LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

RÉVÉLATIONS CÉLESTES

Livre IV

— Chapitres 26 à 50 —

CHAPITRE 26

Il y a plusieurs fleurs en un arbre , mais toutes n’apportent pas de fruit . De même il y a plusieurs bonne œuvres , mais toutes ne méritent pas récompense céleste , si elles ne sont faites avec discrétion , car jeûner , prier , visiter les lieux saints , sont des œuvres vertueuses ; mais si l’homme ne les fait à cette intention et avec cet esprit , qu’il espère que , par l’humilité , il pénètrera les cieux , qu’il croit qu’il est en tout serviteur inutile ,et qu’il ait en toutes choses une grande discrétion , car autrement , elles profitent bien peu pour le ciel.

Représentez-vous deux hommes , l’un libre , et l’autre obligé à obéir . Si celui qui est libre jeûne , il a le mérite simple du jeûne . Que si celui qui est obligé à l’obéissance , mange de la viande selon l’obéissance de la règle , il jeûnerait néanmoins par dévotion , si l’obéissance le permettait : celui-là aura double mérite , l’un de l’obéissance , l’autre pour n’avoir effectué ses désirs et pour n’avoir fait sa volonté.

Partant , demeurez comme une épouse qui prépare d’abord son lit nuptial avant que l’époux vienne . En premier lieu , soyez comme une mère qui prépare ses vêtements avant que l’enfant naisse ; en deuxième lieu , comme un arbre qui pousse plus tôt les fleurs que les fruits ; en troisième lieu , soyez comme un vase pur , disposé à recevoir la liqueur avant qu’on l’y verse.


Ici la Sainte Vierge Marie se plaint à sa fille sainte Brigitte de quelque dévot feint qu’elle compare à celui qui porte les armes en guerre corporelle , et est mal armé.

CHAPITRE 27

La Sainte Mère de Dieu dit à sainte Brigitte : Celui-là dit qu’il m’aime ; mais quand il me sert , il me tourne le dos . Or , quand je lui parle , il me dit : Que dit-vous ? et détourne ses yeux de moi , et les jette à ce qui lui plaît le plus.

Il est admirablement armé comme celui qui est exposé à une guerre corporelle , le heaume duquel aurait les yeux derrière la tête , le bouclier duquel serait aux épaules au lieu de l’avoir au bras ; duquel les gaines et le fourreau seraient vides , ayant jeté l’épée et le couteau ; la cuirasse duquel , qui doit couvrir le corps et la poitrine , serait sur la selle , les sangles de laquelle seraient lâchées : de même cet homme est spirituellement armé devant Dieu , et c’est pourquoi il ne sait discerner entre ami et ennemi , ni ne sait offenser son ennemi.

L’esprit avec lequel il combat est semblable à celui qui raisonne en son esprit , disant : Je veux être le dernier au combat , afin que je puisse voir si les premiers perdront . Que s’ils surmontent, je viendrai avec tant d’impétuosité que je serai compté des premiers . Partant , celui qu’il a envoyé à la guerre a suivi la sagesse charnelle , et non Dieu.

La Sainte Vierge Marie parle à sa fille de trois sortes de tribulations qui sont désignées par trois sortes de pains.

CHAPITRE 28

La sainte Mère de Dieu parle : Là où se trouve de la pâte pour faire du pain , là il faut grandement considérer et travailler . Mais Notre-Seigneur apporte et met à table du pain de froment , et on donne à la communauté un mauvais pain . Il y a une troisième sorte de pain pire que l’on donne aux chiens. Par la considération , il faut entendre la tribulation , car l’homme spirituel et dévot s’afflige grandement qu’on ne lui rende l’honneur qu’on lui doit , et qu’on ait si peu d’amour en son endroit.

Tous ceux donc qui sont affligés de la sorte , sont ce blé qui réjouit Dieu et tous les citoyens célestes. Or , tous ceux qui se troublent pour les adversités du monde , ceux-là sont comme un méchant pain , néanmoins il profite à plusieurs pour obtenir le ciel ; mais ceux qui s’affligent pour ne pouvoir faire le mal qu’ils désirent , ceux-là sont le pain des chiens qui sont en enfer.


La Sainte Vierge Marie dit à sa fille comment il y a des démons qui veulent précipiter les hommes , quelques autres pour les retarder , quelques autres pour les tenter en leurs abstinences , et de la manière qu’il faut tenir contre eux.

CHAPITRE 29

La Sainte Mère de Dieu parle à sainte Brigitte : Tous ceux que vous voyez qui vous entourent , sont vos ennemis spirituels , savoir , l’esprit du diable , car ceux qui ont des perches esquelles vous voyez des lacets , ce sont ceux qui vous veulent précipiter dans les péchés mortels.

Ceux que vous voyez avoir des crochets en leurs mains , ce sont ceux qui vous veulent retarder du service de Dieu , afin que vous soyez oisive à bien faire . Ceux qui ont des instruments où il y a plusieurs dents comme des fourches , avec lesquels on pousse ou on retire ce que l’homme désire , ce sont ceux qui vous suggèrent d’entreprendre des biens par-dessus vos forces , savoir , dans les veilles , jeûnes , oraisons , labeurs , ou en d’irraisonnables dépenses d’argent . Or donc , ces esprits sont désireux de vous nuire ; soyez donc constante à ne vouloir offenser Dieu et à demander son secours contre leur cruauté , et alors , leurs menaces ne vous nuiront point.

La Sainte Vierge parle à sa fille sainte Brigitte , lui disant que les choses belles et précieuses du monde , ne nuisent point aux serviteurs de Dieu , quand ils en usent pour l’honneur de Dieu, à l’exemple de saint Paul.

CHAPITRE 30

Il est écrit que saint Paul , ce grand apôtre , dit devant ce prince qui tenait captif saint Pierre , qu’il était sage , et appela saint Pierre pauvre . Et il ne pécha pas en cela , d’autant que ses paroles tendaient à l’honneur et à la gloire de Dieu . Il en est de même de ceux qui veulent parler aux grands: que s’ils n’y peuvent entrer sans être bien habillés , ils ne pèchent point , pourvu que les pierre précieuses , l’or et l’argent , ne soient non plus en affection et estime dans leurs cœurs , que leurs vêtements ordinaires , car tout ce qui apparaît beau , précieux et luisant , n’est que terre.

La sainte Mère de Dieu montre à sainte Brigitte , et prouve par exemple que les prédicateurs et amis de Dieu sont non moins couronnés devant Dieu , s’ils ne convertissent les hommes , que s’ils les convertissaient , ayant la droite et pure intention de le faire.

CHAPITRE 31

La Mère de Dieu parle , disant : Celui qui conduit les ouvriers au travail , disant ; Portez du sable du rivage , et regardez grain à grain si vous trouverez quelque grain d’or , celui-là n’aurait pas moins de récompense de n’en avoir pas trouvé que d’en avoir trouvé.

Il en est de même aussi de celui qui , par, parole et par exemple , tâche d’avancer le salut des âmes , car il n’aura pas moins de récompense de n’en avoir converti pas un que d’en avoir converti plusieurs ; car comme le maître dit par exemple : Le combattant qui , au commandement de son maître , va à la guerre avec désir de batailler fortement et généreusement , s’en retournant blessé sans aucun captif , n’en obtiendrait pas moins de récompense d’avoir été vaincu que s’il eût vaincu , à raison de sa bonne volonté : de même en est-il avec les amis de Dieu , car pour chacune des paroles qu’ils auront dites , pour chacune des œuvres qu’ils auront faites pour l’amour de Dieu et pour l’amendement des âmes , et pour chaque heure de tribulation qu’ils endurent pour l’amour de Dieu , ils sont couronnés , soit que plusieurs se convertissent , soit que pas un ne se convertisse.

La Sainte Vierge Marie , Mère de Dieu , parle à sainte Brigitte de son infinie miséricorde à l’endroit des pécheurs , et à l’endroit de ceux qui la louent et qui l’honneur.

CHAPITRE 32

La sainte Mère de Dieu dit à sainte Brigitte : C’est une maxime qui court parmi vous : Il ne peut sortir de mon pays avec un tel . J’en dis de même maintenant qu’il n’y a pas tel et si grand pécheur au monde , qui dit de cœur que mon Fils est Créateur et Rédempteur de tous , qu’il est son ami intime et de cœur , que soudain je ne sois disposée à venir à lui , comme une mère charitable vient à son fils , l’embrassant et lui disant : Qu’est-ce qu’il vous plaît , ô mon fils?

Et quand même il aurait mérité les peines horribles de l’enfer , et qu’il aurait volonté de ne soucier des honneurs du monde , ni des cupidités et affections de la chair , que l’Eglise déteste , et qu’il ne désirerait rien plus que son seul entretien , lors lui et moi serions aussitôt amis.

Dites donc à celui qui compose un chant et une hymne à ma louange , non à sa louange ni récompense propre , mais pour la louange de celui qui , à raison de toutes ses œuvres , est digne de louange , que , comme les princes du monde donnent des récompenses à ceux qui les louent , de même je les récompenserai spirituellement ; car comme une syllabe a sur soi plusieurs notes, de même Dieu se plaît à lui donner autant de couronnes pour chaque syllabe qui est au chant ; et on dira de lui : Voici venir celui qui loue , qui n’a point dicté ni composé le chant pour quelque bien temporel , mais seulement pour l’honneur de Dieu.

DECLARATION

Celui-ci , étant tenté sur le mystère de la sainte Trinité , étant ravi en extase , vit comme trois faces de femmes. Le première lui dit : j’ai été mariée plusieurs fois . Je n’ai jamais vu celui qui est un et trine.

La seconde répondit : S’ils sont trois et un , il est nécessaire que l’un soit premier et l’autre dernier , ou que deux soient en un . Et la troisième ajouta : Ils ne peuvent pas se faire eux-mêmes : qui les a donc faits ? Et alors le Saint-Esprit dit clairement : nous viendrons à lui et demeurerons avec lui . Et s’éveillant , il a été délivré de la tentation.

Après ceci , Jésus-Christ dit à sainte Brigitte : Je suis Dieu , qui est trine en personne et un en essence . Je vous veux montrer quelle est la puissance du Père , quelle la sagesse du fils , quelle la vertu du Saint-Esprit . Et cette révélation a été accomplie là ou il parle du pupitre . D’ailleurs , Notre-Seigneur lui dit : Dite-lui qu’il méritera plus devant moi par son infirmité que par sa sainteté , car le Lazare a été plus beau et plus éclatant par sa douleur , et Job plus aimé par sa patience , et néanmoins , mes élus ne me déplaisent point quand ils sont saints , car leur cœur est toujours avec moi , et leur corps est toujours retenu par une discrète abstinence et labeur.

Sainte Brigitte , épouse , dit ici des choses notables de la ville de Rome , proposant comme par question les consolations , ordres , dévotions , dont jouissaient anciennement tous les Romains , tant clerc que laïques , etc . Pourquoi maintenant tout cela est changé, hélas ! en désolation , désordre et abomination , comme il paraît ès susdites choses . Combien malheureuse est Rome corporellement et spirituellement.

CHAPITRE 33

Mon révérend Seigneur , je vous prie qu’entre autre choses , on avertisse le pape , qu’on lui dise combien faible est l’état de Rome , qui était autrefois heureux corporellement et spirituellement , mais maintenant malheureux en ces deux manières : corporellement, d’autant que ses princes séculiers , qui devaient être sa défense et sa protection , lui sont des larrons très cruels . C’est pourquoi plusieurs de leurs maisons sont détruites , plusieurs églises entièrement ruinées et désolées , dans lesquelles il y a plusieurs ossements de saints qui reluisent en plusieurs miracles , les âmes desquels sont éminemment couronnées au royaume de Dieu.
Leurs temples , aussi tout découverts et dont les murailles sont abattues , sont changés en décharges des hommes des champs et des bêtes.

Spirituellement , cette ville est malheureuse , d’autant que plusieurs constitutions et ordonnances , que plusieurs papes inspirés du Saint-esprit avaient faites , sont maintenant effacées de l’Eglise , au lieu desquelles , ô malheur trop funeste ! plusieurs nouveaux abus se sont introduit par la suggestion du diable , contre la révérence de Dieu et le salut des âmes.

La constitution de l’Eglise était que les clercs allassent aux ordres sacrés , ayant une vie dévote et bienheureuse , servant Dieu incessamment et dévotement , montrant aux autres par bonne œuvres la voie du paradis ; et à tels on donnait les rentes de l’Eglise . Mais maintenant , un abus est notre Eglise , que les laïques ont les biens de l’Eglise , qui ne se marient point , pour porter le nom de chanoine , mais impudemment ; ils ont le jours des concubines en leurs maisons , et la nuit en leurs lits , disant audacieusement : Il ne nous est pas loisible d’avoir des femmes , car nous sommes chanoines.

Autrefois aussi , les prêtres , diacres et sous-diacres avaient grandement en horreur l’infamie d’une vie immonde . Or , maintenant , quelques-uns d’iceux , au lieu d’en rougir , en tirent vanité . Partant, telle sorte de prêtres doivent plus justement être appelés lions du diable , que clercs ordonnés de Dieu souverain.

Les saint Pères , comme saint Benoît et autres , ont fait des règles par licence des souverains pontifes , bâtissant des monastères , où les abbés avait coutume de demeurer avec leurs frères , célébrant dévotement les heures du jour et de la nuit , informant et instruisant soigneusement les moines à bien vivre . Lors certainement , il leur était à joie et à contentement de visiter leurs monastères , quand , jour et nuit , les moines rendaient à Dieu , en chantant , l’honneur et la gloire . Les criminels se corrigeaient par l’éclat de leur bonne vie , et les bons étaient affermis en leurs résolutions par la divine doctrine des prélats , voire les âmes qui étaient en purgatoire en étaient affranchies par leur dévotes prières.

Lors le moine qui observait très bien sa règle , était en un grand honneur devant Dieu et devant les hommes , et celui qui ne l’observait pas , savait qu’il encourait le dommage et le scandale de tous . Lors , un chacun pouvait discerner par l’habit quel moine il était.

Mais contre cette honnête coutume, est né en plusieurs un abus détestable , car les abbés demeurent souvent en leurs châteaux , dans les villes , où il leur plaît . C’est pourquoi il est sanglant et douloureux de visiter maintenant les monastères , car on voit si peu de moines au chœur , à l’heure où il faut dire les heures , ou voire quelquefois aucun ne s’y trouve , où aussi on lit si peu , et souvent on n’y chante rien , et on demeure plusieurs jours sans y dire la sainte messe. Les bons sont molestés et moqués de la mauvaise volonté de ces religieux , et les méchants se rendent pires de leur mauvaise conversation.

Il faut aussi craindre que peu d’âmes reçoivent de leur prières du soulagement dans leurs peines .Il y a aussi dans la ville plusieurs habitations de moines , et chacun a sa maison pour soi ; et quelques-uns baisent un enfant à l’arrivée de leurs amis , disant : Voici mon fils.
A grand’peine aussi peut-on connaître un moine par l’habit , car la tunique , qui autrefois tombait sur les pieds , maintenant couvre à peine les genoux ; leurs manches , qui étaient autrefois grande et larges , sont maintenant étroites et tirées . On porte maintenant un glaive au lieu de tablettes et d’un style , et à grand ‘peine peut-on trouver maintenant un habit par lequel on puisse connaître un moine, hormis le scapulaire , qu’on cache souvent , afin qu’on ne le voie , comme si c’était scandale de porter un habit monacal.

Quelques autres n’ont point de honte de porter une cuirasse et des armes sous leur tunique , afin qu’après le crépuscule , ils puissent faire ce qui leur plaît.
Il y a aussi de grands saints qui ont abandonné de grandes richesses , embrassant une règle avec la pauvreté , qui rejetèrent toute sorte de cupidités , ne voulant avoir rien de propre.
Ils abhorraient toute sorte de superbe et de pompe du monde , se couvrant de pauvres habits , détestant et ayant en abomination la concupiscence de la chair , c’est pourquoi ils ont vécu purement . Or , ceux-ci et leur frères sont appelés mondains , les règles desquels les souverains pontifes ont confirmées , se réjouissant que quelques-uns voulussent embrasser une telle manière de vivre pour l’honneur de Dieu et le salut des âmes ; mais maintenant , ce leur est un grand regret au cœur de voir leurs règles changées en des abus détestables ,et n’être aucunement gardées , comme celles de saint Augustin , de saint Dominique et de saint François , qu’ils avaient dictées par l’Esprit de Dieu, et que plusieurs hommes riches et nobles avaient exactement gardées.

Car de fait , on trouve maintenant plusieurs hommes qui sont appelés riches , qui sont aussi pauvres dans leurs coffres que ceux qui ont fait vœu de pauvreté , comme la renommée en est partout . C’est pourquoi plusieurs d’entre eux ont de propre ce que leurs règles ont défendu , se réjouissant plus de leur propre exécrable que de la sainte et glorieuse pauvreté . Ils se glorifient aussi , d’autant que leurs habits sont d’étoffes aussi riches et précieuses que ceux des évêques riches .D’ailleurs , il y a des monastères érigés par saint Grégoire et par d’autres saints , à cette fin et intention que les femmes y seraient tellement recluses qu’à peine on les pourrait voir en toute leur vie.

Or , maintenant , il y a des abus si détestables , en ce qu’on donne indifféremment l’entrée à clercs laïques et aux sœurs auxquelles on se plaît ; voire leurs portes sont même ouvertes la nuit . Et partant ces lieux sont maintenant plus semblables aux lieux infâmes qu’à des monastères , à des cloîtres saints et sacrés.

Il y avait aussi une autre constitution en l’Eglise , qui défendait qu’aucun ne prendrait de l’argent pour ouïr les confessions , mais seulement des lettres qu’on leur dépêchait , comme il était juste d’en recevoir , quand le pénitencier en avait extrêmement besoin . Mais entre ceux-ci un autre abus s’est glissé : c’est que les riches , ayant fait leur confession , offrent et donnent ce qui leur plaît . Mais avant la confession , on pactise avec les pauvres . Et certainement , les pénitenciers n’ont point honte de mettre leur argent en leur bourse pendant qu’ils absolvent.

Il a été ordonné en l’Eglise , 1° que chaque personne laïque se confesserait une fois l’an , et pour le moins , recevrait le corps de Notre-Seigneur , car les clercs et les cloîtrés le font plus souvent en l’année.
2° Il fut ordonné que ceux qui ne pouvaient être continents se marieraient ; 3° que tous les chrétiens jeûneraient au carême , les Quatre-Temps , et à toutes les vigiles des fêtes , ce qui est assez connu d’un chacun , excepté de ceux qui sont atteints d’une grande infirmité ou qui sont en de grandes douleurs . 4° Il fut ordonné que chacun s’abstiendrait , les jours de fête , de tout labeur mondain et manuel.
5° Il fut aussi ordonné qu’aucun ne gagnerait par usure.

Mais au lieu de ces cinq ordonnances très bonnes , se sont glissés cinq autres abus déshonnêtes et grandement nuisibles : 1° il y a à Rome cent personnes parvenues à l’âge de discrétion , qui meurent sans jamais avoir fait leur confession , et n’avoir non plus reçu le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ que de vrais idolâtres . J’en excepte les prêtres et religieux , et quelques femmes de dévotion , qui se confessent et communient souvent.

2° Plusieurs prennent en mariage des femmes légitimes . Que s’ils ont des discussions avec elles , ils les laissent autant qu’il leur plaît , sans avoir recours à la puissance ecclésiastique , prennent pour femmes des adultères , les ayant en honneur et les aimant . Quelques autres n’ont point horreur d’avoir en leurs maisons l’adultère avec la femme légitime , se réjouissant de les voir en même maison.

3° Plusieurs personnes saines mangent de la viande dans le carême , et parmi une grande multitude , il y en a peu qui soient contentes d’un seul repas le jour . On en trouve aussi d’autre qui , le jour , s’abstiennent de la viande , mange des viandes de carême, mais qui , la nuit , en quelque logis , se saoulent de chair . Certainement , les clercs et les laïques font cela , et sont semblables aux Sarrasins, qui jeûnent le jour , et qui , la nuit , se remplissent de chair.

4° Bien que quelques ouvriers ne travaillent point les jours de fête , néanmoins , les riches en tels jours envoient leurs valets travailler à leurs vignes , labourer aux champs , couper du bois en leurs forêts et l’apporter en leurs maisons , et de la sorte , les pauvres valets n’ont pas plus de repos les fêtes que les autres jours.
5° Les chrétiens exercent l’usure comme les Juifs , et en vérité , les usuriers chrétiens sont plus insatiables et plus cupides que les Juifs!

Il a été encore ordonné dans l’Eglise que ceux qui auraient introduit tels abus seraient anathématisés. Il y en a plusieurs qui abhorrent autant la malédiction que la bénédiction , et bien qu’ils sachent qu’ils sont excommuniés publiquement , n’évitent point de rentrer dans l’Eglise ni de parler avec les hommes , car il y a peu de prêtres qui défendent l’entrée de l’Eglise aux excommuniés ; peu aussi ont en abomination la conversation des excommuniés , s’ils sont conjoints par quelques liens d’amitié ; ils ne refusent pas non plus la sépulture aux excommuniés , pourvu qu’ils soient riches.

N’admirez dons point , mon Seigneur , si j’ai appelé malheureuse la ville de Rome , à raison de tels abus , et de plusieurs autres choses contraires aux saints décrets de l’Eglise . C’est pourquoi il faut craindre que la foi catholique dépérira bientôt , si ce n’est que quelqu’un arrive qui aime Dieu par-dessus toutes choses , et son prochain comme soi même , abolissant tous les abus avec une foi non feinte . Afin que le clergé aime Dieu de tout son cœur , abhorrant les coutumes pernicieuses , compatissez donc avec l’Eglise et le clergé , qui , à cause de l’absence du pape , ont été comme des orphelins , et néanmoins ont défendu en amour d’enfants le siège de leur père , et ont sagement résisté aux traités , persévérant en la défense , au milieu de plusieurs tribulations.

Il est traité ici d’une vision que sainte Brigitte , épouse , eut des peines diverses qu’on préparait à une âme qui était encore dans le corps , et en quelle manière tout ce genre de peines se devait changer en un très grand honneur et gloire , si elle se fût convertie avant de mourir.

CHAPITRE 34

Il me semblait que je voyais des hommes debout , qui préparaient , les uns des cordes , les autres des chevaux ; les autres dressaient un supplice ; et tandis que je voyais ceci , il apparut une vierge comme troublée , me disant si j’entendais ceci ; et moi répondant que je ne l’entendais point , elle me dit : Tout ce que vous voyez , c’est une peine spirituelle qu’on prépare à cette âme que vous connaissez . Ces cordes serviront pour lier le cheval qui traînera cette âme , et ces forces serviront pour déchirer le nez , les yeux , les oreilles et les lèvres , et la fourche est pour la pendre.

Et lorsque je me troublais de toutes ces choses , cette vierge me dit derechef : Ne vous troublez pas , car il est temps encore : si elle veut elle peut rompre les cordes , renverser les chevaux , faire fondre les forces comme de la cire , et ôter le poteau . Et davantage , elle peut avoir une si ardente charité envers Dieu, que tous ces signes de peines lui réussiront à un très grand honneur , de sorte que les cordes dont elle devait être liée , se changeront en des ceintures d’or ; au lieu des chevaux avec lesquels elle devait être traînée par les rues , on lui enverra des anges qui la conduiront devant Dieu : au lieu des forces avec lesquelles elles devait être déchirée , on donnera à son nez des odeurs suaves , à sa bouche de bonnes saveurs , à ses yeux de beaux objets , à ses oreilles une agréable et délectable mélodie.

DECLARATION

Celui-ci fut Marséalons , roi , qui , venant à Rome , fut tellement humble , humilié et marri de ses offenses , qu’il fit souvent les stations tête nue , priant Dieu et le faisant prier de ne retourner point en son pays , s’il devait retomber en ses fautes passées . Dieu exauça sa voix , car sortant de Rome , et arrivé à Monte Fiasco , il tomba malade et mourut , duquel fut faite une autre révélation.

Voyez , ma fille , ce qu’a fait la miséricorde de Dieu , et ce que fait une bonne volonté . Cette âme a été en la gueule des lions , mais sa bonne volonté l’a affranchie de leurs dents ; et maintenant , elle est en la voie qui conduit à la patrie , et sera participante de tous les biens qui se font en l’Eglise.

L’épouse sainte Brigitte parle à Jésus-Christ du désir du salut des âmes , et de la réponse qui lui a été faite par le Saint-Esprit , que les excès et superfluités des hommes , tant au boire qu’au manger , résistent aux visites envoyées par le Saint-Esprit.

CHAPITRE 35

O doux Jésus , Créateur de toutes les choses , plût à Dieu que ceux-ci connussent et comprissent les feux de l’amour du Saint-Esprit ! car certainement , ils désireraient alors davantage les choses célestes , et auraient en horreur et en abomination les choses terrestres et soudain il m’a été répondu en esprit ; leurs excès et superfluités résistent aux visites du Saint-Esprit , car l’excès dans les viandes ; dans la boisson et dans les convives , empêche que le Saint-Esprit ne soit doux en eux , et qu’ils ne soient rassasiés des délectations mondaines ; et l’excès en l’or , argent , en vases , vêtements et rentes , empêche que le feu de mon amour n’enflamme et n’allume leurs cœurs.

L’excès aussi de la famille , des serviteurs , chevaux et animaux , empêche que le Saint-Esprit ne s’en approche ; voire mes anges , leurs serviteurs , s’éloignent d’eux , et les diables trompeurs s’en approchent , c’est pourquoi ils ne ressentent point la douceur des visites , dont moi , qui suis Dieu , visite les saints et mes amis.

Dieu parle à son épouse de la crainte et de l’amour de Dieu , avec lesquels anciennement les religieux entraient dans les monastères. Et maintenant les ennemis de Dieu , c’est-à-dire , les faux religieux , vont au monde , poussés à ce faire par la superbe et l’inique cupidité ; et de même en font les soldats en leur milice.

CHAPITRE 36

Oyez maintenant ce que maintenant mes ennemis font contre ce que mes amis avaient fait autrefois . Enfin , mes amis entrent dans les monastères de l’amour divin et d’une crainte discrète ; mais ceux qui sont maintenant dans les monastères , vont par le monde , poussés par la superbe et la cupidité , ayant leur propre volonté , et faisant et accomplissant leurs plaisirs.

Ceux donc qui meurent en une telle volonté , la justice de Dieu veut qu’ils ne jouissent des joies célestes , mais qu’il souffrent sans fin des peines effroyables dans l’enfer. Sachez aussi que ceux qui vivent dans les cloîtres , qui sont contraints , contre leur volonté , d’être prélats , ne sont pas du nombre . Les soldats aussi , qui autrefois portaient les armes , étaient préparés et disposés à donner leur vie pour la justice , et à répandre leur sang pour la sainte foi ; ils dénonçaient les indignes à la justice , et faisaient déprimer , humilier et abaisser les méchants . Mais maintenant , écoutez comment ils sont contraires à ceci : en vérité , ils aimaient mieux mourir à la guerre pour l’orgueil , cupidité et envie , selon les suggestions diaboliques , que de vivre selon mes commandements , et en ce faisant , obtenir les joies éternelles.

Donc , tous ceux qui meurent en telle volonté , on leur donnera la récompense selon le jugement de la justice , c’est-à-dire , ils seront donnés au diable en solde éternelle ; mais ceux qui me servent auront leur solde bienheureuse , qui sera sans fin avec la milice céleste.

Jésus-Christ parle à son épouse sainte Brigitte , lui demandant comment est-ce que le monde est . Réponse de l’épouse : Le monde est comme un sac dilaté , auquel tous courent indiscrètement . Juste et cruelle sentence contre ceux-là.

CHAPITRE 37

Le Fils de Dieu parle , demandant à sa fille comment le monde va , et elle répond : C’est comme un sac dilaté et étendu , auquel tous courent , et comme un homme qui court sans se soucier de ce qui suit.
Notre-Seigneur lui répondit : C’est pourquoi la justice veut que j’aille avec le soc sur le monde , sans pardonner à jeune ni vieux , pauvre ni riche , gentil ni chrétien ; mais je jugerai un chacun selon qu’il mérite , et un chacun mourra en son péché , et la maison sera délaissée , avec les habitants d’icelle ; néanmoins , je ne la perdrai pas encore tout à fait.
Et elle dit : O Seigneur ! ne vous indignez pas si je parle . Envoyez quelqu’un de vos amis qui les avertisse des périls proches et infortunés qui pendent sur leur tête.

Il est écrit , dit Notre-Seigneur , que le mauvais riche , désespérant en enfer de son propre salut , demanda qu’on envoyât quelqu’un pour avertir ses frères , afin qu’ils ne se perdissent comme lui , et il lui a été répondu : Cela ne se fera point , car ils ont Moïse et les prophètes par lesquels ils peuvent être enseignés . J’en dis maintenant de même : ils ont les évangiles , les prophéties , les exemples et les paroles des docteurs ;
Ils ont la raison et l’intelligence : qu’ils en usent , et ils seront sauvés , car si je vous envoie , vous ne pourrez pas crier si haut que vous soyez entendue . Si j’y envoie mes amis , ils sont si petits en nombre que , s’ils crient , à grand peine les oiront-ils . Néanmoins , j’enverrai mes amis à ceux qu’il me plaira , et ils prépareront la voie de Dieu.

Jésus-Christ dit à son épouse sainte Brigitte de n’ajouter point foi aux songes , et il s’en faut bien donner garde , bien qu’ils soient tristes ou joyeux . Comment le diable y mêle souvent la fausseté avec la vérité , d’ou vient qu’au monde il y a plusieurs erreurs . Les prophètes n’ont pas erré , d’autant qu’ils ont dirigé toutes choses à Dieu.

CHAPITRE 38

Le Fils de Dieu parle , disant : Pourquoi les songes joyeux vous élèvent-ils de la sorte , et pourquoi les tristes vous dépriment-ils si bas ? Ne vous avais-je pas dit que le diable était envieux , et que , sans la permission divine , il ne vous pouvait pas plus vous faire du mal qu’un fétus devant vos pieds . Je vous ai dit aussi qu’il était le père , l’auteur et l’inventeur du mensonge , et qu’en toutes ses faussetés , il mêle quelque vérité.

Partant , je vous dis que le diable ne dort pas , mais vous environne , afin qu’il trouve quelque occasion contre vous ; partant , il vous faut donner de garde qu’il ne vous déçoive , car par la subtilité de sa science , il entre dans l’intérieur par les mouvements intérieurs ; car quelquefois , il met dans le cœur des choses tristes , afin qu’étant abattue , vous laissiez à bien faire ce que vous pourriez faire , et afin qu’avant vos misères , vous soyez misérable et dolente.

Souvent aussi le diable met dans le cœur déçu , trompé et qui veut plaire au monde , plusieurs faussetés par lesquelles plusieurs sont déçus , comme les faux prophètes . Cela arrive à celui qui aime plus quelque autre chose que Dieu . Et partant , cela arrive , attendu que , parmi tant de faussetés , il s’y trouve quelque vérité , car autrement , le diable ne saurait jamais tromper , s’il ne mêlait la vérité avec la fausseté , comme vous avez vu en ce possédé ,qui , bien qu’il confessât y avoir un seul Dieu , était néanmoins impudique en son geste , et ses paroles montraient quelque chose d’étranger , d’autant que le diable était en lui et le possédait.

Or , maintenant , vous pouvez me demander pourquoi je permets que le diable mente . Je le permets et l’ai permis à raison des péchés du peuple et des clercs , qui ont voulu savoir ce que Dieu voulait cacher , ou qui désiraient prospérer où Dieu voyait que leur salut ne s’avançait pas . C’est pourquoi Dieu permet des malheurs à raison des péchés , qui n’arriveraient jamais , si l’homme n’abusait des grâces et de la raison . Mais les prophètes , qui ne désiraient et ne respiraient que Dieu , ni ne voulaient parler que pour l’amour de Dieu , ne se trompaient point , mais ils ont aimé et parler les paroles de vérité.

En vérité , comme il ne faut pas recevoir tous les songes , de même il ne faut pas les mépriser tous , d’autant que Dieu quelquefois inspire de bonnes choses aux mauvais , afin qu’ils s’amendent et se corrigent de leurs fautes .Quelquefois aussi , il inspire aux bons de bonnes choses , afin qu’ils s’approchent plus Dieu . Partant , quand et tout autant de fois que cela vous arrivera , n’y opposez votre cœur , mais pesez-les et discernez-les avec vos amis spirituels , ou bien laissez-les et bannissez-les de votre cœur , d’autant qu’en telles choses on se délecte , on se trompe souvent et on s’y trouble.

Soyez donc constante en la foi de la sainte Trinité . Aimez Dieu de tout votre cœur . Soyez obéissante , tant en prospérité qu’en adversité . Ne vous préférez à pas un , ni par pensée , ni par effet , mais craignez toujours , même en bien faisant . Ne préférez pas votre sens au sens d’autrui , et résignez votre volonté à Dieu , disposée à tout ce que Dieu voudra . Lors vous ne devez point craindre les songes , car s’ils sont joyeux , ne les croyez pas ni ne les désirez pas , si ce n’est que de là dépende l’honneur de Dieu ; que s’ils sont tristes , ne vous abattez pas , mais abandonnez-vous toute en Dieu.

Après , la Sainte Vierge Marie parlait , disant : Je suis la Mère de miséricorde , qui prépare les vêtements à ma fille qui dort , et lui dispose les viandes quand elle est habillée : et quand elle travaille , je lui prépare les couronnes et les biens.

La Saint Vierge Marie parle de l’épouse à son Fils . Réponse de Jésus-Christ à sa Mère . Après suivent les paroles de la Mère , qui sont désignées par le lion et par l’agneau . Comme Dieu permet que plusieurs choses arrivent aux hommes , qui n’arriveraient point, si ce n’était à raison de leur impatience et ingratitude.

CHAPITRE 39

La Mère de Dieu parle à son fils , disant : Notre fille est comme un agneau qui met sa tête en la gueule du lion . Il vaut mieux , dit Jésus-Christ , que l’agneau mette sa tête en la gueule du lion , et qu’il soit avec le lion une même chair et un même sang , que non pas si l’agneau suce le sang du lion, d’où arriverait que le lion s’indignerait et s’affaiblirait , attendu que sa pâture n’est pas le sang, mais le foin . Néanmoins , ô ma Mère très-chère ! d’autant que vous avez porté en votre ventre toute la sapience et la plénitude de la prudence , faites entendre à celle-ci qu’est-ce que le lion et qu’est-ce que l’agneau.

La Mère répondit : Béni soyez-vous , mon Fils , qui , demeurant éternellement avec le Père , êtes descendu à moi , et néanmoins vous ne vous êtes jamais séparé de mon Père ! vous êtes ce lion de la tribu de Juda ; vous êtes cet agneau sans souillure que saint Jean a montré avec le doigt . Celui-là met la tête en la bouche du lion , qui résigne sa volonté en Dieu , et ne voudrait faire la sienne , bien qu’il pût , si ce n’est qu’il sut que cela vous plût.

Or , suce le sang du lion celui qui s’impatiente de vos dispositions et ordonnances , et s’efforce de contrevenir à ce que vous lui avez commandé , et voudrais plutôt changer d’état , s’il pouvait , que vous être agréable , bien que cela lui fût expédient . Dieu ne s’apaise pas de telles choses , mais elles provoquent son ire et son indignation , car comme la pâture de l’agneau est le foin , de même l’homme devrait se contenter de choses basses et humbles . C’est pourquoi Dieu permet beaucoup de choses qui n’arriveraient point contre le salut des hommes , s’ils n’étaient ingrats , colères et impatients . Partant , ô ma fille ! donnez votre volonté à Dieu ; et que si quelquefois vous êtes moins patiente qu’il ne faut , levez-vous soudain par la pénitence , car la pénitence est comme une bonne lavandière qui ôte les souillures , et la contrition est comme celle qui blanchit parfaitement.

Jésus-Christ parle à son épouse de la mort des chrétiens . Comment l’homme meurt bien ou mal , et pourquoi les amis de Dieu ne se doivent troubler , s’ils voient les serviteurs de Dieu mourir cruellement selon le corps.

CHAPITRE 40

Le Fils de Dieu parle , disant : Ne craignez point , ma fille ! cette malade ne mourra point , car ses œuvres m’agréent . Or , étant morte , le Fils de Dieu dit derechef : Voyez , ma fille : ce que je vous ai dit est vrai : elle n’est pas morte , car sa gloire est grande , d’autant que la séparation de l’âme du corps des justes n’est qu’un sommeil , duquel ils s’éveillent pour une vie éternelle . Il faut appeler mort seulement celle-là , que , l’âme étant séparée du corps , vit en une mort éternelle.

Plusieurs , considérant les choses futures , désirent mourir d’une mort chrétienne , car qu’est-ce autre chose , une mort chrétienne , si ce n’est mourir comme je suis mort , innocemment , volontairement et patiemment ? Eh quoi ! suis-je à mépriser , d’autant que ma mort était dure et vile? Ou pour cela , mes élus auraient-ils des fous , pour avoir pâti des choses contemptibles ? Ou la fortune aurait-elle voulu cela , ou le cours des astres ? nenni.

Mais moi et mes élus avons pâti des choses contemptibles , afin que , par parole et par exemple , nous montrions que les voies du ciel sont dures et âpres , afin que les méchants considérassent incessamment combien de pureté leur était nécessaire , puisque mes innocents et élus ont souffert des choses si âpres et si dures . Sachez donc que celui-là est mal et misérable , qui , vivant dissolument , meurt en volonté de pécher ; qui , ayant en poupe les faveurs du monde , désire de vivre plus longuement et ne sait rendre grâces à Dieu.

Or , celui qui aime Dieu de tout son cœur , souffre et méprise la mort , ou est affligé par longues infirmités . Celui-là vit et meurt heureusement , car la mort dure et âpre diminue le péché et la peine du péché , et augmente les couronnes . Je vous fais souvenir de deux qui , selon le jugement des hommes , moururent d’une mort vile et méprisable, que , s’ils n’eussent obtenu de ma miséricorde un tel genre de mort, ils n’eussent point été sauvés . Mais d’autant que Dieu ne punit pas deux fois ceux qui sont contrits de cœur , c’est pour cela aussi qu’ils sont arrivés à la couronne.

C’est pourquoi les amis de Dieu ne se doivent point affliger , s’ils sont affliges temporellement, ou s'ils meurt d'une mort amère, car c'est une chose heureuse de pleurer une heure et d'être affligé au monde et n'être pas durement afflige dans le purgatoire, où on ne peut fuir et où on n'est pas donne le temps de travailler.

La Sainte Vierge Marie dit à sa fille que les prêtres, ayant la juridiction, peuvent absoudre des péchés, bien qu'ils soient pécheurs et consacrer.

CHAPITRE 41

La sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, parle disant : Allez à celui qui a juridiction d'absoudre, car bien que le portier soit lépreux, il peut pourtant ouvrir la porte, s'il a les clefs, aussi bien qu'un qui est sain. Il en est de même de l'absolution et du saint sacrement de l'Eucharistie, car quelque soit le prêtre, il peut absoudre des péchés pourvu qu'il ait la juridiction. Partant, il ne faut pas en mépriser aucun.

Néanmoins je vous avertis de deux choses: 1° Celui qui désire quelque chose charnellement, ne l'aura pas. 2° sa vie sera courte. Et comme la fourmi, portant jour et nuit le grain, quelque fois s'approchant du trou, tombe et meurt à l'entrée, le grain demeurant au dehors, de même celui-là, quand il pensera arriver au fruit de son labeur, mourra, sera confus et puni pour son labeur , vain et superflu.

La Sainte Vierge parle à sa fille de la manière dont les bonnes mœurs et les œuvres de justice sont désignées aux amis de Dieu par les portes, et comment les bons serviteurs de Dieu se doivent donner garde de la médisance.

CHAPITRE 42

La Sainte Mère de Dieu parle , disant: Mes amis sont compares à deux portes par lesquelles les autres doivent entrer. C'est pourquoi il faut se donner garde diligemment qu'il n'y ait rien de dur et d'âpre qui empêche ceux qui veulent entrer, ou qui les presse. Or que signifient ces portes, sinon les mœurs bien compassées, les œuvres de justice et les paroles d'édification qui apparaissent journalièrement ès amis de Dieu?

Partant, qu'on prenne attentivement garde qu'en la bouche de mes amis, il n'y ait quelque chose de dur, c'est-à-dire, médisance et bouffonnerie; qu'on ne remarque en leurs bonnes œuvres quelque mondanité; à raison de quoi ceux qui veulent entrer en soient repoussés; et ceux qui sont entrés les aient en abomination.

La Sainte Mère de Dieu parle à sa fille. En quelle manière les pasteurs de l'Eglise sont comparés au vermisseau qui ronge les racines de l'arbre.

CHAPITRE 43

La Mère de Dieu parle à Sainte Brigitte, disant : Les mauvais pasteurs sont semblables au vermisseau qui, voyant une bonne semence, ne se soucie point que l'épi périsse ou tombe, pourvu qu'il puisse ronger les racines, ou ce qui est auprès de la terre : de même en font-ils, ne se souciant point que les âmes périssent, pourvu qu'ils fassent leur lucre temporel. C'est pourquoi mon Fils en fera justice , et ils en seront bientôt enlevés.

Sainte Brigitte répondit: Tout le temps n'est-il pas devant Dieu comme une minute, bien qu'il soit long quant à nous ? C'est pourquoi la patience de votre Fils est grande, même sur les mauvais.

La Mère repartit : Je vous le dis en vérité , leur jugement ne sera pas prolongé ; mais hélas ! ce qui est horrible leur arrivera ; ils seront arrachés de leurs délices et portés en la confusion.

Jésus-Christ parle à son épouse. Comment le corps est signifié par un navire, et le monde par la mer En quelle manière la volonté est libre pour conduire, avec la grâce, les âmes au ciel, ou avec le péché, en enfer, et comment la beauté terrestre est comparée a la vitre.

CHAPITRE 44

Le Fils de Dieu parle : Oyez, vous qui désirez le port après tant de tempêtes. Quiconque est en la mer ne doit rien craindre, s'il a avec lui celui qui peut arrêter les vents, afin qu'ils ne soufflent; qui commande à tout ce qui nous peut nuire; qui sait amollir les rochers et les écueils, calme les orages, afin que ceux qui voguent en la mer soient conduits au port et au repos. De même il y en a dans le monde qui conduisent les corps comme des navires par les eaux du monde, les uns en consolation, les autres en désolation, car la volonté des hommes libres conduit, avec la grâce divine, quelques âmes au ciel et quelques autres, par le péché, dans les abîmes de l'enfer.

Cette volonté donc qui ne désire rien avec plus de ferveur que d'ouïr que Dieu est honore, ni ne veut vivre que pour pouvoir servir Dieu, oui, celle-la plait a Dieu, car Dieu demeure en une telle volonté avec délices et contentement, et détourne tous les dangers qui la menacent, rend les écueils doux, au milieu desquels une âme serait autrement souvent en danger.

Or, que sont les écueils, sinon les mauvais désirs ? Car il est plaisant et délectable de voir les professions du monde, de les avoir et de se contenter des honneurs corporels, et de goûter tout ce qui délecte la chair, car en telles choses, l'âme se met souvent en danger. Mais lorsque Dieu est dans le navire, toutes choses se calment, et l'âme méprise les écueils et les orages.

Toute beauté terrestre est semblable à une vitre peinte par dehors , qui est au-dedans toute pleine de terre. Or, la vitre étant cassée, ne sert à rien plus qu'à retourner à sa première nature, qui est terre noire, qui n'est créée pour autre fin que pour en acheter le ciel.

Partant, tout homme qui ne désire non plus ouïr ses louanges ni celles du monde qu'ouïr souffler un air pestiféré, qui mortifie son corps et ses appétits, et déteste la volupté abominable de la chair, peut demeurer en repos et veiller joyeusement, car Dieu est à toute heure avec lui.

Sainte Brigitte se plaint devant la Majesté impériale de ce que quatre sœurs , filles du Roi Jésus-Christ : l’humilité , l’abstinence , la pauvreté et la charité (hélas ! quel malheur !) sont maintenant réduites à néant , et les sœurs , filles du diable ; la superbe , la délectation , la superfluité et la simonie , sont appelées dames, etc.

CHAPITRE 45

Je me plains , non seulement de ma part , mais aussi de la part de plusieurs élus de Dieu , et ce , devant votre Majesté royal . Il y avait quatre chères sœurs du Roi tout puissant , une chacune desquelles avait son siège et sa puissance en son patrimoine . Quiconque jetait les yeux sur leur beauté et sur leur éclat , recevrait une indicible consolation , un grand contentement de leurs bons exemples et de leur dévotion.

La première s’appelait sœur Humilité , duite en la disposition et ordre de tout ce qu’il fallait faire . La deuxième sœur s’appelait sœur Abstinence , exempte et affranchie de toute pernicieuse conversation . La troisième sœur était nommée Contente de peu , exempte de toute sorte la superfluités.
La quatrième sœur est Charité , qui paraît en toutes les tribulations du prochain.

Or , maintenant , ces quatre sœurs sont méprisées et bannies de leurs héritages , aux trônes et siège desquelles ont succédé quatre sœurs illégitimes , qui sont engendrées de la volupté , et sont maintenant appelées dames.

La première de celle-ci s’appelle Superbe , qui s’occupe à plaire au monde . La deuxième est Plaisir , suivant les appétits déréglés de la chair . La troisième est Superfluité , par dessus toute nécessité . La quatrième dame est Simonie , de la déception de la quelle peu de gens se gardent , car soit que ce qu’elle reçoit soit juste ou injuste , elle reçoit tout avec une cupidité insatiable.

Ces quatre dames parlent contre les commandements de Dieu , les voulant rendre vains et les annuler, et donnent à plusieurs âmes occasion de se perdre éternellement . Partant , mes sœurs , faites , par un mouvement d’amour et de charité , comme Dieu fit pour vous , et aidez à ces quatre sœurs qui s’appellent vertus , qui sont sorties de la vertu de Jésus-Christ , souverain Roi , qui sont maintenant opprimées en la sainte Eglise , qui est le patrimoine de Jésus-Christ , afin qu’elles soient bientôt élevées et exaltées en leurs trônes , et afin que les vices , qui sont appelés dames au monde , soient déprimés , abaissés et anéantis , qui sont traîtres des saintes âmes , d’autant que ces dames sont nées du vice , ce diable traître et méchant.

Sainte Brigitte avertit quelque seigneur de faire restitution de ce qu’il avait injustement acquis . De la voix de l’ange qui fulminait un arrêt cruel et formidable contre lui.

CHAPITRE 46

Seigneur je vous avertis du danger proche où est votre âme , vous remettant en mémoire ce qu’on lit en la sainte Ecriture , au vieux Testament , d’un roi (Achab) qui , ayant désiré la vigne d’un autre homme (Nabot) . lui en donnait le prix et la valeur ; mais d’autant que le possesseur la vendait à regret , le roi , indigné de cela , usurpa la vigne par violence et par injustice , et le Saint-Esprit lui parla par la bouche d’un prophète , condamnant à une mort très cruelle et misérable le roi et la reine , pour avoir commis une telle injustice , ce qui fut entièrement accompli en eux ; et ses enfants ne se sont pas réjouis de la possession de cette vigne.

Maintenant donc , puisque vous êtes chrétien ; puisque vous avez l’intégrité de la foi , et savez que le même Dieu qui était alors , est encore , et qu’il est aussi puissant et juste qu’il l’était alors , vous devez savoir sans doute qu’il vengera puissamment , et jugera justement ce que vous tiendrez injustement , ou en contraignant le possesseur à vendre contre sa volonté , et le payant aucunement . Vous devez craindre avec douleur et anxiété qu’un si formidable jugement ne vous arrive tel qu’il arriva à cette reine (Jésabel) , et que vos enfants n’en soient pas plus riches , mais bien plus pauvres et affligés.

Je vous exhorte donc , par la passion de Jésus-Christ , qui a racheté votre âme par son sang , que vous ne la perdiez pour des choses passagères et périssables , mais que vous restituiez et satisfassiez pleinement tout ce que vous aurez mal acquis , pour la consolation du prochain qui en est incommodé , et pour l’exemple d’autrui ,si vous voulez obtenir l’amitié de Dieu.

Dieu m’est témoin que je ne vous écris pas ceci de moi , car je ne vous connais point ; mais je vous écris ce qui a été révélé à une personne qui a été contrainte de vous l’écrire par compassion divine , car cette personne ne dormait pas , mais elle veillait et elle a ouï en ses oraisons la voix de l’ange disant : Ourse , Ourse , que vous êtes trop audacieuse contre Dieu et sa justice ! Votre volonté a vaincu en vous la conscience , de sorte que votre volonté parle et opère , et votre conscience se tait . Partant , vous viendrez bientôt devant le jugement de Dieu , et votre volonté tiendra silence ; votre conscience parlera , et vous jugera elle-même selon la justice et l’équité.

Le Fils de Dieu dit à son épouse sainte Brigitte comment nous nous devons donner garde des tentations du diable , et en quelle manière le diable est désigné par l’ennemi ;Dieu par la poule ; sa puissance et sa sagesse par les ailes ; sa miséricorde par les plumes , et les hommes par les poussins.

CHAPITRE 47

Jésus-Christ parle : Quand l’ennemi heurte à la porte , vous ne devez pas faire comme les chèvres , qui courent aux murailles , ni comme les béliers , qui se battent avec leurs cornes ; mais soyez comme les poussins , qui , voyant en l’air l’oiseau de rapine , s’enfuient sous les ailes de la poule , leur mère , pour s’y cacher et y être protégés ; qui , bien qu’il ne puissent prendre qu’une plume et se cacher sous elle , s’en réjouissent grandement.

Or , quel est cet ennemi , sinon le diable qui porte une envie enragée à toutes nos bonnes actions , l’office duquel est de pousser à mal l’esprit de l’homme , et de l’émouvoir par des tentations et des suggestions malheureuses ? Il le pousse par colère , quelquefois par impatience , par médisance et jugements téméraires , qui sont réservés à Dieu seul , quand toutes choses ne succèdent selon ses désirs ; voire fréquemment il l’émeut , le pousse et l’inquiète importunément par des pensées diverses et innombrables , afin que , par icelles , il puisse arracher , ou bien distraire les âmes du service de Dieu , et afin que les bonnes œuvres soient cachées devant Dieu.

Partant , quelles que soient vos pensées , vous ne devez quitter votre place ni être semblable aux chèvres courant aux murailles , c’est-à-dire , demeurer en l’endurcissement de votre cœur , ou bien juger les œuvres d’autrui dans vos cœurs , car souvent , celui qui est mauvais aujourd’hui sera bon demain . Mais vous devez abaisser votre puissance , l’arrêter et écouter les volontés divines , en vous humiliant et craignant , ayant patience en vos adversités , et priant Dieu afin que ce qui a été mal commencé finisse bien.

Vous ne devez pas non plus être comme les béliers , qui secouent et éventent leurs cornes , c’est-à-dire , rendre parole pour parole , opprobre pour opprobre , mais vous vous devez arrêter constamment sur vos pieds et vous taire , en retenant fortement les passions déréglées de la chair , afin qu’en parlant et répondant , vous ayez prémédité ce que vous dites , et fais violence avec patience et paix aux passions ; car c’est aux hommes justes de se vaincre eux-mêmes , et de s’abstenir des paroles licites , pour éviter le babil , l’offense et le péché ; car celui qui , se trouvant et se sentant intérieurement ému , épanche par parole ou quelque autre action , son sentiment , semble en quelque manière s’être vengé de soi-même , et avoir manifesté la légèreté et l’inconstance de son esprit. C’est pourquoi il sera privé de la couronne , puisqu’il n’a voulu avoir patience pour quelque peu de temps , par laquelle il eût gagné son frère qui offensait , et eût préparé pour lui une plus grande couronne.

Or , que sont autre chose les ailes , sinon la puissance et la sagesse divines ? car je suis comme une poule qui défend puissamment des lacets du diable , provoque et excite sagement au salut par mes inspirations , les poussins qui courent en désirant la protection de mes ailes . Que signifie la plume , sinon ma miséricorde ? Qui l’obtiendra sera autant en sûreté qu’un poussin qui est échauffé sous les ailes de sa mère . Soyez donc comme des poussins courant à mes volontés : en toutes les tentations et contradictions , dites : La volonté de Dieu soit faite , tant en mes parole qu’en mes œuvres , car je défends de ma puissance ceux qui se confient en moi ; je les recrée et les réjouis de ma miséricorde ; je les soutiens de ma vertu , les visite de mes consolations , et les récompense au centuple par mon amour.

Jésus-Christ parle à son épouse de quelque roi ; comment il doit augmenter l’honneur de Dieu et dilater son amour et sa charité aux âmes . De la sentence , s’il ne le fait pas.

CHAPITRE 48

Le Fils de Dieu parle , disant : Si ce roi me veut honorer , qu’il diminue en premier lieu le déshonneur qu’il me fait , et qu’il augmente mon honneur . Mon déshonneur est en cela que ma parole et mes commandements sont méprisés et tenus pour néant par plusieurs.

Si donc il me veut aimer , qu’il ait maintenant plus de charité pour les âmes de tous , pour lesquelles j’ai amoureusement répandu mon sang pour leur ouvrir le ciel . Or , qu’il désire plus le repos qu’on a avec Dieu que de dilater et amplifier son patrimoine , car de la sorte , il aura plus de plaisir , plus de grâces et de secours que s’il avait reconquis Jérusalem , où mon corps a été enseveli.

Dite-lui encore , vous qui oyez ceci , que je permets qu’il soit couronné ; c’est pourquoi il doit plus que tous suivre mes volontés , plus que tous m’honorer et m’aimer sur toutes choses . Que s’il ne le fait pas , ses jours seront abrégés . Ceux aussi qui l’aiment charnellement seront séparé de lui avec peine et tribulation , et son royaume sera partagé et divisé en plusieurs parcelles.

La vision de l’épouse sous la figure de l’Eglise . Son explication , où sont expliqués les moyens et l’état que le pape doit tenir à l’égard des autres cardinaux et prélats de notre sainte Mère l’Eglise , et principalement de l’état d’humilité.

CHAPITRE 49

Il semblait à une personne qu’elle était en un grand chœur , ou apparurent un grand soleil éclatant et deux sièges , et comme un prêcheur , l’un à gauche , l’autre à droite , éloignés du soleil d’une grande distance ; et deux rayons sortaient du soleil , dardant sur les chaires . Lors on oyait une voix du siège qui était à gauche , disant : Salut éternellement au Roi , Créateur , Rédempteur et juste Juge ! Voici votre vicaire , qui est assis en votre siège au monde . Il a mis son siège au lieu où était anciennement le siège de saint Pierre , premier pape et prince des apôtres.

La voix qui sortait du siège qui était à droite , répondit , disant : Comment pourra-t-il entrer dans l’Eglise , où les trous des gonds sont tout plein de rouillure et de terre ? C’est pourquoi les portes sont comme abattues à terre car dans les trous , il n’y a point de lieu où les crochets se puissent attacher pour soutenir les portes ; les crochets sont aussi tout droits , sans être courbés pour s’accrocher aux portes . Le pavé est plein de grands fossés , comme de puits qui n’ont point de fond . Le toit est enduit de poix et brûlé d’un feu de soufre , distillant comme une pluie épaisse . Les murailles sont si noires et si difformes de la noirceur épaisse qui s’élève de l’abîme des fossés et de ce qui distille du toit , qu’elles semblent peintes de sang corrompu et d’une pourriture puante , c’est pourquoi l’ami de Dieu ne doit point habiter en un tel temple.

La voix qui était à gauche répliqua : Exposez-nous et expliquez-nous spirituellement ce que vous avez dit corporellement.

Lors la voix dit : Le pape est signifié par les poteaux et leur est comparé . Par les trous des gonds est marquée l’humilité , qui doit être tellement vide de toute superbe , qu’il n’y ait point d’autre apparence que l’humilité pontificale , de même que le trou doit être entièrement vide de rouillure . Mais maintenant , les trous , c’est-à-dire , les livrées et les marques insignes de l’humilité , sont pleins de superfluités , de richesses et d’acquisitions , qui ne servent à autre chose qu’à nourrir la superbe , où rien d’humble ne paraît , mais toute l’humilité est couverte et changée en pompe mondaine.

Partant , ce n’est pas de merveille si le pape est comparé aux portes : il est tout penché vers les choses mondaines , marquées par la rouillure et par la terre . Partant , que le pape commence d’embrasser l’humilité en soi-même , en son apparat , en ses vêtement , en l’or , en l’argent , en ses vases , en ses chevaux et autre ustensiles , prenant de tout cela le seul nécessaire , donnant le reste aux pauvres , et spécialement à ceux qu’il connaîtra être amis de Dieu . Après , qu’il ordonne sa maison avec modération ; qu’il ait des serviteurs autant qu’il en est nécessaire pour garder sa vie , car bien qu’il soit en la main de Dieu de l’appeler en jugement quand il voudra , il est néanmoins juste et équitable qu’il ait des serviteurs pour affermir la justice , afin que ceux qui s’élèvent contre Dieu et L’Eglise soient humiliés.

Les cardinaux sont signifiés par les crochets qui sont conjoints aux portes , qui sont étendus et diffus autant qu’ils peuvent dans les amplitudes de la superbe , cupidité et volupté de la chair.

Que le pape donc prenne le marteau et les ciseaux, et qu’il fléchisse les cardinaux à ses volontés, ne leur permettant pas d’avoir tant de vêtements, tant de serviteurs et tant de meubles, sinon tout autant que la nécessité le requiert et que l’usage de la vie le demande. Qu’il les fléchisse avec les ciseaux, c’est-à-dire, qu’il leur parle doucement, avec le conseil divin , avec une paternelle charité.

Que s’ils ne veulent obéir , qu’il prenne le marteau , leur montrant sa sévérité, faisant tout ce qu’il pourra, pourvu qu’il ne soit contre la justice, jusqu’à ce qu’ils obéissent à ses volontés.

Les évêques sont signifiés par le pavé , comme aussi les clercs , la cupidité desquels n’a point de fond , de la superbe et de la vie luxurieuse desquels sort une fumée, à raison de quoi ils sont abominables à tous , aux anges au ciel, et aux amis de Dieu en terre. Le pape peut amender en plusieurs évêques tous ces déborde-ment, permettant à un chacun d’avoir seulement le nécessaire et non le superflu, et qu’il commande aux évêques d’avoir soin de la vie des prêtres et de les tenir continents ; qu’il les prive de leur prébendes, s’ils ne s’amendent.

Certainement, Dieu aime plutôt qu’en ce lieu il n’y ait point de messes, que si des mains polluées touchent le corps de Dieu.

Il est ici traité d’une vision admirable que sainte Brigitte eut du jugement de plusieurs personnes qui vivaient encore , ou elle ouït que si les hommes amendaient leurs péchés, Dieu adoucirait son jugement.

CHAPITRE 50

Il me semblait comme si un roi était assis en son tribunal de justice, et que toute personne vivante était auprès de lui , ayant des deux côtés comme deux hommes : l’un semblait un soldat armé, l’autre comme un Ethiopien noir. Devant le jugement était un pupitre ou était un livre en même disposition que je l’ai vu au Livre VIII, chapitre XLVIII. J’ai vu aussi que quasi tout le monde était devant ce pupitre. Lors j’ouïs le Juge, qui disait au soldat armé : Appelez celui-là que vous avez servi avec tant de charité. Et soudain tombèrent tous ceux qui furent nommés, dont quelques-uns demeurèrent longtemps gisants à terre, quelques autres moins , avant que leurs âmes fussent privées du corps.

Or , je n’ai pu comprendre ni ne puis dire tout ce que je vis et j’entendis, car j’ouïs la sentence et le jugement de plusieurs qui vivaient encore, qui seront appelés bientôt. Néanmoins, le Juge me l’a dit avec condition que si les hommes amendaient leurs péchés , il adoucirait son jugement. J’en vis aussi juger plusieurs, quelques-uns au purgatoire ; quelque autres furent condamnés aux malheur éternels.

Il est ici traité d’une vision terrible et formidable d’une âme présentée devant le Juge ; des oppositions de Dieu ; du livre du jugement contre elle ; des réponses de l’âme contre elle-même , et des diverses et étonnantes peines qu’elle endure dans le purgatoire.

   

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