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TRAITE
DE LA PERFECTION
Nous joignons au Dialogue le traité de la
perfection qui est attribué à sainte Catherine de Sienne. Cet opuscule n'est
connu que par le texte latin dont le manuscrit se trouve dans la
bibliothèque du Vatican. il a été imprimé à Sienne en 1545 et en 1609, et à
Lyon en 1552, avec ce titre : Dialogus brevis sanctae Catharinae Senensis,
consummatam continens perfectionem. Gigli en a donné une traduction
italienne.
Ce traité de la perfection est-il
véritablement de sainte Catherine de Sienne ? Nous le pensons, quoique nous
n'en trouvions aucune preuve dans les écrits de ses disciples et dans les
dépositions du procès de Venise. La forme est moins riche, moins lumineuse
que celle du Dialogue ; mais le fond présente les mêmes pensées et les mêmes
enseignements, Ce traité est sans doute le résumé d'un de ces discours
admirables que sainte Catherine de Sienne adressait à ceux qui venaient lui
demander des conseils ; beaucoup de ses paroles ont été peut-être ainsi
recueillies. Le bienheureux Thomas Caffarini, son confesseur, parle d'un
traité sur les Évangiles qui auraient été fait d'après ses explications ; ce
traité n'a pas été retrouvé.
1. Une âme éclairée par l'Auteur de la lumière
considérait sa misère et sa fragilité, son ignorance et sa pente naturelle
au mal. Elle contemplait aussi la grandeur dé Dieu, sa sagesse, sa
puissance, sa bonté, tous ses attributs divins, et elle comprenait combien
il est juste et nécessaire que ce Dieu soit saintement et parfaitement
honoré.
2. Dieu est père et seigneur de toutes choses ; il
les a faites pour qu'elles louent son très saint nom et qu'elles contribuent
à sa gloire. N'est-il pas juste et convenable que le serviteur respecte son
maître, le serve et lui obéisse avec toute la fidélité possible ?
3. C'est aussi une chose nécessaire, parce que Dieu a
créé l'homme, composé d'un esprit et d'un corps, à la condition que s'il lui
rend volontairement un service fidèle jusqu'à la mort, il parviendra à la
vie éternelle. L'homme ne peut autrement acquérir cette félicité, renfermant
l'abondance de tous les biens ; mais II y en a peu qui l'obtiennent, parce
que presque tous cherchent leurs intérêts et non ceux de Dieu.
4. Cette âme voyait que les jours de l'homme sont
courts, et qu'il ignore l'instant où doit finir le temps fugitif qui lui est
donné pour mériter. En enfer, il n'y a plus de rédemption possible ; car
chacun dans la vie future reçoit justement, par une immuable et inévitable
sentence, la récompense ou le châtiment que sa manière de vivre lui aura
mérité.
5. Elle voyait combien les prédicateurs faisaient de
discours et parlaient diversement des vertus par lesquelles on honore et
sert Dieu. Elle voyait aussi le peu de capacité de la créature raisonnable,
son intelligence bornée, sa faible mémoire, qui ne peut saisir beaucoup de
choses, ni retenir fidèlement celles qu'elle a apprises. Beaucoup
s'appliquent à toujours apprendre ; mais bien peu s'efforcent d'arriver à
une vraie perfection, en servant Dieu comme il serait juste et nécessaire de
le faire. Presque tous vivent continuellement dans l'agitation de l'esprit
et s'exposent à un péril extrême.
6. A la vue de toutes ces choses, cette âme
s'adressait au Seigneur, dans l'ardeur du désir et de l'amour. Elle
conjurait la divine Majesté de vouloir bien lui donner quelques courts
préceptes pour régler saintement notre vie et la rendre aussi parfaite que
possible, en nous faisant suivre véritablement l'enseignement de l'Église et
des saintes Écritures, l'obéissance à ses préceptes devant nous faire rendre
à Dieu les honneurs qui lui sont dus, et nous mériter, après cette vie
courte et misérable, la félicité pour laquelle il nous avait créés.
7. Alors Dieu, qui inspire les saints désirs et ne
permet pas que leur ardeur soit inutile, se manifesta tout à coup à cette
âme dans l'extase, et il lui dit : Ma bien-aimée, tes désirs me ravissent ;
ils me, plaisent tant, que je suis beaucoup plus avide de les satisfaire,
que tu ne l'es toi-même de les voir satisfaits. Je souhaite ardemment vous
donner, quand vous y consentez, les grâces qui sont utiles et nécessaires à
votre salut ; aussi je m'empresse de contenter ton désir et d'agréer tes
demandes.
8. Écoute donc attentivement ce que l'ineffable et
infaillible Vérité va te dire. Je t'exposerai en peu de mots ce qu'est, ce
que renferme la vraie perfection, et toutes les vertus qu'enseignent
l'Église et les saintes Écritures. Si tu te contemples dans cette doctrine,
situ y conformes ta vie, situ t'efforces de l'observer, tu accompliras tout
ce qui est Contenu et caché dans ces paroles divines, et tu jouiras d'une
joie sans bornes et d'une paix inaltérable.
9. Apprends que le salut de mes serviteurs et leur
perfection consistent uniquement à faire ma seule volonté et à toujours
l'accomplir, à ne servir que moi, à n'honorer que moi, à ne voir que moi
dans tous les moments de leur vie. Plus ils s'y appliqueront avec ardeur, et
plus ils approcheront de la perfection ; car plus ils s'uniront et
s'attacheront par des liens intimes et forts à moi, qui suis la souveraine
perfection.
10. Ce que je te dis en ces quelques mots, tu le
comprendras plus clairement si tu regardes mon Christ, en qui j'ai mis mes
complaisances. Il s'est anéanti sous la forme d'un esclave, et il s'est
revêtu des apparences du péché. Vous étiez plongés dans d'épaisses ténèbres,
vous étiez éloignés du sentier de la vérité ; il vous a éclairés des
splendeurs de sa lumière, et vous a ramenés dans la voie droite par sa
parole et son exemple. Il a été obéissant jusqu'à la mort, et cette
obéissance persévérante vous enseigne que votre salut dépend du ferme propos
de faire ma seule volonté.
11. Quiconque voudra méditer avec soin la vie et la
doctrine de mon Fils, verra clairement que la justice et la perfection de
l'homme consistent uniquement dans une continuelle et fidèle obéissance à ma
volonté. C'est ce que votre Chef vous a répété tant de fois. N'a-t-il pas
dit : "Ce n'est pas celui qui crie : Seigneur ! Seigneur ! qui entrera dans
le royaume des cieux, mais celui qui fera la volonté de mon Père" (Mt.
VII,21) ?
12. Ce n'est pas sans raison que mon Fils a répété
deux fois : Seigneur ! Seigneur ! Toutes les existences passagères de ce
monde se partagent entre l'état religieux et l'état séculier, et il a voulu
exprimer que personne, quelle que soit sa position, ne peut acquérir la
gloire éternelle, quoiqu'il ait tout fait pour m'honorer extérieurement,
s'il n'a pas accompli ma volonté.
13. Mon Fils a dit dans un autre endroit : "Je ne suis
pas venu faire ma volonté, mais celle du Père qui m'a envoyé. Ma nourriture
est de faire la volonté de Celui qui m'a envoyé". Et autre part : "Que ce ne
soit pas ma volonté, mais la vôtre qui se fasse. C'est selon l'ordre que m'a
donné le Père que j'agis de la sorte" (Jean, VI,38 ; Vl,34 ; XIV,31).
14. Si tu veux donc imiter l'exemple de ton Sauveur,
et faire ma volonté, qui renferme tout bien, il est nécessaire qu'en toute
chose, tu renonces à ta volonté, que tu la méprises et la renies. Plus tu
mourras à toi-même, plus tu rejetteras avec soin ce qui est toi, et plus je
te donnerai avec abondance ce qui est moi.
15. Lorsque l'âme eut reçu ces salutaires enseignements
de la vérité, elle disait dans sa joie : Mon Père, mon Dieu, je ne pourrais
jamais exprimer combien je suis ravie des choses que vous avez daigné faire
entendre à votre pauvre servante ; j'en remercie de toutes mes forces votre
souveraine Bonté. Rien ne pourra mieux et plus clairement faire comprendre
ces enseignements à ma grossière intelligence, que l'exemple du Sauveur.
16. Puisque vous êtes le Bien suprême, et que vous ne
voulez pas l'iniquité, mais la justice et la vertu, je fais ce que je dois
faire si j'accomplis votre volonté, et elle l'accomplis en renonçant à la
mienne, que vous ne voulez jamais violenter ; car vous l'avez faite libre,
pour que je vous la soumette de mon plein gré ; En m'appliquant sans cesse à
faire la vôtre, je vous deviendrai plus agréable, et j'acquerrai des mérites
devant vous.
17. Je veux donc et je désire ardemment faire tout ce
que vous commandez ; mais je ne sais pas bien ce que renferme votre volonté,
et comment je puis me soumettre à vous avec zèle et fidélité. Si je ne suis
pas trop téméraire, si je n'abuse pas de votre bonté, je vous conjure
humblement d'agréer ma demande, et de me donner encore quelques courts
enseignements.
18. Alors le Seigneur répondit : Si tu désires
connaître en peu de mots ma volonté, afin de pouvoir la suivre parfaitement,
ma volonté est que tu m'aimes souverainement et toujours. Je vous ai fait le
commandement de m'aimer de tout votre cœur, de toute votre âme, de toutes
vos forces, et c'est à observer ce commandement que consiste la perfection ;
car la fin du commandement est la charité, et l'accomplissement de la loi
est l'amour.
19. L'âme reprit : Je comprends que votre volonté et ma
perfection se trouvent dans votre amour, et je voudrais vous aimer, comme je
le dois, d'un amour ardent et souverain ; mais je ne sais pas assez comment
je puis et je dois le faire. Je vous supplie donc de vouloir bien
m'instruire à ce sujet.
20. Dieu lui dit : Écoute et médite de toute
l'application de ton esprit ce que je vais te dire. Pour m'aimer
parfaitement, trois choses sont nécessaires. Il faut d'abord éloigner,
séparer, retrancher ta volonté de tout amour et de tout attachement
terrestre et charnel, de sorte qu'aucune chose passagère et périssable ne
puisse te plaire en cette vie, si ce n'est pour moi.
21. La chose la plus importante, c'est qu'il ne faut
pas que tu m'aimes pour toi, que tu t'aimes pour toi et que tu aimes le
prochain pour toi ; il faut que tu m'aimes pour moi ; que tu t'aimes pour
moi, et que tu aimes le prochain pour moi.
22. L'amour divin ne peut souffrir la société d'un
autre amour. Selon que tu seras souillée de la contagion des choses de la
terre, tu seras privée de mon amour et tu perdras la perfection ; car, pour
être pure et sainte, il est nécessaire que l'âme méprise toutes les choses
sensibles. Fais donc en sorte qu'aucune des choses que ma bonté vous a
données pour votre usage ne t'empêche de m'aimer. Que toutes, au contraire,
t'aident, t'excitent et t'enflamment pour moi ; car si je les ai créées, et
je vous les ai données, c'est afin que, connaissant davantage la grandeur de
ma bonté, vous m'aimiez d'un plus grand amour.
23. Applique-toi donc à soumettre au frein de la
continence tes sens et tes désirs : garde-fui avec vigilance, et résiste
avec courage aux concupiscences de la terre, que font naître de toute part
les conditions de cette vie malheureuse et la corruption de la nature. Fais
en sorte de pouvoir dire avec mon prophète : "C'est lui qui a formé mes
pieds (c'est-à-dire mes affections, qui sont les pieds de l'âme) comme ceux
du cerf, pour fuir les chiens ( c'est-à-dire les liens de la concupiscence),
et il m'a placée sur les hauteurs" (Ps. XVII,34), c'est-à-dire dans
la contemplation.
24. Aussitôt que tu auras observé ce premier
enseignement, tu pourras accomplir le second, qui est d'une plus grande
perfection : c'est que toutes tes pensées, tes actes et tes opérations aient
pour unique but mon bonheur et ma gloire. Il faut t'appliquer sans cesse à
me louer par tes prières, tes paroles, tes exemples. Il faut non seulement
le faire, mais encore y porter autant que tu le pourras les autres, afin que
tous me connaissent, m'aiment et m'honorent uniquement. Ce moyen me plaît
plus que le premier, parce qu'il accomplit plus ma volonté.
25. Quant au troisième enseignement qui reste, si tu le
suis, sois persuadée que rien ne te manquera, et que tu arriveras à la
justice parfaite. Voici en quoi il consiste : il faut chercher avec un
ardent désir, et t'efforcer d'atteindre une disposition d'esprit telle, que
tu me sois si unie, et que ta volonté soit si conforme à la mienne, que tu
ne veuilles jamais non seulement le mal, mais encore le bien que je ne veux
pas.
26. Quoi qu'il arrive au milieu des misères de cette
vie, dans les choses temporelles ou spirituelles, rien ne doit détruire la
paix ou troubler le calme de ton esprit. Il faut au contraire croire avec
une foi inébranlable que moi, le Dieu tout puissant, je t'aime plus que tu
ne t'aimes toi-même, et que j'ai pour toi plus de soin et de sollicitude que
tu ne peux en avoir toi-même. Plus tu t'abandonneras, plus tu te confieras
en moi, et plus je t'aiderai, plus je te serai présent, plus tu connaîtras
et sentiras parfaitement la douceur de ma charité envers toi.
27. Tu ne peux arriver à cette perfection que par un
entier et perpétuel renoncement à ta propre volonté. Quiconque n'apporte pas
ce renoncement dans toutes ses oeuvres manque par cela même à la vraie
perfection ; mais celui qui le pratique avec joie accomplit parfaitement ma
volonté. Celui-là m'est très agréable ; car rien ne m'est plus doux que
d'agir avec vous par la grâce et d'habiter en vos âmes.
28. Mes délices sont d'être avec les enfants des
hommes. Je ne veux pas violer les droits de leur libre arbitre ; mais dès
qu'ils m'acceptent par la grâce, ils sont transformés en moi, tellement
qu'ils sont une même chose avec moi par la participation de ma perfection,
de ma paix particulière et de mon repos.
29. Afin que tu comprennes mieux avec quelle ardeur je
désire être avec, vous, et que tu te presses de soumettre et d'unir ta
volonté à la mienne, vois et considère attentivement que j'ai voulu que mon
Fils unique s'incarnât, et que ma divinité, dépouillée de l'éclat de sa
majesté, s'unît à votre humanité. C'est par cette preuve d'amour que je vous
ai invités, excités à unir votre volonté à la mienne, et à vous attacher
toujours à moi seul.
30. J'ai voulu que mon Fils bien-aimé s'assujettît à
la mort cruelle et ignominieuse de la Croix, afin que par ses tourments il
effaçât votre péché. Car le péché avait établi entre moi et vous une rupture
qui m'avait obligé de détourner de vous mes regards.
31. Je vous ai aussi apprêté ce festin si grand et si
peu connu, le Sacrement du corps et du sang de mon Fils. En le prenant pour
nourriture, vous êtes transformés et changés en moi. De même que le pain et
le vin dont vous vous nourrissez passe dans la substance de votre corps, de
même, en vous nourrissant de lui, mon Fils, qui est une même chose avec moi,
pénètre votre substance spirituelle sous les apparences du pain et du vin,
et vous vous convertissez en moi. C'est ce que j'exprimais à mon serviteur
Augustin lorsque je lui disais : "Je suis la nourriture des grands. Crois et
mange, tu ne me changeras pas en toi, mais tu seras changé en moi" (Cibus
sum grandium : credete manducabis ; nec tu me mutabis in te, sed tu
mutaberis in me.)
32. Cette âme comprit alors ce qu'était la volonté de
Dieu ; elle vit que, pour l'accomplir, la charité parfaite est nécessaire,
et que la charité parfaite consiste dans le renoncement de la volonté
propre. Seigneur mon Dieu, dit-elle, vous m'avez fait connaître votre
volonté, vous m'avez expliqué que si je vous aime parfaitement, je n'aimerai
aucune chose terrestre et périssable pour moi-même, mais que j'aimerai tout
à cause de vous et pour vous. Vous m'avez dit que je devais chercher en
toute occasion votre honneur et votre gloire, et porter mon prochain à le
faire également. Vous m'avez dit que dans toutes les adversités que je
rencontrerais pendant cette malheureuse vie, je devais m'appliquer à
souffrir avec un esprit indifférent, tranquille et joyeux.
33. Puisque tontes ces choses doivent se faire par le
renoncement de ma volonté propre, enseignez-moi, je vous prie, le moyen
d'arriver à ce renoncement et d'acquérir, de conserver une si grande vertu ;
car, je le vois à la lumière de votre doctrine, je vivrai en vous autant que
je mourrai en moi.
34. Alors Dieu, qui ne trompe jamais les saints
désirs, ajouta : II est certain que tout bonheur consiste dans le parfait
renoncement de toi-même : Je te remplirai de ma grâce à mesure que tu te
dépouilleras de ta volonté. La communication de ma bonté divine fera ta
perfection par la grâce, sans laquelle la créature humaine n'est rien en
vertu et en dignité.
35. Si tu veux donc arriver à cette perfection, tu
dois, avec une humilité profonde, avec une véritable et intime connaissance
de ta misère et de ta pauvreté, travailler à une seule chose et la désirer
sans cesse : obéir à moi seul et accomplir en tout ma volonté. Pour y
parvenir, il est nécessaire qu'au moyen de ton imagination et de ton
jugement, tu te construises en toi-même une cellule entièrement fermée par
les ordres de ma volonté, pour t'y cacher et y habiter sans cesse. Quelque
part que tu ailles, n'en sors jamais. Quelque chose que tu regardes, n'en
détache jamais les yeux.
36. Que tous les mouvements de ton esprit et de ton
corps Soient toujours dirigés vers ma volonté. Ne parle, ne pense et n'agis
que pour me plaire et pour accomplir ce qui te semblera être ma volonté ; et
de cette manière, dans tout ce que tu feras, le Saint Esprit sera ton
maître.
37. On peut arriver aussi par une autre voie au
renoncement de la volonté propre. Si tu rencontres quelqu'un qui puisse
t'instruire et te gouverner selon mon bon plaisir, tu lui assujettiras ta
propre volonté. Tu te confieras entièrement à lui pour lui obéir en toutes
choses, et suivre continuellement ses conseils. Car celui qui écoute mes
serviteurs prudents et fidèles m'écoute moi-même.
38. Ce que je veux aussi, c'est qu'avec une foi ferme
et une ardeur infatigable tu médites sur moi, ton Dieu, qui t'ai créée pour
jouir de la béatitude. Je suis l'Être éternel, souverain, tout, puissant. Je
fais pour vous tout ce qui rue plait. Rien ne peut résister à ma volonté, et
rien ne peut vous arriver sans elle ; car rien ne se fait sans ma
permission. Le prophète Amos l'a dit : "Aucun mal n'arrive à la cité sans
moi ou sans ma permission" (Amos. III, 6).
39. Songe que moi ton Dieu, je suis la plénitude de la
sagesse, de la science et de l'intelligence, que je vois toutes les choses
avec certitude, et que je les pénètre intimement. En te gouvernant, en
gouvernant le ciel et la terre et le monde entier, je ne puis jamais être
trompé ni égaré par quelque erreur. S'il en était autrement, je ne serais
pas Dieu et la Sagesse suprême. Pour que tu comprennes l'efficacité de ma
sagesse, apprends que, de la faute et du châtiment, je tire un bien plus
grand que le mal même.
40. Considère enfin que je suis un Dieu souverainement
bon et que mon amour me fait nécessairement vouloir tout ce qui vous est
utile et salutaire. Il ne peut venir de moi aucun mal, aucune haine. C'est
par bonté que j'ai créé l'homme, et je l'aime toujours d'une ineffable
tendresse.
41. Lorsqu'une foi ferme et inébranlable, une
méditation profonde t'auront convaincue de ces vérités, ta connaîtras que
les tribulations, les tentations, les difficultés, les maladies et toutes
les choses contraires de la vie vous sont toujours envoyées par ma
providence pour votre salut. Ce qui vous parait fâcheux doit vous corriger
de votre malice et vous conduire à la vertu, par laquelle on acquiert le
vrai, le souverain bien que vous ne connaissez pas.
42. La lumière de la foi doit aussi t'apprendre que je
sais, je veux et je puis accomplir ton bonheur mieux que toi-même. Tu ne
peux rien faire, savoir et vouloir, sans ma grâce. Tu dois donc apporter
tous tes soins à soumettre entièrement ta volonté à la volonté divine. En le
faisant, ton âme se reposera dans la paix, et tu m'auras toujours avec toi,
car j'habite dans la paix.
43. Tu ne souffriras d'aucun scandale, et rien ne
pourra te faire tomber. Une paix profonde est le partage de ceux qui aiment
mon nom ; aucune cause ne les ébranle, parce qu'ils aiment uniquement ma
loi, c'est-à-dire ma volonté ; et ma loi est ce qui gouverne toutes choses.
Ils me sont si intimement unis par elle, ils aiment tant l'observer, que
rien au monde ne peut les attrister, excepté le péché, parce qu'il me fait
injure.
44. Ils voient avec le regard pur et tranquille de
l'âme que moi, le Maître souverain de l'univers, je gouverne tout avec une
sagesse, un ordre et une charité infinis. Ils savent, par conséquent, que ce
qui leur arrive est bon. Je choisis le meilleur pour eux, et je pourvois
plus utilement à leurs besoins qu'ils ne pourraient eux-mêmes le savoir, le
vouloir et le pouvoir faire.
45. II en est de même des épreuves qu'ils supportent.
Comme ils m'attribuent les évènements, au lieu de les attribuer au prochain,
ils sont tellement affermis dans une invincible patience qu'ils souffrent
tout, non seulement avec calme, mais encore avec joie et bonheur. Dans tout
ce qui leur arrive à l'intérieur et à l'extérieur, ils goûtent la douceur de
mon ineffable charité.
46. C'est savoir apprécier ma bonté que de croire et
de penser avec reconnaissance, au milieu des difficultés et des
tribulations, que je dispose de tout avec douceur, et que tout découle de la
source élevée de mon amour. Une seule chose peut corrompre et détruire le
bien de cette salutaire pensée et de cette sainte disposition, c'est la
volonté propre, l'amour de vous-mêmes. Si vous vous séparez de cette
volonté, de cet amour, vous vous séparez de l'enfer des flammes éternelles
préparées à l'âme et au corps des maudits : vous vous séparez aussi de
l'enfer des agitations de l'esprit et des tempêtes de l'adversité, que les
hommes aveugles souffrent sur cette terre.
47. Ainsi, ma fille, situ désires vivre dans ce siècle
périssable et trompeur par la grâce, et dans l'éternité bienheureuse par la
gloire, il faut mourir en te renonçant toi-même et en déposant ta volonté
propre. Car bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur, et
bienheureux les pauvres d'esprit, parce qu'ils me voient pendant leur
pèlerinage par l'union de l'amour, pour me voir ensuite par la gloire, dans
les splendeurs de la patrie.
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