >Pape Jean-Paul II, le Grand.

[7] Dieu n'impose rien ; Il ne force pas, mais pour obtenir le consentement désiré, Il procède avec une habileté divine. Il s'éloigne après une hésitation sans insister et ce départ qui bouleverse Josefa, l'incline à une acceptation plus totale encore ; ou bien, Il ne lui dit pas du premier coup qu'Il veut se servir d'elle pour parler au monde : le choc eût été trop dur ; Il lui dit simplement : « Veux‑tu souffrir? Veux‑tu être victime ? » Victime, il ne s'agit que de souffrir, non de paraître et Josefa accepte.

[8] « Mon coeur se repose quand Il peut se communiquer. Je viens Me reposer dans ton coeur quand une âme Me peine, et c'est mon Désir de lui faire du bien qui passe en toi et devient le lien. » (23 octobre 1922).

[9] 19 décembre 1920.

[10] 18 Juillet 1920.

[11] 26 juillet 1921.

[12] 23 février 1922.

[13] 30 mars 1923.

[14] 26 novembre 1920.

[15] 17 juin 1923.

[16] 16 mars 1923.

[17] 4 février 1921.

[18] 21 décembre 1920.

[19] 13 septembre 1921.

[20] 24 mars 1923.

[21] 17 juin 1923.

   

Pour toute suggestion, toute observation ou renseignement sur ce site,
adressez vos messages à :

 voiemystique@free.fr