LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

4
La prière et l’oraison

 

4-1-L’oraison

    4-1-1-L’oraison aride

Comme Marguerite-Marie se plaignait de ses sécheresses, Jésus lui fit ce reproche: ”Si je te veux en ma présence sourde, muette et aveugle, n’en dois-tu pas être contente?”

Le Seigneur lui fit aussi comprendre que, lorsqu’il faisait sa demeure dans une âme, “ il voulait un entendement sans curiosité, un esprit sans jugement et un jugement sans volonté, et un cœur sans mouvements autres que ceux de son amour.”

À une religieuse qui se plaignait de la pauvreté de son oraison: “Vous ne pouvez rien faire à l’oraison? Contentez-vous d’offrir celle que ce divin Sauveur fait pour nous au Très saint Sacrement de l’autel, offrant ses ardeurs pour réparer toutes vos tiédeurs; et dites dans chacune de vos actions: mon Dieu, je vais faire ou souffrir cela dans le Sacré-Cœur de votre divin Fils, et selon ses saintes intentions que je vous offre pour réparer tout ce qu’il y a d’impur et d’imparfait dans les miennes...

Et surtout tâchez de conserver la paix du cœur... Et le moyen de la conserver, c’est de ne plus avoir de volonté, mais mettre celle de ce divin Cœur en place de la nôtre, pour la laisse vouloir pour nous tout ce qui lui sera le plus glorieux, nous contentant de nous soumettre et abandonner. Et en un mot, cet aimable Cœur suppléera à tout ce qui pourra manquer de votre part, car il aimera Dieu pour vous, et vous l’aimerez en lui et par lui.” [1] 

Voici maintenant quelques autres conseils donnés par la sainte à  ses novices ou à des religieuses amies. À toutes, Marguerite-Marie recommande le silence et indique la nécessité de retrancher de la prière, toutes les pensées inutiles et vaines, afin d’entendre ce que Jésus dit à notre cœur...

Mais elle conseille aussi, fortement, “de se tenir gaie, joyeuse et contente, car c’est la vraie marque de l’esprit de Dieu qui veut qu’on le serve avec paix et contentement... sans gêne ni contrainte.”

    4-1-2-Les consolations et les ténèbres

Et puis, il ne faut pas s’attacher aux consolations sensibles: “Ne vous attachez point aux douceurs spirituelles, parce que cela ne dure guère; mais cherchez Dieu par la foi et pensez qu’il ne mérite pas moins notre amour en nous affligeant qu’en nous consolant.”

“Les insensibilités où vous vous trouvez sont pour vous apprendre que, pour être susceptible de son amour et de sa grâce, il faut être insensible à toutes les choses crées et surtout au mouvement que suggère votre amour-propre et votre volonté... De plus, ces sécheresses et stérilités ne sont que pour vous apprendre que si vous voulez être une plante fertile dans le divin parterre du Sacré-Cœur et y porter des fruits de sanctification, il faut premièrement, que vous soyez sèche et stérile de toute inclination vaine et complaisance d’affection et d’amitié envers les créatures et vous-même et à toutes les productions de votre amour-propre...

Les ténèbres où vous vous trouvez ne sont que pour éteindre en vous ces fausses lumières du raisonnement humain qui empêchent l’accomplissement des desseins de Dieu sur vous, vous retirent en même temps de la voie de votre perfection. Laissez-vous conduire par la main de son bon plaisir dans les pures lumières de son divin amour, auquel il vous faut entièrement abandonner, demeurant ferme et constante, paisible parmi toutes les rigueurs qu’il lui plaira vous faire sentir, vous contentant de vous tenir, soit à l’oraison ou ailleurs, dans une humble soumission à son bon plaisir...”

4-2-Le Saint Sacrement

    4-2-1-Marguerite-Marie et le Saint Sacrement

“Je me tiens à ses pieds comme une hostie vivante qui n’a d’autre désir que de lui être immolée et sacrifiée, pour me consumer comme un holocauste dans les pures flammes de son amour, où je sens mon cœur se perdre comme dans une fournaise ardente. Il me semble que mon esprit s’éloigne de moi pour s’aller perdre dans l’immense grandeur de Dieu, sans qu’il soit en mon pouvoir de l’appliquer à mon point d’oraison.” [2] 

“Mon plus grand contentement est d’être devant le Saint Sacrement où mon cœur est comme dans son centre. Je lui dis: ‘Ô mon Jésus et mon Amour, prenez tout ce que j’ai et tout ce que je suis et me possédez selon l’étendue de votre bon plaisir, puisque tout ce que j’ai est à Vous sans réserve. Transformez-moi tout en vous, afin que je n’aie plus de pouvoir de m’en séparer un seul moment et que je n’agisse plus que par les mouvements de votre pur amour!’” [3] 

Et, à propos de l’Eucharistie, Jésus dit:

“Je prends tant de plaisir d’y être désiré, qu’autant de fois que le cœur forme ce désir, autant de fois je le regarde amoureusement pour l’attirer à moi.”

Au début de l’année 1686, un jour, se trouvant en présence du Saint Sacrement, elle fut pressée dans son cœur du désir ardent de faire régner le Sacré-Cœur dans tous les cœurs. Elle raconte: “Il me fut montré l’ardeur dont les séraphins brûlent avec tant de plaisir, et j’ouïs ces paroles: “N’aimerais-tu pas bien mieux jouir avec eux que de souffrir et être humiliée et méprisée pour contribuer à l’établissement de mon règne dans les cœurs des hommes?” À cela, sans hésiter, j’embrassai la croix toute hérissée d’épines et de clous qui m’était présentée, et je disais sans cesse: Ah! mon unique Amour, oh! qu’il m’est bien plus doux selon mon désir, et que j’aime bien mieux souffrir pour vous faire connaître et aimer, si vous m’honorez de cette grâce, que d’en être privée pour être un de ces ardents séraphins!” [4] 

Ah! Qu’heureuses sont les âmes qui sont tout à lui, qui n’aiment qu’en lui et pour lui!... En un mot, Jésus, son amour et sa croix font tout le bonheur de la vie.”

    4-2-2-Pourquoi la vie d’oraison et la visite au Saint Sacrement?

Voici des conseils donnés par la sainte à ses novices ou à des religieuses amies, d’autres congrégations. (Marguerite-Marie s’adresse à une seule personne à la fois)

“Le Seigneur vous choisit pour honorer sa vie cachée au Saint Sacrement: tâchez de vivre inconnue.

“Le Seigneur vous choisit pour honorer sa vie sacrifiée au Saint Sacrement: offrez-vous à son Sacré Cœur comme une hostie d’immolation à son divin sacrificateur

“Le Seigneur vous appelle pour honorer sa vie de grâce: il faut fuir tout ce qui vous la pourrait faire perdre, vous offrant à lui comme une esclave devant son libérateur.

“Le Seigneur vous a choisie pour honorer sa vie humiliée au Saint Sacrement: c’est pourquoi vous vous offrirez à lui comme le néant devant son tout.

“Le Seigneur vous a choisie pour honorer sa vie d’opération au Saint Sacrement: c’est pourquoi il vous faut, en qualité de servante fidèle, vous faire violence, pour travailler fervemment (sic) au service de votre Maître qui ne récompensera vos actions qu’à la mesure de votre amour, par lequel il vous unira à son aimable Cœur.

Puisque le Seigneur désire que vous honoriez sa vie au Saint Sacrement, il vous faut tenir comme un cierge ardent qui n’a d’autre désir que de se consumer en l’honorant, afin que sa grandeur vous élève en vous abaissant. Vous vous abandonnerez à la merci de la Providence, lui laissant faire de vous selon ses désirs... et ce divin Cœur aura soin de vous selon la mesure de votre confiance et abandon à votre amour.

Vous serez la Sulamite, l’épouse bien-aimée qui honorerez la vie d’amour de Jésus-Christ au Saint Sacrement. C’est pourquoi vous devez faire attention à vous rendre toute pure et innocente, pour plaire  à ce divin Époux.”

Et encore:

“Le samedi, vous vous mettrez dans ce Sacré-Cœur comme une victime qui se présente à son sacrificateur, pour être égorgée et immolée sur l’autel de son pur amour qui la doit consommer (sic) comme un holocauste de ses divines flammes, afin qu’il ne lui reste plus rien d’elle-même, et qu’elle puisse dire avec Saint-Paul: “Non, ce n’est plus moi qui vis, mais c’est Jésus et son pur amour qui vit en moi.” C’est en lui et pour lui que j’agis, et c’est son Sacré-Cœur qui vit et agit en moi, qui aime pour moi, et qui répare tous mes défauts. Faites en ce jour toutes vos actions en esprit d’humilité.”

    4-2-3-À propos de la douceur et de l’humilité dont Jésus-Eucharistie est la source

Il faut regarder “Notre Seigneur au très Saint Sacrement comme un bon maître qui nous dit: apprenez de moi à être douces et humbles de cœur... La vertu de douceur vous rendra condescendantes envers le prochain et vous le fera excuser et supporter charitablement et en silence les chagrins que vous en pourriez avoir...”

La vertu d’humilité vous conformera à Jésus “solitaire et anéanti au Saint Sacrement, pensant à ces paroles: Dieu s’est anéanti lui-même... Pensez souvent qu’il n’y a que le cœur humble qui soit capable d’entrer dans le Sacré-Cœur de Jésus-Christ et de converser avec lui, et de l’aimer et d’être aimé de lui. ”

    4-2-4-Sur l’union à Dieu

Après avoir conseillé à sa correspondante de ne rien négliger de tout ce qui peut lui donner quelque conformité à son Époux crucifié et de vivre dans un amoureux abandon à la Providence, Marguerite-Marie poursuit:

“Bannissez toutes les réflexions d’amour-propre sur vous-même, pour vous entretenir simplement avec le divin Cœur pour entrer, autant que vous le pourrez, dans la pureté de son saint amour et de toutes ses saintes intentions en tout ce qu’il veut.”

“Une des manières les plus agréables à Dieu pour nous tenir en sa sainte présence, c’est d’entrer dans le Sacré-Cœur de Jésus et de lui remettre tout le soin de nous-mêmes, nous y tenant comme dans un abîme d’amour, pour y perdre ce qui est de nous, afin qu’il mette en sa place ce qui est de lui... le laissant vouloir pour nous tout ce qu’il voudra, n’aimant rien que par son amour et dans son amour.”

“Lorsque nous voulons avoir son amour pour notre hôte, il faut vider et détacher notre cœur de l’affection de toutes les créatures et de nous-même; car tout ce qui attache nous le ravit et nous ôte à Dieu et à son pur amour, qui règne dans la souffrance et triomphe dans l’humilité, pour jouis dans l’unité.”

“Si vous souhaitez honorer le Sacré-Cœur de Jésus-Christ, rendez-le dépositaire de tout ce que vous ferez et souffrirez, lui offrant toutes vos actions, afin qu’il en dispose et qu’il les applique selon son bon plaisir, vous unissant toujours à ses saintes intentions en tout ce que vous ferez et en tout ce qui vous arrivera. Faites votre demeure dans ce Cœur adorable; portez-y vos petits chagrins et amertumes: tout y sera pacifié et vous y trouverez le remède à vos maux, la force en vos faiblesses et votre refuge en toutes vos nécessités.”

Par contre, au sujet des prières vocales, Marguerite-Marie avoue sa presque totale impuissance: “Pour mes prières vocales, le les fais comme par force; j’en dis beaucoup sans savoir si je les dis bien...”

5
La souffrance et la croix

“Qui dit pur amour dit pure souffrance.”

5-1-La souffrance et Marguerite-Marie

La souffrance acceptée, voire désirée, a toujours été la fidèle compagne de Sainte Marguerite-Marie. Cela faisait partie de sa vocation:

– ”Souviens-toi, lui dit Jésus, que c’est un Dieu crucifié que tu veux épouser.” [5] Ou encore: “Je te veux être toute chose -ta joie et ta consolation- mais je serai aussi ton supplice.” [6] 

“Le Seigneur voulait que je lui tinsse fidèle compagnie, et que là, il m’apprendrait à l’aimer. Il est vrai qu’il n’y avait plus de plaisir pour moi que dans ce petit cabinet de mon cœur où je trouvais toujours mon Époux” [7] 

Car il n’y a pas d’amour sans souffrance:

“Sans ce Sacré-Cœur la vie me serait insupportable... Mais vouloir aimer Dieu sans souffrir pour son amour n’est qu’une illusion. Mais aussi je ne puis comprendre qu’on puisse souffrir quand on aime véritablement le Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ, parce qu’il change toutes les plus amères amertumes en douceurs et fait goûter des délices au milieu des plus grandes peines et humiliations.”

Et Marguerite-Marie conseille:

“Il faut en passer par là (la souffrance) puisque c’est maintenant le temps de souffrir et combattre avec une humble soumission, pour vous purifier et vous perfectionner à sa mode, afin de vous rendre digne d’accomplir ses desseins en vous... Souvenez-vous seulement que nul ne peut consoler ni soulager celui que Dieu veut faire souffrir.”

“Il faut tout souffrir en silence, sans vous plaindre de rien: voilà ce que le Cœur de Jésus demande de vous... Si le Cœur de Jésus vous fait trouver de l’amertume et de l’inconstance dans les créatures, c’est parce qu’il vous aime et ne veut pas que vous vous attachiez à ce qui est périssable, mais à lui qui seul peut contenter votre cœur... Tâchez de vous former votre vie sur le modèle de l’humble douceur de l’aimable Jésus; unissez-vous à toutes ses saintes intentions...”

Marguerite-Marie parle aussi “des peines intérieures, reçues avec amour, lesquelles ressemblent à un feu purifiant qui va consommant insensiblement en l’âme tout ce qui déplaît au divin Époux.” [8] 

    5-1-1-Gethsémani

Marguerite-Marie méditait, plongée“ dans la tristesse et agonie d’une douleur rigoureusement amoureuse.” Elle souhaitait participer aux angoisses du Seigneur qui lui dit: “C’est ici où j’ai le plus souffert qu’en tout le reste de ma Passion, me voyant dans un délaissement général du ciel et de la terre, chargé de tous les péchés des hommes. J’ai paru devant la sainteté de Dieu qui, sans avoir égard à mon innocence, m’a froissé en sa fureur, me faisant boire le calice qui contenait tout le fiel et l’amertume de sa juste indignation, et comme s’il eût oublié le nom de Père pour me sacrifier à sa juste colère.

Il n’y a point de créature qui puisse comprendre la grandeur des tourments que je souffris alors. C’est cette même douleur que l’âme criminelle ressent, lorsqu’étant présentée devant le tribunal de la sainteté divine qui s’appesantit sur elle, la froisse et l’opprime en sa juste rigueur... Ce sera lorsque tu sentiras appesantir ma sainteté sur toi qui dois élever ton cœur et tes mains au ciel, par prières et bonnes œuvres, me présentant continuellement à mon Père, comme une victime d’amour, immolée et offerte pour les péchés de tout le monde; me mettant comme un rempart et un fort assuré entre sa justice et les pécheurs, afin d’obtenir miséricorde, de laquelle tu te sentiras environnée lorsque je voudrais faire grâce à quelques-uns.” [9] 

    5-1-2-Souffrances intimes

Marguerite-Marie craint d’être un obstacle à la gloire du Sacré-Cœur: “Il me semble qu’il me fit entendre combien il me faudrait souffrir pour ce même amour, et que les grâces qu’il avait à me faire n’étaient pas tant pour moi que pour ceux qu’il m’enverrait... Il n’y a aucune consolation pour moi que celle de voir régner le Cœur de mon adorable Sauveur, lequel me gratifie toujours de quelques souffrances extraordinaires lorsque cette dévotion prend quelque accroissement... 

Mais toutes les plus amères amertumes ne sont que douceur dans cet adorable Cœur où tout est changé en amour.” [10] 

Pour un cœur qui aime, “l’affliction ou la consolation, la santé ou la maladie, c’est tout un; pourvu que notre Bon Dieu se contente, cela nous doit suffire, puisque nous ne voulons que lui plaire... Moins il y a de nous-mêmes, plus il y a Dieu.” [11] Mais, précise Marguerite-Marie, “en vous abandonnant vous-même, vous le posséderez, et en vous abandonnant à lui, il vous possédera.” [12] 

Marguerite-Marie dévoile une partie de ses souffrances intimes:

“Il y a en moi trois persécuteurs. Le premier, qui en produit deux autres, c’est un si grand désir de l’aimer qu’il me semble que tout ce que je vois devrait être changé en des flammes de son pur amour, afin qu’il fût aimé dans son divin Sacrement. Et ce m’est un martyre de penser qu’il y est si peu aimé, et qu’il y a tant de cœurs qui refusent son pur amour, le mettent en oubli et le méprisent. Si je l’aimais, du moins, mon cœur serait soulagé de sa douleur; mais... Je veux tout souffrir sans me plaindre, puisque mon pur amour m’empêche de rien craindre... “ [13] 

Et le Seigneur lui disait souvent: Que ferais-tu sans moi? Tu serais bien pauvre.” Un jour, d’une voix pleine d’autorité, Jésus déclara: “Je te rendrai si pauvre, si vile et abjecte à tes yeux, et je te détruirai si fort en la pensée de ton cœur, que je pourrai m’édifier sur ce néant.” [14] On retrouve ici toute la spiritualité de l’École Française

5-2-La croix

    5-2-1-La croix est une grâce

La plus précieuse des grâces, c’est le don de la croix: “Ah! si on en connaissait le prix, elle ne serait pas tant fuie et rejetée d’un chacun; mais au contraire, elle serait tellement chérie et aimée, que l’on ne pourrait trouver de plaisir qu’en la croix, de repos que sur la croix, et l’on n’aurait d’autre désir que de mourir entre ses bras, méprisé et abandonné de tout le monde. Mais il faut pour cela que le pur amour soit le sacrificateur et le consommateur (sic!) de nos cœurs.” [15] 

La croix, il faut l’embrasser avec joie et soumission, “car alors, le Seigneur se complaira à vous rendre conforme à lui, et vous fera voir qu’il n’est pas moins aimable dans les amertumes que dans les douceurs du Thabor.” [16]  

“La croix est tout mon trésor dans l’adorable Cœur de Jésus-Christ, elle y fait tout mon plaisir, et toutes mes délices et ma joie.” [17] 

Ou encore, à la même personne: “Les croix, les mépris, les douleurs, les afflictions sont les vrais trésors des amantes de Jésus-Crucifié...”

    5-2-2-Les oppositions au développement du culte du Sacré-Cœur

Satan suscitait beaucoup d’oppositions à la dévotion au Sacré-Cœur, et cela était une grande souffrance pour Marguerite-Marie. Mais, écrit-elle, le Sacré-Cœur “règnera malgré ses ennemis et se rendra le maître des cœurs qu’il veut posséder, car c’est la principale fin de cette dévotion: convertir les âmes à son amour. Voici ce qu’il m‘a donné pour occupation: la Croix est ma gloire, l’amour m’y conduit, l’amour me possède, l’amour me suffit.” [18] 

“Comme l’on ne peut aimer sans souffrir, aimons donc et souffrons tout ensemble, et n’en perdons pas un moment; car toutes les croix sont précieuses à un cœur qui aime son Dieu et qui veut être aimé de lui. Tâchons donc de nous rendre des véritables copies de notre Amour crucifié.” [19] 

    5-2-3-Mais il faut surtout tout abandonner au Seigneur qui prendra soin lui-même de ses intérêts

“La croix est un baume précieux qui perd sa bonne odeur devant Dieu lorsqu’il est éventé; c’est pourquoi il faut la cacher et porter en silence autant que nous pourrons... Ne perdons pas un moment de souffrir puisqu’on ne peut aimer sans cela. Ah! que la croix est bonne en tout temps... Ce n’est pas qu’il faille demander la souffrance, car c’est le plus parfait de ne rien demander et ne rien refuser mais s’abandonner au pur amour pour nous laisser crucifier et consommer (sic) selon son désir...

N’ayons donc plus de réserve avec lui, abandonnons-lui tout ce que nous sommes, sans nous mettre en peine de l’avenir, non plus que de réfléchir sur nous-même ni sur notre incapacité.” [20] 

En effet, “L’adorable Cœur de Jésus veut établir son règne d’amour dans tous les cœurs, détruire et ruiner celui de Satan... Ne craignons donc pas la peine et les souffrances qui s’y rencontreront dans ce grand ouvrage; mais plutôt, estimons-nous heureuses lorsqu’il nous en estimera dignes pour un si noble objet: je dis même toutes sortes de peines, contradictions, calomnies et douleurs; plus j’en trouve, plus je me sens encouragée, et plus j’ai d’espérance qu’il réussira à la gloire de cet aimable Cœur, et pour le salut de plusieurs âmes.

Mais c’est une dévotion qui ne veut point être forcée et contrainte. Il suffit de la faire connaître, et puis laisser à ce divin Cœur le soin de pénétrer les cœurs qu’il s’est destinés de l’onction de sa grâce. Heureux ceux qui seront de ce nombre!... Dans ce divin Cœur tout est changé en amour, jusques aux plus amères amertumes. Faisons-y notre demeure actuelle et perpétuelle... et laissons-le faire et agir en nous et pour nous, selon son désir.” [21] 

6
Les vertus

La bonté de Dieu et sa Miséricorde sont infinies et “Notre Seigneur ne veut établir son empire que par la douceur et la suavité de son pur amour et non par les rigueurs de sa justice.” [22] 

Mais il y a des vertus obligatoires pour entrer dans l’amour de Dieu, des vertus auxquelles nul homme ne doit se soustraire, et encore moins des religieuses. À la Sœur de Thélis, elle n’hésite pas à écrire, en 1687, ces paroles sévères: “Je ne puis comprendre qu’un cœur qui est à Dieu et qui le veut véritablement aimer, le puisse offenser de propos délibéré, et je vous avoue que les fautes volontaires me sont insupportables, parce qu’elles blessent le Cœur de Dieu.”

6-1-Que demande donc le Cœur de Jésus?

“Voici une chose que cet adorable Cœur demande de ses amis: c’est la pureté dans l’intention, l’humilité dans l’opération, et l’unité dans la prétention.” [23] 

Et voici, rapidement résumé, l’essentiel de ce que doivent observer tous ceux qui veulent trouver Dieu: “Une bonne religieuse doit tout quitter pour trouver Dieu, tout ignorer pour le connaître, tout oublier pour le posséder, tout faire et tout souffrir pour apprendre à l’aimer; et je vous assure qu’il ne faut pas un moindre engagement que celui de l’obéissance pour l’engager à vous répondre.” [24] Car la première des vertus que Jésus demande, c’est l’obéissance.

    6-1-1-L’obéissance

Ce que Jésus exige d’abord de ses saints, c’est l’obéissance. Voici ce que Marguerite raconte, quand elle était en butte à de nombreuses contradictions:

“La contradiction m’a souvent mise sur le point de cesser d’en parler (du Sacré-Cœur), mais j’étais si fort reprise de mes vaines craintes par lesquelles Satan tâchait de m’intimider, et ensuite tellement encouragée et fortifiée, que j’ai résolu, quoi qu’il doive m’en coûter, de poursuivre jusqu’au bout, à moins que l’obéissance ne me le défende; en ce cas je quitterais tout, parce que je lui défère toujours mes vues et mes sentiments.” [25] 

Car “Notre Seigneur se plaît plus dans notre soumission et conformité à sa sainte volonté que dans tout ce que nous pourrions faire sans cela.” [26] 

Et “qu’y a-t-il de plus obéissant que mon Jésus en la sainte Eucharistie?... À son imitation, il veut que je m’abandonne entre les mains de mes supérieures, quelles qu’elles puissent être.” [27] 

Voici maintenant des conseils donnés par la sainte à ses novices:

“Jésus a été obéissant jusqu’à la mort de la Croix, et tous les jours il obéit aux prêtres sur nos autels. C’est pourquoi il vous faut mettre entre les mains de l’obéissance pour obéir jusqu’à la mort de toutes vos volontés et inclinations... Soyez douce si vous voulez plaire au Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ qui ne se plaît qu’avec les doux et humbles de cœur.”

Elle conseille aussi:

“Songez, en toutes les obéissances que vous pratiquez, que Jésus a été obéissant jusqu’à la mort de la Croix.”

    6-1-2-L’humilité

L’humilité est la vertu que Dieu préfère, et tous les saints, même les plus grands, ont été de grands humbles. Marguerite-Marie, ne fit pas exception à la règle malgré son exceptionnelle intimité avec le Seigneur, ou peut-être à cause d’elle, car, dit-elle: “Le divin Cœur n’est que douceur, humilité et patience” [28] Et “le divin Cœur ne se plaît que dans les âmes anéanties, lesquelles sont tout en lui et trouvent tout en lui, lorsqu’elles ne sont rien en elles-mêmes... C’est pourquoi, malgré nos répugnances il faut régaler souvent l’adorable Cœur de Jésus de ce mets si délicieux à son goût, je veux dire les précieuses humiliations, mépris et abjections dont il nourrit ses plus fidèles amis ici-bas. Il ne faut pas les chercher, mais bien profiter de celles qu’il nous présente...[29] 

L’humilité de Marguerite-Marie

“Il me semble, écrit Marguerite-Marie, être une petite goutte d’eau dans cet océan du Sacré-Cœur qui est un abîme de toutes sortes de biens, une source inépuisable de toutes sortes de délices, et plus on en prend, plus elle est abondante. C’est un trésor caché et infini qui ne demande qu’à se manifester à nous, à se répandre et distribuer pour enrichir notre pauvreté...“ [30] 

Je vous puis dire que la plus sensible douleur que je sente, c’est de me regarder comme un obstacle à cette aimable dévotion; car jamais je ne me suis vue plus méchante, pauvre, destituée de vertus et de tout bien spirituel, dans une infidélité si grande que je me fais horreur à moi-même... Je me sens toujours plus pressée de vivre pauvre, inconnue, et méprisée des créatures.” [31] 

C’est pourquoi elle conseille à une religieuse amie de ne plus chercher de consolations dans les choses passagères, mais dans l’humilité. Marguerite-Marie lui écrit: “Le Seigneur veut que vous receviez ces sortes d’occasions d’humiliation comme un signal qu’il vous donne et qu’il vous attend dans le plus intime de votre cœur, et qu’il faut tout quitter pour lui aller tenir compagnie... Regardez cette voie humble comme la vraie qu’il vous a tracée, et la plus sûre pour arriver à lui...“ Il faut avancer sans savoir où l’on va, “car l’humilité a cela de propre qu’elle disparaît du moment qu’on l’aperçoit dans soi-même.” [32] 

Et à une autre:

“Ma chère amie, ne vous troublez pas de vos fautes... Nos chutes nous servent quelquefois beaucoup pour nous humilier et nous apprendre ce que nous sommes, et combien il nous est utile d’être cachées dans l’abîme de notre néant...” [33] 

Voici, en vrac, d’autres remarques sur m’humilité

“L’humilité est la voie sûre de votre salut... Faites donc tout par amour et par humilité... Il faut vous offrir à Jésus-Christ au saint Sacrement, comme le néant devant son Créateur... L’Esprit du Seigneur ne repose que sur l’humble de cœur.”

“Comme l’amour conforme les amants, il faut, si vous voulez être aimée de ce Sacré-Cœur, tâcher de vous rendre humble et douce de cœur comme lui. L’humilité vous fera réjouir, lorsque l’on vous humiliera et méprisera; elle vous empêchera de vous excuser, disant en vous-même: Jésus ne s’excusait pas! Elle vous rendra encore soumise et obéissante à tout ce que l’on demande de vous sans réplique.”

Car Jésus ne demande pas d’autres marques de votre amour ”sinon une profonde humilité d’esprit, la paix dans votre âme et dans votre cœur, le désir de l’aimer, puisque, en vérité, il vous aime et ne vous laissera pas périr.”

“Vous ne pouvez marcher dans la voie que le Seigneur vous a tracée que par un continuel renoncement de vous-même et de tous ces mouvements trop empressés que vous avez à la créature.”

“Faites tout par amour, dans l’amour et pour l’amour, car c’est l’amour qui donne le prix à tout. L’amour ne veut point d’un cœur partagé: il veut tout ou rien! L’amour vous rendra tout facile...”

“Il nous faut être aveugle sur les défauts d’autrui, pour n’en jamais mal parler ni juger... Lorsqu’il vous vient envie de vous excuser, dites en vous-même: mon Jésus qui était innocent se tait lorsqu’on l’accuse, et moi qui suis criminelle, pourrais-je me justifier?”

“La perfection consiste à conformer sa vie et ses actions aux saintes maximes du Sacré-Cœur de Jésus, surtout sa douceur, son humilité et sa charité... Conformez-vous le plus qu’il vous sera possible à son humilité et à sa douceur envers le prochain, surtout envers ceux pour qui vous aurez le plus d’antipathie.”

“Soyez toujours humblement prête à tout, toujours soumise en tous les événements à la volonté de Dieu et de vos supérieures, les laissant disposer de vous à leur gré.”

“Il ne faut parler de votre intérieur qu’à très peu de personnes... regardez cette solitude comme un purgatoire qui doit purifier en vous tout ce qui vous empêche d’entrer dans l’adorable Cœur de Jésus qui veut des cœurs détachés de tout.”

    6-1-3-L’Amour du prochain

Comme à Sainte Thérèse d’Avila, Jésus fit comprendre à  Marguerite-Marie, que seules les œuvres prouvent qu’on aime vraiment le Seigneur: “Il me fit voir que l’on ne lui peut mieux faire voir son amour qu’en aimant le prochain pour l’amour de lui, et que je devais m’employer à en procurer le salut, et qu’il fallait oublier mes intérêts pour épouser ceux du prochain dans mes prières et dans tout ce que je pourrais faire de bien, par la miséricorde de Dieu.” [34] 

6-2-Il faut s’abandonner entre les bras du Seigneur et Le laisser faire

    6-2-1-L’abandon

Surtout, il ne faut jamais s’affliger ni craindre puisque le Seigneur ”ne demande que notre confiance en sa bonté, pour nous faire éprouver la douceur et la force de son secours dans nos besoins, mais toujours à la mesure de notre confiance.” [35] 

C’est ce que renferme explicitement la consécration au Cœur de Jésus: “vie de sacrifice, d’abandon et d’amour:

–  de sacrifice de tout ce qui vous est le plus cher et qui vous coûtera le plus,

– d’abandon total de vous-même aux soins de son amoureuse conduite, le prenant pour votre conducteur dans la voie du salut,

– vivre de cette vie d’amour qui nous unira à lui par celui de notre abjection et anéantissement de nous-mêmes, pour nous conformer entièrement à ses états de sacrifice, d’abandon et d’amour au très Saint Sacrement où l’amour le tient là, comme victime tout abandonnée à être continuellement sacrifiée pour la gloire de son Père et notre salut...

Il faut aussi se référer à sa gloire: établissez-y votre demeure, dans cet aimable Cœur de Jésus, et vous y trouverez une paix inaltérable et la force d’effectuer tous les bons désirs qu’il vous donne, et ne point faire de fautes volontaires... Tout ce qui vient de ce Sacré-Cœur est doux, et il change tout en amour.” [36] 

À la Sœur Félice-Madeleine de la Barge, Marguerite-Marie conseille:“ Il doit vous suffire de lui avoir remis tout le soin de vous-même, et qu’à mesure que vous vous oublierez, il prendra un soin tout particulier de vous perfectionner, purifier et sanctifier; mais le trop de réflexion sur nous-mêmes empêche l’effet de ses desseins sur nous.” [37] À la même, en mars 1688, elle rappelle que le but du Seigneur pour elle, est d’établir en son cœur l’empire de son pur amour. “C’est pourquoi il se presse de ruiner en vous tout ce qu’il y a de terrestre et d’humain, pourvu que vous le laissiez faire, en correspondant, suivant ses lumières, à ses desseins adorables.”

“Vivez, mon enfant, tout abandonnée au Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ, vous laissant conduire et gouverner à son amoureuse providence, sans rien demander ni rien refuser, mais vous tenir toujours disposée à tout souffrir et à tout faire au moindre signe de l’obéissance que vous devez rendre à ceux qui vous conduisent de sa part... Aimez le Sacré-Cœur de toutes vos forces, vous occupant toujours de lui, lui laissant faire en vous et pour vous ce qu’il voudra, sans vous mettre en peine de rien. Pourvu qu’il se contente, cela doit vous suffire.”

“Nous ne devons jamais nous décourager ni laisser aller à l’inquiétude.”

“Abandon pour l’amour, abandon dans l’amour et tout à l’amour, sans plus de réserve!”

“Soyez de ces violents qui ravissent le ciel par force; mais le Seigneur vous aidera. Ne vous laissez jamais abattre le courage ni troubler de rien. Tenez toujours votre âme en paix parmi les divers changements de la vie et elle deviendra le trône de Dieu.”

Et pour arriver à un parfait abandon entre les mains du Sacré-Cœur de Jésus, il faut d’abord Le laisser faire.

    6-2-2-Se laisser faire par le Seigneur

Le Seigneur a appris à Marguerite-Marie qu’il fallait Le laisser faire pour tout ce qui la concernait. Il lui a dit mille fois: “Laisse-moi faire.”

Se laisser faire, c’est s’abandonner à Dieu. “Lorsque nous sommes toutes consacrées et dévouées à ce Cœur adorable, pour l’aimer et l’honorer de tout notre pouvoir, en nous abandonnant tout à lui, il prend soin de nous, et nous fait arriver malgré tous les orages au port de salut... Et puisque Celui qui aime est tout puissant, aimons donc, et rien ne nous paraîtra difficile. Mais cet amour ne règne que dans la souffrance et ne triomphe que dans la vraie humilité, et on n’en peut jouir qu’en l’unité. C’est dans le Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ que nous la trouverons.” [38] 

“Il faut que ce divin Cœur de Jésus soit tellement substitué en la place du nôtre que lui seul vive et agisse en nous et pour nous; que sa volonté tienne la nôtre tellement anéantie qu’elle puisse agir absolument sans résistance de notre part; et enfin que ses affections, ses pensées et ses désirs soient en la place des nôtres, mais surtout son amour, qui s’aimera lui-même en nous et pour nous... afin qu’il s’accomplisse parfaitement en nous, nous contentant d’aimer et de le laisser faire; soit qu’il nous abaisse ou qu’il nous élève, qu’il nous console ou qu’il nous afflige, tout nous doit être indifférent. Pourvu qu’il se contente, cela doit nous suffire! Aimons-le donc cet unique amour de nos âmes, puisqu’il nous a aimés le premier et qu’il nous aime encore avec tant d’ardeur qu’il en brûle continuellement au Saint Sacrement. Et il ne faut que l’aimer ce Saint des saints pour devenir saintes...” [39] 

“Pour les affaires qui regardent immédiatement la gloire de Dieu, elles sont bien différentes de celles du monde dans lesquelles il faut beaucoup agir; mais dans celles de Dieu, il faut se contenter de suivre son inspiration, et puis laisser agir la grâce et suivre ses mouvements de tout notre pouvoir...” [40] 

    6-2-3-L’amour de la pauvreté

“Il faut tout donner pour avoir tout; l’amour divin ne peut souffrir aucun mélange.”

Conseils donnés par la sainte à ses novices ou à des religieuses amies, d’autres congrégations, au sujet de la pauvreté

“Soyez pauvre de tout et le Sacré-Cœur de Jésus vous enrichira. Videz-vous de tout: il vous remplira. Oubliez-vous de vous-même et vous abandonnez: il pensera et aura soin de vous. Embrassez amoureusement tout ce qui vous humiliera et anéantira le plus, comme les moyens les plus propres à faire triompher le doux, aimable cœur de Jésus et pour faire régner le vôtre à son tour dans le sien. Vivez-y sans souci, comme un enfant qui n’a que celui de l’aimer et s’abandonner toute à lui; tenant votre âme en paix, sans aller au trouble ou inquiétude dans la vue de vos défauts et misères... Et c’est pour cela que hors l’offense de Dieu, nous devrions être bien aises de nous voir défaillantes involontairement.”

Pourtant, “c’est mal traiter la bonté de notre Dieu que de croire qu’elle veuille abandonner à la privation de son amour éternel un cœur qui aspire de l’aimer dans le temps et l’éternité. Non! il ne l’a jamais fait et ne le fera pas, car il ne perd et n’abandonne pas les pauvres misérables, quand ils ne sont pas tels par leur malice.”

“Il faut demeurer là où Dieu le veut... Ôtez seulement tout ce qu’il vous fera connaître être un obstacle à son amour, car il veut que vous viviez dans un entier dénuement de tout ce qui n’est pas lui et qui peut contenter vos inclinations et lier vos affections.”

    6-2-4-Les prédilections du Cœur de Jésus

Pour résumer ce chapitre sur les vertus que le Sacré-Cœur de Jésus demande de nous, voici, selon Sainte Marguerite-Marie les prédilections du Cœur de Jésus:

“Celle qui sera la plus humble et méprisée, sera le plus avant dans son Cœur adorable.

“La plus dépouillée et dénuée de tout le possédera davantage.

“La plus mortifiée en sera la plus caressée.

“La plus obéissante le fera triompher.

“La plus charitable en sera la plus aimée.

“La plus silencieuse en sera la mieux renseignée.

6-3-Marguerite-Marie et la mort

À plusieurs reprises des âmes de défunts apparurent à Marguerite-Marie. Certaines, au Purgatoire, venaient demander des prières pour soulager leurs souffrances. D’autres, déjà au Ciel, venaient dire leur joie. Ainsi, un dimanche, jour de la fête du Bon Pasteur, deux sœurs récemment décédées sont apparues à Marguerite-Marie. L’une répétait sans cesse: “L’amour triomphe, l’amour jouit, l’amour en Dieu se réjouit.” L’autre disait: “Que bienheureux sont les morts qui meurent au Seigneur, et les religieuses qui vivent et meurent dans l’exacte observance de leur règle... L’ingratitude n’est jamais entrée dans le ciel.”

Nous ne devons nous attacher qu’aux seuls dons de Dieu, et “celui de son pur amour surpasse tous les autres; c’est le seul qui nous doit posséder, faire agir et souffrir, car il n’est jamais oisif dans un cœur.” [41] 

Marguerite-Marie conseillait à ses correspondantes: “Il nous faut toujours tenir en la disposition où nous voudrions paraître devant Dieu, et nous ne craindrons pas que la mort nous surprenne. Et que peut craindre une bonne religieuse, dont la vie ne doit être qu’une continuelle mort à soi-même et à tous les plaisirs de la vie, pour n’en prendre point d’autre qu’à se crucifier avec notre cher Époux Jésus-Christ?... Notre cœur n’est fait que pour Dieu. Malheur à lui s’il se contente de moins que de Dieu ou s’il se laisse brûler de quelque autre feu que de celui de son pur amour!...“ [42]    

Quant à elle, Marguerite-Marie, dans une retraite de préparation à sa mort (1690), fit cette prière:

“Ne me privez pas, ô mon Dieu, de vous aimer éternellement pour ne vous avoir pas aimé dans le temps! Faites au reste de moi tout ce qu’il vous plaira. Je vous dois tout ce que j’ai, tout ce que je suis; et tout ce que j’ai fait de bien ne saurait réparer la moindre de mes fautes, que par vous-même. Je suis insolvable, vous le voyez bien, mais mettez-moi en prison, j’y consent, pourvu que ce soit dans votre Sacré-Cœur. Et tenez-moi là captive et enchaînez-moi par les chaînes de votre amour, jusques à ce que je vous aie payé tout ce que je vous dois; et comme je ne pourrai jamais faire, aussi désiré-je de n’en jamais sortir.”

7
Marguerite-Marie, François de Sales et le Père de Croiset

7-1-Marguerite-Marie et Saint François de Sales, fondateur de la Visitation

    7-1-1-Pourquoi le Sacré-Cœur s’est-il manifesté à une Visitandine?

Avec beaucoup d’humilité Marguerite-Marie explique pourquoi: ”Il me semble que notre saint Fondateur, ce vrai ami du Cœur de Dieu, a été le principal moteur de ce don salutaire pour l’obtenir en faveur de notre cher Institut, parce que Satan voulait vomir sa rage à en détruire l’esprit, et par ce moyen le renverser. Mais j’espère qu’il n’en viendra pas à bout, si nous voulons, selon les intentions de notre saint Père, (François de Sales) nous servir des moyens qu’il nous présente pour nous remettre dans la première vigueur de notre sainte vocation, vivant selon les maximes de Jésus-Christ...” [43] 

Un jour Saint François de Sales apparut à Marguerite-Marie, et il lui dit “qu’une véritable fille de la Visitation doit être une hostie vivante, à l’imitation de Jésus-Christ, immolée à tous les desseins de Dieu, sacrifiée par les supérieures ou par les afflictions...[44] 

Un jour de la fête de Saint François de Sales, ce dernier lui apparut encore et lui fit connaître, très sensiblement, “l’ardent désir qu’il avait que le Sacré-Cœur de Jésus-Christ fût connu, aimé et honoré dans tout son Institut, disant que c’était le moyen le plus efficace qu’il avait pu obtenir pour le relever de ses chutes, et l’empêcher de succomber sous les artifices d’un esprit étranger, plein d’orgueil et d’ambition, qui ne cherche qu’à ruiner l’esprit d’humilité et de simplicité qui est le fondement de l’édifice que Satan ne cherche qu’à renverser, ce qu’il ne pourra faire, ayant ce Sacré-Cœur pour défenseur et pour soutien.” [45] 

    7-1-2 Les grâces pour la Visitation

Marguerite-Marie raconte une autre apparition: “Notre Saint Fondateur parlant à ses filles, leur dit:  Ô filles de bonne odeur, venez puiser dans la source de bénédiction les eaux de salut... C’est dans ce divin Cœur que vous trouverez un moyen facile de vous acquitter parfaitement de ce qui vous est enjoint... Que le Sacré-Cœur soit la vie qui nous anime... Et pour cela nous prierons dans le Cœur et par le Cœur de Jésus.“ [46] 

Et Marguerite-Marie ajoute:

“Que de bénédictions et de grâces, il me semble, qu’il (le Sacré-Cœur) s’est proposé de répandre sur ce cher Institut, et en particulier dans les maisons qui lui procureront plus d’honneur et de gloire pourvu que nous soyons fidèles... Le Sacré-Cœur, si je ne me trompe, fait sentir des complaisances inconcevables à notre saint Fondateur de ce que sa dévotion s’établit dans notre institut, parce qu’il s’en veut le soutien et le défenseur, pourvu que nous n’y mettions point d’obstacle par nos infidélités.” [47] 

7-2-Marguerite-Marie et ses lettres au Père de Croiset

Remarque:

Après la mort du Père La Colombière, c’est un jeune Jésuite, le Père Croiset (1656-1738), qui sera chargé de recueillir les confidences de Marguerite-Marie, laquelle, par obéissance, lui écrivit souvent et lui découvrit les secrets de son cœur. On possède dix lettres adressées au Père Croiset. La dernière porte la date du 14 août 1690, soit deux mois avant la mort de Marguerite-Marie, survenue le 17 octobre 1690.

On n’étudiera ici que les lettres de Marguerite-Marie au Père Croiset. La dernière phrase de la dernière lettre de Marguerite-Marie au Père Croiset est comme le résumé de ce que fut la vie de la sainte: “Je prie le divin époux de nos âmes que, puisqu’il nous a faits uniquement pour l’aimer, il vous consomme tout en son pur amour, afin que nous ne cessions pas un moment de l’aimer.”

On découvre dans les lettres de Sainte Marguerite-Marie adressées au Père Croiset, qui n’était pas encore prêtre au début de leur correspondance, une direction spirituelle forte et étonnante, car c’est la fille qui éduque le Père. Par ailleurs, l’ensemble présente une telle unité sur le plan spirituel qu’il a semblé utile de les traiter à part. Tout ce qui suit est donc intégralement consacré à ces lettres échelonnées du 14 avril 1689 au 21 août 1690, lettres qui sont comme le Testament spirituel de la Sainte.

    7-2-1-Pourquoi Marguerite-Marie confie-t-elle les secrets du Sacré-Cœur de Jésus au Père Croiset?

Mission du Père Croiset

Dans la première lettre destinée au Père Croiset, du 14 avril 1689,  alors que le jeune jésuite n’était pas encore ordonné, Marguerite lui fait part du “désir qu’a Jésus de lui départir avec profusion les richesses inépuisables de son adorable Cœur, mais, ajoute-t-elle, ”non pas tant seulement pour vous, mais afin que vous les départiez aux âmes qu’il prétend gagner par votre moyen.

Plus de regard ni de souvenir de vous-même, pour le laisser agir envers vous et par vous selon ses désirs, qu’il vous fera connaître dans le temps qu’il a destiné. Cependant, voyez si vous acceptez cette manière d’union... et si vous désirez qu’elle subsiste il faut que vous fassiez la même donation au Sacré-Cœur le jour que vous lui offrirez le premier saint Sacrifice, dans son mystère d’amour, vous consacrant et donnant tout pour l’aimer et le glorifier, et lui procurer tout l’amour et la gloire dont il vous rendra capable par lui-même, soit de paroles ou d’écrits, afin que, par ces moyens, il vous fasse également part de ses trésors infinis, par lesquels j’espère qu’il nous fera dire éternellement: ‘Misericordias Domini in æternum cantabo...“ [48] 

    7-2-2-Pourquoi cette dévotion?

Pourquoi la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus? Marguerite-Marie répond:

“Le divin Cœur... a fait voir à son indigne esclave, que cette dévotion était un des derniers efforts de son amour envers les hommes, afin que, leur mettant en évidence dans un tableau particulier de son divin Cœur percé d’amour pour leur salut, il pût mettre leur salut en assurance en ne laissant périr rien de tout ce qui lui serait consacré, par le grand désir qu’il a d’être connu, aimé et honoré de ses créatures... mais pour cela, il faut vivre conformément à ses saintes maximes...

Lorsque mon souverain Maître n’agrée pas ma pensée, il m’ôte toute mémoire et toute intelligence sur ce que je voudrais dire, de sorte qu’il m’est impossible de le faire... Les souffrances font mon exercice continuel depuis qu’il m’a destinée, si je ne me trompe, pour être la victime de son divin Cœur et son hostie d’immolation, sacrifiée à son bon plaisir et immolée à tous ses désirs, pour me consommer (sic) continuellement, sur ce sacré autel, par les ardeurs du pur amour souffrant...

Oh! quel bonheur de pouvoir participer ici-bas aux angoisses, amertumes et dérélictions du Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ!” [49] 

Le divin Cœur de Jésus “est le trésor du ciel dont l’or précieux nous a déjà été donné, en plusieurs manières, pour payer notre dette et acheter le ciel, et pour la dernière invention de son amour, de laquelle il ne tiendra qu’à nous d’en profiter... Ce Cœur désire qu’en nous sanctifiant nous le glorifiions, ce Cœur tout amour, lequel a plus souffert que tout le reste de la sainte humanité de Notre Seigneur Jésus-Christ. Car dès le moment de l’Incarnation, ce Sacré-Cœur a été changé en une mer d’amertume, souffrant dès ce premier instant jusques à son dernier soupir sur la Croix. Tout ce que cette sainte humanité a souffert intérieurement dans le cruel supplice de la Croix, ce divin Cœur l’a ressenti continuellement, et c’est pour cela que Dieu veut qu’il soit honoré par un hommage particulier... [50] 

Le divin Cœur est une source intarissable où il y a trois canaux qui coulent sans cesse: premièrement de miséricorde pour les pécheurs, sur lesquels découle l’esprit de contrition et de pénitence; le second est de charité, qui s’étend pour le secours de tous les misérables qui sont en quelque nécessité, et particulièrement pour ceux qui tendent à la perfection... du troisième découlent l’amour et la lumière pour les parfaits amis qu’il veut unir à lui, pour leur communiquer sa science et ses maximes, afin qu’ils se consacrent entièrement à lui procurer de la gloire, chacun en sa manière; et la Sainte Vierge sera la spéciale protectrice de ceux-ci, pour les faire arriver à cette vie parfaite.” [51] 

    7-2-3-Les desseins de Jésus

Le divin Cœur “attend beaucoup de la Compagnie de Jésus, et il a de grands desseins. C’est pourquoi il s’est servi du bon Père La Colombière pour donner commencement à la dévotion de cet adorable Cœur; comme j’espère que vous serez l’un de ceux dont il se servira pour l’introduire dans votre ordre... Mais le tout doucement, suavement, suivant les moyens qu’il vous en fournira, en lui laissant le succès de tout, sans plus désirer ni vouloir faire que ce qu’il vous fera connaître, dans chaque occasion, qu’il veut que vous fassiez... Ne nous étonnons pas des contradictions et oppositions que le démon y suscitera... Enfin je crois qu’il vérifiera cette parole qu’il faisait continuellement entendre à l’oreille du cœur de son indigne esclave, (Marguerite-Marie), parmi les difficultés et oppositions qui ont été grandes dans les commencements: ‘Je régnerai malgré mes ennemis et tous ceux qui s’y opposeront.’” [52] 

    7-2-4-Compléments à la révélation

Dans la quatrième lettre adressée au Père Croiset, Marguerite-Marie décrit de nouveau les apparitions et révélations du Sacré-Cœur “présenté comme dans un trône de flammes, plus rayonnant qu’un soleil et transparent comme un cristal, avec cette plaie adorable. Et il était environné d’une couronne d’épines, qui signifiait les piqûres que nos péchés lui faisaient, et une croix au-dessus qui signifiait que, dès les premiers instants de son incarnation... la Croix y fut plantée, et il fut rempli, dès ces premiers instants de toutes les amertumes que lui devaient causer les humiliations, pauvreté, douleurs et mépris que la Sacré Humanité devait souffrir, pendant tout le cours de sa vie et en sa sainte Passion.”

La dévotion à son Sacré-Cœur “était comme un dernier effort de son amour qui voulait favoriser les hommes en ces derniers siècles de cette rédemption amoureuse, pour les retirer de l’empire de Satan, lequel il prétendait ruiner, pour nous mettre sous la douce liberté de l’empire de son amour, lequel il voulait rétablir dans les cœurs de tous ceux qui voudraient embrasser cette dévotion.” [53] 

    7-2-5-L’Eucharistie

“Oh! que vous serez heureux de participer tous les jours à ce divin Sacrement, de tenir ce Dieu d’amour entre vos mains et de le mettre en votre cœur!” Car c’est vraiment ”dans cet admirable Sacrement, où son amour le tient captif que l’on peut dire: l’amour triomphe, l’amour jouit, l’amour en Dieu se réjouit. Si vous saviez l’ardent désir qui me presse qu’il soit connu, aimé et glorifié!” [54] 

Enfin, il semble à Marguerite-Marie ”que le Sacré-Cœur désirerait encore que l’on eût une particulière union et dévotion aux saints anges qui sont particulièrement destinés à l’aimer et honorer et louer dans ce divin Sacrement d’amour, afin qu’étant unis et associés avec eux, ils suppléassent pour nous en sa divine présence, tant pour lui rendre nos hommages, que pour l’aimer pour nous et pour tous ceux qui ne l’aiment pas, et pour réparer les irrévérences que nous commettons à sa sainte présence.” [55] 

7-3 Confidences personnelles

Marguerite-Marie confie au Père Croiset les trois désirs ardents qu’elle eut autrefois, trois désirs qu’elle regarde comme trois tyrans qui lui faisaient souffrir un continuel martyre: aimer Dieu, souffrir et mourir dans cet amour. Elle dit aussi la pensée qui la console: “Le Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ fera tout cela pour moi si je le laisse faire; il voudra, il aimera pour moi, et suppléera à toutes mes impuissances et défauts.” [56] 

Marguerite-Marie dira dans sa deuxième lettre au Père Croiset: “Depuis qu’il (le Sacré-Cœur) m’a fait la miséricorde de me consacrer lui-même à son amour et à sa gloire, je ne me soucie plus de de quelle manière il me traite. Pourvu qu’il se contente, cela me suffit!... Je ne veux rien, en tout et partout, que l’accomplissement du bon plaisir divin, laissant à ce divin Cœur de vouloir et  désirer en moi et pour moi selon ce qu’il lui plaira. Je me contente de l’aimer seul, et puis il aimera pour moi tout ce qu’il veut que j’aime.” [57] 

    7-3-1-Les craintes de Sainte Marguerite-Marie

Dans la 4ème lettre au Père Croiset, Marguerite-Marie raconte comment Notre Seigneur, s’étant un jour présenté “à son indigne esclave, lui dit: ‘je cherche une victime pour mon Cœur, laquelle je veuille sacrifier comme une hostie d’immolation à l’accomplissement de ses desseins’.“

Alors Marguerite-Marie lui présenta plusieurs saintes âmes qui correspondraient à ses desseins. Mais Jésus lui dit: “Je n’en veux point d’autre que toi, et je veux que tu consentes à mon désir.”

Marguerite-Marie lui redit son indignité, mais Jésus “ne cessait de la poursuivre et elle de lui résister pour la grande crainte qu’elle avait que ces voies extraordinaires ne la retirassent de l’esprit simple de sa vocation.”  Mais ce fut en vain qu’elle résista. Alors, écrit Marguerite-Marie, “m’étant offerte, il me dit qu’il savait mes craintes, mais qu’il me promettait, comme je crois vous l’avoir déjà dit, d’ajuster tellement ses grâces à l’esprit de ma règle, à l’obéissance due à mes supérieures et à ma faiblesse et infirmité, que l’un n’empêcherait point l’autre.” [58] 

Et Jésus prépara son élue à de nouvelles grâces. Voici quelques-unes de ses dispositions: “La première est qu’après une confession générale de toute ma vie criminelle et méchante, d’abord après l’absolution, il me montra une robe qu’il appelait d’innocence, laquelle était plus blanche que la neige, dont il me revêtit, et il me dit: ‘Voici que j’ôte pour toujours la malice de ta volonté, afin que désormais les fautes que tu commettras soient pour t’humilier, et non pour m’offenser’. Et puis, m’ouvrant derechef son Cœur adorable, il me dit, en m’y mettant: ‘Voici le lieu de ta demeure actuelle et perpétuelle, où tu pourras conserver sans tache la robe d’innocence dont j’ai revêtu ton âme’.”

Un des plus rudes supplices de Marguerite-Marie était lorsque le divin Cœur lui était présenté avec ces paroles: “J’ai soif, mais d’une soif si ardente d’être aimé des hommes au saint Sacrement, que cette soif me consume; et je ne trouve personne qui s’efforce, selon mon désir, pour me désaltérer, en rendant quelque retour à mon amour.”

Les grâces que Dieu répand dans nos âmes, il faut les laisser germer et fructifier:

“Et après avoir jeté la semence, il faut laisser agir la grâce de ce divin Cœur, lequel prendra soin de la cultiver et faire fructifier par l’onction amoureuse de son ardente charité...” [59] 

    7-3-2-La prière de Marguerite-Marie

“Je communie et j’entends la messe à votre intention. Pour d’autres prières, je n’en fais guère, outre celle d’obligation, que le chapelet, que je dis fort indévotement, et avec tant de peine que quelquefois j’en demeure toute interdite, et la parole me manque pour poursuivre, mon divin Maître me rendant impuissante à le prier vocalement...”

Marguerite-Marie rencontre les mêmes difficultés pour la lecture spirituelle, mais, au lieu des livres, “l’aimable Cœur de mon Jésus m’est ouvert comme un grand livre où il me fait lire des leçons admirables de son pur amour, lequel ne le rebute point pour toutes mes résistances, car souvent je combats avec lui, mais il reste toujours victorieux et moi confuse, et jamais n’a été un si bon directeur, car en enseignant il donne le moyen de faire, ou bien il le fait lui-même... Je le sens agir en moi si indépendamment de moi-même, que je ne peux faire autre chose que d’adhérer et me soumettre à ce qu’il fait.” [60] 

    7-3-3-Confiance face aux contradictions

“De tout cela je ne m’afflige pas, puisque, ne cherchant en cela que l’accomplissement du bon plaisir de mon Souverain, s’il le prend à détruire ce qu’il a commencé, je l’y prendrai aussi avec lui, m’en faisant un de ma sensible douleur, sachant bien qu’il est assez puissant pour soutenir, poursuivre et achever ce que lui-même a commencé; et que pour cela, il se servira même de toutes les contradictions et oppositions de tous ceux qui lui sont contraires, pour s’en servir d’un plus solide fondement, afin de l’établir plus solidement.” [61] 

“Le divin Cœur de mon divin Maître, comme un sage conducteur, ne me distribue de forces que ce qu’il m’en faut justement en chaque occasion.” [62]

7-4-Les promesses et les désirs du Sacré-Cœur de Jésus

Dans la deuxième lettre au Père Croiset, adressée à “son très cher frère dans le Sacré-Cœur de Jésus-Christ” qui veut qu’elle le nomme dorénavant ainsi, Marguerite-Marie expose les promesses du Sacré-Cœur à ceux qui l’aimeront:

“Le Sacré-Cœur de Jésus promet de grandes récompenses à tous ceux qui s’emploieront à le faire régner... Que vous êtes heureux d’être de ce nombre!... Je voudrais fondre d’actions de grâces et de reconnaissance envers ce divin Cœur, pour les grandes grâces qu’il nous fait en voulant bien se servir de nous pour aider à le faire connaître, aimer et honorer des hommes... pour réparer les grandes amertumes et humiliations qu’ils lui ont fait souffrir, dont il veut, par ce moyen, leur en appliquer les mérites.”

    7-4-1-Promesses pour tous les hommes et les familles

“Mais il fait connaître ce désir être (sic) si excessif, qu’il promet que tous ceux qui se consacreront et dévoueront à lui, pour lui donner ce plaisir que de lui rendre et procurer tout l’amour, l’honneur et la gloire qui sera à leur pouvoir, suivant les moyens qu’il leur en donnera, qu’il ne les laissera jamais périr, et qu’il leur sera un asile assuré contre toutes les embûches de leurs ennemis, mais surtout à l’heure de la mort que ce divin Cœur les recevrait amoureusement, mettant leur salut en assurance, prenant soin de les sanctifier et de les rendre grands devant son Père éternel, autant que l’on prendrait de peine d’agrandir le règne de son amour dans les cœurs. Et que, comme il est la source de toutes les bénédictions, il les répandrait abondamment dans tous les lieux où serait honorée l’image de ce Sacré-Cœur, parce que son amour le presse de départir le trésor inépuisable de ses grâces sanctifiantes et salutaires dans les âmes de bonne volonté, cherchant des cœurs vides pour les remplir de la suave onction de son ardente charité, pour les consommer (sic) et les transformer tout en lui. Il veut des esprits humbles et soumis, sans curiosité que d’accomplir son bon plaisir. De plus, qu’il réunirait les familles divisées -par ce moyen- et protégerait celles qui seraient en quelque nécessité; et qu’il répandrait cette suave onction de sa charité dans toutes les communautés religieuses où il serait honoré, et lesquelles se mettraient sous sa particulière protection; qu’il en tiendrait tous les cœurs unis pour n’en faire qu’un avec lui...” [63] 

    7-4-2-Promesses pour la compagnie de Jésus

Au sujet des Pères de la Compagnie de Jésus, à qui est réservée la grâce de faire connaître la valeur et l’utilité de ce précieux trésor, où, plus l’on prend, plus il y a à prendre, Marguerite-Marie écrit: “Ce divin Cœur répandra tellement la suave onction de sa charité sur leurs paroles, qu’elles pénétreront comme un glaive à deux tranchants les cœurs les plus endurcis, pour les rendre susceptibles à l’amour de ce divin Cœur; et les âmes les plus criminelles seront conduites par ce moyen à une salutaire pénitence...”

    7-4-3-Promesses pour les rois et spécialement le Roi de France [64] 

Le Sacré-Cœur de Jésus a des désirs très particuliers au sujet du Roi de France: “Il y a une autre chose dont je me sens fort pressée, par le grand désir qu’il me fait connaître d’en avoir, c’est que cette dévotion coure dans les palais des rois et des princes de la terre, afin qu’il y reçût autant de plaisir, comme aimé et honoré des grands, comme ont été grandes les amertumes et angoisses qu’il y a ressenties, lorsqu’en sa Passion il y a été tant méprisé, outragé et humilié; et je vous avoue qu’il me semble que cette dévotion servirait d’une grande protection à la personne de notre roi, et pourrait bien donner d’heureux succès à ses armes et lui procurer de grandes victoires...

7-5-Conseils au Père Croiset

Marguerite-marie ne ménagea pas ses conseils au Père Croiset: “Je crois, selon ce qu’il (le divin Cœur) me le fait connaître, qu’il ne veut pas vous ôter les mouvements contraires à cette vertu d’humilité, pour vous laisser en cela une matière de combattre, afin d’avoir lieu de récompenser vos victoires, et de plus, afin que vous soyez continuellement sur vos gardes, avec une grande défiance de vous-même.” [65] 

En ce qui concerne la sainteté du Père Croiset: ”Pour l’ardent désir qui vous presse de vous faire un saint, oui, je l’espère de la grâce du Sacré-Cœur, lequel vous rendra un grand saint; mais je pense qu’il vous sanctifiera à sa mode et non à la vôtre. C’est pourquoi, laissez-le faire, le regardant toujours pour le glorifier en vous anéantissant, et il vous regardera pour vous purifier en vous sanctifiant.” [66] 

En réponse à certaines répugnances exprimées par le très jeune prêtre qu’était alors le Père Croiset, Marguerite-Marie écrit: “Je crois que vous ne devez point écouter la peine que vous sentez à confesser, car elle vous sera d’un grand mérite, si vous persévérez courageusement. Dieu en sera glorifié, par le support charitable que vous exercerez envers les pécheurs pénitents.” [67] 

Enfin, au sujet de la souffrance ”Il faut que vous soyez éprouvé et purifié, comme l’or dans le creuset, pour l’exécution des desseins de Dieu. Ils sont grands, à la vérité, car il y aura beaucoup à souffrir de la part du démon, des créatures et de nous-même. Et ce qui vous paraîtra le plus rude sera lorsque Dieu vous semblera se mettre de partie pour vous faire souffrir; mais vous n’avez rien à craindre, puisqu’il vous aime de cette façon... Et puis, que devez-vous craindre, puisque vous dites la sainte messe? Ô mon Dieu! que vous êtes heureux, et que vous lui devez rendre d’actions de grâces, pour toutes celles dont il comble nos âmes par ce moyen.” [68] 

8
En guise de conclusion

8-1-Chantons avec Marguerite-Marie

Peut-être est-il temps maintenant, de chanter avec Marguerite-Marie:

“Tout pour Dieu, rien pour moi!

Un seul cœur, un seul amour à un seul Dieu!

Rien de souillé dans l’innocence!

Rien de perdu dans la puissance!

Rien dans ce beau séjour qui n’y soit consumé dans l’amour!

La Croix est ma gloire, l’amour m’y conduit!

L’amour m’y possède, l’amour m’y suffit!

Mon Dieu, mon unique et mon tout, vous êtes tout à moi et je suis tout à vous!”

8-2-Quelques derniers conseils

Voici encore quelques conseils prodigués à diverses personnes par une très grande sainte:

“Le Sacré-Cœur de Jésus est un abîme d’amour où il faut abîmer tout l’amour-propre qui est en nous, avec toutes ses mauvaises productions, qui sont les respects humains et désirs de nous satisfaire...

Si vous vous trouvez dans un abîme de sécheresse et d’impuissance, allez vous abîmer dans l’aimable Cœur de Jésus qui est un abîme de puissance en vous, sans vouloir en goûter la suavité, sinon quand il lui plaira.

Si vous êtes dans un abîme de pauvreté, dénuée de tout et aussi de vous-même, allez vous abîmer dans le Sacré-Cœur; il vous enrichira et vous vêtira avec plaisir si vous le laissez faire.

Si vous êtes dans un  abîme de misères, allez les abîmer dans celui des miséricordes de ce Cœur adorable; et là, en perdant vos misères, considérez-vous comme un composé de ses miséricordes.

Si vous vous trouvez dans un abîme d’orgueil et de vaine estime de vous-même, abîmez-le aussitôt dans celui de l’humilité du Sacré-Cœur, où il vous fera perdre tout ce qui se soulève en vous, pour vous revêtir de son anéantissement sacré, par l’amour à votre abjection.

Si vous êtes dans un abîme d’ignorance, allez vous abîmer dans l’aimable Cœur de Jésus, qui est un abîme de science, où vous apprendrez à l’aimer et à faire ce qu’il désire de vous.

Si vous vous trouvez dans un abîme de ténèbres, allez vous abîmer dans celui de lumière du divin Cœur; et là, en perdant vos ténèbres, il vous revêtira de sa lumière à laquelle il vous faut laisser conduire comme une aveugle qui ne veut plus rien regarder que dans cette divine lumière.

Lorsque vous vous trouverez plongée dans un abîme de tristesse, allez l’abîmer dans celui de la divine joie de ce Sacré-Cœur, où vous en trouverez un trésor qui dissipera toutes vos tristesses et afflictions d’esprit.

Quand vous vous trouverez dans le trouble et l’inquiétude, allez vous abîmer dans la paix de ce Cœur adorable que personne ne pourra vous ôter.

Si vous vous trouvez dans un abîme de crainte, abîmez-vous dans celui de confiance du Sacré-Cœur; et là, vous ferez céder la crainte à l’amour.

Lorsque vous vous trouverez dans un abîme d’amertume et de souffrances, abîmez-vous dans le Sacré-Cœur de Jésus, pour les unir aux siennes; et là vous trouverez un trésor de joie qui vous rendra soumise à tout ce qu’il voudra faire de vous, pour souffrir tout en silence sans vous plaindre.

Abîmez-vous souvent dans la charité de cet aimable Cœur, afin que vous ne fassiez rien au prochain qui blesse tant soit peu cette vertu, ne faisant rien à autrui que ce que vous voudriez qui vous fût fait.”

Dîtes souvent en vous-mêmes:

“Puisque ce divin Cœur est à moi, qu’est-ce qui peut me manquer? Et si je suis toute à lui, qui peut me nuire?” Et sachez que:

”Vous ne pouvez lui donner de plus forte marque d’amour, et qui lui soit plus agréable, que de le loger dans l’édifice qu’il s’est lui-même bâti, qui est votre cœur, duquel il faut chasser ces idoles que vous avez si longtemps adorées, soit de votre orgueil ou de votre propre volonté, ou de quelque attache à la créature.

Par une profonde humilité, vous creuserez les fondements du trône où règne le Sacré-Cœur. C’est le pur amour divin, au milieu des ardeurs duquel il est toujours comme une victime d’holocauste, immolée et sacrifiée à la gloire de son divin Père pour notre amour.

Lorsque vous voudrez faire oraison, entrez dans ce Sacré-Cœur comme dans un oratoire où vous trouverez de quoi rendre à Dieu ce que vous lui devez, en offrant l’oraison de Notre Seigneur pour suppléer aux défauts de la vôtre; aimant Dieu par l’amour de ce divin Cœur, adorant par ses adorations, louant par ses louanges et opérant par ses opérations, et voulant par ses volontés.”

8-3-Et enfin, quelques suggestions de résolutions

“Quand je garderai le silence, je l’unirai à celui de Jésus au Saint Sacrement. Quand j’obéirai, ce sera pour honorer l’obéissance qu’il rend au prêtre. Quand je m’humilierai et mortifierai mes sens, ce sera pour honorer l’humilité qu’il y pratique et la mortification des siens. Je ferai tout mon possible pour me rendre douce et soumise, mortifiant mes ressentiments et répugnances.”

Rien que des choses simples, mais quelle perfection!


[1] Lettre à Sœur Félice-Madeleine de la Barge (27 mai 1690)

[2] Extrait des écrits de Sainte Marguerite-Marie, par ordre de la Mère de Saumaise  N° 12

[3] Extrait des écrits de Sainte Marguerite-Marie, par ordre de la Mère de Saumaise  N°16

[4] Lettre à la Mère Greyfié (1686)

[5] Extrait des écrits de Sainte Marguerite-Marie, par ordre de la Mère de Saumaise N° 7  Dans Vie et Œuvres de Sainte Marguerite-Marie

Tome 2  N° 7  Éditions Saint-Paul

[6] Extrait des écrits de Sainte Marguerite-Marie, par ordre de la Mère de Saumaise  N° 25

[7] Extrait des écrits de Sainte Marguerite-Marie, par ordre de la Mère de Saumaise  N°10

[8] Extrait des écrits de Sainte Marguerite-Marie, par ordre de la Mère de Saumaise  N° 20

[9] Extrait des écrits de Sainte Marguerite-Marie, par ordre de la Mère de Saumaise  N° 53

[10] Lettre à la Mère de Saumaise (vers 1680)

[11] Lettre à la Sœur Payelle (1681)

[12] Lettre à Sœur Félice-Madeleine de la Barge (Mars 1689)

[13] Lettre à la Mère de Saumaise (1682)

[14] Lettre à la Mère de Saumaise (1687)

[15] Lettre à la Mère de Saumaise (1684)

[16] Lettre à la Mère de Saumaise (mai 1679)

[17]  Lettre à la Mère de Saumaise (1680)

[18] Lettre à la Mère de Saumaise (1687)

[19] Lettre à la Mère Marie-Félice Dubuysson (Janvier 1689)

[20] Lettre à Sœur Félice-Madeleine de la Barge (5 janvier 1689)

[21] Lettre à Sœur Jeanne-Madeleine Joly (10 avril 1690)

[22] Lettre à Sœur Jeanne-Madeleine Joly (1689)

[23] Lettre à la Mère Greyfié (1689 ou 1690 ?)

[24] Lettre à une religieuse (non datée)

[25] Lettre à la Mère Greyfié (1685)

[26] Lettre à Sœur Jeanne-Madeleine Joly (1689)

[27] Notes de retraite de 1684

[28] Lettre à la Mère de Saumaise (12 août 1689)

[29] Lettre à  Sœur Félice-Madeleine de la Barge (21 août 1689)

[30] Lettre à la Mère de Saumaise (Juillet 1688)

[31] Lettre à la Mère Greyfié (1690 )

[32] Lettre à la Sœur de la Barge (Mars 1688)

[33] Lettre à Sœur Félice-Madeleine de la Barge (12 août 1688)

[34] Extrait des écrits de Sainte Marguerite-Marie, par ordre de la Mère de Saumaise  N° 6

[35] Lettre à la Mère de  Soudeilles (Juin 1685)

[36] Lettre à Sœur Félice-Madeleine de la Barge (1686)

[37] Lettre à la Sœur de la Barge (15 octobre 1687)

[38] Lettre à la Mère de  Soudeilles (Août 1685)

[39]Lettre à Sœur Félice-Madeleine de la Barge (22 octobre 1689)

[40]Lettre à la Mère de Saumaise (22 décembre 1689)  

[41]  Lettre à la Mère de Saumaise (1683)

[42] Lettre à une religieuse ursuline

[43] Lettre à la Mère de Saumaise

[44] Extraits de “Fragments”Publiés dans Vie et Œuvres de Sainte Marguerite-Marie Tome 2   Éditions Saint-Paul

[45] Lettre à la Mère de Saumaise (Mars 1686)

[46] Lettre à la Mère de Saumaise (Juillet 1688)

[47] Lettre à la Mère de Saumaise

[48]  Première lettre au Père Croiset (4 avril 1689)

[49] Troisième lettre au Père Croiset (15 septembre 1689)

[50] Troisième lettre au Père Croiset (15 septembre 1689)

[51] Troisième lettre au Père Croiset (15 septembre 1689)

[52] Deuxième lettre au Père Croiset (10 ou 20 août 1689)

[53] Quatrième lettre au Père Croiset (3 novembre 1689)

[54] Première lettre au Père Croiset (4 avril 1689)

[55] Deuxième lettre au Père Croiset (10 ou 20 août 1689)

[56] Première lettre au Père Croiset (4 avril 1689)

[57]  Deuxième lettre au Père Croiset (10 ou 20 août 1689)

[58] Quatrième lettre au Père Croiset (3 novembre 1689)

[59] Quatrième lettre au Père Croiset (3 novembre 1689)

[60] Sixième lettre au Père Croiset (17 janvier 1690)

[61] Neuvième lettre au Père Croiset (16 mai 1690)

[62]  Septième lettre au Père Croiset (18 février 1690)

[63] Deuxième lettre au Père Croiset (10 ou 20 août 1689)

[64] Troisième lettre au Père Croiset (15 septembre 1689)

[65] Deuxième lettre au Père Croiset (10 ou 20 août 1689)

[66] Sixième lettre au Père Croiset (17 janvier 1690)

[67] Neuvième lettre au Père Croiset

[68]Dixième lettre au Père Croiset (21 août 1690)

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