LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Saint
Pio de Pietrelcina
(Padre Pio)
capucin
 (1887-1968)

 

4 - Les épreuves

4-1-La nuit de l’esprit 

Au Père Agostino 

Le bon Jésus a mis mon esprit dans un état de détresse extrême; c’est à peine si je partage la vie des enfants de Dieu. Tout n’est que désert et désespoir de l’âme en ces moments d’anxiété et d’espérance. 

De temps à autre, une lumière bien ténue m’arrive d’en haut pour assurer à ma pauvre âme que tout est voulu par la Providence divine et que, les joies se mêlant aux larmes, le Père céleste la conduit, à l’aide de secrets impénétrables, vers sa fin qui n‘est autre que sa perfection, l’union à son Dieu; mais il en découle, hélas, un état de détresse de l’âme bien plus déplorable qu’auparavant. (20 juin 1915) 

Au Père Agostino 

Mon âme ne cesse de soupirer sous le poids de cette nuit qui l’entoure et la pénètre totalement. Mais elle se trouve dans l’incapacité de penser, non seulement à des choses surnaturelles, mais même aux choses les plus simples. En outre, quand l’âme est sur le point de saisir le moindre rayon de la divinité, toute sorte de lumière disparaît aussitôt à son regard... Cette angoisse est si profonde que, moi-même, je ne parviens pas à m’exprimer à moi-même. (fin janvier 1916) 

Au Père Benedetto 

Au milieu de la nuit qui m’entoure, je garde les yeux fixés vers l’Orient, pour tenter d’apercevoir l’étoile miraculeuse qui guida nos pères vers la grotte de Bethléem. Mais c’est en vain. Plus je regarde et plus ma vue baisse; plus je m’y efforce, plus je la cherche ardemment, et plus je me vois enveloppé de ténèbres toujours plus épaisses. Je suis seul le jour, je suis seul la nuit, et aucun rayon de lumière ne vient m’éclairer; jamais la moindre goutte de soulagement ne vient vivifier la flamme qui me dévore continuellement sans jamais me consumer. 

Une infinité de craintes m’assaillent à tout moment. Des tentations contre la foi qui veulent me pousser à tout renier. Mon Père! Comme il est difficile de croire! Que le Seigneur m’aide à ne pas jeter l’ombre du soupçon sur ce qu’il lui a plus de me révéler. (8 mars 1916) 

Au Père Benedetto 

Que la grâce de l’Esprit Saint soit toujours avec vous et fasse de vous un saint! Ainsi soit-il! 

Les ténèbres s’épaississent de plus en plus. Les tempêtes succèdent aux tempêtes et un vide toujours plus effrayant se creuse au fond de moi, qui me fait mourir de terreur à chaque instant. Je ne me rappelle presque plus rien du passé; je ne perçois plus rien du présent; l’avenir n’est plus, pour moi, qu’un mot vide de sens et seulement bon à emplir mon âme d’amertume, puisqu’il m’apparaît sans aucun espoir de voir renaître le soleil éternel sur le ciel de mon âme. Je suis pénétré jusqu’au plus intime de l’âme par une peur qui me broie les os, celle d’offenser le moins du monde ce Dieu qui me rejette... (17 mars 1916) 

Au Père Agostino 

Ma foi ne tient qu’à un effort de ma pauvre volonté, contre toute conviction humaine... Ma foi est le fruit d’efforts continuels sur moi-même. De plus tout cela n’est pas l’affaire de quelques fois, mais c’est permanent... (17 mars 1916) 

Au Père Benedetto 

Je te supplie, ô mon Dieu, d’être ma vie, ma barque et mon port. Tu m’as fait monter sur la Croix de ton Fils, et moi, je m’efforce de m’y adapter de la meilleure manière... Je suis persuadé qu’il faut te parler au milieu des tonnerres et des bourrasques, qu’il faut te voir dans le buisson ardent, au milieu des épines en feu... (8 novembre 1916) 

Au Père Benedetto 

Je ne peux pas trouver de repos; fatigué et immergé dans une amertume extrême, dans la désolation la plus désespérée, dans le souci le plus angoissant de ne pas pouvoir retrouver mon Dieu, et de ne pas gagner à Dieu tous mes frères... Mon cœur est toujours aride, inquiet, haletant en voyant tant d’âmes souffrir sans pouvoir être soulagées. (6 novembre 1919) 

Au Père Benedetto 

Je suis fatigué, extrêmement fatigué de crier au Très-Haut qu’il finisse par se laisser fléchir, qu’il se rende à mes supplications, à mes cris. (12 novembre 1919) 

Au Père Benedetto 

La pensée de voir tant d’âmes qui ont un immense désir de se justifier dans le mal en dépit du souverain bien m’afflige, me torture, me martyrise, m’use le cerveau et me déchire le cœur... Ah! Mon Père, ne me laissez pas seul, secourez-moi par votre prière et par vos conseils. (8 octobre 1920) 

Au Père Agostino 

Tous les tourments de cette terre, réunis en gerbe, je les accepte, mon Dieu, je désire qu’ils soient mon lot, mais jamais je ne pourrai me résigner à être séparé de vous par manque d’amour. Faites que je ne me sépare jamais de vous... 

Mon âme se rappelle trop bien quelle terrible bataille ce fut quand vous, mon Bien-Aimé, vous vous êtes caché! Comme elle est encore vive, ô mon amant très doux, la terrible impression que cela a fait sur mon âme! Qui pourrait jamais éteindre le feu qui brûle dans mon cœur avec des flammes si ardentes... Vous comprendrez également quel atroce martyre c’est pour l’âme que de voir les graves offenses faites par les enfants des hommes à notre triste époque... Oh! Dieu! ô Dieu! Qu’en sera-t-il de vos malheureux enfants qui sont encore mes frères mais qui ont peut-être déjà mérité vos foudres.(17 octobre 1915) 

Au Père Benedetto 

J’ignore si ce que je fais plaît à Dieu... Dieu grandit sans cesse à l’œil de mon esprit. Je le vois toujours dans le ciel de mon âme, enveloppé d’un épais brouillard. J’ai beau le sentir proche, je le vois loin, loin. Au fur et à mesure que mes désirs augmentent, Dieu se fait plus intime à moi-même, je le sens, et pourtant ces mêmes désirs me le font voir toujours plus lointain. Mon Dieu! Quelle chose étrange! (16 juillet 1917) 

Au Père Benedetto 

Que c’est pénible de vivre du cœur! Il faut mourir à tout instant d’une mort qui ne fait pas mourir, sinon pour vivre en mourant et mourir en vivant. Hélas! qui me délivrera de ce feu dévorant? (20 novembre 1921) 

Au Père Benedetto 

Mon Dieu, quand me reposerai-je un peu tranquille en toi?... Ô mon Dieu, toi qui mesures en moi l’extrême amertume de mon esprit, ne tarde pas à venir à mon aide...  Comme Job, dans ma fatigue je ne me lasserai pas de crier: “toi aussi tu me tues, mais je ne cesserai pas d’espérer en toi.”(3 février 1922) 

Au Père Benedetto 

Je m’efforce avec soin d’être ferme vis à vis de tout ce que vous  m’avez dit de la part de Jésus, mais aucun rayon de lumière ne descend dans mon pauvre esprit pour m’éclairer, aucun rafraîchissement ne vient rafraîchir mon pauvre cœur desséché par une sécheresse continuelle et sans cesse croissante... Je ne demande pas à Jésus de m’enlever cette tribulation, mais je lui demande de ne pas l’offenser et je lui demande aussi un peu de lumière pour savoir que cette tribulation n’est pas une punition de mon infidélité. (17 mars 1922) 

4-2-La souffrance 

Au Père Agostino 

Dans la douleur, Jésus est plus proche; il regarde, c’est lui qui vient mendier les peines, les larmes... Il en a besoin pour les âmes (2 avril 1912) 

Au Père Agostino 

Quant à la nuit dernière, je l’ai passée tout entière avec Jésus dans sa Passion. Cette fois encore, j’ai beaucoup souffert, mais bien différemment de la veille. Il s’agissait d’une douleur qui ne me faisait aucun mal; ma confiance en Dieu ne cessait de grandir. Je me sentais toujours plus attiré par Jésus. Sans qu’il n’y ait aucun feu près de moi, j’avais l’impression que tout brûlait en moi... 

Je brûlais de mille flammes qui me faisaient tout à la fois vivre et mourir... Mon Père, si je pouvais voler, je voudrais crier, hurler à tous de toutes mes forces: aimez Jésus, il est digne d’amour!... (28 juin 1912) 

Au Père Agostino 

Oui, mon âme est blessée d’amour pour Jésus; je suis malade d’amour; je ressens continuellement cette amère souffrance de l’ardeur qui brûle mais ne consume pas... De la même manière qu’un torrent entraîne tout ce qu’il rencontre dans les profondeurs de la mer, mon âme a plongé dans l’océan sans rivage de l’amour de Jésus, sans aucun mérite de ma part et sans que je m’en rende compte... (9 aoüt 1912) 

Au Père Agostino 

Il me faut mon Père, atteindre le “tout est consommé” et le “entre tes mains”, (5 novembre 1912) 

Au Père Agostino 

Mon Père, vivre ici-bas m’ennuie. Cet exil m’est si pénible que je n’en puis plus ou peu s’en faut; la pensée que, à chaque instant, je risque de perdre Jésus m’angoisse d’une façon que je ne peux expliquer. Seule une âme qui aime sincèrement Jésus peut le comprendre... 

Jésus me parla au cœur plus fortement: “Mon fils, c’est dans la souffrance que l’on reconnaît l’amour; tu le ressentiras avec acuité en esprit et plus encore dans ton corps.” (29 décembre 1912) 

Au Père Agostino 

Jésus m’a dit: “C’est par des coups de scalpels salutaires et répétés et par de bons nettoyages que j’ai l’habitude de préparer les pierres qui doivent entrer dans la composition de l’édifice éternel.” Jésus me répète cela chaque fois qu’il m’offre de nouvelles croix. Oui, il me semble que les paroles du Seigneur: “C’est dans la souffrance que l’on reconnaît l’amour, tu le ressentiras dans ton corps” se font maintenant plus claires à mon esprit. (18 janvier 1913) 

Au Père Agostino 

Jésus me dit que, dans l’amour, c’est lui qui me rend heureux; dans la souffrance, en revanche, c’est moi qui le rend heureux... Oui j’aime la croix, la croix seule; je l’aime parce que je la vois toujours sur les épaules de Jésus... Jésus seul peut comprendre quelle douleur est la mienne alors que la scène douloureuse du Calvaire se prépare pour moi... 

Lorsque Jésus veut me faire savoir qu’il m’aime, il me fait goûter les plaies de sa Passion, ses épines, ses angoisses... Quand il veut me donner de la joie, il me remplit le cœur de cet Esprit qui n’est que feu et il me parle de ses délices; mais quand il veut être aimé, lui, c’est de ses douleurs qu’il me parle, et il m’invite, sur un ton qui tient à la fois de la prière et de l’ordre, à lui offrir mon corps pour soulager ses souffrances. Qui lui résistera?... Je ne veux rien d’autre que Jésus, je ne désire rien d’autre que ses souffrances. (1er février 1913) 

Au Père Agostino 

“N’aie pas peur, je te ferai souffrir, me répète sans cesse Jésus, mais je t’en donnerai aussi la force... Que de fois, m’avait dit Jésus, m’aurais-tu abandonné, mon fils, si je ne t’avais pas crucifié? C’est sous la croix que l’on apprend à aimer, et je ne la donne pas à tous, mais seulement aux âmes qui me sont les plus chères! (13 février 1913) 

Au Père Benedetto 

Quelle terrible chose, mon Père, que la souffrance de l’âme!... De jour en jour mon âme découvre les grandeurs de son Dieu, et cette lumière toujours plus vive l’enflamme du désir d’être unie à lui par des liens indissolubles. Elle voit alors combien cet adorable Seigneur mérite qu’on l’aime et elle s’enflamme toujours plus pour lui. Mais, mon Dieu, ce désir même de s’unir à lui, de l’aimer autant que le peut une créature, provoque en elle une grande souffrance quand elle se rend compte de combien elle est loin de le posséder sans crainte de le perdre... 

J’ai un ardent désir de plaire à Dieu et une très grande crainte de commettre la moindre imperfection, à tel point que je voudrais fuir toute relation avec les créatures; mais dans le même temps, un autre désir gigantesque naît dans mon cœur, celui de me trouver au cœur du monde pour proclamer à haute voix qui est ce Dieu grand et miséricordieux. (Juin 1913) 

Au Père Agostino 

Je ne vous cache pas mon serrement de cœur à la vue de tant d’âmes qui apostasient. Ce qui me glace particulièrement le sang autour du cœur, c’est qu’un grand nombre de ces âmes s’éloignent de Dieu, source d’eau vive, pour la seule raison qu’ils ignorent complètement la parole divine; la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Qui fera donc la moisson dans le champ de l’Église, maintenant qu’elle est presque arrivée à maturité? Sera-t-elle laissée sur le sol à cause du manque d’ouvriers? Sera-t-elle récoltée par les émissaires de Satan qui, eux, hélas, sont nombreux et très actifs? (20 avril 1914) 

Au Père Agostino 

Qu’il est donc triste, mon Père, l’état de l’âme de celui que Dieu a rendu malade d’amour pour lui!... Je ne vois nul autre remède à ma maladie de cœur que d’être dévoré, une fois pour toutes, par ces flammes qui brûlent sans jamais consumer. (30 janvier 1915) 

Au Père Agostino 

Ces flammes -elles ne ressemblent en rien aux flammes de notre feu matériel- qui envahissent mon esprit jusque dans sa partie la plus secrète, sont si vives qu’elles provoquent dans ma pauvre âme, tout à la fois peines et consolations. À vrai dire, bien que ces souffrances soient plus terribles que la mort, l’âme voudrait qu’elles ne cessent jamais. C’est là un mystère que je suis bien incapable de comprendre et encore moins de faire comprendre; néanmoins, l’esprit est certain de tout ce qui se passe en lui et de la manière dont tout s’accomplit. Il a une idée sur tout, mieux, il voit tout avec clarté et c’est seulement parce qu’il ne trouve aucun objet en ce bas monde qui lui soit comparable, même de loin, qu’il se trouve dans l’impossibilité absolue de révéler ce qui se passe en lui. 

Cela cause d’atroces tourments à l’âme, car elle ne trouve personne qui puisse la comprendre... L’âme voudrait que son directeur spirituel puisse vérifier cette certitude, mais la pauvre comprend que cela lui sera impossible tant qu’elle sera emprisonnée ainsi; elle finit donc par s’y résigner, mais cette résignation inclut les tourments qui sont liés à tous les délices paradisiaques que Dieu déverse en elle. (16 février 1915) 

Au Père Agostino 

Je sais parfaitement que la Croix est la preuve de l’amour, les arrhes du pardon et que l’amour qui n’est pas nourri par la croix n’est pas authentique: ce n’est qu’un feu de paille. (21 avril 1915) 

Au Père Agostino 

Je sens tous mes os se disloquer et être broyés. La seule chose qui me permet de tenir debout, c’est l’idée de Dieu. Le savoir partout présent est un faible réconfort pour mon âme qui ne jouit plus de la présence de son Bien-Aimé et sent peser la solitude. 

Mais quand l’épreuve s’intensifie, le tourment de me voir loin de Dieu me torture plus cruellement et cette pensée ne réussit qu’à me martyriser davantage. Alors, l’esprit se trouble, toute raison s’enfuit, mille idées d’impatience m’assaillent et cette vérité si consolante de la présence de Dieu en tout est enveloppée d’un voile épais... 

Ah! Mon Père, prions ensemble le très doux Seigneur qui réconforte ses vrais amants: ô mon Dieu, doux repos de ceux qui vous aiment, faîtes enfin goûter ce repos à un cœur amoureux de votre beauté, à un cœur qui ne vit que pour votre volonté. (4 septembre 1915) 

Au Père Agostino 

Un cœur qui déborde de souffrance ne trouve jamais qu’il parle trop quand il décrit ses blessures à celui qui est chargé par Dieu de le diriger. (18 septembre 1915) 

Au Père Agostino 

Comme je me sens seul, mon Dieu et mon doux Sauveur, dans ce désert qu’est le monde! (25 septembre 1915) 

Au Père Agostino 

Je ne m’arrêterai plus de pleurer pendant tout le temps qu’il me reste à vivre: vous savez en effet combien j’ai cœur déchiré à la vue de tant de pauvres aveugles qui fuient comme la peste cette douce invitation de notre divin Maître: “Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi et qu’il boive.” 

C’est une torture atroce pour mon âme que de se trouver devant ces vrais aveugles qui n’ont aucune pitié pour eux-mêmes, car les passions leur ont fait perdre la raison et ils ne pensent pas même à venir boire l’eau véritable du Paradis... 

Voyez comme les ennemis de la croix triomphent chaque jour davantage. Oh! ciel! Ils ne cessent de brûler de mille désirs de satisfactions terrestres... Jésus leur adresse cette tendre invitation: “Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi et qu’il boive.” Mais, mon Dieu... ils n’ont pas l’air de vous entendre, ils vous fuient et, ce qui est pire, ces misérables habitués depuis longtemps à vivre dans le feu des satisfactions terrestres et qui ont vieilli dans ces flammes n’écoutent plus vos invitations amoureuses et ne s’aperçoivent même plus du grand danger, de l’horrible danger, dans lequel ils se trouvent. 

Mon Père, mon âme se fend sous la douleur: eux aussi, Jésus est venu les saluer, les embrasser, leur donner un baiser. Mais ce salut n’a pas sanctifié ces misérables, cette étreinte ne les a pas convertis, ce baiser, hélas, non seulement ne les a pas sauvés, mais n’en sauvera peut-être jamais la plupart. La miséricorde de Dieu ne les attendrit pas davantage; les bienfaits de Dieu ne les attirent pas; les châtiments ne les domptent pas; les douceurs les font devenir insolents... Ah! Mon Père! comme je suis sot: qui m’assure que je ne suis pas du nombre de ces malheureux? Moi aussi, c’est vrai, je ressens cette soif de l’eau véritable du paradis, mais qui sait si c’est vraiment celle-là que mon âme désire si ardemment? (10 octobre 1915) 

Au Père Benedetto 

Mon âme est en train de se déliter de douleur et d’amour, en même temps que d’amertume et de douceur. Comment ferai-je pour supporter une si grande opération du Très-Haut? Je le possède en moi, et c’est un motif de joie qui me pousse irrésistiblement à dire avec la Vierge très sainte: “Mon esprit exulte de joie en Dieu mon Sauveur.” Je le possède en moi et je sens tout, et je sens toute la force de dire avec l’épouse du Cantique des cantiques: “J’ai trouvé celui que mon cœur aime... je l‘ai saisi et je ne le lâcherai point.” Mais alors quand je me vois incapable de supporter le poids de cet amour infini, de le rétrécir complètement dans la petitesse de mon existence, je me sens rempli de terreur, en pensant que je devrais peut-être laisser cet amour à cause de mon incapacité à le contenir dans l’étroite petite maison de mon cœur. (12 janvier 1919) 

Au Père Agostino 

Humilions-nous toujours sous la main puissante de Dieu et acceptons les épreuves qu’il nous envoie avec un esprit serein et un cœur humble, pour que, au temps de sa visite, il nous élève par le don de sa grâce. Jetons en lui tous nos soucis, parce qu’il prend mieux soin de nous qu’une mère de son petit enfant. (24 juin 1915) 

Au Père Benedetto 

Vos souffrances sont une simple épreuve envoyée par Jésus, parce que vous êtes trop cher à son cœur. (28 janvier 1921) 

Au Père Agostino 

Ne cessez pas, mon Père, de prier et de faire prier d’autres âmes pour moi, afin que le poids de mon ministère et de mes tourments spirituels intenses ne m’écrasent pas. (8 mai 1921) 

Au Père Benedetto 

J’ai travaillé, je veux travailler; j’ai prié, je veux prier; j’ai veillé, je veux veiller; j’ai pleuré et je veux prier toujours pour mes frères en exil. (23 octobre 1921) 

4-3-Les attaques de Satan 

Au Père Benedetto 

Le diable m’en fait voir de toutes les couleurs et de toutes sortes, tant et plus. Ce malheureux va redoubler ses efforts contre moi. Mais je n’ai peur de rien sinon d’offenser Dieu. (29 mars 1911) 

Au Père Benedetto 

En attendant, le démon profite de cet étiolement de mes forces et de mon impossibilité à réagir pour m’affliger davantage par des fantasmes et des épouvantails. Mais, mon Père, dans quel but Dieu accorde-t-il au démon tant de liberté? 

Le désespoir voudrait s’emparer de moi; et pourtant, mon Père, croyez-moi, je n’ai pas la volonté de déplaire à Dieu. Pour ma part, je ne saurais m’expliquer, ni encore moins comprendre, comment une volonté si résolue et si disposée à faire le bien peut cohabiter avec toutes ces misères humaines. (15 juin 1911) 

Au Père Agostino 

Qui sait combien de fois il m’a jeté au bas du lit et m’a traîné à travers la pièce!... (18 janvier 1912) Le croque-mitaine, avec nombre de ses semblables, ne cesse de me battre, je dirais presque à mort, à l’exception du mercredi. 

Je souffre beaucoup du jeudi soir au samedi. Tout le spectacle de la Passion s’offre à moi et je vous laisse imaginer s’il peut y avoir une consolation au milieu de tout cela. Ces jours-là plus que jamais, notre ennemi commun déploie ses efforts pour me perdre et me détruire, comme il me le redit sans cesse. (Probablement fin janvier 1912) 

Au Père Agostino 

L’ennemi de notre salut ne sait que trop que la paix du cœur est le signe certain de l’aide divine; par conséquent il ne néglige aucun  effort pour nous la faire perdre. (1er juillet 1915) 

Au Père Benedetto 

Mon Père, ces pièges de Satan m’inspirent de la frayeur; mais c’est de Dieu seul, par Jésus-Christ, que j’espère la grâce de toujours remporter la victoire et de ne jamais être vaincu. (4 août 1917) 

Au père Agostino 

Mon Père, ne vous laissez pas emporter par les bourrasques suscitées par Satan, car Jésus vous fait savoir que, dans ce nouveau combat, il ne permettra pas que l’ennemi touche à votre âme. (10 juillet 1914) 

Remarque importante: Dans les deux paragraphes qui suivent, consacrés à l’Eucharistie vécue par Padre Pio et à sa stigmatisation, on trouvera de nombreuses redites de ce qui a été rapporté précédemment, notamment, aux pages 226 à 231. On aurait pu choisir d’éviter ces redites, mais ce chapitre, consacré uniquement à des citations de Saint Pio s’en serait trouvé sensiblement déséquilibré.  Le lecteur comprendra la raison de ce choix. 

5 - L’Eucharistie 

Au Père Benedetto 

Ce qui me blesse le plus, mon Père, c’est la pensée de Jésus dans le Saint-Sacrement. Mon cœur se sent comme attiré par une force supérieure avant de s’unir à lui le matin dans le sacrement de l’Eucharistie. J’en ai une telle faim et une telle soif, avant de le recevoir, que peu s’en faut que je ne meure d’inanition. Et c’est justement parce que je ne peux pas ne pas m’unir à lui que je suis obligé d’aller me nourrir de sa chair, parfois même malgré ma fièvre. (29 mars 1911) 

Au Père Agostino 

Je me demande parfois s’il existe des âmes qui ne sentent pas leur cœur brûler du feu divin, en particulier lorsqu’elles se trouvent devant le Saint-Sacrement. Cela me paraît impossible, surtout de la part d’un prêtre ou d’un religieux. (3 décembre 1912) 

Au Père Agostino 

Écoutez, mon Père, les plaintes bien justifiées de notre doux Jésus: 

“De quelle ingratitude les hommes paient-ils mon amour de retour! Je serais moins offensé si je les avais moins aimés. Mon Père ne veut plus les supporter. Moi, je voudrais bien cesser de les aimer, mais... (Jésus se tut et soupira, puis il reprit) mais, hélas, mon cœur est fait pour aimer! Les hommes vils et faibles ne font aucun effort pour se dominer dans les tentations, ils se complaisent au contraire dans leurs iniquités. Quand les âmes que je préfère sont mises à l’épreuve, elles cèdent, les faibles s’abandonnent à la peur et au désespoir, les forts se relâchent peu à peu. 

Ils me laissent seul de jour comme de nuit dans les églises. Ils ne se soucient plus du sacrement de l’autel; on ne parle plus de ce sacrement d’amour; et même ceux qui en parlent, hélas, avec quelle indifférence, avec quelle froideur ils le font! 

Mon cœur est oublié. Personne n’a plus souci de mon amour. Je suis toujours dans la tristesse. Pour beaucoup, ma maison est devenue un théâtre; il en est ainsi de mes ministres eux-mêmes, que j’ai toujours regardés avec prédilection, que j’ai aimés comme la pupille de l’œil. Eux, ils devraient réconforter mon cœur plein d’amertume, ils devraient m’aider à sauver des âmes. Or, qui le croirait, je reçois de leur part beaucoup d’ingratitude. 

Je vois, mon fils, beaucoup de ceux-là qui... (ici il se tut, la gorge serrée, et il pleura en silence) me trahissent avec des airs hypocrites par des communions sacrilèges, foulant aux pieds les lumières et les forces que je ne cesse de leur donner...” 

Jésus continua à se lamenter... ”Mon fils, poursuivit Jésus, j’ai besoin d’âmes victimes pour apaiser la juste colère de mon Père; renouvelle-moi le sacrifice de tout ton être, et fais-le sans aucune réserve.” (12 mars 1913) 

6 - Les stigmates 

Au Père Benedetto 

     Ébauche des stigmates 

Il m’est arrivé hier soir, un fait que je ne saurais expliquer ni comprendre. Au milieu de la paume des mains m’est apparue une petite rougeur, à peu près de la dimension et de la forme d’une pièce d’un centime, accompagnée d’une douleur forte au milieu. Cette douleur était plus sensible au milieu de la main gauche, à tel point qu’elle dure encore. Sous les pieds aussi je ressens un peu de douleur. 

Voilà presque un an que ce phénomène se répète, mais il y avait un bon bout de temps que cela ne s’était plus produit. Ne vous inquiétez pas si je vous en parle seulement maintenant: c’est que je me suis toujours laissé écraser par cette maudite honte... (8 septembre 1911) 

Au Père Agostino 

Du jeudi soir au samedi, de même que le mardi, c’est une tragédie douloureuse pour moi. Il me semble que mon cœur, mes mains et mes pieds sont transpercés par une épée, tellement j’en souffre. (21 mars 1912) 

Au Père Agostino 

La première fois que Jésus daigna me faire cette grâce, ils furent visibles, en particulier sur une main; la pauvre âme, terrifiée par ce phénomène visible, pria le Seigneur de le lui retirer. Dès lors, ils ne furent plus apparents; les blessures disparues, ce n’est pas pour autant que l’atroce douleur cessa: au contraire, je les ressentais plus particulièrement en certaines circonstances et à des jours bien précis. 

Vous me demandez si le Seigneur m’a fait éprouver son couronnement et sa flagellation, et combien de fois. Cette fois encore il me faut répondre par l’affirmative. Quant au nombre de fois, je suis incapable de le préciser. Je peux seulement vous dire que voici plusieurs années que mon âme en souffre, environ une fois par semaine. (10 octobre 1915) 

Au Père Benedetto 

... Qu’est-ce donc que tout cela? Ma journée a commencé le 29 mai et ne s’est jamais terminée. (19 juin 1918) 

Au Père Agostino 

Je suis écrasé sous le poids de mon long exil, qui demeure. Il est vrai que, encore un pas... et la croix sera plantée sur le Golgotha; il faut convenir cependant que ce pas à faire pour planter la croix va demander du temps; ensuite, il en faudra encore pour agoniser avec Jésus. (14 janvier 1916) 

Au Père Agostino 

Mon Dieu! mon Dieu! je ne sais rien dire de plus que ceci: pourquoi m’as-tu abandonné? Mes modestes efforts pour tenir bon contre cette violence et cette férocité ont été vains: je n’ai plus aucune vie qui me permette de résister. Il faut que je vive ou que je meure, c’est urgent. Ô vie, ô mort! Mon heure est effrayante et j’ignore, mon Père, comment tenir le coup et combien de temps il me faudra encore demeurer dans cet état d’extrême martyre. (29 juillet 1918) 

Au Père Benedetto 

Je désespère de tout, sauf de celui qui est Vie, Vérité et voie. C’est à lui que je demande tout, c’est à lui que je m’abandonne, car il a été et il est encore tout pour moi. La lumière m’aveugle avant même de dissiper le brouillard autour de moi. Comment cela se fait-il? Je suis fatigué de fatiguer mon guide... Je me résous à vous révéler ce qui m’est advenu le 5 au soir et pendant toute la journée du 6 de ce mois. 

J’ai du mal à vous dire ce qui s’est passé pendant cette période d’intense martyre. Le 5 au soir, j’étais en train de confesser nos garçons quand je fus saisi soudain d’une terreur extrême à la vue d’un personnage céleste qui se présentait à l’œil de mon intelligence. Il tenait à la main une sorte d’objet semblable à une très longue lame de fer dont la pointe était bien effilée; on aurait dit que du feu jaillissait de cette pointe. 

Voir tout ceci et observer ce personnage lancer à toute force cet objet dans mon âme fut une seule et même chose. C’est à peine si j’émis une plainte, je me sentais mourir. Je dis au jeune garçon de se retirer parce que je me sentais mal et que je n’avais pas la force de continuer. 

Ce martyre dura, sans interruption, jusqu’au 7 au matin. Je ne saurais vous décrire ce que j’ai souffert pendant cette période si douloureuse. Je voyais que même mes viscères étaient arrachés et tiraillés par cet objet et que tout était mis à feu et à sang. À partir de ce jour, j’ai été blessé à mort. Au plus intime de l’âme je sens une blessure toujours ouverte qui me fait souffrir constamment... (21 août 1918) 

Au Père Benedetto 

Mon agonie ne cesse d’augmenter... Il me semble que les rayons fugitifs qui tentent de me laisser de l’espoir malgré mon impossibilité même se raréfient de plus en plus. Hélas, mon Dieu!... Je n’ai plus que le cri délirant d’une victime en proie à des contraires opposés qui se mènent une lutte sans pitié à son insu, sans son concours, sans son adhésion, sans ses énergies qui diminuent déjà, alors qu’elle est l’objet et le souffre-douleur d’une rage intense, constante.... 

Je me vois plongé dans un océan de feu. La blessure qui a été rouverte en moi saigne encore et toujours. Elle seule suffirait à me donner plus de mille fois la mort. L’esprit est broyé sous le pressoir. Éclairé, il en devient aveugle, d’une cécité si douloureuse que seul celui qui l’a éprouvée pourrait donner une certaine preuve de ce qu’elle est. (5 septembre 1918) 

Au Père Benedetto 

Hélas! Qui me délivrera de moi-même? Qui me fera sortir de ce corps de mort?... Faudra-t-il que je dise “fiat” dans l’admiration de ce mystérieux personnage qui m’a couvert de plaies et ne renonce pas à cette opération si dure, intense et pénétrante, lui qui, sans laisser le temps aux plaies de cicatriser en ouvre déjà de nouvelles en tourmentant terriblement sa pauvre victime? 

De grâce, mon Père, pour l’amour de Dieu, venez à mon aide! Partout, à l’intérieur de moi-même, il pleut du sang et plusieurs fois mon œil a dû se résigner à le voir s’écouler aussi au dehors. De grâce, que cessent ces tourments, cette humiliation, cette confusion! Mon esprit ne parvient à résister. (17 octobre 1918) 

Au Père Benedetto 

Que vous dire pour répondre à ce que vous me demandez au sujet de ma crucifixion? Mon Dieu, quelle confusion et quelle humiliation j’éprouve à devoir manifester ce que tu as opéré dans ta si misérable créature! 

J’étais au chœur, dans la matinée du 20 du mois dernier, après la célébration de la sainte messe, lorsque j’ai été surpris par un repos semblable à un doux sommeil. Tous mes sens intérieurs et extérieurs, et pas seulement les facultés de l’âme, se sont trouvés dans une quiétude indescriptible. Cela dans un silence total, tant intérieurement qu’autour de moi; aussitôt y a succédé une grande paix, une résignation à être privé de tout et une pause dans le même affaissement. Tout cela s’est passé en un clin d’œil. Et pendant que tout cela se passait, j’ai vu devant moi un mystérieux personnage, semblable à celui vu le soir du 5 août, qui s’en différenciait seulement en ce qu’il avait les mains, les pieds et le côté qui saignaient. Sa vue m’a atterré; je ne saurais vous dire ce que j’ai ressenti à cet instant; je me sentais mourir, et je serais mort en effet si le Seigneur n’était pas intervenu pour me soutenir le cœur que je sentais bondir hors de ma poitrine. 

Ce personnage disparut de ma vue et je me suis aperçu que mes mains, mes pieds et mon côté étaient transpercés et laissaient couler du sang. Imaginez le supplice que j’ai alors éprouvé, et que j’éprouve continuellement presque tous les jours. La blessure du cœur saigne constamment, spécialement du jeudi soir au samedi. Mon Père, je meurs de douleur, tant par le supplice que par la confusion qui s’ensuit au plus profond de mon âme. J’ai peur de mourir exsangue si le Seigneur n’écoute pas les gémissements de mon pauvre cœur et ne cesse cette opération. Jésus qui est si bon  me fera-t-il cette grâce? 

M’enlèvera-t-il au moins la confusion que j’éprouve devant ces signes extérieurs? J’élèverai fortement la voix vers lui et je ne cesserai pas de le conjurer de me retirer, en vertu de sa miséricorde, non pas la torture, ni la douleur car je vois que c’est impossible, et je veux m’enivrer de douleur, mais ces signes extérieurs qui sont pour moi d’une confusion et d’une humiliation indescriptibles, insoutenables. 

Le personnage dont je voulais parler dans ma lettre précédente n’est autre que celui vu le 5 août et dont je vous ai parlé. Il poursuit son opération sans répit, soumettant mon âme à une torture extrême. Je ressens intérieurement un grondement continuel, semblable à celui d’une cascade, mais de sang. Mon Dieu! Ton jugement et ton châtiment sont justes, mais fais preuve de miséricorde à mon égard.”Yahvé, te  dirai-je comme le prophète, ne me châtie pas dans ton courroux, ne me reprends pas dans ta fureur!” (22 octobre 1918) 

Au Père Benedetto 

Ah! mon Père, quel volcan je ressens! Je constate qu’il se rallume de plus en plus fort dans mon âme. Je sens mes entrailles brûler. Bref, je suis mis entièrement à feu et à sang, esprit et corps. Et moi, l’âme remplie de tristesse et les yeux desséchés à force de pleurer, je dois assister, contre ma volonté, à tout ce supplice, à ce délabrement complet, sans en pouvoir détourner les yeux, à cause de mon impuissance à réagir. (13 novembre 1918) 

Au Père Benedetto 

Au milieu d’un si grand supplice à la fois d’amour et de douleur, se révèlent deux sentiments contraires: l’un qui voudrait repousser la douleur, et l’autre qui la désire. Et la simple pensée de vivre pendant quelque temps sans un tel martyre d’amour et de douleur me fait peur et me fait agoniser. 

Au milieu d’un si grand supplice, je sens la force de prononcer le douloureux fiat. Oh! fiat! comme tu es doux et amer à la fois! Tu blesses et tu guéris, tu provoques des plaies et tu les guéris, tu donnes la mort et en même temps tu donnes la vie! Oh! doux tourments! Pourquoi êtes-vous à la fois si durs à endurer et si chers? Oh! douces blessures! (24 novembre 1918) 

Au Père Benedetto 

Depuis plusieurs jours je ressens en moi quelque chose de semblable à une lame de fer qui, partant de la base du cœur, s’étend jusqu’au dessous de l’épaule droite le long d’une ligne transversale. Cela me cause une douleur très aigüe qui ne me permet pas de prendre le moindre repos. Qu’est-ce donc que cela? Ce phénomène nouveau, j’ai commencé à le ressentir après une autre apparition de ce mystérieux personnage habituel des 5 et 6 août et du 20 septembre. (20 décembre 1918) 

7 - Les choix de Dieu 

Au Père Agostino 

Dieu se choisit des âmes, au nombre desquelles -malgré mon indignité- il a choisi la mienne, pour l’aider dans sa grande entreprise de salut de l’humanité. Alors plus ces âmes souffrent sans nul réconfort, plus les douleurs de Jésus s’en trouvent soulagées. (20 septembre 1912) 

8 - Souffrances et Passion de Jésus 

Au Père Agostino 

Jésus m’apparut. Il était en bien piteux état, méconnaissable. Il me montra une foule de prêtres réguliers et séculiers, dont plusieurs dignitaires de l’Église; parmi eux, certains célébraient, d’autres se paraient de leurs ornements sacerdotaux ou les enlevaient. La peine qu’il éprouvait me faisait mal et je demandai à Jésus la raison de sa souffrance. Il continuait, le regard horrifié, de fixer ces ecclésiastiques. Comme s’il était las de regarder, il leva les yeux sur moi et je découvris avec effroi que deux larmes coulaient sur ses joues. Il se détourna de tous ces prêtres avec une expression de dégoût et s’écria: “Bouchers!” puis, s’adressant à moi: “Mon fils, ne crois pas que mon agonie n’ait duré que trois heures; non, à cause des âmes que j’ai le plus comblées de bienfaits, elle durera jusqu’à la fin du monde; pendant le temps de mon agonie, il ne faut pas dormir, car mon âme a besoin de quelques larmes de pitié humaine. Hélas, les hommes me laissent seuls sous le poids de leur indifférence. 

L’ingratitude et le sommeil de mes ministres rendent mon agonie plus pénible. Hélas! Comme ils répondent mal à mon amour! Ce qui m’afflige le plus, c’est qu’à leur indifférence ils ajoutent mépris et incrédulité.“ (7 avril 1913) 

Au Père Agostino 

Contemplons toujours avec l’œil de la foi, comme notre bon ange, Jésus-Christ chargé de sa croix, en train de monter au Calvaire et gravissant à grand’peine le raidillon en pente du Golgotha; voyons l’immense foule d’âmes qui le suivent en portant leur propre croix sur ce même chemin. (24 juin 1915) 

9 - Les douceurs de Jésus 

Au Père Benedetto 

Ce qui me martyrise le plus, ce sont les douleurs fortes et aigües au thorax. À certains moments, elles m’incommodent à tel point qu’il me semble que mon dos et ma poitrine vont se briser. Mais Jésus n’oublie pas d’adoucir de temps à autre mes souffrances d’une autre façon, à savoir, en me parlant au cœur. Oh! oui, mon Père, combien Jésus est bon avec moi! Oh! comme ces moments sont précieux; je ne sais à quoi comparer ce bonheur; c’est un bonheur que le Seigneur me donne à goûter uniquement dans les afflictions, ou presque. (septembre 1910) 

Au Père Benedetto 

Quand je prie aux pieds de Jésus, il me semble ne plus sentir le poids de la fatigue que j’éprouve à me vaincre lorsque je suis tenté, ni l’amertume du dégoût. (19 mars 1911) 

Au Père Agostino 

Hier, fête de Saint Joseph! Dieu seul sait combien de douceurs j’ai éprouvées, surtout après la messe, à tel point que je les ressens encore en moi. La tête et le cœur me brûlaient, mais c’était d’un feu qui me faisait du bien... Ce même Jésus me demande presque toujours de l’amour. Et, en plus que la bouche, c’est mon cœur qui lui répond: “Mon Jésus, je voudrais...” et je ne peux plus continuer. Mais, à la fin, je m’écrie: “Oui, Jésus je t’aime et je sens même le besoin de t’aimer davantage; mais, Jésus, de l’amour dans le cœur, je n’en ai plus, tu sais que je t’ai tout donné; si tu veux plus d’amour, prends mon cœur et emplis-le de ton amour et, ensuite, commande-moi donc de t’aimer, je ne m’y refuserai pas, au contraire; je t’en prie, fais-le, je le désire.” (21 mars 1912) 

Au Père Agostino 

Il y a des choses que l’on ne peut traduire dans un langage humain sans qu’elles perdent leur profond sens céleste. Si vous me passez l’expression, mon cœur et celui de Jésus ont fusionné. Il n’y avait plus deux cœurs qui battaient, mais un seul. Le mien avait disparu comme une goutte d’eau dans la mer. Jésus était son paradis, son roi. La joie était en moi si intense, si profonde, que je n’ai pas pu me contenir: mon visage était inondé des larmes les plus délicates. (18 avril 1912) 

Au Père Agostino 

Oui, mon Père, Jésus est douceur et il veut la déverser en plénitude dans mon cœur. (17 juin 1912) 

Au Père Agostino 

Écoutez ce qui m’est arrivé vendredi dernier. J’étais à l’église en train de faire mon action de grâces après la messe, quand je me suis sentis tout à coup le cœur transpercé par un javelot de feu si vif et si ardent que je crus en mourir... L’âme victime de ces consolations devient muette. J’avais l’impression qu’une force invisible me plongeait tout entier dans le feu... Mon Dieu! Quel feu! Quelle douceur!... Oh! Qu’il est beau de devenir victime d’amour! (26 août 1912) 

Au Père Benedetto 

Jésus commence à me faire sentir qu’il est infiniment doux de vivre et de peiner pour ses frères. (1er novembre 1920) 

Au Père Benedetto 

Mon Père, permettez-moi de m’épancher: je suis crucifié d’amour! Je n’en peux vraiment plus! C’est une nourriture trop délicate pour quelqu’un d’habitué aux mauvais repas; cela me provoque d’incessantes indigestions spirituelles, au point de faire gémir ma pauvre âme de douleur et d’amour tout à la fois. La pauvre ne parvient pas à s’adapter à cette nouvelle manière d’agir du Seigneur. Le baiser et le toucher, pour ainsi dire substantiels, que le Père des Cieux, dans son amour, imprime sur l’âme, lui causent encore une souffrance intense. (18 mars 1915) 

Au Père Benedetto 

Mon Père, que notre royaume intérieur est heureux quand il y règne ce saint amour! Comme les puissances de notre âme sont heureuses quand elles obéissent à un roi si sage! (23 juillet 1917) 

Au Père Benedetto 

Oh! Comme Dieu est bon, mon bien cher Père! Il est bon envers tous, c’est vrai, mais en particulier envers ceux qui s’efforcent de l’aimer. (26 novembre 1917)

Pour toute suggestion, toute observation ou renseignement sur ce site,
adressez vos messages à :

 voiemystique@free.fr