LA VOIE MYSTIQUE
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Considérations ● ● ● DIXIÈME CONSIDÉRATION DE LA COMMUNION I - Comme il s'y faut préparer Comme l'Eucharistie est le plus grand et le plus auguste de nos sacrements, son usage est l'action la plus importante de notre vie. Il ne faudrait qu'une bonne communion polir faire un saint, et il ne faut presque qu'une bonne volonté pour la rendre bonne. Il - De la sainteté requise pour communier Ceux qui demandent une sainteté parfaite pour approcher de ce Sacrement, pensant lui faire honneur, l'avilissent et le déshonorent, parce qu'ils le rendent inutile à ceux qui le reçoivent et à ceux qui ne le reçoivent pas. En effet, quel bien me fera ce Sacrement, si j'ai une sainteté consommée ? et quand le recevrai-je, s'il faut que j'aie cette sainteté ? [1] Il n'y a rien de plus injuste et de plus déraisonnable que de demander pour préparation nécessaire à un sacrement ce qui est le fruit et la fin de ce sacrement. Cette pureté sans tache, cette perfection sans défaut, cette sainteté sans vice, cette grâce et cette charité consommée, sont les effets de ce sacrement ; c'est pour les produire dans nos coeurs par un usage plus fréquent qu'il est institué. Il n'y a donc pas de justice [2] d'exiger cette sainteté comme une préparation nécessaire à le recevoir. C'est une présomption horrible de se croire digne de recevoir un Dieu, quelques préparations qu'on y apporte. Si nous mesurons notre dignité sur l'excellence de ce Sacrement, nous ne communierons jamais. Si nous la mesurons sur notre indigence, nous communierons tous les jours. Jésus n'est pas dans ce sacrement pour s'y faire craindre, mais pour s'y faire aimer. Le pain n'est pas une nourriture qu'on prenne quelquefois l'année, mais tous les jours. Pourquoi prendre cette forme s'il ne veut pas être mangé ? S'il voulait se faire craindre des hommes, n'aurait-il pas pris une figure plus auguste et plus majestueuse ? Comme nous ne saurions nous passer de ce Sacrement, Notre-Seigneur en a rendu l'usage et l'accès facile à tout le monde. Approchez de la lumière, et elle vous éclairera ; approchez du feu, et il vous échauffera ; approchez de Jésus, qui est votre vie, votre soleil, votre justice et votre sanctification, mais approchez-en sans crainte, et il vous aimera, il vous instruira, il vous purifiera, il vous sanctifiera. III - La grande crainte nuit Une des choses qui empêchent plus de profiter de la communion, c'est qu'on ne mange pas ce pain céleste avec faim et avec appétit. Quel moyen d'en approcher avec amour, ayant le coeur saisi de crainte ? Et qui peut n'en pas avoir, croyant que c'est abuser de ce sacrement que de n'avoir pas une pureté angélique lorsqu'on le reçoit ? IV - L'humilité est une préparation excellente Préparez-vous bien, âme chrétienne ; mais persuadez-vous que la meilleure de toutes les préparations est la connaissance de vous-même, de votre pauvreté, de votre indigence, avec une ferme espérance que Notre-Seigneur par sa bonté y suppléera. Ne vous empressez pas, comme Marthe, 'à bien traiter Notre-Seigneur ; attendez plutôt de lui, comme la Madeleine, en paix et en silence, la nourriture de votre âme et le changement de votre cœur.[3] V - S'il est bon de se retirer de la sainte table Ne vous retirez pas de la sainte table par dégoût ou par scrupule. Une âme est bien malade qui a perdu l'appétit de cette viande. Le salut dépend quelquefois d'une communion; que savez-vous si ce n'est point de celle que vous quittez ? Notre-Seigneur en ce divin Sacrement n'est pas seulement la nourriture de nos âmes, il en est encore le remède. Il nous nourrit comme aliment, il nous guérit comme médicament. Si donc vous êtes malade, vous devez vous en approcher, et non pas vous en retirer. Quoi ? Est-ce honorer du pain que de n'en point manger ? Est-ce aimer un époux que de le fuir et de n'en oser approcher? Quel honneur faites-vous à Notre-Seigneur, de croire que vous pouvez vous passer de lui et arriver à la sainteté sans le secours de sa grâce ? Comment résisterez-vous aux tentations, sans force ? et d'où la tirerez-vous, si ce n'est de ce divin Sacrement ? Demandez pardon au Fils de Dieu du mépris que vous avez fait de lui, sous prétexte de l'honorer. Pleurez la perte des grâces que vous avez faite, car elles ne coulent dans nos âmes que par le canal des sacrements et principalement de celui qui en est la source. Faites résolution désormais de plutôt laisser mourir votre corps de faim, que de refuser à votre âme sa nourriture, et de ne point manger du tout, le jour que vous ne voudrez pas communier. VI - Pour ceux qui communient souvent Vous communiez souvent : mais le faites-vous dignement ? Ne vous approchez-vous point de la sainte table en état de péché mortel ? Si vous ne le connaissez pas, la communion l'effacera ; si vous le connaissez, votre communion vous condamnera ; car c'est manger son jugement que de communier indignement [4]; et c'est communier indignement que de le faire, sachant qu'on n'est point en état de grâce. Si vous aimeriez mieux mourir que de communier en état de péché mortel, vous avez sujet de croire que vous ne communiez pas indignement.
VII - Dispositions
nécessaires pour recevoir On peut recevoir l'effet principal du Sacrement, qui est la grâce sanctifiante, sans recevoir tous les autres fruits qu'il produit. Pour recevoir l'accroissement de la grâce, il faut être exempt de péché mortel ; pour en recevoir tous les fruits, il faut n'avoir point d'attache volontaire au péché véniel. N'en avez-vous point, âme dévote et religieuse ? N'est-ce point ce qui empêche l'effet de vos communions, et ce qui vous rend si faible et si languissante ? VIII - Réflexion sur l'usage qu'on en fait C'est une très bonne chose de s'accoutumer au bien ; mais il faut bien se donner de garde de faire le bien par coutume, c'est-à-dire sans intention, sans réflexion et sans advertance. Vous préparez-vous comme il faut quand vous devez communier ? N’est-ce point par respect humain et par contrainte que vous le faites ? Mangez-vous cette manne céleste avec appétit ; ou si c'est avec dégoût, comme ces Juifs sensuels qui étaient dégoûtés du pain des anges, et que Dieu punit si sévèrement ? N'avez-vous point quelque péché d'habitude dont vous ne vouliez point vous défaire ? Seriez-vous prêt de mourir allant communier ? Êtes-vous toujours résolu de travailler à votre perfection, quelque dégoût que vous en sentiez ? Si cela est, vous pouvez communier, car ce Sacrement, comme nous avons dit, ne suppose pas une âme parfaite, mais lui donne la force pour arriver à la perfection. O mon Dieu, dit David, ceux qui s'éloignent de vous périront. Faites-vous régler vos communions, et si vous êtes religieuse, ne manquez pas de suivre la communauté. Dieu veut que vous gardiez vos règles, par conséquent que vous communiez tous les jours prescrits par la règle. Tout ce qui vous en empêche ces jours-là sont de pures illusions. IX - Qui sont ceux qui profitent de la communion ? Dire la messe tous les jours et n'en devenir pas meilleur, communier souvent et en devenir plus méchant, c'est une marque qu'on ne fait point un bon usage de ce Sacrement. Ne jugez pas que vous deveniez plus méchant pour sentir de fortes inclinations au mal. La communion n'ôte pas toutes les inclinations mauvaises, elle nous en laisse pour nous tenir dans la défiance de nous-même et dans la dépendance de la grâce. Si elle n'empêche pas le sentiment, elle empêche le consentement, comme dit saint Bernard. Voudriez-vous commettre un péché mortel ? Comment dites-vous que vous ne profitez point de la communion ? Pourriez-vous sans elle vous en abstenir ?
X - Peut-on
communier Les âmes humbles croient empirer au lieu de s'amender, et reculer au lieu d'avancer. Il ne faut pas juger du profit que l'on fait par le sentiment qu'on en a. Il est bon que vous vous croyiez la plus méchante et la plus infidèle des créatures ; et quoique vous la soyez véritablement, cela ne vous empêchera pas de communier, pourvu que vous ayez un véritable dessein de vous amender. Car comment le ferez-vous sans grâce ? Et d'où la tirerez-vous que de ce Sacrement où est l'Auteur de la grâce ? Que si vous ne voulez point travailler à votre perfection, ni vous corriger de vos défauts, ni rompre vos attaches, je ne suis pas d'avis que vous approchiez de la communion.
XI - Le peut-on
quand on sent des tentations Ne confondez pas le sentiment du mal avec le consentement au mal. Vous pouvez être méchant, ayant de fortes inclinations au bien ; vous pouvez être saint, ayant de puissantes inclinations au mal, pourvu que vous n'y donniez point de consentement. Ainsi les tentations ne vous doivent point retirer de la sainte table ; au contraire, c'est ce qui vous oblige d'en approcher, pour y trouver de la force et du remède. Ne vouloir point se chauffer parce qu'on a froid, ni manger parce qu'on a faim, ni prendre de remède parce qu'on est malade sont-ce des résolutions d'une personne sage, et qui veut vivre, ou d'une personne désespérée, et qui veut mourir ?.
XII - Le peut-on
quand on n'a pas de La dévotion sensible n'est pas nécessaire pour bien communier, puisqu'elle ne dépend pas toujours de notre volonté, et qu'il arrive souvent que les plus grands saints n'en ont pas, même aux plus grandes fêtes de l'année, comme il arriva à sainte Thérèse le jour de Pâques ; soit parce que l'âme s'attache à ces menues douceurs, soit parce qu'elle se promet de les avoir par ses propres forces. Quoiqu'il en soit, ce n'est pas en ces tendresses que consiste la véritable dévotion, mais dans une prompte et constante volonté de faire ce que Dieu veut et de ne pas faire ce qu'il défend. Faites ce que vous pouvez avec la grâce de Dieu ; suppléez par votre humilité, comme parle saint Bernard, ce qui manque à votre charité, et vous serez très bien préparé. XIII - La meilleure préparation est l'humilité et le désir Il y a de belles pratiques pour se préparer à la communion. La meilleure à mon avis, après la confession, est l'humilité et le désir. L'humilité nous fait voir notre indignité, le désir notre indigence ; la première nous éloigne de la sainte table, la seconde nous en approche ; l'une vous fait dire avec le centenier : Seigneur, je ne suis pas digne [5]; l'autre nous fait dure avec saint Pierre, lorsque les autres disciples se retiraient de la compagnie de leur traître: Seigneur, à qui irions-nous? vous avez les paroles de la vie éternelle.[6] XIV - Motifs d'humilité, d'amour et de désir Pour s'humilier devant Notre-Seigneur, il n'y a qu'à ruminer ces deux paroles : Qui êtes-vous, mon Dieu, et qui suis-je ? Pour désirer le recevoir, il faut considérer l'honneur et le profit qu'il nous revient de manger à sa table ; l'amour infini que Jésus-Christ nous porte ; le désir qu’il a de manger cette Pâque avec nous, d’entrer dans nos coeurs et de nous communiquer sa vie ; la misère extrême où nous sommes ; la nécessité que nous avons de sa grâce et de sa force.[7] Le désir est enfant de la pauvreté : une âme qui conçoit son indigence a une passion infinie de communier pour se nourrir et pour se fortifier. XV - Peut-on se croire digne de la communion ? Ne vous persuadez point, quelque préparation que vous puissiez apporter à la communion, que vous soyez jamais digne de communier. Cette pensée est présomptueuse, et vous rendrait indigne de participer à ces divins Mystères. Mettez toute votre dignité, si vous en pouvez avoir, en votre humilité. Protestez devant le ciel et la terre que vous ne faites fond que sur la bonté de Dieu, que sur le désir qu'en a Notre-Seigneur, et sur l'obéissance que vous devez à votre confesseur. XVI - Intentions qu'on peut avoir en communiant. Purifiez votre intention. Approchez de la sainte table pour honorer Dieu, pour obéir à ses volontés, pour accomplir ses desseins, pour vous unir à Jésus-Christ, pour lui donner la vie dans votre cœur, pour vous appliquer les mérites de sa Passion, pour vous enrichir de ses grâces, pour nourrir et fortifier votre âme, pour obtenir quelque vertu, pour détruire quelque vice, pour le soulagement de vos amis vivants et défunts, ou pour quelque autre fin semblable. XVII - Dévotions empressées Ne vous empressez point en vos dévotions : persuadez-vous que tout consiste à s'humilier et à demeurer en paix. Êtes-vous capable de recevoir un Dieu ? avez-vous de quoi fournir à cette dépense ? Priez Notre-Seigneur de se préparer lui-même son logis, et d'envoyer deux de ses disciples pour mettre tout en ordre.[8] Soyez semblable à ces vierges sages qui attendaient leur époux sans bruit et sans inquiétude.[9] XVIII - Pensées propres pour exciter la dévotion Il y a beaucoup de moyens d'occuper son esprit et d'exciter sa dévotion avant que de communier. Les uns le font par ces pensées : Qui suis-je, mon Dieu, et qui êtes-vous ? Que venez-vous faire dans mon cœur ? Que gagnerai-je à vous recevoir ? Pour quelle fin vais-je communier ? D'autres parcourent la vie de Notre-Seigneur, et s'arrêtent au mystère qui les touche davantage. Par exemple : Je vais, dit une bonne âme, recevoir le Fils de Dieu qui est assis sur le trône de son Père, qui est adoré des anges, et qui s'est revêtu de ma chair dans les entrailles de la sainte Vierge. Je vais renouveler son Incarnation, lui donnant une nouvelle vie en moi. O quel honneur pour moi, quelle grâce et quelle faveur ! N'est-elle pas aussi grande que celle qu'il a faite à la Vierge ? Hélas ! je n'ai point la sainteté, et cependant je la devrais avoir, puisque le même Fils de Dieu entre dans son coeur, et s'unit plus parfaitement à moi par la communion qu'il ne s'est uni à elle par l'Incarnation, s'il est vrai, ce qu'on enseigne ordinairement, que le Fils de Dieu pouvait naître d'une mère criminelle.[10] Si cette pensée ne vous occupe point, passez à une autre, et songez [11] que vous allez recevoir celui qui est né dans une étable, celui qui a été visité des bergers, celui qui a été adoré des rois, celui qui a été reçu entre les bras de Siméon dans le Temple, qui a été tenté dénis le désert, qui s'est transfiguré sur le Thabor, celui qui a fait tant de miracles, qui a éclairé tant d'aveugles, qui a guéri tant de malades, qui a ressuscité tant de morts, qui n'est jamais entré dans une maison sans y laisser des marques de sa bonté. Concevez un grand désir de le recevoir, et une ferme espérance qu'il guérira, sanctifiera, et enrichira votre âme de ses trésors. Passez ensuite à la Passion, et considérez que vous allez recevoir celui qui a institué ce divin Sacrement la veille de sa mort, qui sua le sang dans le jardin des Olives, qui le versa de toutes les veines de son corps dans le prétoire de Pilate, qui le donna jusqu'à la dernière goutte sur la Croix, et que c'est ce même Sang qui va échauffer votre cœur et couler dans vos veines. Ajoutez encore que celui que vous allez recevoir vous aime si tendrement qu'il a bien voulu mourir pour vous ; qu'il vous vient appliquer le fruit de sa mort et de sa passion; c'est lui qui fut mis dans un sépulcre, et qui va descendre dans votre coeur comme s'il descendait de la Croix dans le tombeau ; que c'est lui qui vous a été chercher dans les enfers et qui est ressuscité glorieux ; que vous allez recevoir ce même corps avec ces plaies adorables qu'il fit toucher à ses disciples ; qu'il va vous découvrir son côté et vous donner entrée dans son coeur. Enfin considérez que vous allez recevoir celui qui est monté au ciel, qui doit venir juger les vivants et les morts, et qui vous remerciera de l'avoir logé chez vous lorsqu'il était pèlerin sur la. terre. N'y a-t-il pas là suffisamment de quoi vous occuper, et vous donner de la dévotion ? Il y en a d'autres qui parcourent les Litanies du saint Nom de Jésus et qui s'arrêtent au titre qui les touche le plus. Je vais recevoir le Fils du Dieu vivant. Je vais recevoir le Roi de gloire. Je vais recevoir le Soleil de justice, le Dieu de paix, le Père des pauvres, etc. Et de chaque titre ils tirent des motifs d'humilité, de charité et de confiance, comme vous verrez eu la suite de cette considération. Vous trouverez encore dans la méditation de la Communion, qui est dans le second tome de nos petites méditations, tous les motifs capables de donner à une âme de l'amour et de la tendresse pour ce divin Sacrement. XIX - Action de grâces Or comme il est très important de se bien préparer avant la communion, il est aussi nécessaire de bien ménager le temps d'après la communion. La viande ne profite pas si elle n'est digérée. C'est le feu de l'amour et de la dévotion qui nous transforme en Notre-Seigneur après que nous l'avons reçu. O Jérusalem ! Si tu savais qui est celui qui te vient voir, et les biens que tu peux recueillir de cette visite ! Mais parce que tu n'en as pas profité, tu seras sévèrement châtiée. XX - Comme II faut la faire. Savez-vous comme il faut vous entretenir avec Notre-Seigneur ? Quelle civilité feriez-vous à un roi qui viendrait chez vous vous voir et manger avec vous ? Quelles actions de grâces lui rendriez-vous ? Que de demandes et de requêtes lui présenteriez-vous pour vous et pour vos amis ! Si Jésus-Christ, en entrant, vous donne des marques sensibles de sa présence, et vous attendrit le coeur, profitez de ces précieux moments. Si vous êtes distrait, dissipé, tiède et languissant, ne vous troublez point, mais priez Notre-Seigneur de suppléer à votre impuissance, et de faire en votre coeur ce qu'il a dessein d'y faire. La viande se digère en votre estomac sans que vous y pensiez, pourvu que vous ne troubliez point l'opération de la nature. Laissez faire la grâce ; si vous ne l'empêchez point d'agir, par des distractions volontaires, elle digérera, pour ainsi parler, cette viande céleste, et vous transformera en Jésus-Christ. C'est un roi de paix, qui demeure dans la paix. Ne troublez point son repos, et il vous donnera sa paix. Il est bon d'abord, après avoir communié, de vous tenir paisible et dans un profond silence, écoutant Notre-Seigneur parler, ou plutôt le laissant faire ce qu'il veut dans votre coeur. Ne jugez pas de l'effet de la communion par le sentiment que vous en avez. Les opérations de Dieu les plus parfaites sont ordinairement les moins sensibles. Quand l’Époux est entré, fermez la porte de votre coeur, et vous reposez sur son sein. L'amour est éloquent; il ne faut point lui apprendre à discourir. Il parle beaucoup quand il est jeune ; il se tait quand il est dans sa force et dans sa maturité. Parlez beaucoup, âmes tendres, priez, demandez, pleurez, soupirez, mais ne manquez pas aussi d'entendre ce que vous dira le Seigneur. Pour les âmes parfaites, elles doivent s'abandonner entièrement à son amour, et jouir doucement de la présence de leur Bien Aimé. Si elle veulent parler, elles se contenteront de lui dire ces deux paroles : Mon Dieu et mon tout. C'est encore trop, il faut que toute chair se taise en la présence du Seigneur. Ceux qui n'ont pas de facilité à s'entretenir avec Notre-Seigneur, pourront s'aider des même considérations que nous avons proposées avant la communion, changeant le temps à venir au présent, disant : voilà celui qui est né dans une étable ; arrêtez-vous là ; voilà celui qui est mort sur une croix ; arrêtez-vous, et produisez des actes d'amour, de reconnaissance, et ainsi du reste. Vous pouvez aussi parcourir les litanies du saint Nom de Jésus, de la manière que nous enseignons à la fin de cette Considération.
XXI - Il faut
s'entretenir quelque temps Il y en a qui font leur enfer d'être avec Dieu ; leur plus grand tourment est d'être en sa présence ; ils s'ennuient dés lors qu'il est entré chez eux, et lui tournent le dos pour s'entretenir avec les créatures. À la vérité, c'est là une incivilité sans exemple. Vous ne sauriez que lui dire ? Laissez-le parler. Vous ne pouvez aimer ? ne pouvez-vous pas vous humilier ? Demeurez à ses pieds comme la Madeleine, et priez tous les saints de le remercier pour vous. Récitez du moins quelques oraisons vocales, et faites à votre hôte la meilleure chère que vous pourrez. Aussitôt que Judas eut communié, Satan entra dans son corps [12], et l'obligea de se retirer ; d'autant, dit saint Cyrille d'Alexandrie, qu'il appréhendait que le Fils de Dieu, par sa présence, ne touchât le coeur de ce misérable, et ne lui donnât quelque sentiment de douleur. Tandis que je suis au monde, dit-il, je suis la lumière du monde [13]. Tandis qu'il est dans une âme, n'est-il pas le soleil de cette âme ? Il est impossible d'être modestement en sa présence sans sentir quelque rayon de sa grâce et de son amour. Ah ! vous vous enfuyez, Caïn ? tous les objets que vous rencontrerez vous donneront la mort. XXII - Visite du Saint-Sacrement On se plaît en la compagnie de ceux qu'on aime, Le Fils de Dieu fait ses délices d'être avec vous ; faites-vous les vôtres d'être avec lui ? Lui rendez-vous tous les jours quelque visite ? Il est demeuré sur la terre pour vous conseiller dans vos doutes, pour vous consoler dans vos peines, pour vous fortifier dans vos faiblesses, pour vous soutenir dans vos tentations. Croyez-vous qu'il soit sur nos autels ? Pouvez-vous le croire, et l'abandonner ?
XXIII - Diverses
dévotions en visitant Il y en a qui, dans les visites du Saint-Sacrement, le considérant chaque jour dans un festin où il s'est trouvé sur la terre : le lundi, aux noces de Cana, avec sa sainte Mère ; le mardi, chez Simon avec les publicains ; le mercredi, au désert avec les anges ; le jeudi, dans le cénacle avec les apôtres, ou chez le Lazare avec Marthe et Madeleine ; le vendredi, sur la Croix avec les voleurs, où il est abreuvé de fiel et de vinaigre ; le samedi, dans le château d'Émmaüs avec deux de ses disciples ; le dimanche, dans la salle après sa Résurrection, et sur le rivage avec ses apôtres [14]. D'autres le considèrent dans le Saint-Sacrement sous divers titres. Le dimanche comme Roi ; le lundi comme Père ; le mardi comme Ami ; le mercredi comme Médecin ; le jeudi comme Époux ; le vendredi comme Rédempteur; le samedi comme conquérant, vainqueur des démons et glorificateur. Il faut produire des actes de foi, d'espérance, d'amour, da confiance, de remerciement, etc., conformément à la disposition où l'on se trouve, et à la qualité que l'on considère. Ceux qui communient tous les jours peuvent le considérer et le recevoir chaque jour en l'une de ces manières. D'autres enfin se le proposent dans le cours de sa Passion, dont ce Sacrement est la représentation. Le lundi dans le jardin des Olives, combattant et vous incitant à combattre avec lui ; le mardi, chez Anne et Caïphe, souffrant des injures, et vous exhortant à souffrir comma lui ; le mercredi chez Hérode, et avec Barabbas, traité de fol et de scélérat, vous enseignant qu'il faut être méprisé comme lui ; le jeudi, in sa flagellation, et en son couronnement, vous disant qu'il faut être déchiré et maltraité comme lui ; le vendredi portant sa croix, mourant sur le Calvaire, vous priant de la porter avec lui et de mourir comme lui ; le samedi, dans le tombeau et dans les limbes, vous exhortant à y descendre après lui ; le dimanche, ressuscité dans la Galilée, ou dans le ciel, vous promettant de vous faire régner avec lui. Examinez-vous sur toutes ces dévotions, et voyez si vous vous en acquittez comme il faut. [1] On sait quel mal profond et invétéré est sorti du faux respect, dont l'hérésie janséniste a professé la doctrine et propagé la pratique. Le livre De la fréquente communion, d'Arnauld n'a été, sous couleur [2] On exige trop, on manque à l'homme et on manque à Dieu ; la juste appréciation de ce qui est requis lait défaut. [3] Attendez, mais non pas passivement; attendez de Notre-Seigneur, en les lui demandant, les dispositions spirituelles les meilleures. Activité, mais non pas empressement, encore moins inertie ; comptez plus sur Dieu, par la confiance et par la prière, que sur vous-même, par une activité indiscrète : tel est, croyons-nous, le sens de ce passage dont il serait facile d'abuser. [4] Saint Paul. I Corinthiens : 11 ; 29. [5] Saint Mathieu : 8 ; 8. [6] Saint Jean : 6 ; 69. [7] Nécessité, besoin urgent. L'auteur ne traite ici ni de la nécessité de la grâce ni de celle de l’Eucharistie, telles que la théologie les enseigne avec es précisions utiles. [8][8] Pierre et Jean dont envoyés par le Seigneur pour préparer le dernier repas de la Pâque qui préludera à la Cène ; ils symbolisent, d'après une interprétation consacrée, la foi et l'amour Luc, 22, 8. [9] Mathieu : 25. Cette paix des vierges sages semble indiquée, ou du moins insinuée, par le sommeil qu'elles prennent, et qui ne les empêche, pas de se trouver prêtes, c'est-à-dire pourvues d'huile et incapables de se laisser troubler par la question des autres. Toutes sommeillent, mais quelle différence d'un repos à l'autre ! Le P. Grasset semble avoir loué ici l'attente paisible de Dieu. [10] L'union ne saurait être plus parfaite entre le Christ et l'âme dans la communion qu'entre le Christ et sa bière, parce qu'il était de toute convenance que Dieu, donnant une Mère à son Fils, comblât cette Femme unique de tous les dons et de toutes les grâces, nulle proximité n'étant plus intime avec Dieu, nulle fonction plus haute, nulle mission plus sainte. Tel est l'enseignement de la théologie, tel est le sentiment chrétien, que la dévotion grandissante à la Mère de Dieu n'a fait que préciser. La Maternité divine est la racine de tous les privilèges dont Marie a été gratifiée, et dont il convenait qu'elle fût ornée. L'hypothèse à laquelle fait ici allusion le Père Crasset est moins un « enseignement » de la théologie qu'une façon théorique de faire entendre comment, abstraction faite de ses radieux compléments, la maternité divine n'est pas, par elle-même, principe sanctificateur. La femme qui aurait donné le jour au Christ n'aurait été en ce cas que le canal d'une incarnation dénuée de ses meilleurs attraits. Mais tout exigeait le contraire. À peine pourrait-on appeler mère la femme réduite à un rôle si diminué ; et il vaut mieux déclarer inadmissible, sinon injurieuse à Dieu, pareille opposition entre la personne et la fonction. [11] La méditation apparaît ici comme la meilleure préparation quotidienne à la communion. [12] Judas a-t-il communié ? La question reste controversée. Du moins Judas trahissait déjà et se préparait à consommer son crime en livrant son Maître à ses ennemis. La leçon que le Père Crasset dégage ici de l'horreur d'une telle conduite demeure entière, de ce chef. [13] Saint Jean : 9 ; 15. [14] Notons, dans l'ordre où il les énumère, les passages évangélique que rappellent ces sujets : Cana, Jean. 2. - Simon, Luc, 7. - Le désert Mathieu., 4. - Le cénacle, Jean., 13. - Lazare, Jean., 11. - La Croix, Jean., 19. - Émmaüs, Luc, 24. - La Résurrection, Luc 24 - Le rivage Jean, 21.
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