LA VOIE MYSTIQUE
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APPENDICES ● ● ● APPENDICE II
CINQ DEGRÉS POUR
ARRIVER Méditation Préparation. – Mettez-vous en la présence de Dieu, et lui demandez son Esprit, pour connaître le chemin que vous devez tenir pour arriver à la perfection. Premier point. – Un chrétien doit se considérer sur la terre comme un pèlerin qui fait voyage, et qui retourne à sa chère patrie, qui est le paradis. C'est la qualité que nous donne le Prince des Apôtres. Or, un pèlerin use des choses en passant ; il ne s'attache point à son hôtellerie ; il ne fait point de dépense pour la meubler, pour l'enrichir, pour la dorer, sachant bien qu'il la doit quitter. Ainsi le chrétien ne doit point s'attacher aux biens de la terre, ni bâtir de grandes fortunes, puisque ce n'est pas ici le lieu de sa demeure, et qu'il doit un jour tout abandonner. Secondement, un pèlerin marche toujours et avec diligence, principalement quand les jours sont courts, et les chemins mauvais. Mes frères, dit saint Paul, avancez d'un grand pas à la perfection, car le temps est court, la mort approche, le soleil se couche, les chemins. sont dangereux et mauvais. Est-ce ainsi que vous vivez ? Est-ce ainsi que vous avancez? N'êtes-vous point attaché au monde ? Êtes-vous prêt de le quitter ? Avancez-vous à la perfection ? Marchez-vous ? Courez-vous ? Si vous vous arrêtez en chemin, vous serez surpris de la nuit. Deuxième point. – Ce n'est pas assez d'être pèlerin sur la terre, il faut encore être crucifié. C'est saint Paul qui le dit : Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié leur chair avec leurs vices et leurs méchantes inclinations [1]. Être crucifié, dit saint Bernard, c'est estimer délices ce que le monde appelle croix, c'est estimer croix ce que le monde appelle délices. Être crucifié, c'est faire de nécessité vertu, et de vertu nécessité. Être crucifié, c'est être attaché si fortement à la volonté de Dieu parles clous de la crainte, de l'espérance et de l'amour, que rien ne puisse jamais nous détacher de son service. Un pèlerin peut aller où il veut; il peut avancer ou reculer quand il lui plaît ; mais celui qui est crucifié est privé de l'usage de ses membres. Comment puis-je commettre un crime si détestable, disait le chaste Joseph ? Voilà un homme qui était crucifié. Le fidèle chrétien fait la même réponse au démon, quand il le tente : Comment pourrais-je offenser Dieu, qui m'a fait tant de biens ? C'est en vain que tu me tentes, tu perds ta peine, je suis crucifié, je ne puis commettre ce péché. Troisième point. – Ce second degré de perfection est excellent ; cependant il ne suffit pas ; car celui qui est en croix voit encore ce qui est devant ses yeux, il entend ce qu'on lui dit ; il a l'usage des sens. Mais un chrétien pour être parfait doit être mort à la vie sensuelle. Un mort ne voit plus, n'entend plus, ne savoure plus, ne craint plus, ne désire plus. Si on le frappe, si on lui marche sur le ventre, si on lui dit des injures, si on le met en pièces, il ne sent point le mal qu'on lui fait, et il ne s'en offense point. De même le chrétien parfait doit être mort à tous les sentiments de la nature ; du moins il les doit réprimer, et n'écouter non plus sa passion que s'il était mort. Réflexions et affections. – O mon Dieu, que je suis éloigné de cette perfection ! ô que la nature est vivante en moi ! O que je me laisse souvent emporter à mes passions ! Je vous fais, mon Dieu, la même prière que vous faisait Moïse ; je vous conjure de me donner la mort, afin que vous viviez uniquement en moi. Quatrième point. – Ce n'est pas encore assez d'être mort pour être parfait : il faut de plus être enseveli, et pour ainsi parler réduit en cendres, consumé et anéanti. Car un corps mort se voit encore ; on lui rend de l'honneur, on le porte en terre avec pompe et appareil ; mais on ne pense plus à un mort quand il est inhumé, on ne lui rend plus d'honneur ; il est comme s'il n'était plus. Ainsi le parfait chrétien doit être enseveli avec Notre-Seigneur, c'est-à-dire il doit être inconnu au monde, méprisé, oublié, abandonné; il doit être encore consumé, anéanti, c'est-à-dire sans honneur, sans biens, sans plaisir, sans vie, sans être naturel et moral, se considérant devant Dieu comme un pur néant jusqu'à ce que Dieu le ressuscite. Réflexions et affections. – O sacré néant, où l'âme, perdant son être propre, passe pour ainsi parler dans l'Être de Dieu et retourne en sa première origine ! O sépulcre vivant, où les sages de la terre se bâtissent des solitudes ! O champ évangélique, où le trésor de la grâce est caché, où le grain de froment meurt et pourrit pour fructifier au centuple ! O mon Dieu, que je sois de ces morts vivants qui sont navrés d'amour, et qui dorment dans les sépulcres ! O que je meure, afin que vous viviez en moi ! O que je ne sois plus rien, afin que vous soyez tout en moi, tout à moi, et si je l'ose dire, tout moi. Cinquième point. – Le dernier degré de la perfection chrétienne est de descendre avec Notre-Seigneur du sépulcre aux enfers, par un dépouillement de toute lumière et de toute consolation, demeurant dans les ténèbres et dans la privation sensible de Dieu, dans l'exil du cœur, sous la puissance même des démons, si Dieu le permet ainsi, sans trouble, sans défiance et sans murmure, jusqu'à ce que le divin Sauveur nous vienne tirer de cet abîme et nous fasse ressusciter, trois jours après cette mort, à une vie spirituelle, glorieuse et impassible. Voilà le terme où il faut arriver. Réflexions et affections. – Dans lequel de ces cinq degrés êtes-vous ? Êtes-vous détaché du monde comme un pèlerin ? Le méprisez-vous et en êtes-vous méprisé comme un crucifié ? N’avez-vous non plus de désirs qu'un mort ? Êtes-vous caché aux yeux des hommes comme si vous étiez en terre ? Trouvez-vous votre paradis dans l'enfer, et vous contentez-vous de Dieu dans la privation de tous les biens créés ? O Dieu seul, que vous êtes aimable ! O quand sera-ce, mon bien-aimé, que je vous trouverai seul, à l'écart de toutes les créatures ? J'aime mieux être avec vous dans l'enfer que d'être sans vous dans le paradis ? O mon Sauveur, je vous suivrai partout où vous irez, à la croix, à la mort, au sépulcre, en enfer. O Dieu seul, vous êtes ma joie, vous êtes mon paradis. O mon cœur, quand ne chercheras-tu que Dieu seul ? Quand te contenteras-tu de Dieu seul ? Toutes les créatures sans lui ne te sauraient contenter ; lui seul est capable de te remplir et de te rendre heureux. Çà donc, mon pauvre coeur, vide-toi de toutes les créatures ; n'aime que Dieu seul, et tu sortiras aussitôt de l'enfer oïl tu es, pour entrer dans un paradis de délices, où tu trouveras Dieu seul en tout, et tout en Dieu seul. Ainsi soit-il. [1] Saint Paul. Galates : 5 ; 24.
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