LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Chanoine L. Cristiani

UNE GRANDE MYSTIQUE LYONNAISE

JEANNE DE MATEL

FONDATRICE
DE L’ORDRE DU VERBE DIVIN
ET DU SAINT-SACREMENT
(1596-1670)

 

PORTRAIT.

Une gravure a été placée à votre intention, cher lecteur, au seuil de ce petit livre. Elle reproduit le portrait d'une des plus étonnantes mystiques du XVIIe siècle français. Et il est dû au pinceau du plus grand portraitiste de son temps, Philippe de Champagne, le peintre favori de Louis XIII et de Richelieu. Nul mieux que ce magnifique artiste ne pouvait rendre non seulement les traits de son modèle, mais les états d'âme dont ces traits n'étaient qu'une traduction fidèle autant que saisissante. Quiconque veut se faire une première idée de la Révérende Mère Jeanne Chézard de Matel, fondatrice de l'Ordre du Verbe-Incarné et du Saint-Sacrement, doit donc arrêter ses regards sur cette estampe authentique.

« Elle était, dit un biographe de la Mère de Matel, d'une taille médiocre, elle avait l'air grand et noble, le tour et les traits du visage réguliers, tout le corps dans une juste proportion, et toutes ces qualités étaient relevées par une humble modestie, une grande douceur et simplicité. Elle était toujours disposée à obliger, ce qui lui conciliait la bienveillance de tous ceux qui la voyaient. Pour les qualités de l'âme, elle les possédait dans un souverain degré. Elle était affable à tout le monde, ne méprisant personne et s'estimant méprisable à tous. Elle avait un amour singulier pour tous ceux qui étaient sincères et elle le fut parfaitement elle-même si parfaitement que, traitant avec des personnes qu'elle savait devoir la surprendre, elle n'usa jamais de déguisement... Son humilité était à l'épreuve des honneurs et des applaudissements ; elle attribuait à la complaisance les louanges que la justice faisait donner à son mérite, toujours insensible au bien qu'on disait d'elle, elle ne pensait qu'à celui qu'elle devait faire ».

Comme ces lignes commentent bien le portrait de la pieuse Mère ! Tout en elle respire en effet la droiture, la loyauté, la sincérité. Ses yeux grands ouverts sur une présence invisible, qui n'est autre que celle de la bienheureuse et très sainte Trinité, expriment le détachement de tout ce qui passe et la possession de tout ce qui demeure pour les siècles infinis. La tête est redressée sans orgueil, le maintien du corps ferme sans raideur, les mains jointes pour l'adoration et la prière mais sans affectation. Sur sa poitrine, le monogramme du Christ entouré d'une couronne d'épines, englobant aussi un cœur au dedans duquel sont inscrits ces simples mots : Amor Meus — Mon Amour, affirme sa consécration et résume ses vastes désirs d'union à Jésus.

A l'angle supérieur droit de la gravure, on lit la phrase flamboyante de l'Évangile de saint jean : Et Verbum caro factum est. En cette phrase unique, est proclamé le plus grand événement de l'histoire de la création divine. Et cet événement, qui aurait pu survenir en toute autre planète du firmament, s'est produit sur celle que nous habitons !

Jeanne de Matel fut du nombre des âmes d'élite que la Providence chargea, d'âge en âge, d'éveiller ou de ranimer l'attention trop souvent défaillante des hommes sur ce chef-d'œuvre de l'Amour divin : l'Incarnation du Verbe. Avant Jésus-Christ, il y avait eu les prophètes. Après Jésus-Christ, les apôtres, les martyrs, les contemplatifs, tous les saints.

LE BUT DE CE LIVRE.

Nous venons d'écrire' un mot que nous n'avons pas encore le droit d'employer, en son sens strict, pour la servante de Dieu, que fut Jeanne de Matel. Mais s'il est défendu de s'en servir avant le temps, il n'est pas interdit de désirer que le jour vienne où l'Église, en sa sagesse infaillible, en permettra l'usage. Le présent livre n'a d'autre but que de préparer cette glorification de Jeanne, en faisant connaître au public le plus étendu qu'il se pourra, sa vie et ses vertus, en inspirant la dévotion privée envers elle et la pensée des pieuses invocations qui pourraient obtenir de Dieu les signes miraculeux exigés pour sa béatification et sa canonisation.

Nous dirons donc ce qu'elle fut, ce qu'elle fit, ce qui suscita l'admiration et la vénération ou, en sens inverse, provoqua la méfiance et les critiques de ses contemporains. Nous ne serons pas surpris d'apprendre qu'elle fut, elle aussi, « en butte à la contradiction ». Elle n'aurait pas été aussi semblable à son divin Maître, si elle n'avait connu que des applaudissements et des triomphes. C'est pour elle aussi que saint Paul a pu dire : « Tous ceux qui veulent vivre pieusement dans le Christ jésus, auront à souffrir persécution ». (II, Timothée, III, 12.) Elle n'aurait pas été une vraie Épouse du Verbe Incarné, si elle n'avait eu à gravir le Calvaire. Bien loin d'être scandalisés de ces contradictions, dont les échos se sont prolongés jusqu'à nos jours, ce sera pour nous une raison de plus de vénérer en elle la patience et la charité du Christ.

On ne trouvera ici au surplus qu'un abrégé de sa Vie. Une note placée à la fin du volume indiquera les biographies plus développées et les documents originaux que nous n'avons fait que résumer en toute objectivité.

   

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