LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Saint Louis-Marie
Grignion de Montfort
(1673-1716)

 

 Le triomphe du Coeur de Jésus et de
la dévotion à la Sainte Vierge

Paradoxalement le siècle des encyclopédistes, dit Siècle des Lumières, fut aussi celui du triomphe du Coeur de Jésus. Mais le siècle précédent, “Siècle” de l’École Française de Spiritualité, avait longuement préparé cet avènement. De nombreux saints et saintes de cette époque avaient, comme saint Jean Eudes, Claude la Colombière et Marguerite-Marie, largement contribué à promouvoir le culte et l’adoration du Coeur de Jésus.

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716), considéré comme le grand apôtre de Marie, a, lui aussi, amoureusement prêché l’Amour de Dieu et le Coeur de Jésus, tout au long de ses missions populaires. Il les a aussi proclamés ou chantés, soit dans ses écrits, soit dans ses cantiques aux strophes riches de théologie. Ainsi quelques-uns de ses très nombreux cantiques en effet, notamment le cantique 131, sont nettement orientés vers le culte au Coeur Eucharistique de Jésus: Louis-Marie Grignion de Montfort nous invite à reconnaître le Sacré-Coeur dans le Saint-Sacrement.

Le Coeur de Jésus est, par excellence, l’Adorateur du Père et le Médiateur de la Nouvelle Alliance. Cependant on ne peut pas séparer Jésus de sa Mère. Aussi la relation entre les Coeurs de Jésus et de Marie, dans le contexte eucharistique, est-elle fréquemment abordée par l’apôtre de la Sainte Vierge. 

Les populations de l’Ouest de la France, évangélisées par Grignion de Montfort, mémorisèrent sans effort, grâce à ses chants simples mais hautement théologiques, non seulement la catéchèse enseignée par l’Église, mais également les mystères de Dieu, et les mystères du Coeur de Jésus et de Marie. Sans le savoir Grignion de Montfort, poursuivant l’œuvre des grands acteurs de l’École Française,   préparait les populations de l’Ouest de la France et les générations suivantes, à affronter la tourmente révolutionnaire.

Nota:  Toutes les citations qui suivent, des écrits de Grignion de Montfort, ont été extraites des “Œuvres complètes de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort”  publiées par les Éditions du Seuil. Certains des éléments concernant sa vie proviennent de la Petite vie de L.-M. Grignion de Montfort de René Laurentin, publié par Desclée de Brouwer

Louis-Marie Grignion
de Montfort
(1673-1716)

1
Quelques aperçus de la vie
de Louis-Marie Grignion de Montfort
[1]

1-1-La petite enfance

Louis-Marie est né à Montfort-La-Cane, en Bretagne, à 20 kilomètres de Rennes, le 31 janvier 1673. Il fut immédiatement placé en nourrice, et passa son enfance à Iffendic.

Son père, Jean-Baptiste, (1647-1716) de petite noblesse terrienne,   était avocat. Sa mère (1649-1718) a deux frères prêtres. Elle aura quatorze enfants. L’aîné étant mort à cinq mois, avant la naissance de Louis-Marie, c’est ce dernier qui sera considéré comme l’aîné de la famille dans laquelle on comptera trois prêtres, dont Louis-Marie, et deux religieuses.

On ne connaît que peu de choses de l’enfance de Louis-Marie, sauf peut-être son amour pour la pauvreté et pour tous les pauvres...

1-2-La jeunesse de Louis-Marie Grignion de Montfort

    1-2-1-L’adolescent

Louis-Marie quitte sa famille (qui compte déjà douze enfants) à l’âge de onze ans, pour aller à Rennes, dans un collège tenu par les Jésuites. Il loge chez son oncle prêtre. Il fut un élève intelligent, studieux, déjà enflammé de l’amour de Dieu. Dans ce collège Louis-Marie connut celui qui deviendra son ami, Claude-François Poullart des Places (1679-1709) futur fondateur de la Congrégation du Saint-Esprit: les Spiritains.

Il convient de noter que deux pères du collège, les Pères Bellier et Nepveu, très dévôts à la Sainte Vierge, avaient déjà mis en honneur, un acte d’offrande de soi-même, en qualité d’esclave, de la Sainte Vierge, pour honorer sa maternité. 

    1-2-2-Le séminariste

En 1792, à presque vingt ans, Louis-Marie entre au séminaire, à Paris. Il veut être prêtre pour les pauvres; aussi, délibérément, choisit-il l’établissement fondé par le sulpicien Mr. de la Barmondière, pour les écoliers pauvres, au bout du jardin des petit et grand séminaires Saint-Sulpice. M. de la Marmondière estimait, en effet, que la pauvreté était une fidélité intégrale à l’Évangile. Le règlement de cet établissement comportait le conseil suivant:

“Ils auront une très grande dévotion envers la Très Sainte Vierge, qu’ils honoreront comme la maîtresse de cette maison.”

Louis-Marie a découvert sa voie: elle passera par Marie. La mort du Père de la Barmondière, le 18 septembre 1694 l’affecte beaucoup, mais il s’abandonne à Dieu. Il écrit[2], parlant du défunt: “Il avait eu la bonté de me recevoir pour rien... Il m’a fait tant de bien, il a vécu en saint, et il est mort en saint... Je ne sais pas encore comment tout ira... Quoiqu’il m’arrive, je ne m’en embarrasse pas. J’ai un Père dans les cieux qui est immanquable. Il m’a conduit ici, il m’y a conservé jusqu’ici. Il le fera encore avec ses miséricordes ordinaires. Quoique je ne mérite que des châtiments pour mes péchés, je ne laisse pas de prier Dieu et de m’abandonner à sa Providence.”

Après la mort du Père de la Barmondière, Louis-Marie s’en alla dans l’établissement de M. Boucher, encore plus pauvre. Mais la nourriture y était telle que bientôt il fut terrassé par la maladie. Il passa alors au petit Saint Sulpice.

Il convient de noter que dès cette époque, la vie trop sainte de Louis-Marie Grignion de Montfort, qui se nourrissait des écrits du Père Surin[3] commença à déranger: contradictions et moqueries ne lui manquèrent pas.

    1-2-3-La dévotion à la Vierge Marie

Marie était sa maîtresse, sa mère, son icône intérieure, et c’est Jésus qu’il trouve en elle. Il écrivit dans son premier ouvrage, Le secret de Marie:

          Elle est mon Arche d’alliance
          Où je trouve la sainteté...
          Elle est ma divine oratoire,
          Où je trouve toujours Jésus.
          J’y prie avec beaucoup de gloire.
[4]  

En 1699 il fit, à pied, au nom du Séminaire, le pèlerinage à Notre-Dame de Chartres.

Il fut bientôt chargé de la Bibliothèque du séminaire où il découvrit Le petit psautier de la Vierge,[5] dans lequel il lut la formule qu’il citera souvent: “Totus tuus”. Il aimait aussi beaucoup cette citation de Bérulle: “Nous sommes obligés d’être esclaves de Jésus et de Marie par naissance et par renaissance: c’est-à-dire le baptême. Cette servitude n’est que le vœu du baptême.”

1-3-Le prêtre

    1-3-1-Le jeune prêtre

À cette époque, il fallait, pour être ordonné prêtre, justifier d’une rente assurant sa subsistance. Tout en y répugnant, par amour de la pauvreté, Louis-Marie fut donc obligé de prendre possession de la “chapellenie”, de 100 livres, de Saint Julien de Concelles, près de Nantes. Il fut ordonné prêtre le 5 juin 1700, et célébra sa première messe dans la chapelle de la Vierge, dont il avait eu la charge, en l’abside de Saint Sulpice.

    1-3-2-Quelle sera la mission de Louis-Marie Grignion de Montfort?

Le désir de Louis-Marie, après son ordination, aurait été de partir en mission lointaine. Son directeur spirituel s’y opposa. On aurait bien voulu en faire un sulpicien tant son intelligence et sa charité étaient exceptionnelles: mais, il était tout de même trop original!... Pourtant le peuple, mal formé, mal catéchisé avait  besoin de missionnaires. Louis-Marie s’inquiètait; il était mal dans sa peau. C’est alors que survint un événement décisif.

Nous sommes en avril 1701. Louis-Marie est à Fontevrault, invité à la prise d’habit de sa sœur Sylvie. Là, il rencontre Mme de Montespan, l’ancienne maîtresse de Louis XIV, devenue plus sage. Elle s’intéressa au jeune prêtre et le mit en relation avec l’évêque de Poitiers. À Poitiers, Louis-Marie fut bientôt envoyé à l’hôpital pour y servir les pauvres. Le désordre était grand dans l’administration de l’hôpital, et Louis-Marie, qui essayait de faire quelques réformes, dut partir; mais, curieusement, quelques jours après, l’intendant-économe, malade, mourait; quant à la directrice, jeune et pleine de santé, elle mourut aussi, subitement.

Montfort a vingt neuf ans. Il est estimé de tous: malades, pauvres et soignants. Il tente de fonder, avec quelques femmes pauvres, une communauté de religieuses. C’est là aussi qu’il rencontra Marie-Louise Trichet (7 mai 1684-28 avril 1759) la future fondatrice des Filles de la Sagesse, et Catherine Brunel.

En mars 1703, Louis-Marie Grignion de Montfort, de nouveau fortement contesté, doit quitter Poitiers. Marie-Louise Trichet reste, mais la vie ne lui sera pas facile. À plusieurs reprises elle tenta d’entrer dans divers couvents, mais toujours sans succès: elle demeura donc à l’hôpital, selon la consigne que lui avait donnée le Père de Montfort: “Ma fille, ne quittez pas cet hôpital durant dix ans.”

Les épreuves continuent. Voici le Père de Montfort à Paris, à la Salpêtrière où la misère des pauvres est extrême. Il reste avec eux pendant quatre mois, mais bientôt on le chasse. De décembre 1703 à mars 1704, il erre dans Paris, raillé, moqué, méprisé par ses confrères. Il songe à quitter le ministère... Heureusement les ermites du Mont Valérien, qui cherchent un soutien spirituel, le prennent dans leur communauté. On pense que c’est à ce moment qu’il écrivit L’amour de la Sagesse éternelle.

Mars 1704. Les pauvres de Poitiers multiplient les actions pour faire revenir vers eux “celui qui aime les pauvres.” Son retour à Poitiers est triomphal. Il remédie aux désordres de l’hôpital, puis son évêque, Mgr Claude de La Poype, accepte sa proposition de donner des missions dans son diocèse. Louis-Marie Grignion de Montfort a enfin trouvé sa voie... Il multiplie ses activités dans les quartiers pauvres: il catéchise, pourchasse l’ivrognerie et les blasphèmes, et écrit des cantiques sur les airs à la mode.

Tout semble bien aller, mais on ne veut plus de lui à l’hôpital... Le Père de Montfort va pouvoir réaliser sa vraie vocation: les missions. Mais il est dénoncé à son évêque, pour une curieuse histoire de livres infâmes brûlés sur la place publique, et il est expulsé. Où aller? Tous ses horizons sont bouchés. Au printemps 1706, Louis-Marie, désespéré part à Rome, à pied. (1500 kilomètres) Le 6 juin 1706 il est reçu par le pape Clément XI qui lui impose de rester en France et d’y prêcher des missions.

Louis-Marie a trente trois ans. Il ne lui reste que dix ans à vivre!

1-4-Enfin missionnaire (1706-1716)

Rentré en France, ayant enfin trouvé sa véritable vocation et bénéficiant de la bénédiction du pape, Louis-Marie s’attelle à la tâche. On le trouve à Dinan, à Saint-Brieuc, à Saint-Lô, Rennes, Nantes, Poitiers, Luçon, La Rochelle, Rouen et même à Paris...

Il est très demandé: il prêche, confesse, suscite de vraies conversions, et est à l’origine de bien des réconciliations. Mais il est aussi très redouté: il applique l’Évangile avec trop de radicalité. À sa mère, il écrit le 28 août 1704: “J’ai épousé la Sagesse et la Croix où sont tous mes trésors temporels et éternels de la terre et des cieux, mais si grands que, si on les connaissait, Montfort ferait envie aux riches et aux plus puissants rois de la terre. Personne ne connaît les secrets dont je parle, ou du moins très peu de personnes. Vous les connaîtrez dans l’éternité, si vous avez le bonheur d’être sauvée, car peut-être ne le serez-vous pas; tremblez et aimez davantage.”

Missionnaire en France, le Père de Montfort rencontrera toujours de nombreuses contradictions. Cependant, malgré toutes ces épreuves,  malgré les incompréhensions qui l’entravent, et même une tentative d’empoisonnement!... il poursuit ses missions.

Les conversions se font nombreuses, même parmi les calvinistes. On parle de guérisons miraculeuses, d’apparitions de la Vierge Marie. À l’automne 1712, il écrit le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge. Mais la publication fait problème: aussi de Montfort gardera-t-il secret son manuscrit.[6] 

C’est le pape qui fit de Louis-Marie Grignion de Montfort, à une époque où il cherchait sa voie, le missionnaire apostolique de la France.

Louis-Marie savait utiliser l’art populaire au profit de l’évangélisation: il composait des cantiques sur des chansons à la mode. Il utilisait des ritournelles pour faire passer ses messages. Il organisait des processions costumées qui plaisaient au peuple, en en faisant des repères pour la vie chrétienne... Il avait compris que l’homme n’est pas un pur esprit, et qu’il faut utiliser le corps pour rapprocher de Dieu l’être humain tout entier.

1-5-Les grandes épreuves

On ne peut pas passer sous silence la grande souffrance que vécut Louis-Marie lors de la clôture de la mission de Pontchâteau. Montfort avait mobilisé la population pour édifier un monumental Calvaire destiné à évoquer toute l’histoire de notre salut. L’inauguration était prévue pour le 14 septembre 1710, fête de la Sainte Croix. Mais, pour des raisons que nous ignorons, des dénonciations pleuvent: il faut démolir ce Calvaire qui pourrait “devenir un asile de bandits ou de mutins rebelles!!!...”

Le 13 septembre au soir, l’évêque interdit la bénédiction et ordonne la démolition... Louis-Marie pleura, mais se soumit. Sommé de disparaître, il se réfugie chez les Pères Jésuites, puis se replie sur Nantes pendant quelques mois, car son activité est bloquée partout. Cela lui donna le temps de fonder un hospice, car il n’en existait pas à Nantes, et d’écrire Le Secret de Marie.

Au début de 1711, Nantes est inondé. Louis-Marie se trouve parmi les sauveteurs.. Enfin, le 9 mai, il est reçu en audience par l’évêque de La Rochelle qui lui confie de nouvelles tâches. Montfort  multiplie les missions mais, de nouveau, ses adversaires se mobilisent: il ne fait pas bon être fidèle à l’Amour et à la volonté de Dieu! Un soir, le Père de Montfort est victime d’une tentative d’empoisonnement; il s’aperçoit que le bouillon qu’on lui a tendu et qu’il boit, est suspect. Mais le mal était fait, et sa santé va se détériorer très rapidement...

1-6-Les fondations

Le temps passait. Montfort était atterré par l’immensité du travail à faire, vu l’état d’abandon dans lequel se trouvait le peuple. Par ailleurs ses forces déclinaient rapidement, conséquence de la tentative d’empoisonnement dont il avait été victime. Il devait agir vite et tenter de sauvegarder son œuvre.

    1-6-1-En 1713

– Début 1713, il rédige les règles de la future Compagnie de Jésus, en vue des missions.

– Marie-Louise Trichet l’attend toujours à Poitiers, depuis 10 ans. Le Père de Montfort lui demande de rester à l’hôpital...

– Toujours en 1713, Montfort présente ses projets missionnaires à la Communauté du Saint-Esprit, fondée par son ami, Claude Poullard des Places.

    1-6-2-En 1714

– Montfort fonde, à la Rochelle, une école pour les enfants pauvres. Caractéristique essentielle: qui peut payer n’est pas admis.

– En juin ou juillet 1714, il fait une retraite chez les Pères Jésuites, puis, suppose-t-on, il rédige sa Lettre aux amis de la Croix. Louis-Marie a 41 ans. Il rencontre ensuite son ami, le chanoine Jean-Baptiste Blain à Rouen et, après lui avoir parlé de sa grande destruction, (le poison mis dans son bouillon, à La Rochelle) et écouté les remontrances de son ami, il déclara: “...Comme il y a plusieurs demeures dans la maison du Père céleste, il y a aussi plusieurs voies pour aller à Lui. Je les laisse marcher dans la leur. Laissez-moi marcher dans la mienne: celle que Jésus a enseignée par son exemple et par ses conseils... La plus courte... est la plus parfaite pour aller à Lui.”

Pour justifier les singularités dont on l’accusait, il répliqua “que s’il avait des manières singulières et extraordinaires, c’était bien contre son intention; que, les tenant de la nature, il ne s’en apercevait pas, et qu’étant propres à l’humilier, elles ne lui étaient pas inutiles; qu’au reste il fallait s’expliquer sur ce qu’on appelle “manières particulières et extraordinaires”, que si l’on entendait par là des actions de zèle, de charité, de mortification et d’autres pratiques de vertus héroïques et peu communes, il s’estimerait heureux d’être en ce sens singulier, et que si cette sorte de singularité était un défaut, c’était le défaut de tous les saints; qu’après tout on acquérait à peu de frais dans le monde le titre de singulier et qu’on était sûr de cette dénomination pour peu qu’on ne voulût pas ressembler à la multitude...” [7] 

C’est que le radicalisme évangélique de Louis-Marie était ressenti comme une leçon et un reproche. Son souci principal, essentiel, qui  qui bousculait le monde, c’était le salut de ses frères, de tous ses frères... Il n’était ni violent, ni sectaire: il était simplement logique avec sa foi et avec l’amour de Dieu qui lui brûlait le cœur.

    1-6-3-En 1715

En février, le jeune prêtre, Adrien Vatel devient le premier disciple de Louis-Marie. Bientôt ce sera le tour de René Mulot qui sera le premier supérieur de la Compagnie de Marie, les Pères Montfortains.

Le 23 mars, il donne ordre à Marie-Louise Trichet de quitter Poitiers et de le rejoindre à La Rochelle avec Catherine Brunet. Marie-Louise est nommée supérieure des Filles de la Sagesse. Le 1er août, Mgr de Champflour, évêque de La Rochelle, approuve les règles de la Sagesse.

Les missions se succèdent... Montfort trouve cependant le temps d’envoyer aux Filles de la Sagesse, son Livre L’Amour de la divine Sagesse. Et il envoie cette consigne à la Confrérie des Pénitents Blancs qu’il a fondée à Saint Pompain: “Vous n’aurez d’autre vue en ce pèlerinage que d’obtenir de Dieu, par l’intercession de la Sainte Vierge, de bons missionnaires, qui marchent sur les pas des apôtres, par un entier abandon à la Providence.” Mais la santé du Père de Montfort est ruinée. Son corps est usé, et il le sait. Pourtant, il continue sa tâche...

    1-6-4-En 1716

Les missions de Vouvant, de Saint-Pompain, de Villiers-en-Plaine sont des succès remarquables... Le 5 avril, début de la mission de Saint-Laurent-sur-Sèvre. Montfort continue à prêcher. Mais le 22 avril il doit s’arrêter... Le 27 avril il dicte son testament à René Mulot et lui demande d’accepter sa succession et d’accompagner les Filles de la Sagesse.

Le 28 avril 1716, Louis-Marie Grignion de Montfort expirait. Plus de dix mille personnes l’accompagnèrent jusqu’à sa sépulture, dans la chapelle Notre-Dame de l’Église de Saint-Laurent-sur-Sèvre.

2
Le Message et la théologie
de Louis-Marie Grignion de Montfort

2-1-Le message de Louis-Marie

Louis-Marie Grignion de Montfort fut, durant toute sa vie, un signe de contradiction. Il mourut jeune, laissant ses œuvres inachevées, et peu de disciples pour les continuer. Et puis, pourquoi tant de singularités, tant d’excès, au moins apparents? C’est que les singularités des saints sont, en réalité, les signes de leur sainteté, de leur amour pour Dieu et le prochain.

Louis-Marie savait que la Croix, inévitable dans toute vie donnée à Dieu, était sa force et la raison du succès de ses missions.

    2-1-1-La charité

Par dessus tout, le cœur de Louis-Marie brûlait de charité pour tous les pauvres. On le trouvait partout où il y avait du bien à faire: il soignait les incurables, portait secours aux populations atteintes, en 1711, par les débordements de la Loire, à Nantes; et toujours, il distribuait le peu qu’il avait... Quand il n’avait plus rien, il se faisait mendiant parmi les mendiants et les incitait même à servir leurs frères de misère. Il défendait les pauvres, tous les pauvres, mais évitait tous les excès démagogiques. Et surtout, il leur faisait découvrir la bonté de Dieu...

Le Père de Montfort a évangélisé tout l’ouest de la France; il reconnaissait les droits des hommes, mais il n’oubliait jamais de faire connaître et respecter les droits de Dieu et les exigences chrétiennes, y compris le pardon des offenses. Sa seule référence: Dieu seul.

    2-1-2-L’adoration 

Adorer, aimer, remercier Dieu, c’était pour Louis-Marie, l’unique source à laquelle il puisait pour accomplir inlassablement son œuvre, malgré les obstacles et les difficultés auxquelles il fut constamment affronté. Dieu seul! c’était son amour, son programme, sa force...

Louis-Marie avait, comme tous les saints, la conviction profonde de son néant, de sa pauvreté, de son état de pécheur. Son obéissance et son humilité firent souvent l’admiration de ses contemporains, même de ceux qui ne le comprenaient pas. Mais il vouait à Marie un culte profond et sage, une consécration totale qui le mena à la rencontre de Dieu. À Dieu seul, par Marie. Totus tuus...

2-2-Grignion de Montfort prophète

Grignion de Montfort fut aussi un prophète. Il attendait le triomphe final de Dieu, triomphe préparé, en quelque sorte, par Marie. Il laissait déjà entrevoir que les derniers temps seraient le Temps du Saint-Esprit et de Marie. Il “voyait” les derniers jours du temps, quand Marie serait dévoilée, et quand l’Esprit-Saint susciterait les apôtres de ces derniers temps:

     “Ce seront un feu brûlant et... ce seront des flèches aigües dans la main de la puissante Marie...

     Ce seront des nues tonnantes et volantes par les airs, au moindre souffle du Saint-Esprit qui, sans s’attacher à rien, ni s’étonner de rien, ni se mettre en peine de rien, répandront la pluie de la Parole de Dieu et de la vie éternelle...

     Ce seront des apôtres véritables des derniers temps à qui le Seigneur des vertus donnera la parole et la force pour opérer des merveilles...

     Et nous savons que ce seront de vrais disciples de Jésus-Christ qui, marchant sur les traces de sa pauvreté, humilité, mépris du monde et charité, enseignant la voie étroite de Dieu... porteront sur leurs épaules l’étendard ensanglanté de la Croix, le Crucifix dans la main droite, le chapelet dans la gauche, les sacrés noms de Jésus et de Marie sur leur cœur, la modestie et la mortification de Jésus-Christ sur leur cœur, dans toute leur conduite...

     Voilà les grands hommes qui viendront...
     Mais quand et comment cela se fera-t-il? Dieu,seul, le sait.

Avec le Saint-Esprit, Marie a produit la plus grande chose qui se puisse imaginer, Jésus, l’Homme-Dieu. À la fin des temps, c’est elle qui formera les grands saints, “car il n’y a que cette Vierge singulière... qui puisse produire, en union avec le Saint-Esprit, les choses singulières et extraordinaires.”(35) [8] 

Écoutons encore le Père de Montfort:

“Vers la fin du monde, les plus grands saints, les âmes les plus riches en grâce et en vertus, seront les plus assidus à prier la Très Sainte Vierge et à l’avoir toujours présente comme leur parfait modèle à imiter, et leur aide puissante pour les secourir.(46) J’ai dit que cela arriverait particulièrement à la fin du monde, et bientôt, parce que le Très-Haut avec sa Sainte Mère doivent se former de grands saints qui surpasseront autant en sainteté la plupart des autres saints, que les cèdres du Liban surpassent les arbrisseaux...(47) Ces âmes pleines de grâce et de zèle seront choisies pour s’opposer aux ennemis de Dieu, qui frémiront de tous côtés, et elles seront singulièrement dévotes à la Sainte Vierge, éclairées par sa lumière, nourries de son lait, et conduites par son esprit... (48)

“C’est par Marie que le salut du monde a commencé, et c’est par Marie qu’il doit être consommé...(49) Dieu veut donc révéler et découvrir Marie, le chef-d’œuvre de ses mains, dans ces derniers temps.”

Le Père de Montfort donne plusieurs raisons [9] de ce qu’il affirme avec tant de force:

Marie est très humble, “elle est l’aurore qui précède et découvre le Soleil de justice qui est Jésus-christ... Étant la voie par laquelle Jésus-Christ est venu à nous la première fois, elle le sera encore lorsqu’il viendra la seconde... Celui qui trouvera Marie trouvera la vie, c’est-à-dire Jésus-Christ qui est la voie, la vérité, la vie...”

En conséquence[10], “Marie doit éclater plus que jamais, en miséricorde, en force et en grâce dans ces derniers temps... Marie doit être terrible au démon et à ses suppôts, comme une armée rangée en bataille...“ Principalement dans les derniers temps, Satan “suscitera bientôt de cruelles persécutions, et mettra de terribles embûches aux serviteurs fidèles et aux vrais enfants de Marie...(50) C’est principalement de ces dernières et cruelles persécutions, qui augmenteront jusqu’au règne de l’Antéchrist, qu’on doit entendre cette prédiction de Dieu portée à propos du serpent: “Je mettrai des inimitiés entre toi et la femme, et ta race et la sienne; elle-même t’écrasera la tête, et tu mettras des embûches à son talon.”(51)

Toutefois, c’est “l’humilité de Marie qui humilie Satan plus que le pouvoir divin....(52) Ce que Lucifer a perdu par orgueil, Marie l’a gagné par humilité...(53)

Mais le pouvoir de Marie sur tous les diables éclatera particulièrement dans les derniers temps, où Satan mettra des embûches à son talon, c’est-à-dire à ses humbles esclaves et à ses pauvres enfants qu’elle suscitera pour lui faire la guerre... Ils seront petits et pauvres selon le monde, et abaissés devant tous comme le talon, foulés et persécutés comme le talon l’est à l’égard des autres membres du corps; mais en échange, ils seront riches en grâce de Dieu que Marie leur distribuera abondamment...(54)

Ils connaîtront les grandeurs de cette souveraine, et ils se consacreront entièrement à son service, comme ses sujets et ses esclaves d’amour... Ils connaîtront les miséricordes dont elle est pleine, et les besoins où ils sont de son secours, et ils auront recours à elle en toutes choses comme à leur chère avocate et médiatrice auprès de Jésus-Christ. Ils sauront qu’elle est le moyen le plus assuré, le plus aisé, le plus court et le plus parfait pour aller à Jésus-Christ.”(55)

2-3-La théologie de Louis-Marie Grignion de Montfort

    2-3-1-La dévotion à la Sainte Vierge[11] 

Dieu le Père et Marie

Montfort s’extasie sur la bonté du Père tout puissant qui “se montre aussi infiniment condescendant et faible en Marie, car il contracte en elle la condition de pauvres esclaves qu’il a reçue d’elle et veut partager avec nous...

Conformément à la doctrine des Pères de l’Église, expliquant “l’admirable échange par lequel Dieu se fait homme pour que l’homme devienne Dieu en Lui,” Louis-Marie ne craint pas d’écrire: “L’incompréhensible s’est laissé comprendre et contenir parfaitement par la petite Marie, sans rien perdre de son immensité... L’Inaccessible s’est approché, s’est uni étroitement, parfaitement, et même personnellement à notre humanité par Marie... Celui qui est a voulu venir à ce qui n’est pas... par Marie.”

La consécration à Marie

Le message de Louis-Marie Grignion de Montfort est très clair: on ne se consacre pas à Marie, on se consacre à Dieu, par Marie. On s’abandonne à la Mère de Jésus, on remet tout entre ses mains, car tout ce qu’on lui confie, elle le remet à Dieu. Il n’y a de consécration qu’à Dieu seul, mais Marie est la maman qui nous aide, nous conseille, et nous fait aimer Dieu.

Tout le monde connaît la version modernisée de la Consécration à Marie de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort. En voici le texte authentique et intégral que l’on trouve à la fin du traité surL’Amour de la Sagesse éternelle:

“Moi, M... pécheur infidèle, je renouvelle et ratifie aujourd’hui entre vos mains les vœux de mon baptême: je renonce pour jamais à Satan, à ses pompes et à ses œuvres et je me donne tout entier à Jésus-Christ, la Sagesse Incarnée, pour porter ma croix à sa suite tous les jours de ma vie, et afin que je lui sois plus fidèle que je n’ai été jusqu’ici.

Je vous choisis aujourd’hui, en présence de toute la Cour céleste, pour ma Mère et Maîtresse. Je vous livre et consacre, en qualité d’esclave, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs, et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m’appartient, sans exception, selon votre bon plaisir, et à la plus grande gloire de Dieu, dans le temps et l’éternité.

Recevez, ô Vierge bénigne, cette petite offrande de mon esclavage, en l’honneur et union de la soumission que la Sagesse éternelle a bien voulu avoir de votre maternité; en hommage de la puissance que vous avez tous deux sur ce petit vermisseau et ce misérable pécheur, et en action de grâce des privilèges dont la Sainte Trinité vous a favorisée.

Je proteste que je veux désormais, comme votre véritable esclave, chercher votre honneur et vous obéir en toutes choses.

Ô Mère admirable! présentez-moi à votre cher Fils, en qualité d’esclave éternel, afin que, m’ayant racheté par vous, Il me reçoive par vous.

Ô Mère de miséricorde! faites-moi la grâce d’obtenir la vraie sagesse de Dieu et de me mettre pour cela au nombre de ceux que vous aimez, que vous enseignez, que vous conduisez, que vous nourrissez et protégez comme vos enfants et vos esclaves.

Ô Vierge fidèle, rendez-moi en toutes choses un si parfait disciple, imitateur et esclave de la Sagesse divine Incarnée, Jésus-Christ, votre Fils, que j’arrive, par votre intercession, à votre exemple, à la plénitude de son âge (Éphésiens 4, 13) sur la terre et de sa gloire dans les cieux.”

Saint Louis-Marie de Montfort conclut son traité sur l’Amour de la Sagesse éternelle, par ces mots:

     Qui potest capiere capiat (Qui peut comprendre ceci le comprenne.)
     Quis sapiens et intelleget hæc? (Qui est sage pour comprendre ces merveilles?)

    2-3-2-Le Saint-Esprit et Marie

Avant d’entrer dans le secret de l’âme profondément mariale de saint Louis-Marie Grignion de Montfort, il convient de noter que l’amour du Seigneur est son unique préoccupation, ainsi que le prouvent ses lettres dont beaucoup commencent par: “Le pur amour de Dieu règne dans nos cœurs!”

Louis-Marie Grignion de Montfort fut très dévôt à Marie. Par elle, il se consacra à Jésus, et, à la fin de ses missions, il conseillait fortement à ses auditeurs d’en faire autant. Sous certains aspects il fut également le théologien de Marie, notamment sur les liens qui unirent le Saint-Esprit et la Mère de Jésus..

Le Père de Montfort comprit que le Saint-Esprit et Marie étaient inséparables. Il répétait sans cesse: “Marie accourt là où est l’Esprit, et l’ Esprit accourt là où est Marie.”

L’Esprit-Saint est l’Amour qui unit le Père et le Fils. Il est l’âme de l’Église. Mais l’Esprit-Saint est infiniment discret, infiniment inspirateur caché. Il semble s’effacer devant le Christ, Il s’efface devant ceux qu’Il inspire, Il s’efface devant Marie, et sa relation avec Marie est, elle aussi, indiciblement cachée. Pourtant, estime Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Marie est, mystérieusement, l’épouse de l’Esprit-Saint qui, à l’Annonciation, se comporta vis à vis de Marie, comme une puissance créatrice, une source jaillissante de vie.

Remarque: Le Père René Laurentin, dans sa Petite vie de L.M. Grignion de Montfort, estime que ce terme d’”épouse” est inadéquat. En effet, l’Esprit-Saint n’est pas le Père de Jésus, et “l’Incarnation du Fils unique de Dieu est virginale. Elle est l’action transcendante par laquelle Dieu assume la destinée humaine du Fils conçu en Marie.” [12]

Le Père de Montfort avait-il senti cette difficulté quand il disait de Marie qu’elle était le “Temple, un signe visible, une icône parfaite ou la transparence parfaite” de l’Esprit-Saint. Quoi qu’il en soit, c’est, précise Montfort, en Marie, que “l’Esprit-Saint, infécond dans la Trinité, a réalisé sa fécondité par la naissance du Fils de Dieu sur la terre.”

Logiquement, et conformément à sa réflexion, Montfort a perçu le lien qui unissait l’Esprit-Saint à Marie, davantage à l’Annonciation qu’à la Pentecôte. Il sentit si fortement ce lien qu’il en annonçait la révélation de plus en plus claire, pour les siècles à venir. Ainsi il a pu écrire dans son Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge:

“Dans le second avènement de Jésus-Christ, Marie doit être connue et révélée par le Saint-Esprit, afin de faire, par elle, connaître, aimer et servir Jésus-Christ... Elle sera comme l’aurore qui précède et découvre le soleil de justice: Jésus-Christ.[13] 

Nous commençons à connaître un peu Saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Il est temps pour nous, maintenant, d’entrer davantage dans sa pensée, en méditant les écrits qu’il nous a laissés, et en essayant de mettre en valeur ses convictions les plus importantes.

Recherchons la sagesse, c’est un trésor caché.
Recherchons-la sans cesse, sans en être empêché.
 Ô divine Sagesse, source de vérité,
    Le monde vous délaisse, suivant la vanité.
(Cantique 125 - strophes 2 et 8)

3
Les grandes œuvres écrites du Père de Montfort

3-1-L’Amour de la Sagesse éternelle[14] 

Celui qui devait devenir l’apôtre par excellence de la Très Sainte Vierge Marie a d’abord longuement médité sur l’Amour de la Sagesse éternelle. Il écrivit un livre important, débordant du feu de l’Amour de Dieu: L’Amour de la Sagesse éternelle. 

L’Amour de la Sagesse éternelle est une œuvre moins connue que le Secret de Marie ou Le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge. C’est seulement en 1929 qu’elle paraîtra dans son intégralité. Pourtant ce livre remarquable contient toute la spiritualité de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort. L’authenticité du manuscrit, resté intact, ne peut être mise en doute.[15] 

“Ô divine Sagesse!... s’exclame Louis-Marie, Vous avez tant  de beautés et de douceurs, Vous m’avez préservé de tant de maux et comblé de tant de bienfaits, et Vous êtes d’ailleurs si inconnue et si méprisée. Comment voulez-vous que je me taise?” (1)

Remarque importante:

La Sagesse, c’est Jésus Lui-même, la deuxième Personne de la Sainte Trinité. Il faut donc avoir toujours à l’esprit, quand le Père Grignion de Montfort parle de la Sagesse, que c’est de Jésus qu’il parle, de Jésus qui nous aime et de l’amour dont nous devons l’aimer.  Mais pour aimer, il faut d’abord connaître.

    3-1-1-Nécessité de la connaissance de la divine Sagesse

“Peut-on aimer ce qu’on ne connaît pas? Peut-on aimer ardemment ce qu’on ne connaît qu’imparfaitement? Pourquoi est-ce qu’on aime si peu la Sagesse éternelle et incarnée, l’adorable Jésus, sinon parce qu’on ne le connaît pas, ou très peu?” (8)

Or, pense Louis-Marie Grignion de Montfort se référant à Saint Bernard, “Jésus-Christ, la Sagesse éternelle, est tout ce que vous pouvez désirer. Désirez-le, cherchez-le, parce qu’il est cette unique et précieuse perle pour l’achat de laquelle vous ne devez pas faire difficulté de vendre tout ce que vous avez.”(9) 

D’ailleurs, Dieu le Père n’hésite pas à dire, dans le Cantique des Cantiques: “Goûtez et voyez. Enivrez-vous de mes douceurs éternelles; car mon entretien n’a rien de désagréable, ni ma compagnie d’ennuyeux, mais on n’y trouve que de la satisfaction et de la joie.”(10)

Car la Sagesse est le fondement véritable de la sainteté et de la vie éternelle:

“Voulons-nous, en vérité, avoir la vie éternelle, ayons la connaissance de la Sagesse éternelle.

“Voulons-nous avoir la perfection de la sainteté en ce monde, connaissons la Sagesse.

“Voulons-nous avoir en notre cœur la racine de l’immortalité, ayons en notre esprit la connaissance de la Sagesse: savoir Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, c’est assez savoir; savoir tout et ne le pas le savoir, c’est ne rien savoir.(11)

C’est de la sagesse éternelle que Louis-Marie désire nous entretenir: “La Sagesse substantielle et incrée est le Fils de Dieu, la seconde Personne de la Très Sainte Trinité, autrement dit la Sagesse éternelle dans l’éternité, ou Jésus-Christ dans le temps... Dès son origine nous la contemplerons dans l’éternité, résidant dans le sein de son Père, comme l’objet de ses complaisances. Nous la verrons dans le temps, brillante dans la création de l’univers.  Nous la regarderons ensuite tout humiliée dans son incarnation et dans sa vie mortelle, et puis nous la trouverons glorieuse et triomphante dans les cieux.” (14)

    3-1-2-La Sagesse par rapport au Père

“La Sagesse éternelle est la vapeur de Dieu, la vertu de Dieu et l’effusion toute pure de la clarté du Tout-Puissant. C’est pourquoi elle ne peut être susceptible de la moindre impureté. Elle est l’éclat de la lumière éternelle, le miroir sans tache de la majesté de Dieu et l’image de sa bonté.” (16)

Paraphrasant Saint Jean, Louis-Marie de Montfort déclare: “Au commencement était le Verbe, -ou le Fils de Dieu, ou la Sagesse éternelle,- et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu.” La Sagesse dit d’elle-même: “J’ai été établie dès l’éternité, et dès le commencement, avant que la terre fût créée. Les abîmes n’étaient pas encore lorsque j’étais déjà conçue... (18) La Sagesse est la Mère du pur amour, de la crainte, de la science et de l’espérance sainte... (26) Ceux qui me mangent auront encore faim, et ceux qui me boivent auront encore soif.” (28)

    3-1-3-Quand Dieu créait, la Sagesse présidait...

Louis-Marie fait dire à la Sagesse: “J’étais avec Dieu et je réglais toutes choses avec une justesse si parfaite tout à la fois et une variété si agréable, que c’était une espèce de jeu que je jouais pour me divertir et divertir mon Père... (32)

Qui est celui à qui la Sagesse s’est communiquée? Celui-là seul aura l’intelligence des mystères de la nature. (33) La sagesse les a révélés aux saints... Ils ont été quelquefois si surpris de voir la beauté, la douceur et l’ordre de la divine Sagesse dans les plus petites choses, comme une abeille, une fourmi, un épi de blé, une fleur, un petit ver de terre, qu’ils en tombaient dans l’extase et dans le ravissement.” (34)

    3-1-4-La Sagesse était encore présente lors de la création de l’homme

“Si la puissance et la douceur de la Sagesse éternelle ont tant éclaté dans la création, la beauté et l’ordre de l’univers, elle a brillé bien davantage dans la création de l’homme. (35) La Sagesse fit, pour ainsi dire, des copies et expressions brillantes de son entendement, de sa mémoire, et de sa volonté, et les donna à l’âme de l’homme pour être le portrait vivant de la divinité; elle alluma dans son cœur un incendie de pur amour pour Dieu, elle lui forma un corps tout lumineux, et elle renferma en lui, comme en raccourci, toutes les perfections différentes des anges, des bêtes et autres créatures...” (37)

Ô libéralité de la Sagesse éternelle envers l’homme! Ô heureux état de l’homme dans son innocence! (38) Mais malheur des malheurs!”... (39) car l’homme est devenu pécheur...

Heureusement il y a la Miséricorde de Dieu!

    3-1-5-La Sagesse éternelle est Miséricorde

“La Sagesse éternelle est vivement touchée du malheur du pauvre Adam et de tous ses descendants... Elle prête tendrement l’oreille à sa voix gémissante et à ses cris. Elle voit avec compassion les sueurs de son front, les larmes de ses yeux, les peines de ses bras, la douleur de son cœur et l’affliction de son âme... (41) Il me semble voir cette aimable souveraine... appeler la Sainte Trinité pour réparer l’homme, comme elle l’avait fait pour le former... Il se fait une espèce de combat entre la Sagesse éternelle et la Justice de Dieu.“ (42)

Louis-Marie continue: “Il me semble que j’entends cette Sagesse qui dit, qu’à la vérité, l’homme mérite, par son péché, d’être damné avec les anges rebelles, mais qu’il faut avoir pitié de lui, parce qu’il a plus péché par faiblesse et par ignorance que par malice... Elle montre les places du ciel vacantes par la chute des anges apostats...“ (43)

Pourtant, “la Sagesse éternelle voyant qu’il n’y avait rien dans l’univers qui fût capable d’expier le péché de l’homme... et voulant cependant sauver le pauvre qu’elle aimait d’inclination, trouve un moyen admirable. Chose étonnante, amour incompréhensible, qui va jusqu’à l’excès, cette aimable et souveraine princesse s’offre elle-même en sacrifice à son Père pour payer sa justice, pour calmer sa colère, et pour nous retirer de l’esclavage du démon et des flammes de l’Enfer, et nous mériter une éternité de bonheur. (45)

Son offre est acceptée; le conseil est pris et arrêté: la Sagesse éternelle, ou le Fils de Dieu, se fera homme dans le temps convenable et dans les circonstances marquées... (46) Car ses délices, dit-elle, sont d’être avec les enfants des hommes... (47) et c’est elle seule qui a formé tous les saints patriarches, les amis de Dieu, les prophètes et les saints de l’Ancien et du Nouveau Testament. C’est cette Sagesse éternelle qui a inspiré les hommes de Dieu et qui a parlé par la bouche des prophètes, et elle les a dirigés dans leurs voies, éclairés dans leurs doutes, soutenus dans leurs faiblesses et délivrés de tous maux.” (47)

“Écrions-nous donc: Heureuse mille fois une âme dans qui la Sagesse est entrée pour y faire sa demeure!”(51)

    3-1-6-Éloge de la Sagesse - Généralités

Louis-Marie Grignion de Montfort fait longuement l’éloge de la Sagesse, à partir des textes des Livres Sapientiaux. En voici le résumé:

– La Sagesse dispose tout avec douceur: “Rien n’est si doux que la Sagesse. Elle est douce en elle-même, sans amertume; douce à ceux qui l’aiment sans leur laisser aucun dégoût, douce dans sa conduite sans faire aucune violence... (53)

– La Sagesse éternelle a tant d’amour pour les âmes, qu’elle va jusqu’à les épouser et contracter avec elles un spirituel mais véritable mariage que le monde ne connaît point. (54)

– La Sagesse est Dieu même: voilà la gloire de son origine. Dieu le Père prend en elle toutes ses complaisances. (55)

– Elle seule est venue du ciel pour nous apprendre les secrets de Dieu; et nous n’avons point d’autre véritable Maître que cette Sagesse incarnée nommée Jésus-Christ. (56) Quiconque veut avoir une science des choses de la grâce et de la nature, qui ne soit pas commune, sèche et superficielle, mais extraordinaire, sainte et profonde, doit faire tous ses efforts pour acquérir la Sagesse sans laquelle un homme, quoique savant devant les hommes, n’est réputé pour rien devant Dieu. (58)

– Qui peut être pauvre avec la Sagesse qui est si riche et si libérale? Qui peut être triste avec la Sagesse qui est si douce, si belle et si tendre?... (59)

– Pour acquérir la Sagesse, il faut la chercher ardemment, c’est-à-dire être prêt à tout quitter, à tout souffrir et à tout entreprendre pour la posséder. (61)

– La Sagesse est un trésor infini, propre à l’homme, pour lequel l’homme est fait, et elle a des désirs infinis de se donner à l’homme.” (63)

    3-1-7-La Sagesse, c’est l’Amour qui se donne à l’homme

“Il y a une si grande liaison d’amitié entre la Sagesse éternelle et l’homme, qu’elle est incompréhensible. La Sagesse est pour l’homme, et l’homme est pour la Sagesse. C’est un trésor infini pour les hommes, et non pour les anges ou pour les autres créatures. (64) Cela vient de ce que l’homme, dans sa nature, est l’abrégé des merveilles de Dieu et son image vivante. “Et depuis que, par excès de l’amour qu’elle lui portait, elle s’est rendue semblable à lui en se faisant homme, et s’est livrée à la mort pour le sauver, elle l’aime comme son frère, son ami, son disciple, son élève, le prix de son sang, et le cohéritier de son Royaume...”  (64)

    3-1-8-La douceur de la Sagesse

“La Sagesse n’est que bonté et que douceur. C’est un don de l’amour du Père éternel et un effet de celui du Saint-Esprit. Elle est donnée par l’Amour et formée par l’Amour. Elle est donc toute d’amour, ou plutôt l’Amour même du Père et du Saint-Esprit. (118)

La Sagesse est douce dans son nom: Jésus Sauveur, celui qui sauve l’homme, dont le propre est d’aimer et sauver l’homme. (120) Elle est douce en son visage, en ses paroles, en ses actions...  Jésus est doux en toute sa conduite. (122 et 123)

Mais qui pourra expliquer la douceur de Jésus envers les pauvres pécheurs”, avec Marie-Madeleine la pécheresse, la Samaritaine, la femme adultère, les pécheurs publics, et même avec Judas?

Oh! que Jésus, la Sagesse incarnée est belle, douce et charitable! Qu’elle est belle dans l’éternité puisqu’elle est la splendeur du Père, le miroir sans tache et l’image de sa bonté, plus belle que le soleil et plus brillante que la lumière même! Qu’elle est belle dans le temps puisqu’elle a été formée par le Saint-Esprit, pure, sans aucun péché, et belle, sans aucune tache; puisqu’elle a charmé pendant sa vie les yeux et les cœurs des hommes, puisqu’elle est à présent la gloire des anges; qu’elle est tendre et douce envers les hommes, et particulièrement les pauvres pécheurs qu’elle est venue chercher dans le monde visiblement, et qu’elle cherche tous les jours invisiblement!” (126)

    3-1-9-La Sagesse est douce dans la gloire

“Quand la Sagesse incarnée et glorieuse a apparu à ses amis, elle leur a apparu non d’une manière tonnante et foudroyante, mais d’une manière douce et bénigne. Elle n’a pas pris la majesté d’une souveraine et du Dieu des armées, mais la tendresse d’un époux et la douceur d’un ami. Elle s’est quelquefois fait voir dans l’Eucharistie.” (128)

    3-1-10-L’incarnation de la Sagesse éternelle

La Sagesse éternelle et Marie

Au temps marqué par Dieu, la Sagesse éternelle se fit une demeure digne d’elle: elle créa Marie, “Marie, chef-d’œuvre du Très-Haut, miracle de la Sagesse éternelle, prodige de la toute Puissance, abîme de la grâce...” (106) Marie est si parfaite qu’elle ravit, non seulement les anges, mais Dieu Lui-même. “Son humilité profonde jusqu’au néant le charma; sa pureté toute divine l’attira; sa foi vive et ses prières fréquentes et amoureuses le forcèrent...

Oh! Qu’il fut grand l’amour de Marie qui a vaincu le Tout-Puissant!...  La Sagesse lui dépêcha l’archange Gabriel pour la saluer de sa part,... L’archange gagne, du cœur de Marie, malgré les résistances de son humilité profonde, le consentement ineffable que la Sainte Trinité avec tous les anges et tout l’univers attendaient depuis tant de siècles.” (107)

“Et voilà la grande merveille du ciel et de la terre, l’excès prodigieux de l’amour de Dieu: le Verbe s’est fait chair, la Sagesse éternelle s’est incarnée. Dieu est devenu homme sans cesser d’être Dieu; cet homme s’appelle Jésus-Christ, c’est-à-dire Sauveur.” (108)

    3-1-11-La Sagesse et l’Eucharistie

La Sagesse s’est faite homme pour s’approcher des hommes, et elle veut attirer tous les hommes à elle. Elle leur dit: “Venez à moi, venez tous à moi. C’est moi, ne craignez rien; pourquoi craignez-vous? Je suis semblable à vous, je vous aime... Je suis l’amie des pécheurs... Je suis le Bon Pasteur... Vous devez venir à moi, je vous purifierai, je vous consolerai. (70)

La Sagesse a voulu mourir pour nous montrer son amour. Mais, comme elle voulait rester avec les hommes, jusqu’à la fin des siècles, elle a inventé l’Eucharistie:

“Ô l’invention amoureuse de l’Eucharistie! Pour venir à bout de contenter son amour en ce mystère, elle ne fait point difficulté de changer et renverser toute la nature.” (71)

Dieu a sa Sagesse; et c‘est l’unique et véritable qui doive être aimée et recherchée comme un grand trésor... (74) On ne peut rien désirer de plus que la Sagesse.“ (73)

“Quand la Sagesse éternelle se communique à une âme, elle lui donne tous les dons du Saint-Esprit et toutes les grandes vertus dans un degré éminent, savoir:

– les vertus théologales: une foi vive, une espérance ferme, une charité ardente;

– les vertus cardinales: une tempérance réglée, une prudence consommée, une justice parfaite et une force invincible;

– les vertus morales: une religion parfaite, une humilité profonde, une douceur charmante, une obéissance aveugle, un détachement universel, une mortification continuelle, une oraison sublime...” (99)

    3-1-12-Pourquoi aimer la Sagesse? La Sagesse et la Croix

L’Amour de Jésus pour la Croix

Voici d’abord quels extraits du Cantique 19 de Louis-Marie qui nous montrent l’amour extrême de Jésus pour “l’objet” qui devait sauver le monde: 

Jésus-Christ a, par elle, enchaîné les enfers.

Il la trouva si belle qu’il en fit son honneur,

Sa compagne éternelle, l’épouse de son Cœur.

Dès sa plus tendre enfance, quand son cœur soupirait,

C’était vers la présence de la Croix qu’il aimait. (strophe 10)

Il l’a, dès sa jeunesse, recherchée à grands pas.

il est mort de tendresse et d’amour en ses bras.

Je désire un baptême s’écriait-il un jour,

La chère croix que j’aime, l’objet de mon amour. (strophe 11)

Revenons maintenant au Traité sur “L’Amour de la Sagesse éternelle”

“La raison la plus puissante d’aimer Jésus-Christ, la Sagesse, ce sont les douleurs qu’il a voulu souffrir pour nous témoigner son amour, (154) et les circonstances qui se rencontrent en ses souffrances... (155)

La seconde circonstance est la qualité des personnes pour lesquelles il souffre: ce sont des hommes, de viles créatures, et ses ennemis dont il n’avait rien à craindre ni à espérer... Jésus-Christ a fait paraître l’amour qu’il nous porte en mourant pour nous, lors même que nous étions encore pécheurs et par conséquent ses ennemis. (156) La troisième circonstance, c’est la multitude, la grièveté et la durée de ses souffrances... Il est appelé l’homme de toutes les douleurs... (157)

Bien plus, il nous a tant aimés qu’au lieu d’abréger ses peines il désirait les prolonger... C’est pourquoi, sur la Croix, il s’écria: “J’ai soif!” Cette soif provenait de l’ardeur de son amour, de la fontaine et de l’abondance de sa charité. Il avait soif de nous, et de se donner à nous et de souffrir pour nous.” (165)

C’est par la Croix que la Sagesse éternelle triomphera

“Ne croyez pas qu’après sa mort, (la mort de Jésus, la Sagesse éternelle) pour mieux triompher, elle se soit détachée de la Croix, elle ait rejeté la Croix. Tant s’en faut. Elle s’est tellement unie et comme incorporée avec la Croix, qu’il n’y a ni ange ni homme, ni créature au ciel et sur la terre qui l’en puisse séparer. Leur lien est indissoluble, leur alliance est éternelle; jamais la Croix sans Jésus, ni Jésus sans la Croix.“ (172)

“La Sagesse a renfermé tant de trésors, de grâces, de vie, et de joie dans la Croix, qu’elle n’en donne la connaissance qu’à ses plus grands favoris. Elle découvre bien souvent à ses amis, comme à ses apôtres, tous ses autres secrets, mais non pas ceux de la Croix, à moins qu’ils ne l’aient mérité par une très grande fidélité, et par de grands travaux. Oh! qu’il faut être humble, petit, mortifié, intérieur et méprisé du monde, pour connaître le mystère de la Croix qui est, aujourd’hui encore,... un objet de folie, de mépris et de fuite...“ (174)

Si la connaissance du Mystère de la Croix est une grâce si spéciale, qu’elle en est la jouissance et la possession réelle! C’est un don que la Sagesse éternelle ne fait qu’à ses plus grands amis, et encore après bien des prières, des désirs et des supplications.” (175)

“La Croix, quand elle est bien portée, est la cause, la nourriture et le témoignage de l’amour. Elle allume le feu de l’amour divin dans dans le cœur, en le détachant des créatures. Elle entretient et augmente cet amour... La Croix est le témoignage le plus assuré qu’on aime Dieu. C’est de ce témoignage dont Dieu s’est servi pour nous montrer qu’Il nous aime; et c’est aussi le témoignage que Dieu demande de nous pour lui montrer que nous l’aimons.” (176)

    3-1-13-Comment acquérir la sagesse?

Comment acquérir la Sagesse, cette vraie Sagesse qui ne se trouve point dans la terre, ni dans le cœur de ceux qui vivent à leur aise?“ Elle fait tellement sa demeure dans la Croix, que hors d’elle, vous ne la trouverez point dans ce monde.” 

Oui, mais comment l’acquérir cette divine Sagesse?

     – D’abord, en la désirant: “Le désir de la Sagesse conduit au Royaume éternel... C’est un grand don de Dieu puisque ce désir de la Sagesse est la récompense de la fidèle observation des commandements de Dieu... Mon fils, si vous désirez la Sagesse, conservez la justice, gardez les commandements, et Dieu vous la donnera.” (182)

     – Puis, en priant beaucoup: “Cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira, demandez et l’on vous donnera,” dit le Seigneur.

La Sagesse également nous dit: “Si vous voulez me trouver, il faut me chercher; si vous voulez entrer dans mon palais, il faut frapper à ma porte; si vous voulez me recevoir, il faut me demander...” (184)

Il faut demander la Sagesse avec une foi vive et ferme, sans hésiter, “avec une foi pure, sans appuyer sa prière sur des consolations sensibles, des visions ou des révélations particulières... Plus on a de foi, et plus on a de la sagesse; plus on a de sagesse, plus on a de la foi.” (187)

Il faut aussi que notre prière soit persévérante: “Il faut user d’une sainte importunité auprès de Dieu... et infailliblement, tôt ou tard, Dieu qui veut être importuné, se lèvera, ouvrira la porte de sa miséricorde et nous donnera les trois pains de la Sagesse: le pain de vie, le pain d’entendement et le pain des Anges.” (190)

Voici, à ce propos, quelques conseils de Louis-Marie Grignion de Montfort:

“Pour moi, je ne trouve rien de plus puissant, pour attirer le Règne de Dieu, la Sagesse éternelle, au-dedans de nous, que de joindre l’oraison vocale et la mentale, en récitant le Saint Rosaire et en méditant les 15 mystères qu’il renferme.” (193)

“Faites tout ce que vous faites en esprit d’oraison, c’est-à-dire pour l’amour de Dieu, et en présence de Dieu. [16]“  (Maxime 44)

“Estimez plus que toutes les choses extérieures celles qui sont dans le cœur. (Maxime 47)

     – Ensuite, il est nécessaire de savoir se mortifier. “Tous ceux qui sont à Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, ont crucifié leur chair avec ses vices et ses concupiscences, portent actuellement et toujours la mortification de Jésus dans leurs corps, se font une continuelle violence, portent leurs croix tous les jours, et enfin sont morts et même ensevelis en Jésus-Christ... (194) Il faut détacher son cœur des biens, et les posséder comme ne les possédant point... (197) Il ne faut pas croire ni suivre les fausses maximes du monde... (199) Il faut savoir garder le silence: un homme silencieux est un homme sage... (200)

Il faut aussi, nécessairement, joindre la mortification du jugement et de la volonté par la sainte obéissance; parce que, sans cette obéissance, toute mortification est souillée de la volonté propre, et souvent plus agréable au démon qu’à Dieu. (202)

Ou encore:

“Mortifiez vos oreilles des discours mauvais, vains et inutiles.” [17](Maxime 30) et: “Mortifiez votre langue, en parlant peu, ne parlant que de moi ou des choses qui me regardent, et gardant un silence continuel, si vous pouvez, sur ce que vous avez fait de bien, sur les défauts de votre prochain et sur vos belles qualités.”

(Maxime 31)

     – Enfin, avoir une tendre et véritable dévotion à la Vierge Marie. Voici, écrit Saint Louis-Marie de Montfort “le plus grand des moyens et le plus merveilleux de tous les secrets pour acquérir la divine Sagesse, savoir: une tendre et véritable dévotion à la Sainte Vierge... Il ne s’est trouvé que Marie qui, par la sublimité de sa vertu, a atteint jusqu’au trône de sa divinité et a mérité ce bienfait infini. Elle est devenue la Mère, la Maîtresse et le Trône de la divine Sagesse. (203) Elle en est la Mère très digne, parce qu’elle l’a incarnée et mise au monde comme le fruit de ses entrailles... Qui veut avoir Jésus doit avoir Marie. (204)

Marie est la Maîtresse de la divine Sagesse... parce que Dieu le Fils, la Sagesse éternelle, étant soumis parfaitement à Marie comme à sa Mère, il lui a donné sur soi-même un pouvoir maternel et naturel qui est incompréhensible...(205)

Marie, par ses puissantes prières et sa maternité divine, obtient de Jésus tout ce qu’elle veut; elle le produit tous les jours dans les âmes qu’elle veut.

Ô qu’une âme qui a gagné les bonnes grâces de Marie est heureuse! Elle se doit tenir comme assurée de posséder bientôt la Sagesse... (206) C’est la volonté de Dieu que, depuis qu’il lui a donné son Fils, nous recevions tout par sa main, et il ne descend aucun don céleste sur la terre qu’il ne passe par elle comme par un canal. (207) Marie, de plus, est le trône royal de la Sagesse éternelle. C’est en elle qu’elle fait voir ses grandeurs, qu’elle étale ses trésors, et qu’elle prend ses délices... (208) Ce n’est donc que par Marie qu’on peut obtenir la Sagesse.” (209)

“Que faire donc pour rendre notre cour digne d’elle? Voici le grand conseil, voici l’admirable secret: faisons entrer, pour ainsi dire, Marie en notre maison en nous consacrant à elle, sans aucune réserve, comme ses serviteurs et esclaves... (211)

Marie est l’aimant sacré qui, étant dans un lieu, y attire si fortement la Sagesse éternelle, qu’elle n’y peut résister. Cet aimant l’a attirée sur la terre pour les hommes, et il l’attire encore tous les jours dans chaque particulier où il est. Si nous avons une fois Marie chez nous, nous avons facilement et en peu de temps, par son intercession, la divine Sagesse. Marie est, de tous les moyens pour avoir Jésus-Christ, le plus assuré, le plus aisé, le plus court et le plus saint.” (212)

    3-1-14-En quoi consiste la vraie dévotion à Marie selon le Traité de l’Amour de la Sagesse éternelle?

“Elle consiste dans une grande estime de ses grandeurs, une grande reconnaissance pour ses bienfaits, un grand zèle pour sa gloire, une invocation continuelle de son secours et une dépendance totale de son autorité, et un ferme appui et une confiance tendre en sa bonté maternelle. (215)

     1-La dévotion à Marie est toujours intérieure, sans hypocrisie et sans superstition.
     2-Elle est tendre, sans indifférence et sans scrupule.
     3-Elle est constante et sans changement et sans infidélité.
     4-Elle est sainte, sans présomption et sans dérèglement... (216)

Il ne faut pas être du nombre des dévots critiques et scrupuleux qui craignent de rendre trop d’honneur à la Sainte Vierge et de déshonorer le Fils en honorant la Mère.”(217)

La plus parfaite et la plus utile de toutes les dévotions à la Sainte Vierge, c’est de se consacrer tout à elle et tout à Jésus par elle en qualité d’esclave, en lui faisant une consécration entière et éternelle, de son corps, de son âme, de ses biens tant intérieurs qu’extérieurs, des satisfactions et des mérites de ses bonnes actions, et du droit qu’on a d’en disposer, enfin, de tous les biens qu’on a reçus par le passé, qu’on possède à présent et qu’on possédera à l’avenir... (219) Il faut mettre entre les mains de Marie tout ce que nous possédons, et le trésor même des trésors, Jésus-Christ, afin qu’elle nous le garde.” (221)

Mettons tout entre les mains de Marie

Mettons tout entre les mains de Marie. Elle est sage, elle est charitable, elle est libérale; elle est puissante, elle est fidèle. “Elle est la Vierge fidèle à Dieu et fidèle aux hommes par excellence... Attachons-nous à elle comme à une colonne qu’on ne peut renverser, comme à une ancre qu’on ne peut détacher, ou plutôt comme à la montagne de Sion qu’on ne peut ébranler.”(222)

Je vous salue donc, ô Marie immaculée, tabernacle vivant de la divinité, où la Sagesse éternelle cachée veut être adorée des anges et des hommes. Je vous salue, ô Reine du ciel et de la terre, à l’empire de qui tout est soumis, tout ce qui est au-dessous de Dieu. Je vous salue, ô Refuge assuré des pécheurs, dont la miséricorde n’a manqué à personne; exaucez les désirs que j’ai de la divine Sagesse, et recevez pour cela les vœux et les offres que ma bassesse vous présente.”(224)

 

Mettons tout entre les mains de Marie, consacrons-nous entièrement à elle, sans hésitation. En nous consacrant à Marie nous nous consacrons à la Sagesse éternelle incarnée.

 

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort fut le grand apôtre de la Sainte Vierge, la Mère de Jésus-Christ présenté comme la Sagesse éternelle. Il est assez remarquable que la fin de son Traité sur L’Amour de la Sagesse éternelle se termine par des exposés substantiels concernant la nécessité de la dévotion à la Sainte Vierge, et la grande valeur de la consécration à Jésus-Christ.

La vraie dévotion à la Sainte Vierge sera la grande œuvre du Père de Montfort. Toutefois, avant de développer les arguments du Père de Montfort sur cette dévotion à Marie, il a paru utile de présenter “Le secret admirable du Rosaire”, puis d’aborder un autre thème, très chéri du Père: la Croix de Jésus.

À la communauté naissante des Filles de la Sagesse,
le Père de Montfort écrit:
“Il faut se renoncer et porter sa croix
à la suite de Jésus-Christ,
sous la conduite de Marie.”

3-2-Le Secret Admirable du Très saint Rosaire.[18] 

    3-2-1-La pratique du Rosaire

Louis-Marie Grignion de Montfort fut incontestablement un grand ami de la Croix. Mais il fut aussi l’Apôtre, par excellence, de la dévotion à la Sainte Vierge. L’un des grands moyens de rendre à Marie l’amour et le culte qui lui sont dus, c’est le Très Saint Rosaire. De son traité sur Le Secret admirable du Très Saint Rosaire, nous extrairons, d’une part, ce qui touche à la dévotion à Marie, d’autre part, ce qui a trait à l’Amour de Dieu.

    3-2-2-Le Rosaire dans la dévotion à Marie[19] 

Le Père de Montfort, missionnaire du peuple, dont la vocation était de renouveler l’esprit du christianisme chez les chrétiens, avait écrit très tôt: “Toute notre perfection consiste à être conformes, unis et consacrés à Jésus-Christ... Tout se réduit donc à trouver un moyen facile d’obtenir de Dieu la grâce de devenir un saint. Or je dis que pour trouver cette grâce de Dieu, il faut trouver Marie... et j’ai appris, par ma propre expérience, la force de la pratique du Rosaire pour convertir les cœurs les plus endurcis.”

D’après les informations dont on dispose, il semble que le petit livre: Le Secret admirable du Très Saint Rosaire, n’ait pas été publié du vivant de son auteur. Pourtant, il est presque certain que ce texte a été rédigé avant les Règles des Prêtres de la Compagnie de Marie et pour ces prêtres.[20] 

“La pratique du Rosaire est vraiment grande, sublime et divine. C’est le Ciel qui nous l’a donnée; il l’a donnée pour convertir les pécheurs les plus endurcis et les hérétiques les plus obstinés. Dieu y a attaché la grâce dans cette vie et la gloire dans l’autre. [21] (1)

Celui qui est fidèle fidèle à le dire, malgré la grandeur de ses péchés, dévotement et jusqu’à la mort, recevra une couronne de gloire qui ne se flétrira jamais... (4) Le rosier mystique, c’est Jésus et Marie dans la vie, dans la mort,et dans l’éternité. (5)

Les feuilles vertes de ce rosier mystique expriment les mystères joyeux de Jésus et de Marie; les épines, les douloureux; et les fleurs, les glorieux. Les roses en boutons sont l’enfance de Jésus et de Marie; les roses ouvertes représentent Jésus et Marie dans les souffrances, et les roses épanouies montrent Jésus et Marie dans leur gloire et leur triomphe. La rose réjouit par sa beauté: voilà Jésus et Marie dans les mystères joyeux. Elle pique par ses épines: les voilà dans les mystères douloureux. Elle réjouit par la suavité de son odeur: les voilà enfin dans les mystères glorieux.” (6)

Louis-Marie Grignion de Montfort énonce quelques bienfaits du Rosaire, puis il cite longuement le Bienheureux Alain de la Roche, dominicain, à qui la Sainte Vierge révéla ce qui suit, lors d’une apparition de Jésus et de Marie à Saint Dominique, Jésus dit:

“Dominique, je me réjouis de voir que tu ne t’appuies pas sur ta propre sagesse, et que tu travailles avec humilité au salut des âmes, plutôt que de chercher à plaire aux hommes vains.

Mais beaucoup de prédicateurs veulent tout de suite tonner contre les péchés les plus graves, ignorant qu’avant de donner un remède pénible, il faut préparer le malade à le recevoir et à en profiter. C’est pourquoi ils doivent d’abord exhorter leurs auditeurs à l’amour de l’oraison, et spécialement à mon angélique psautier, (le Rosaire) car, si tous commencent à prier de la sorte, il n’est pas douteux que la divine clémence ne soit propice à ceux qui persévèrent. Prêche donc mon Rosaire.” (15)

Plus tard, pendant qu’il célébrait la Messe, Jésus dit à Alain:

– Quoi donc, tu me crucifies encore derechef?

– Comment, Seigneur ? répondit Alain tout épouvanté.

– Ce sont tes péchés qui me crucifient, et j’aimerais mieux être crucifié encore une fois que de voir mon Père offensé par les péchés que tu as autrefois commis. Et tu me crucifies encore à présent, parce que tu as la science et ce qui est nécessaire pour prêcher le Rosaire de ma Mère et par ce moyen instruire et retirer plusieurs âmes du péché; tu les sauverais et tu empêcherais de grands maux ; et, ne le faisant pas, tu es coupable des péchés qu’ils commettent.

Ces terribles reproches firent résoudre le Bienheureux Alain de prêcher incessamment le Rosaire.” (19)

Deux remarques de Louis-Marie:

     – “On appelle le Rosaire: psautier de Jésus et de la Sainte Vierge, parce qu’il contient autant de Salutations angéliques que le psautier de David contient de psaumes.”[22]  (22)

 

     – Pourquoi ce nom de Rosaire? “Rosaire signifie couronne de roses. Toutes les fois que l’on dit son Rosaire comme il faut, on met sur la tête de Jésus et de Marie une couronne composée de cent trente trois roses blanches et de seize roses rouges du Paradis, lesquelles ne perdront jamais ni leur beauté ni leur éclat.” (24)

    3-2-3-Conditions indispensables pour réciter le Rosaire

“Il faut que la foi soit vive et animée par la charité, c’est-à-dire que pour bien réciter le saint Rosaire il faut être en grâce de Dieu ou dans la recherche de cette grâce. 

Il faut que la foi soit forte et constante, c’est-à-dire qu’il ne faut pas chercher dans la pratique du saint Rosaire seulement son goût sensible et sa consolation spirituelle, c’est-à-dire qu’il ne faut pas l’abandonner parce qu’on a une foule de distractions involontaires dans l’esprit, un dégoût étrange dans l’âme, un ennui accablant et un assoupissement presque continuel dans le corps. Il n’est point besoin de goût, ni de consolation, ni de soupirs, ni d’élans, ni de larmes, ni d’application continuelle de l’imagination pour bien réciter son rosaire. La foi pure et la bonne intention suffisent.”(35) 

    3-2-4-Le Rosaire et l’Amour de Dieu: la récitation du Notre Père

“Quand nous récitons cette admirable prière, tout d’abord, nous captivons le Cœur de Dieu en L’invoquant par le doux nom de Père.

Notre Père, le plus tendre de tous les pères, tout puissant dans la création, tout admirable dans sa conservation, tout aimable dans la Providence, tout bon et infiniment bon dans la Rédemption. Dieu est notre Père, et nous sommes tous frères, le ciel est notre patrie et notre héritage. N’y a-t-il pas là de quoi nous inspirer à la fois l’amour de Dieu et l’amour du prochain et le détachement de toutes les choses de la terre?“ (39)

    3-2-5-Le Rosaire et la Salutation angélique

“La Salutation angélique résume dans l’abrégé le plus concis, toute la théologie chrétienne sur la Sainte Vierge. On y trouve une louange et une invocation. La louange renferme tout ce qui fait la véritable grandeur de Marie; l’invocation renferme tout ce que nous devons lui demander, et ce que nous pouvons attendre de sa bonté pour nous.” (44)

La Salutation angélique, c’est le “cantique nouveau que David a prédit qu’on chanterait à la venue du Messie, c’est la salutation de l’Archange... Le cantique nouveau est celui que les chrétiens chantent en actions de grâces de l’Incarnation et de la Rédemption. (46) La salutation angélique rend gloire à la Sainte Trinité; elle est aussi la louange la plus parfaite qui nous puissions adresser à Marie.” (48) L’Ave Maria est une rosée céleste et divine qui, tombant dans l’âme d’un prédestiné, lui communique une fécondité admirable...(51) Elle attire sur nous la bénédiction abondante de Jésus et de Marie...”(52)

    3-2-6-La puissance des Ave Maria

“Un jour, Jésus apparut à Sainte Gertrude, comptant des pièces d’or; elle eut la hardiesse de lui demander ce qu’Il comptait: ‘Je compte, répondit Jésus, tes Ave Maria: c’est la monnaie dont on achète mon paradis.’ (54)

Le ciel est dans la joie, la terre est dans l’admiration toutes les fois que je dis Ave Maria! J’ai le monde en horreur, j’ai l’amour de Dieu dans mon cœur lorsque je dis: Ave Maria!... (56)

Êtes-vous dans la misère du péché? Invoquez Marie, dites-lui Ave Maria!... elle vous délivrera du mal de vos péchés. Êtes-vous dans les ténèbres de l’ignorance ou de l’erreur? Venez à Marie, dites-lui: Ave Maria! et elle vous fera part de ses lumières...

Êtes-vous égaré du chemin du ciel? Invoquez Marie qui veut dire: Étoile de la mer... et elle vous conduira au port du salut éternel...” (57)

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort expose et explique longuement les quinze mystères du Rosaire.

“Un mystère est une chose sacrée et difficile à comprendre. Les œuvres de Jésus-Christ sont toutes sacrées et divines parce qu’Il est Dieu et homme tout ensemble. Celles de la Sainte Vierge sont très saintes parce qu’elle est la plus parfaite de toutes les pures créatures.” (60)

Saint Dominique a reçu le Rosaire des mains mêmes de la Vierge Marie.

“Il a partagé la vie de Jésus-christ et de la Sainte Vierge en quinze mystères qui nous représentent leurs vertus et leurs principales actions comme quinze tableaux dont les traits doivent nous servir de règle et d’exemple pour la conduite de notre vie...

La Sainte Vierge a enseigné à St Dominique cette excellente méthode de prier et lui a ordonné de la prêcher, afin de réveiller la piété des chrétiens et de faire revivre l’amour de Jésus-Christ dans leurs cœurs...“ Ceux-là feront très bien “qui réciteront les salutations angéliques avec la méditation de la vie, de la passion et de la gloire de Jésus-Christ, car cette méditation est l’âme de nos oraisons...” (61)

Le Rosaire nous enseigne l’Amour de Dieu et l’amour de Jésus pour nous.

“Jésus-Christ, le divin Époux de nos âmes, notre très doux ami, Jésus désire que nous nous souvenions de ses bienfaits et que nous les estimions sur toutes choses...

La bienheureuse Angèle de Foligno pria un jour Notre-Seigneur de lui enseigner à quel exercice elle l’honorerait le plus. Il lui apparut attaché à la croix et lui dit: “Regarde mes plaies.”  Elle apprit de ce très aimable Sauveur que rien ne lui est plus agréable que la méditation de ses souffrances.”

Jésus a souffert sa Passion pour notre salut; que pouvons-nous faire qui égale son amour pour nous?(68)

“Le saint Sacrifice de la Messe honore infiniment la très Sainte Trinité parce qu’il représente la Passion de Jésus-Christ... Le Saint Sacrement est un mémorial de la Passion et de la mort de Jésus-Christ, et, par ce moyen, les hommes participent à ses fruits et avancent l’affaire de leur salut.

Or, le saint Rosaire, récité avec la méditation des mystères sacrés, est un sacrifice de louanges à Dieu pour le bienfait de notre Rédemption et un dévôt souvenir des souffrances, de la mort, de la gloire de Jésus-Christ.” (69)

Car le Rosaire est une joie et une gloire pour Jésus et pour Marie: “Méditons donc sur la vie et les soufrances du Sauveur par le saint Rosaire, apprenons à le bien connaître et à reconnaître ses bienfaits.” (70)

“Tous les chrétiens n’ont qu’une foi, n’adorent qu’un Dieu, n’espèrent qu’une même félicité dans le ciel. Ils ne connaissent qu’un médiateur qui est Jésus-Christ; tous doivent imiter ce divin modèle et, pour cela, considérer les mystères de sa vie, de ses vertus et de sa gloire.” (74)

Avec le Bienheureux Alain de la Roche, le Père de Montfort rappelle que, par le Rosaire, “Les pécheurs obtiennent le pardon, les âmes altérées sont rassasiées. Ceux qui sont liés voient leurs entraves brisées. Ceux qui pleurent trouvent la joie, ceux qui sont tentés, la tranquillité. Et les indigents reçoivent du secours. Les religieux sont réformés, les ignorants sont instruits, les vivants triomphent de la décadence.

Et les morts sont soulagés par manière de suffrage. (115)

    3-2-7-Comment réciter le Rosaire?

“Il faut que la personne qui le récite soit en état de grâce ou du moins dans la résolution de sortir de son péché, parce que toute la théologie nous enseigne que les bonnes œuvres et les prières faites en état de péché mortel, sont des œuvres mortes, qui ne peuvent être agréables à Dieu ni mériter la vie éternelle...” (117)

    3-2-8-Et voilà qui peut nous consoler:

“Comme il n’y a point de prière plus méritoire à l’âme et plus glorieuse à Jésus et à Marie que le Rosaire bien dit, il n’y en a point aussi qui soit plus difficile à bien dire et dans laquelle il soit plus difficile de persévérer, à cause particulièrement des distractions qui viennent comme naturellement dans la répétition si fréquente de la même prière...

Il est bien difficile qu’on ne s’y ennuie, qu’on ne s’y endorme et qu’on ne l’abandonne pour prendre d’autres prières plus récréatives et moins ennuyeuses. C’est ce qui fait qu’il faut infiniment plus de dévotion pour persévérer dans la récitation du saint Rosaire que d’aucune autre prière...(122) Et le diable, par ses artifices, fait souvent quitter le Rosaire tout-à-fait ou en partie, ou fait prendre le change, ou le fait différer.”(124)

    3-2-9-Les fautes à éviter...

     – La première, c’est de ne prendre aucune intention en disant son chapelet.

     – La seconde... c’est de n’avoir point d’autre intention, en le commençant, que de l’avoir bientôt fini... (126)

     – La précipitation naturelle en récitant son Rosaire... (127)

    3-2-10-et quelques conseils supplémentaires:

     -Il est nécessaire de prier sans cesse, suivant le conseil de N.S.J.C.

     -Il faut prier avec beaucoup de confiance...

Dieu est une source d’eau vive qui coule incessamment dans le cœur de ceux qui prient...(144)

     – Il faut persévérer dans la prière, et souvent pendant très  longtemps.(145)

Quand Marie a jeté ses racines dans une âme,
elle y produit des merveilles de grâce

3-3-Lettre circulaire aux amis de la Croix

    3-3-1-Le Père de Montfort et la Croix

La Croix fut un des thèmes favoris de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort. En effet, il n’hésite pas à déclarer: “C’est en cette aimable Croix qu’est renfermée la sagesse véritable que je cherche jour et nuit avec plus d’ardeur que jamais.”

Pour développer la dévotion à la Sainte Croix, le Père de Montfort plantait de grandes croix à la fin de chaque mission et créait des associations des amis de la Sainte Croix. À ces associations il donnait des règlements et des pratiques approuvés par les évêques. C’est également à ces associations que fut destinée la Lettre circulaire aux amis de la Croix.

Déjà, dans ses Maximes et leçons de la divine Sagesse [23] Louis-Marie Grignion de Montfort n’hésitait pas à écrire:

“Ne vous rebutez point dans vos bons desseins à cause de la contradiction; elle est une marque de la victoire future. Une bonne œuvre qui n’est point traversée, qui n’est point marquée au signe de la Croix, n’est pas de grand prix devant moi et sera bientôt détruite. (13)

Ne vous y trompez pas, il n’y a que deux chemins: un qui conduit à la vie, et qui est étroit, un qui conduit à la mort, et qui est large; il n’y en a pas de mitoyen. (41)

Priez ma fille, pour ceux qui vous persécutent, vous disent des injures et vous ravissent votre honneur et votre bien. (51)

Supportez tout le monde dans ses défauts, pour l’Amour de Dieu qui vous supporte.”(53)

Toutefois l’essentiel des pensées du Père de Montfort, sur la Croix, est développé surtout dans sa Lettre circulaire aux amis de la Croix [24] dont nous donnons ci-dessous quelques extraits.

Nous n’avons retenu ici que ce qui, dans la Croix, est plus spécialement orienté vers l’Amour et le Cœur de Dieu.

    3-3-2-Selon la lettre aux amis de la Croix,[25] qu’est-ce qu’un ami de la Croix?

Louis-Marie Grignion de Montfort s’adresse aux Amis de la Croix: “Ce nom est grand, car c’est le grand nom de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme tout ensemble; c’est le nom sans équivoque d’un chrétien...

Un Ami de la Croix est homme choisi de Dieu, entre dix mille qui vivent selon les sens et la seule raison, pour être un homme tout divin, élevé au-dessus de la raison, et tout opposé aux sens par une vie et une lumière de pure foi et un amour ardent pour la Croix...

Un Ami de la Croix est un homme saint et séparé de tout le visible... C’est une illustre conquête de Jésus-Christ, crucifié sur le Calvaire, en union de sa sainte Mère... Un Ami de la Croix est un vrai porte-Christ, ou plutôt un Jésus-Christ, en sorte qu’il peut dire avec vérité: je vis; non je ne vis plus, mais Jésus-christ vit en moi.”(4)

Jésus dit: “Un Ami de la Croix porte sa croix, la croix que par ma sagesse je lui ai faite avec nombre, poids et mesure; sa croix à laquelle j’ai, de ma propre main, mis ses quatre dimensions, dans une grande justesse, savoir: son épaisseur, sa longueur, sa largeur et sa profondeur; sa croix que je lui ai taillée d’une partie de celle que j’ai portée sur le Calvaire, par un effet de la bonté infinie que je lui porte; sa croix, qui est le plus grand présent que je puisse faire à mes élus sur la terre; sa croix, composée en son épaisseur des pertes de biens, des humiliations, des mépris, des douleurs, des maladies et des peines spirituelles qui doivent, par ma providence, lui arriver chaque jour jusqu’à sa mort; sa croix, composée en sa longueur d’une certaines durée de mois ou de jours qu’il doit être accablé de la calomnie, être étendu sur un lit, être réduit à l’aumône, et être en proie aux tentations, aux sécheresses, abandons et autres peines d’esprit; sa croix, composée en sa largeur de toutes les circonstances les plus dures et les plus amères, soit de la part de ses amis, de ses domestiques, de ses parents; sa croix, enfin, composée, en sa profondeur des peines les plus cachées dont je l’affligerai, sans qu’il puisse trouver de consolation dans les créatures qui, même, par mon ordre, lui tourneront le dos et s’uniront à moi pour le faire souffrir.” (18)

    3-3-3-Le mystère de la Croix

Grignion de Montfort commente:

“Le mystère de la Croix est un mystère inconnu des Gentils, rejeté des juifs, et méprisé des hérétiques et des mauvais catholiques. Mais c’est le grand mystère que vous devez apprendre en pratique dans l’école de Jésus-Christ. Et il n’y a que Jésus-Christ qui puisse vous enseigner et faire goûter ce mystère par sa grâce victorieuse. (26) Qu’il (l’ami de la Croix) la porte sur ses épaules, cette croix, à l’exemple de Jésus-Christ... Qu’il la mette dans son cœur par l’amour, pour la rendre un buisson ardent qui brûle jour et nuit du pur amour de Dieu sans se consumer.” (19)

Mais nous sommes tous des pécheurs, et “si Dieu punit nos péchés, de concert avec nous, la punition sera amoureuse: ce sera la Miséricorde qui règne en ce monde qui châtiera, et non la justice rigoureuse.”(21)

“Laissez faire Jésus, il vous aime, il sait ce qu’il fait, il a de l’expérience; tous ses coups sont adroits et amoureux... (28) Notre Dieu est un feu consumant qui demeure par la croix dans une âme pour la purifier, sans la consumer. (29) Portez votre croix joyeusement, et vous serez embrasé du divin Amour, car, comme dit l’Imitation de Jésus-Christ: personne ne vit sans douleur dans le pur amour du Sauveur.”(34)

    3-3-4-Notre souffrance, c’est notre croix

Nous devons porter notre croix sur les traces de Jésus, et ne jamais oublier “que c’est la Croix qui Lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse, au ciel, sur terre, et dans les enfers.” (38)

Louis-Marie Grignion de Montfort sait, par expérience, combien la souffrance est souvent difficile à supporter. Aussi nous conseille-t-il de regarder Jésus: “Regardez les plaies et les douleurs de Jésus-Christ crucifié”. II vous le dit Lui-même: ‘Ô vous tous qui passez par la voie épineuse et crucifiée par laquelle j’ai passé, regardez et voyez. Regardez des yeux mêmes de votre corps, et voyez par les yeux de votre contemplation, si votre pauvreté, votre nudité, votre mépris, vos douleurs, vos abandons sont semblables aux miens. Regardez-moi, moi qui innocent, et plaignez-vous, vous qui êtes coupables!’” (57)

    3-3-5-L’exemple de Marie

Et pour conclure cette lettre aux Amis de la Croix:

“Si vous êtes vraiment Amis de la Croix, l’amour qui est toujours industrieux, vous fera trouver ainsi mille petites croix, dont vous vous enrichirez insensiblement, sans crainte de la vanité qui se mêle souvent dans la patience avec laquelle on endure les croix éclatantes. Et parce que vous aurez été ainsi fidèles en peu de choses, le Seigneur, comme il l’a promis, vous établira sur beaucoup: c’est-à-dire sur beaucoup de grâces qu’il vous donnera, sur beaucoup de croix qu’il vous enverra, sur beaucoup de gloire qu’il vous préparera.”(62) 

Il ne faut pas négliger l’exemple de Marie: “Voyez à côté de Jésus-Christ, un glaive perçant qui pénètre jusqu’au fond le cœur tendre et innocent de Marie, qui n’avait jamais eu aucun péché, ni originel, ni actuel.” [26] (31)


[1] Certains des éléments concernant sa vie proviennent de la Petite vie de L.-M. Grignion de Montfort de René Laurentin, publié par Desclée de Brouwer

[2] Lettre à son oncle, l’abbé Alain Robert,

[3] Notamment Les saintes voies de la Croix

[4] Cantique 77

[5] attribué à Saint Bonaventure.

[6] Le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge ne fut publié que 127 ans après sa mort, en 1843.

[7] D’après Jean-Baptiste Blain Abrégé de la vie de Louis-Marie Grignion de Montfort (1719)

[8]les nombres entre () renvoient au  Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge

[9]Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge

[10]Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge  

[11] Les citations qui suivent ont été extraites du Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge.

[12] René Laurentin Petite vie de Louis-Marie Grignion de Montfort, publiée chez desclée de Brouwer

[13] Comment ne pas penser à ce qui, trois siècles plus tard, sera exprimé par Saint Maximilien Kolbe, dans sa théologie de l’immaculée Conception.

[14] Œuvres complètes de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort  publiées par les Éditions du Seuil, L’Amour de la Sagesse éternelle - Les nombres entre parenthèses sont les numéros des paragraphes auxquels ils renvoient.

[15] Nota: N’ont été retenus ici que les textes les plus susceptibles d‘être utilisés par le prédicateur d’une retraite consacrée au Cœur de Jésus, en l’occurence l’Amour de Dieu dans sa divine et souveraine Sagesse.

[16] Œuvres complètes de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort”  publiées par les Éditions du Seuil,  Maximes et leçons de la divine Sagesse

[17] Œuvres complètes de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort”  publiées par les Éditions du Seuil,  Maximes et leçons de la divine Sagesse

[18] Le secret admirable du Très Saint Rosaire - Œuvres complètes de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort - Éditions du Seuil

[19] Le secret admirable du Très Saint Rosaire  

[20] Remarque: Le Père de Montfort a beaucoup utilisé, pour rédiger ce livre, le “Rosier Mystique” du dominicain Antonin Thomas, lequel s’inspirait des ouvrages du Bienheureux Alain de la Roche.

[21] Les numéros entre parenthèses renvoient  au livre Le secret admirable du Très Saint Rosaire

[22] À l’époque où Louis-Marie  Grignion de Montfort écrivait, le Rosaire ne comptait que quinze dizaines de chapelet.

[23] Maximes et leçons de la divine Sagesse

[24]Lettre circulaire aux Amis de la Croix - Œuvres complètes de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort publiées par les Éditions du Seuil. Les numéros entre parenthèses renvoient à la Lettre circulaire aux amis de la Croix,  

[25] Pour rédiger cette lettre, le Père de Montfort s’est inspiré des textes de l’Écriture, des Pères de l’Église, de certains grands spirituels tel le Père Boudon, et de sa propre expérience mystique.

[26] Lettre circulaire aux Amis de la Croix - Œuvres complètes de Saint Louis-Marie Grignion de Montfort publiées par les Éditions du Seuil.

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