4 - Les épreuves
4-1-La nuit de
l’esprit
Au Père Agostino
Le bon Jésus a mis
mon esprit dans un état de détresse extrême; c’est à peine si je partage
la vie des enfants de Dieu. Tout n’est que désert et désespoir de l’âme
en ces moments d’anxiété et d’espérance.
De temps à autre,
une lumière bien ténue m’arrive d’en haut pour assurer à ma pauvre âme
que tout est voulu par la Providence divine et que, les joies se mêlant
aux larmes, le Père céleste la conduit, à l’aide de secrets
impénétrables, vers sa fin qui n‘est autre que sa perfection, l’union à
son Dieu; mais il en découle, hélas, un état de détresse de l’âme bien
plus déplorable qu’auparavant. (20 juin 1915)
Au Père Agostino
Mon âme ne cesse de
soupirer sous le poids de cette nuit qui l’entoure et la pénètre
totalement. Mais elle se trouve dans l’incapacité de penser, non
seulement à des choses surnaturelles, mais même aux choses les plus
simples. En outre, quand l’âme est sur le point de saisir le moindre
rayon de la divinité, toute sorte de lumière disparaît aussitôt à son
regard... Cette angoisse est si profonde que, moi-même, je ne parviens
pas à m’exprimer à moi-même. (fin janvier 1916)
Au Père Benedetto
Au milieu de la nuit
qui m’entoure, je garde les yeux fixés vers l’Orient, pour tenter
d’apercevoir l’étoile miraculeuse qui guida nos pères vers la grotte de
Bethléem. Mais c’est en vain. Plus je regarde et plus ma vue baisse;
plus je m’y efforce, plus je la cherche ardemment, et plus je me vois
enveloppé de ténèbres toujours plus épaisses. Je suis seul le jour, je
suis seul la nuit, et aucun rayon de lumière ne vient m’éclairer; jamais
la moindre goutte de soulagement ne vient vivifier la flamme qui me
dévore continuellement sans jamais me consumer.
Une infinité de
craintes m’assaillent à tout moment. Des tentations contre la foi qui
veulent me pousser à tout renier. Mon Père! Comme il est difficile de
croire! Que le Seigneur m’aide à ne pas jeter l’ombre du soupçon sur ce
qu’il lui a plus de me révéler. (8 mars 1916)
Au Père Benedetto
Que la grâce de
l’Esprit Saint soit toujours avec vous et fasse de vous un saint! Ainsi
soit-il!
Les ténèbres
s’épaississent de plus en plus. Les tempêtes succèdent aux tempêtes et
un vide toujours plus effrayant se creuse au fond de moi, qui me fait
mourir de terreur à chaque instant. Je ne me rappelle presque plus rien
du passé; je ne perçois plus rien du présent; l’avenir n’est plus, pour
moi, qu’un mot vide de sens et seulement bon à emplir mon âme
d’amertume, puisqu’il m’apparaît sans aucun espoir de voir renaître le
soleil éternel sur le ciel de mon âme. Je suis pénétré jusqu’au plus
intime de l’âme par une peur qui me broie les os, celle d’offenser le
moins du monde ce Dieu qui me rejette... (17 mars 1916)
Au Père Agostino
Ma foi ne tient qu’à
un effort de ma pauvre volonté, contre toute conviction humaine... Ma
foi est le fruit d’efforts continuels sur moi-même. De plus tout cela
n’est pas l’affaire de quelques fois, mais c’est permanent... (17 mars
1916)
Au Père Benedetto
Je te supplie, ô mon
Dieu, d’être ma vie, ma barque et mon port. Tu m’as fait monter sur la
Croix de ton Fils, et moi, je m’efforce de m’y adapter de la meilleure
manière... Je suis persuadé qu’il faut te parler au milieu des tonnerres
et des bourrasques, qu’il faut te voir dans le buisson ardent, au milieu
des épines en feu... (8 novembre 1916)
Au Père Benedetto
Je ne peux pas
trouver de repos; fatigué et immergé dans une amertume extrême, dans la
désolation la plus désespérée, dans le souci le plus angoissant de ne
pas pouvoir retrouver mon Dieu, et de ne pas gagner à Dieu tous mes
frères... Mon cœur est toujours aride, inquiet, haletant en voyant tant
d’âmes souffrir sans pouvoir être soulagées. (6 novembre 1919)
Au Père Benedetto
Je suis fatigué,
extrêmement fatigué de crier au Très-Haut qu’il finisse par se laisser
fléchir, qu’il se rende à mes supplications, à mes cris. (12 novembre
1919)
Au Père Benedetto
La pensée de voir
tant d’âmes qui ont un immense désir de se justifier dans le mal en
dépit du souverain bien m’afflige, me torture, me martyrise, m’use le
cerveau et me déchire le cœur... Ah! Mon Père, ne me laissez pas seul,
secourez-moi par votre prière et par vos conseils. (8 octobre 1920)
Au Père Agostino
Tous les tourments
de cette terre, réunis en gerbe, je les accepte, mon Dieu, je désire
qu’ils soient mon lot, mais jamais je ne pourrai me résigner à être
séparé de vous par manque d’amour. Faites que je ne me sépare jamais de
vous...
Mon âme se rappelle
trop bien quelle terrible bataille ce fut quand vous, mon Bien-Aimé,
vous vous êtes caché! Comme elle est encore vive, ô mon amant très doux,
la terrible impression que cela a fait sur mon âme! Qui pourrait jamais
éteindre le feu qui brûle dans mon cœur avec des flammes si ardentes...
Vous comprendrez également quel atroce martyre c’est pour l’âme que de
voir les graves offenses faites par les enfants des hommes à notre
triste époque... Oh! Dieu! ô Dieu! Qu’en sera-t-il de vos malheureux
enfants qui sont encore mes frères mais qui ont peut-être déjà mérité
vos foudres.(17 octobre 1915)
Au Père Benedetto
J’ignore si ce que
je fais plaît à Dieu... Dieu grandit sans cesse à l’œil de mon esprit.
Je le vois toujours dans le ciel de mon âme, enveloppé d’un épais
brouillard. J’ai beau le sentir proche, je le vois loin, loin. Au fur et
à mesure que mes désirs augmentent, Dieu se fait plus intime à moi-même,
je le sens, et pourtant ces mêmes désirs me le font voir toujours plus
lointain. Mon Dieu! Quelle chose étrange! (16 juillet 1917)
Au Père Benedetto
Que c’est pénible de
vivre du cœur! Il faut mourir à tout instant d’une mort qui ne fait pas
mourir, sinon pour vivre en mourant et mourir en vivant. Hélas! qui me
délivrera de ce feu dévorant? (20 novembre 1921)
Au Père Benedetto
Mon Dieu, quand me
reposerai-je un peu tranquille en toi?... Ô mon Dieu, toi qui mesures en
moi l’extrême amertume de mon esprit, ne tarde pas à venir à mon
aide... Comme Job, dans ma fatigue je ne me lasserai pas de crier:
“toi aussi tu me tues, mais je ne cesserai pas d’espérer en toi.”(3
février 1922)
Au Père Benedetto
Je m’efforce avec
soin d’être ferme vis à vis de tout ce que vous m’avez dit de la part
de Jésus, mais aucun rayon de lumière ne descend dans mon pauvre esprit
pour m’éclairer, aucun rafraîchissement ne vient rafraîchir mon pauvre
cœur desséché par une sécheresse continuelle et sans cesse croissante...
Je ne demande pas à Jésus de m’enlever cette tribulation, mais je lui
demande de ne pas l’offenser et je lui demande aussi un peu de lumière
pour savoir que cette tribulation n’est pas une punition de mon
infidélité. (17 mars 1922)
4-2-La
souffrance
Au Père Agostino
Dans la douleur, Jésus est plus
proche; il regarde, c’est lui qui vient mendier les peines, les
larmes... Il en a besoin pour les âmes (2 avril 1912)
Au Père Agostino
Quant à la nuit dernière, je l’ai
passée tout entière avec Jésus dans sa Passion. Cette fois encore, j’ai
beaucoup souffert, mais bien différemment de la veille. Il s’agissait
d’une douleur qui ne me faisait aucun mal; ma confiance en Dieu ne
cessait de grandir. Je me sentais toujours plus attiré par Jésus. Sans
qu’il n’y ait aucun feu près de moi, j’avais l’impression que tout
brûlait en moi...
Je brûlais de mille flammes qui me
faisaient tout à la fois vivre et mourir... Mon Père, si je pouvais
voler, je voudrais crier, hurler à tous de toutes mes forces: aimez
Jésus, il est digne d’amour!... (28 juin 1912)
Au Père Agostino
Oui, mon âme est blessée d’amour pour
Jésus; je suis malade d’amour; je ressens continuellement cette amère
souffrance de l’ardeur qui brûle mais ne consume pas... De la même
manière qu’un torrent entraîne tout ce qu’il rencontre dans les
profondeurs de la mer, mon âme a plongé dans l’océan sans rivage de
l’amour de Jésus, sans aucun mérite de ma part et sans que je m’en rende
compte... (9 aoüt 1912)
Au Père Agostino
Il me faut mon Père, atteindre le
“tout est consommé” et le “entre tes mains”, (5 novembre
1912)
Au Père Agostino
Mon Père, vivre ici-bas m’ennuie. Cet
exil m’est si pénible que je n’en puis plus ou peu s’en faut; la pensée
que, à chaque instant, je risque de perdre Jésus m’angoisse d’une façon
que je ne peux expliquer. Seule une âme qui aime sincèrement Jésus peut
le comprendre...
Jésus me parla au cœur plus
fortement: “Mon fils, c’est dans la souffrance que l’on reconnaît
l’amour; tu le ressentiras avec acuité en esprit et plus encore dans ton
corps.” (29 décembre 1912)
Au Père Agostino
Jésus m’a dit: “C’est par des
coups de scalpels salutaires et répétés et par de bons nettoyages que
j’ai l’habitude de préparer les pierres qui doivent entrer dans la
composition de l’édifice éternel.” Jésus me répète cela chaque fois
qu’il m’offre de nouvelles croix. Oui, il me semble que les paroles du
Seigneur: “C’est dans la souffrance que l’on reconnaît l’amour, tu le
ressentiras dans ton corps” se font maintenant plus claires à mon
esprit. (18 janvier 1913)
Au Père Agostino
Jésus me dit que, dans l’amour, c’est
lui qui me rend heureux; dans la souffrance, en revanche, c’est moi qui
le rend heureux... Oui j’aime la croix, la croix seule; je l’aime parce
que je la vois toujours sur les épaules de Jésus... Jésus seul peut
comprendre quelle douleur est la mienne alors que la scène douloureuse
du Calvaire se prépare pour moi...
Lorsque Jésus veut me faire savoir
qu’il m’aime, il me fait goûter les plaies de sa Passion, ses épines,
ses angoisses... Quand il veut me donner de la joie, il me remplit le
cœur de cet Esprit qui n’est que feu et il me parle de ses délices; mais
quand il veut être aimé, lui, c’est de ses douleurs qu’il me parle, et
il m’invite, sur un ton qui tient à la fois de la prière et de l’ordre,
à lui offrir mon corps pour soulager ses souffrances. Qui lui
résistera?... Je ne veux rien d’autre que Jésus, je ne désire rien
d’autre que ses souffrances. (1er février 1913)
Au Père Agostino
“N’aie pas peur, je te ferai
souffrir,
me répète sans
cesse Jésus, mais je t’en donnerai aussi la force... Que de fois,
m’avait dit Jésus, m’aurais-tu abandonné, mon fils, si je ne t’avais
pas crucifié? C’est sous la croix que l’on apprend à aimer, et je ne la
donne pas à tous, mais seulement aux âmes qui me sont les plus chères!
“ (13 février 1913)
Au Père Benedetto
Quelle terrible chose, mon Père, que
la souffrance de l’âme!... De jour en jour mon âme découvre les
grandeurs de son Dieu, et cette lumière toujours plus vive l’enflamme du
désir d’être unie à lui par des liens indissolubles. Elle voit alors
combien cet adorable Seigneur mérite qu’on l’aime et elle s’enflamme
toujours plus pour lui. Mais, mon Dieu, ce désir même de s’unir à lui,
de l’aimer autant que le peut une créature, provoque en elle une grande
souffrance quand elle se rend compte de combien elle est loin de le
posséder sans crainte de le perdre...
J’ai un ardent désir de plaire à Dieu
et une très grande crainte de commettre la moindre imperfection, à tel
point que je voudrais fuir toute relation avec les créatures; mais dans
le même temps, un autre désir gigantesque naît dans mon cœur, celui de
me trouver au cœur du monde pour proclamer à haute voix qui est ce Dieu
grand et miséricordieux. (Juin 1913)
Au Père Agostino
Je ne vous cache pas mon serrement de
cœur à la vue de tant d’âmes qui apostasient. Ce qui me glace
particulièrement le sang autour du cœur, c’est qu’un grand nombre de ces
âmes s’éloignent de Dieu, source d’eau vive, pour la seule raison qu’ils
ignorent complètement la parole divine; la moisson est abondante, mais
les ouvriers peu nombreux. Qui fera donc la moisson dans le champ de
l’Église, maintenant qu’elle est presque arrivée à maturité? Sera-t-elle
laissée sur le sol à cause du manque d’ouvriers? Sera-t-elle récoltée
par les émissaires de Satan qui, eux, hélas, sont nombreux et très
actifs? (20 avril 1914)
Au Père Agostino
Qu’il est donc triste, mon Père,
l’état de l’âme de celui que Dieu a rendu malade d’amour pour lui!... Je
ne vois nul autre remède à ma maladie de cœur que d’être dévoré, une
fois pour toutes, par ces flammes qui brûlent sans jamais consumer. (30
janvier 1915)
Au Père Agostino
Ces flammes -elles ne ressemblent en
rien aux flammes de notre feu matériel- qui envahissent mon esprit
jusque dans sa partie la plus secrète, sont si vives qu’elles provoquent
dans ma pauvre âme, tout à la fois peines et consolations. À vrai dire,
bien que ces souffrances soient plus terribles que la mort, l’âme
voudrait qu’elles ne cessent jamais. C’est là un mystère que je suis
bien incapable de comprendre et encore moins de faire comprendre;
néanmoins, l’esprit est certain de tout ce qui se passe en lui et de la
manière dont tout s’accomplit. Il a une idée sur tout, mieux, il voit
tout avec clarté et c’est seulement parce qu’il ne trouve aucun objet en
ce bas monde qui lui soit comparable, même de loin, qu’il se trouve dans
l’impossibilité absolue de révéler ce qui se passe en lui.
Cela cause d’atroces tourments à
l’âme, car elle ne trouve personne qui puisse la comprendre... L’âme
voudrait que son directeur spirituel puisse vérifier cette certitude,
mais la pauvre comprend que cela lui sera impossible tant qu’elle sera
emprisonnée ainsi; elle finit donc par s’y résigner, mais cette
résignation inclut les tourments qui sont liés à tous les délices
paradisiaques que Dieu déverse en elle. (16 février 1915)
Au Père Agostino
Je sais parfaitement que la Croix est
la preuve de l’amour, les arrhes du pardon et que l’amour qui n’est pas
nourri par la croix n’est pas authentique: ce n’est qu’un feu de paille.
(21 avril 1915)
Au Père Agostino
Je sens tous mes os se disloquer et
être broyés. La seule chose qui me permet de tenir debout, c’est l’idée
de Dieu. Le savoir partout présent est un faible réconfort pour mon âme
qui ne jouit plus de la présence de son Bien-Aimé et sent peser la
solitude.
Mais quand l’épreuve s’intensifie, le
tourment de me voir loin de Dieu me torture plus cruellement et cette
pensée ne réussit qu’à me martyriser davantage. Alors, l’esprit se
trouble, toute raison s’enfuit, mille idées d’impatience m’assaillent et
cette vérité si consolante de la présence de Dieu en tout est enveloppée
d’un voile épais...
Ah! Mon Père, prions ensemble le très
doux Seigneur qui réconforte ses vrais amants: ô mon Dieu, doux repos de
ceux qui vous aiment, faîtes enfin goûter ce repos à un cœur amoureux de
votre beauté, à un cœur qui ne vit que pour votre volonté. (4 septembre
1915)
Au Père Agostino
Un cœur qui déborde de souffrance ne
trouve jamais qu’il parle trop quand il décrit ses blessures à celui qui
est chargé par Dieu de le diriger. (18 septembre 1915)
Au Père Agostino
Comme je me sens seul, mon Dieu et
mon doux Sauveur, dans ce désert qu’est le monde! (25 septembre 1915)
Au Père Agostino
Je ne m’arrêterai plus de pleurer
pendant tout le temps qu’il me reste à vivre: vous savez en effet
combien j’ai cœur déchiré à la vue de tant de pauvres aveugles qui
fuient comme la peste cette douce invitation de notre divin Maître:
“Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi et qu’il boive.”
C’est une torture atroce pour mon âme
que de se trouver devant ces vrais aveugles qui n’ont aucune pitié pour
eux-mêmes, car les passions leur ont fait perdre la raison et ils ne
pensent pas même à venir boire l’eau véritable du Paradis...
Voyez comme les ennemis de la croix
triomphent chaque jour davantage. Oh! ciel! Ils ne cessent de brûler de
mille désirs de satisfactions terrestres... Jésus leur adresse cette
tendre invitation: “Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi et qu’il
boive.” Mais, mon Dieu... ils n’ont pas l’air de vous entendre, ils
vous fuient et, ce qui est pire, ces misérables habitués depuis
longtemps à vivre dans le feu des satisfactions terrestres et qui ont
vieilli dans ces flammes n’écoutent plus vos invitations amoureuses et
ne s’aperçoivent même plus du grand danger, de l’horrible danger, dans
lequel ils se trouvent.
Mon Père, mon âme se fend sous la
douleur: eux aussi, Jésus est venu les saluer, les embrasser, leur
donner un baiser. Mais ce salut n’a pas sanctifié ces misérables, cette
étreinte ne les a pas convertis, ce baiser, hélas, non seulement ne les
a pas sauvés, mais n’en sauvera peut-être jamais la plupart. La
miséricorde de Dieu ne les attendrit pas davantage; les bienfaits de
Dieu ne les attirent pas; les châtiments ne les domptent pas; les
douceurs les font devenir insolents... Ah! Mon Père! comme je suis sot:
qui m’assure que je ne suis pas du nombre de ces malheureux? Moi aussi,
c’est vrai, je ressens cette soif de l’eau véritable du paradis, mais
qui sait si c’est vraiment celle-là que mon âme désire si ardemment? (10
octobre 1915)
Au Père Benedetto
Mon âme est en train de se déliter de
douleur et d’amour, en même temps que d’amertume et de douceur. Comment
ferai-je pour supporter une si grande opération du Très-Haut? Je le
possède en moi, et c’est un motif de joie qui me pousse irrésistiblement
à dire avec la Vierge très sainte: “Mon esprit exulte de joie en Dieu
mon Sauveur.” Je le possède en moi et je sens tout, et je sens toute
la force de dire avec l’épouse du Cantique des cantiques: “J’ai
trouvé celui que mon cœur aime... je l‘ai saisi et je ne le lâcherai
point.” Mais alors quand je me vois incapable de supporter le poids
de cet amour infini, de le rétrécir complètement dans la petitesse de
mon existence, je me sens rempli de terreur, en pensant que je devrais
peut-être laisser cet amour à cause de mon incapacité à le contenir dans
l’étroite petite maison de mon cœur. (12 janvier 1919)
Au Père Agostino
Humilions-nous toujours sous la main
puissante de Dieu et acceptons les épreuves qu’il nous envoie avec un
esprit serein et un cœur humble, pour que, au temps de sa visite, il
nous élève par le don de sa grâce. Jetons en lui tous nos soucis, parce
qu’il prend mieux soin de nous qu’une mère de son petit enfant. (24 juin
1915)
Au Père Benedetto
Vos souffrances sont une simple
épreuve envoyée par Jésus, parce que vous êtes trop cher à son cœur. (28
janvier 1921)
Au Père Agostino
Ne cessez pas, mon Père, de prier et
de faire prier d’autres âmes pour moi, afin que le poids de mon
ministère et de mes tourments spirituels intenses ne m’écrasent pas. (8
mai 1921)
Au Père Benedetto
J’ai travaillé, je veux travailler;
j’ai prié, je veux prier; j’ai veillé, je veux veiller; j’ai pleuré et
je veux prier toujours pour mes frères en exil. (23 octobre 1921)
4-3-Les
attaques de Satan
Au Père Benedetto
Le diable m’en fait voir de toutes
les couleurs et de toutes sortes, tant et plus. Ce malheureux va
redoubler ses efforts contre moi. Mais je n’ai peur de rien sinon
d’offenser Dieu. (29 mars 1911)
Au Père Benedetto
En attendant, le démon profite de cet
étiolement de mes forces et de mon impossibilité à réagir pour
m’affliger davantage par des fantasmes et des épouvantails. Mais, mon
Père, dans quel but Dieu accorde-t-il au démon tant de liberté?
Le désespoir voudrait s’emparer de
moi; et pourtant, mon Père, croyez-moi, je n’ai pas la volonté de
déplaire à Dieu. Pour ma part, je ne saurais m’expliquer, ni encore
moins comprendre, comment une volonté si résolue et si disposée à faire
le bien peut cohabiter avec toutes ces misères humaines. (15 juin 1911)
Au Père Agostino
Qui sait combien de fois il m’a jeté
au bas du lit et m’a traîné à travers la pièce!... (18 janvier 1912) Le
croque-mitaine, avec nombre de ses semblables, ne cesse de me battre, je
dirais presque à mort, à l’exception du mercredi.
Je souffre beaucoup du jeudi soir au
samedi. Tout le spectacle de la Passion s’offre à moi et je vous laisse
imaginer s’il peut y avoir une consolation au milieu de tout cela. Ces
jours-là plus que jamais, notre ennemi commun déploie ses efforts pour
me perdre et me détruire, comme il me le redit sans cesse. (Probablement
fin janvier 1912)
Au Père Agostino
L’ennemi de notre salut ne sait que
trop que la paix du cœur est le signe certain de l’aide divine; par
conséquent il ne néglige aucun effort pour nous la faire perdre. (1er
juillet 1915)
Au Père Benedetto
Mon Père, ces pièges de Satan
m’inspirent de la frayeur; mais c’est de Dieu seul, par Jésus-Christ,
que j’espère la grâce de toujours remporter la victoire et de ne jamais
être vaincu. (4 août 1917)
Au père Agostino
Mon Père, ne vous laissez pas
emporter par les bourrasques suscitées par Satan, car Jésus vous fait
savoir que, dans ce nouveau combat, il ne permettra pas que l’ennemi
touche à votre âme. (10 juillet 1914)
Remarque importante:
Dans les deux paragraphes qui suivent, consacrés à l’Eucharistie vécue
par Padre Pio et à sa stigmatisation, on trouvera de nombreuses redites
de ce qui a été rapporté précédemment, notamment, aux pages 226 à 231.
On aurait pu choisir d’éviter ces redites, mais ce chapitre, consacré
uniquement à des citations de Saint Pio s’en serait trouvé sensiblement
déséquilibré. Le lecteur comprendra la raison de ce choix.
5 - L’Eucharistie
Au Père Benedetto
Ce qui me blesse le plus, mon Père,
c’est la pensée de Jésus dans le Saint-Sacrement. Mon cœur se sent comme
attiré par une force supérieure avant de s’unir à lui le matin dans le
sacrement de l’Eucharistie. J’en ai une telle faim et une telle soif,
avant de le recevoir, que peu s’en faut que je ne meure d’inanition. Et
c’est justement parce que je ne peux pas ne pas m’unir à lui que je suis
obligé d’aller me nourrir de sa chair, parfois même malgré ma fièvre.
(29 mars 1911)
Au Père Agostino
Je me demande parfois s’il existe des
âmes qui ne sentent pas leur cœur brûler du feu divin, en particulier
lorsqu’elles se trouvent devant le Saint-Sacrement. Cela me paraît
impossible, surtout de la part d’un prêtre ou d’un religieux. (3
décembre 1912)
Au Père Agostino
Écoutez, mon Père, les plaintes bien
justifiées de notre doux Jésus:
“De quelle ingratitude les hommes
paient-ils mon amour de retour! Je serais moins offensé si je les avais
moins aimés. Mon Père ne veut plus les supporter. Moi, je voudrais bien
cesser de les aimer, mais...
(Jésus se tut et soupira, puis il
reprit) mais, hélas, mon cœur est fait pour aimer! Les hommes vils et
faibles ne font aucun effort pour se dominer dans les tentations, ils se
complaisent au contraire dans leurs iniquités. Quand les âmes que je
préfère sont mises à l’épreuve, elles cèdent, les faibles s’abandonnent
à la peur et au désespoir, les forts se relâchent peu à peu.
Ils me laissent seul de jour comme
de nuit dans les églises. Ils ne se soucient plus du sacrement de
l’autel; on ne parle plus de ce sacrement d’amour; et même ceux qui en
parlent, hélas, avec quelle
indifférence, avec quelle froideur ils le font!
Mon cœur est oublié. Personne n’a
plus souci de mon amour. Je suis toujours dans la tristesse. Pour
beaucoup, ma maison est devenue un théâtre; il en est ainsi de mes
ministres eux-mêmes, que j’ai toujours regardés avec prédilection, que
j’ai aimés comme la pupille de l’œil. Eux, ils devraient réconforter mon
cœur plein d’amertume, ils devraient m’aider à sauver des âmes. Or, qui
le croirait, je reçois de leur part beaucoup d’ingratitude.
Je vois, mon fils, beaucoup de
ceux-là qui...
(ici il se
tut, la gorge serrée, et il pleura en silence) me trahissent avec des
airs hypocrites par des communions sacrilèges, foulant aux pieds les
lumières et les forces que je ne cesse de leur donner...”
Jésus continua à se lamenter...
”Mon fils, poursuivit Jésus, j’ai besoin d’âmes victimes pour apaiser la
juste colère de mon Père; renouvelle-moi le sacrifice de tout ton être,
et fais-le sans aucune réserve.” (12 mars 1913)
6 - Les stigmates
Au Père Benedetto
Ébauche des stigmates
Il m’est arrivé hier soir, un fait
que je ne saurais expliquer ni comprendre. Au milieu de la paume des
mains m’est apparue une petite rougeur, à peu près de la dimension et de
la forme d’une pièce d’un centime, accompagnée d’une douleur forte au
milieu. Cette douleur était plus sensible au milieu de la main gauche, à
tel point qu’elle dure encore. Sous les pieds aussi je ressens un peu de
douleur.
Voilà presque un an que ce phénomène
se répète, mais il y avait un bon bout de temps que cela ne s’était plus
produit. Ne vous inquiétez pas si je vous en parle seulement maintenant:
c’est que je me suis toujours laissé écraser par cette maudite honte...
(8 septembre 1911)
Au Père Agostino
Du jeudi soir au samedi, de même que
le mardi, c’est une tragédie douloureuse pour moi. Il me semble que mon
cœur, mes mains et mes pieds sont transpercés par une épée, tellement
j’en souffre. (21 mars 1912)
Au Père Agostino
La première fois que Jésus daigna me
faire cette grâce, ils furent visibles, en particulier sur une main; la
pauvre âme, terrifiée par ce phénomène visible, pria le Seigneur de le
lui retirer. Dès lors, ils ne furent plus apparents; les blessures
disparues, ce n’est pas pour autant que l’atroce douleur cessa: au
contraire, je les ressentais plus particulièrement en certaines
circonstances et à des jours bien précis.
Vous me demandez si le Seigneur m’a
fait éprouver son couronnement et sa flagellation, et combien de fois.
Cette fois encore il me faut répondre par l’affirmative. Quant au nombre
de fois, je suis incapable de le préciser. Je peux seulement vous dire
que voici plusieurs années que mon âme en souffre, environ une fois par
semaine. (10 octobre 1915)
Au Père Benedetto
... Qu’est-ce donc que tout cela? Ma
journée a commencé le 29 mai et ne s’est jamais terminée. (19 juin 1918)
Au Père Agostino
Je suis écrasé sous le poids de mon
long exil, qui demeure. Il est vrai que, encore un pas... et la croix
sera plantée sur le Golgotha; il faut convenir cependant que ce pas à
faire pour planter la croix va demander du temps; ensuite, il en faudra
encore pour agoniser avec Jésus. (14 janvier 1916)
Au Père Agostino
Mon Dieu! mon Dieu! je ne sais rien
dire de plus que ceci: pourquoi m’as-tu abandonné? Mes modestes efforts
pour tenir bon contre cette violence et cette férocité ont été vains: je
n’ai plus aucune vie qui me permette de résister. Il faut que je vive ou
que je meure, c’est urgent. Ô vie, ô mort! Mon heure est effrayante et
j’ignore, mon Père, comment tenir le coup et combien de temps il me
faudra encore demeurer dans cet état d’extrême martyre. (29 juillet
1918)
Au Père Benedetto
Je désespère de tout, sauf de celui
qui est Vie, Vérité et voie. C’est à lui que je demande tout, c’est à
lui que je m’abandonne, car il a été et il est encore tout pour moi. La
lumière m’aveugle avant même de dissiper le brouillard autour de moi.
Comment cela se fait-il? Je suis fatigué de fatiguer mon guide... Je me
résous à vous révéler ce qui m’est advenu le 5 au soir et pendant toute
la journée du 6 de ce mois.
J’ai du mal à vous dire ce qui s’est
passé pendant cette période d’intense martyre. Le 5 au soir, j’étais en
train de confesser nos garçons quand je fus saisi soudain d’une terreur
extrême à la vue d’un personnage céleste qui se présentait à l’œil de
mon intelligence. Il tenait à la main une sorte d’objet semblable à une
très longue lame de fer dont la pointe était bien effilée; on aurait dit
que du feu jaillissait de cette pointe.
Voir tout ceci et observer ce
personnage lancer à toute force cet objet dans mon âme fut une seule et
même chose. C’est à peine si j’émis une plainte, je me sentais mourir.
Je dis au jeune garçon de se retirer parce que je me sentais mal et que
je n’avais pas la force de continuer.
Ce martyre dura, sans interruption,
jusqu’au 7 au matin. Je ne saurais vous décrire ce que j’ai souffert
pendant cette période si douloureuse. Je voyais que même mes viscères
étaient arrachés et tiraillés par cet objet et que tout était mis à feu
et à sang. À partir de ce jour, j’ai été blessé à mort. Au plus intime
de l’âme je sens une blessure toujours ouverte qui me fait souffrir
constamment... (21 août 1918)
Au Père Benedetto
Mon agonie ne cesse d’augmenter... Il
me semble que les rayons fugitifs qui tentent de me laisser de l’espoir
malgré mon impossibilité même se raréfient de plus en plus. Hélas, mon
Dieu!... Je n’ai plus que le cri délirant d’une victime en proie à des
contraires opposés qui se mènent une lutte sans pitié à son insu, sans
son concours, sans son adhésion, sans ses énergies qui diminuent déjà,
alors qu’elle est l’objet et le souffre-douleur d’une rage intense,
constante....
Je me vois plongé dans un océan de
feu. La blessure qui a été rouverte en moi saigne encore et toujours.
Elle seule suffirait à me donner plus de mille fois la mort. L’esprit
est broyé sous le pressoir. Éclairé, il en devient aveugle, d’une cécité
si douloureuse que seul celui qui l’a éprouvée pourrait donner une
certaine preuve de ce qu’elle est. (5 septembre 1918)
Au Père Benedetto
Hélas! Qui me délivrera de moi-même?
Qui me fera sortir de ce corps de mort?... Faudra-t-il que je dise
“fiat” dans l’admiration de ce mystérieux personnage qui m’a couvert de
plaies et ne renonce pas à cette opération si dure, intense et
pénétrante, lui qui, sans laisser le temps aux plaies de cicatriser en
ouvre déjà de nouvelles en tourmentant terriblement sa pauvre victime?
De grâce, mon Père, pour l’amour de
Dieu, venez à mon aide! Partout, à l’intérieur de moi-même, il pleut du
sang et plusieurs fois mon œil a dû se résigner à le voir s’écouler
aussi au dehors. De grâce, que cessent ces tourments, cette humiliation,
cette confusion! Mon esprit ne parvient à résister. (17 octobre 1918)
Au Père Benedetto
Que vous dire pour répondre à ce que
vous me demandez au sujet de ma crucifixion? Mon Dieu, quelle confusion
et quelle humiliation j’éprouve à devoir manifester ce que tu as opéré
dans ta si misérable créature!
J’étais au chœur, dans la matinée du
20 du mois dernier, après la célébration de la sainte messe, lorsque
j’ai été surpris par un repos semblable à un doux sommeil. Tous mes sens
intérieurs et extérieurs, et pas seulement les facultés de l’âme, se sont
trouvés dans une quiétude indescriptible. Cela dans un silence total,
tant intérieurement qu’autour de moi; aussitôt y a succédé une grande
paix, une résignation à être privé de tout et une pause dans le même
affaissement. Tout cela s’est passé en un clin d’œil. Et pendant que
tout cela se passait, j’ai vu devant moi un mystérieux personnage,
semblable à celui vu le soir du 5 août, qui s’en différenciait seulement
en ce qu’il avait les mains, les pieds et le côté qui saignaient. Sa vue
m’a atterré; je ne saurais vous dire ce que j’ai ressenti à cet instant;
je me sentais mourir, et je serais mort en effet si le Seigneur n’était
pas intervenu pour me soutenir le cœur que je sentais bondir hors de ma
poitrine.
Ce personnage disparut de ma vue et
je me suis aperçu que mes mains, mes pieds et mon côté étaient
transpercés et laissaient couler du sang. Imaginez le supplice que j’ai
alors éprouvé, et que j’éprouve continuellement presque tous les jours.
La blessure du cœur saigne constamment, spécialement du jeudi soir au
samedi. Mon Père, je meurs de douleur, tant par le supplice que par la
confusion qui s’ensuit au plus profond de mon âme. J’ai peur de mourir
exsangue si le Seigneur n’écoute pas les gémissements de mon pauvre cœur
et ne cesse cette opération. Jésus qui est si bon me fera-t-il cette
grâce?
M’enlèvera-t-il au moins la confusion
que j’éprouve devant ces signes extérieurs? J’élèverai fortement la voix
vers lui et je ne cesserai pas de le conjurer de me retirer, en vertu de
sa miséricorde, non pas la torture, ni la douleur car je vois que c’est
impossible, et je veux m’enivrer de douleur, mais ces signes extérieurs
qui sont pour moi d’une confusion et d’une humiliation indescriptibles,
insoutenables.
Le personnage dont je voulais parler
dans ma lettre précédente n’est autre que celui vu le 5 août et dont je
vous ai parlé. Il poursuit son opération sans répit, soumettant mon âme
à une torture extrême. Je ressens intérieurement un grondement
continuel, semblable à celui d’une cascade, mais de sang. Mon Dieu! Ton
jugement et ton châtiment sont justes, mais fais preuve de miséricorde à
mon égard.”Yahvé, te dirai-je comme le prophète, ne me châtie
pas dans ton courroux, ne me reprends pas dans ta fureur!” (22
octobre 1918)
Au Père Benedetto
Ah! mon Père, quel volcan je ressens!
Je constate qu’il se rallume de plus en plus fort dans mon âme. Je sens
mes entrailles brûler. Bref, je suis mis entièrement à feu et à sang,
esprit et corps. Et moi, l’âme remplie de tristesse et les yeux
desséchés à force de pleurer, je dois assister, contre ma volonté, à
tout ce supplice, à ce délabrement complet, sans en pouvoir détourner
les yeux, à cause de mon impuissance à réagir. (13 novembre 1918)
Au Père Benedetto
Au milieu d’un si grand supplice à la
fois d’amour et de douleur, se révèlent deux sentiments contraires: l’un
qui voudrait repousser la douleur, et l’autre qui la désire. Et la
simple pensée de vivre pendant quelque temps sans un tel martyre d’amour
et de douleur me fait peur et me fait agoniser.
Au milieu d’un si grand supplice, je
sens la force de prononcer le douloureux fiat. Oh! fiat!
comme tu es doux et amer à la fois! Tu blesses et tu guéris, tu
provoques des plaies et tu les guéris, tu donnes la mort et en même
temps tu donnes la vie! Oh! doux tourments! Pourquoi êtes-vous à la fois
si durs à endurer et si chers? Oh! douces blessures! (24 novembre 1918)
Au Père Benedetto
Depuis plusieurs jours je ressens en
moi quelque chose de semblable à une lame de fer qui, partant de la base
du cœur, s’étend jusqu’au dessous de l’épaule droite le long d’une ligne
transversale. Cela me cause une douleur très aigüe qui ne me permet pas
de prendre le moindre repos. Qu’est-ce donc que cela? Ce phénomène
nouveau, j’ai commencé à le ressentir après une autre apparition de ce
mystérieux personnage habituel des 5 et 6 août et du 20 septembre. (20
décembre 1918)
7 - Les choix de
Dieu
Au Père Agostino
Dieu se choisit des âmes, au nombre
desquelles -malgré mon indignité- il a choisi la mienne, pour l’aider
dans sa grande entreprise de salut de l’humanité. Alors plus ces âmes
souffrent sans nul réconfort, plus les douleurs de Jésus s’en trouvent
soulagées. (20 septembre 1912)
8 - Souffrances
et Passion de Jésus
Au Père Agostino
Jésus m’apparut. Il était en bien
piteux état, méconnaissable. Il me montra une foule de prêtres réguliers
et séculiers, dont plusieurs dignitaires de l’Église; parmi eux,
certains célébraient, d’autres se paraient de leurs ornements
sacerdotaux ou les enlevaient. La peine qu’il éprouvait me faisait mal
et je demandai à Jésus la raison de sa souffrance. Il continuait, le
regard horrifié, de fixer ces ecclésiastiques. Comme s’il était las de
regarder, il leva les yeux sur moi et je découvris avec effroi que deux
larmes coulaient sur ses joues. Il se détourna de tous ces prêtres avec
une expression de dégoût et s’écria: “Bouchers!” puis,
s’adressant à moi: “Mon fils, ne crois pas que mon agonie n’ait duré
que trois heures; non, à cause des âmes que j’ai le plus comblées de
bienfaits, elle durera jusqu’à la fin du monde; pendant le temps de mon
agonie, il ne faut pas dormir, car mon âme a besoin de quelques larmes
de pitié humaine. Hélas, les hommes me laissent seuls sous le poids de
leur indifférence.
L’ingratitude et le sommeil de mes
ministres rendent mon agonie plus pénible. Hélas! Comme ils répondent
mal à mon amour! Ce qui m’afflige le plus, c’est qu’à leur indifférence
ils ajoutent mépris et incrédulité.“
(7 avril 1913)
Au Père Agostino
Contemplons toujours avec l’œil de la
foi, comme notre bon ange, Jésus-Christ chargé de sa croix, en train de
monter au Calvaire et gravissant à grand’peine le raidillon en pente du
Golgotha; voyons l’immense foule d’âmes qui le suivent en portant leur
propre croix sur ce même chemin. (24 juin 1915)
9 - Les douceurs
de Jésus
Au Père Benedetto
Ce qui me martyrise le plus, ce sont
les douleurs fortes et aigües au thorax. À certains moments, elles
m’incommodent à tel point qu’il me semble que mon dos et ma poitrine
vont se briser. Mais Jésus n’oublie pas d’adoucir de temps à autre mes
souffrances d’une autre façon, à savoir, en me parlant au cœur. Oh! oui,
mon Père, combien Jésus est bon avec moi! Oh! comme ces moments sont
précieux; je ne sais à quoi comparer ce bonheur; c’est un bonheur que le
Seigneur me donne à goûter uniquement dans les afflictions, ou presque.
(septembre 1910)
Au Père Benedetto
Quand je prie aux pieds de Jésus, il
me semble ne plus sentir le poids de la fatigue que j’éprouve à me
vaincre lorsque je suis tenté, ni l’amertume du dégoût. (19 mars 1911)
Au Père Agostino
Hier, fête de Saint Joseph! Dieu seul
sait combien de douceurs j’ai éprouvées, surtout après la messe, à tel
point que je les ressens encore en moi. La tête et le cœur me brûlaient,
mais c’était d’un feu qui me faisait du bien... Ce même Jésus me demande
presque toujours de l’amour. Et, en plus que la bouche, c’est mon cœur
qui lui répond: “Mon Jésus, je voudrais...” et je ne peux plus
continuer. Mais, à la fin, je m’écrie: “Oui, Jésus je t’aime et je sens
même le besoin de t’aimer davantage; mais, Jésus, de l’amour dans le
cœur, je n’en ai plus, tu sais que je t’ai tout donné; si tu veux plus
d’amour, prends mon cœur et emplis-le de ton amour et, ensuite,
commande-moi donc de t’aimer, je ne m’y refuserai pas, au contraire; je
t’en prie, fais-le, je le désire.” (21 mars 1912)
Au Père Agostino
Il y a des choses que l’on ne peut
traduire dans un langage humain sans qu’elles perdent leur profond sens
céleste. Si vous me passez l’expression, mon cœur et celui de Jésus ont
fusionné. Il n’y avait plus deux cœurs qui battaient, mais un seul. Le
mien avait disparu comme une goutte d’eau dans la mer. Jésus était son
paradis, son roi. La joie était en moi si intense, si profonde, que je
n’ai pas pu me contenir: mon visage était inondé des larmes les plus
délicates. (18 avril 1912)
Au Père Agostino
Oui, mon Père, Jésus est douceur et
il veut la déverser en plénitude dans mon cœur. (17 juin 1912)
Au Père Agostino
Écoutez ce qui m’est arrivé vendredi
dernier. J’étais à l’église en train de faire mon action de grâces après
la messe, quand je me suis sentis tout à coup le cœur transpercé par un
javelot de feu si vif et si ardent que je crus en mourir... L’âme
victime de ces consolations devient muette. J’avais l’impression qu’une
force invisible me plongeait tout entier dans le feu... Mon Dieu! Quel
feu! Quelle douceur!... Oh! Qu’il est beau de devenir victime d’amour!
(26 août 1912)
Au Père Benedetto
Jésus commence à me faire sentir
qu’il est infiniment doux de vivre et de peiner pour ses frères. (1er
novembre 1920)
Au Père Benedetto
Mon Père, permettez-moi de
m’épancher: je suis crucifié d’amour! Je n’en peux vraiment plus! C’est
une nourriture trop délicate pour quelqu’un d’habitué aux mauvais repas;
cela me provoque d’incessantes indigestions spirituelles, au point de
faire gémir ma pauvre âme de douleur et d’amour tout à la fois. La
pauvre ne parvient pas à s’adapter à cette nouvelle manière d’agir du
Seigneur. Le baiser et le toucher, pour ainsi dire substantiels, que le
Père des Cieux, dans son amour, imprime sur l’âme, lui causent encore
une souffrance intense. (18 mars 1915)
Au Père Benedetto
Mon Père, que notre royaume intérieur
est heureux quand il y règne ce saint amour! Comme les puissances de
notre âme sont heureuses quand elles obéissent à un roi si sage! (23
juillet 1917)
Au Père Benedetto
Oh! Comme Dieu est bon, mon bien cher
Père! Il est bon envers tous, c’est vrai, mais en particulier envers
ceux qui s’efforcent de l’aimer.
(26 novembre 1917)
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