LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Vade Mecum

LETTRE DU REVEREND PÈRE J.-B. LEMIUS,

ANCIEN SUPÉRIEUR DES CHAPELAINS
DE MONTMARTRE

Bordeaux, le 27 février 1919.

Ma Très Honorée Mère,

Le Sacré-Cœur de Jésus déborde d’amour et de miséricorde à ce tournant de l’histoire de l’Eglise et provoque plus que jamais la confiance et l’amour.

La Visitation reste l’organe choisi pour redire au monde les suaves appels, les promesses ineffables du divin Maître et les cris déchirants de sa tendresse méconnue.

La chère Sœur Bénigna-Consolata Ferrero, de Côme, apporte, apporte de cette divine mission, une preuve nouvelle.

Qu’elles sont ravissantes et consolantes les pages du Vade-Mecum, primeur des écrits dictés par le pieux auteur que l’on invoque en disant : Pie Jesu ! M. le chanoine Saudreau, notre excellent maître en mystique, m’écrit qu’il y reconnaît l’accent de Notre-Seigneur, comme on reconnaît l’accent d’un voyageur venu d’outre-mer.

Des voix autorisées vous encourageront, je l’espère ; des zélateurs de tous pays vous aideront à faire passer de main en main et à répandre partout les célestes copies de la secrétaire privilégiée du Sacré-Cœur. Les pauvres pécheurs ne craindront pas de se précipiter ans les bras du miséricordieux Jésus ; les âmes pieuses du monde et du cloître n’auront plus d’obstacles à l’amour.

Puissions-nous connaître, sans tarder, toute la sainte Vie et toutes les œuvres de la douce Benigna.

Je vous suis très reconnaissant, ma Très Honorée Mère, de me l’avoir fait connaître, et agréez l’expression de mon religieux dévouement dans le Sacré-Cœur.

" J.-B. LEMIUS. "

NOTICE BIOGRAPHIQUE
SUR SŒUR BENIGNA-CONSOLATA FERRERO

De la Visitation Sainte-Marie de Côme.

Le suave et céleste parfum qui s’exhale, on peut le dire, de chaque ligne du Vade-mecum proposé aux âmes religieuses, éveilla, dès son apparition, un désir bien légitime : connaître la petite fleur qui répandait ainsi la bonne odeur de Jésus-Christ.

Il donc fallu révéler, un an à peine après sa sainte mort, le nom de l’humble religieuse que le Cœur de Jésus a bien voulu choisir pour redire au monde son infinie miséricorde, et le renouveler dans la confiance et l’amour : Sœur Benigna-Consolata Ferrero, religieuse choriste de l’Ordre de la Visitation Sainte-Marie de Côme, Italie.

Née à Turin le 6 août 1885, elle recevait, le surlendemain, avec le saint baptême, les prénoms de Marie, Consolata, Thérèse, Rosalie, Philomène. Au sein d’une famille que distinguait sa position sociale et plus encore la vie hautement chrétienne, toute dévouée aux intérêts de Dieu et de l’Eglise, l’enfant s’imprégna d’un profond esprit de piété, qui se développa encore dan les instituts religieux où elle fit sa première éducation. Aussi n’eût-elle pas à déplorer plus tard, au contact de la jeunesse bien mélangée des écoles publiques, le refroidissement de sa ferveur. Cette piété resta néanmoins toujours dans les bornes de la discrétion; ne s’imposant jamais à son entourage, Marie-Consolata savait sacrifier, quand il le fallait, jusqu’aux entretiens les plus intimes avec son Jésus. Sans doute, son caractère plutôt viril, avec un singulier contraste d’habitudes méticuleuses, lui fut source de combat ; mais sa vigilance et l’énergie de sa volonté, aidées de la grâce, opérèrent un changement merveilleux dans son tempérament moral.

On remarquait chez la jeune fille une attention continuelle à faire plaisir aux autres sans tenir compte des sacrifices qu’elle devait s’imposer à elle-même. Cependant, dès qu’il s’agissait des droits ou du bon plaisir de Notre-Seigneur, on la voyait reprendre toute sa fermeté naturelle _sans toutefois se départir de son indulgence pour le prochain dont elle cherchait toujours à excuser les intentions, ayant en horreur les critiques et les murmures.

Douée d’une intelligence peu commune, son travail méthodique et son application continuelle la faisaient réussir en tout ; mais les éloges qui lui étaient alors adressés n’avaient jamais prise sur son cœur.

A cette humilité intérieure, joignant l’humilité extérieure, elle choisissait pour son usage les objets les moins beaux, s’attribuait les tâches les plus humiliantes.

Elle mortifiait sa volonté par une exacte obéissance et domptait ses répugnances naturelles, parfois jusqu’à l’héroïsme, comme on le vit, en particulier, au cours de la maladie d’un de ses frères.

Elle aimait profondément les siens ; cependant elle sut immoler avec promptitude et courage ses plus chères affections, soit à la mort du frère bien aimé dont nous venons de parler, soit quand l’appel du Seigneur l’invita secrètement à tout quitter pour embrasser la vie religieuse. Le divin Maître, en effet, montrait à la jeune fille la solitude d’un cloître de la Visitation, comme tout à fait propre au développement d’une vie intérieure uniquement orientée vers le ciel.

Le monastère de Pignerol s’ouvrit tout d’abord devant Mlle Ferrero. Ses vertus y furent bien vite reconnues et appréciées, mais Notre-Seigneur permit qu’on entra en appréhension devant la voie vraiment extraordinaire de cette âme privilégiée. Désolée, mais no découragée, Marie-Consolata dut quitter la maison de Dieu et rentrer dans sa famille. Elle attendit, crucifiée avec son Epoux, qu’Il lui montrât le lieu où pourraient enfin se réaliser ses ardentes aspirations.

Elle ne se confiait pas en vain : Notre-Seigneur lui dit intérieurement que le monastère de Côme (Lombardie), dont elle ignorait l’existence, était le trou de pierre, le nid de la colombe où Il la voulait. Telles furent les voies de la Providence, sur cette admirable âme et les ressorts cachés et admirables par lesquels Jésus l’introduisit dans le lieu de son repos.

Admise, peu après son entrée, aux exercices du postulat, Marie-Consolata, déjà comblée de grâces insignes, devait être prémunie contre les tentations de la aine gloire. En conséquence, la maîtresse des novices ne lui épargna ni observations, ni humiliations. La nature délicate de la postulante y étai fort sensible ; mais c’était pour elle le sujet de nouvelles victoires. Bien loin de se plaindre, elle remerciait sa Maîtresse et lui exprimait le désir de se voir éprouver chaque jour davantage.

Elle se considérait comme un néant et un néant pécheur, indigne de vivre dans la maison du bon Dieu, comme un fumier recouvert d’un peu de terre !... Les fautes de fragilité de son enfance et celles qui lui échappaient encore, par inadvertance, lui apparaissaient considérables à la lumière divine. Elle eût désiré les faire connaître à tous et se voir reléguée en quelque coin ignoré comme un chiffon malpropre qu’on ne peut toucher même du bout des doigts, mais seulement faire courir sous les pieds. Avec une ardeur touchante, elle conjurait Jésus de donner à d’autres plus dignes, les faveurs qu’Il lui prodiguait.

Quoique douée d’un parfait jugement, à la moindre apparence de faute elle entrait dans des alarmes de conscience qui devenaient un cruel martyre. Seuls, ses supérieurs parvenaient à calmer ses craintes ; à leur parole, elle se dépouillait de toute lumière propre pour suivre fidèlement leur direction.

Aucune immolation ne lui paraissait trop coûteuse, quand il s’agissait de se rendre plus agréable à Jésus ; si la nature frémissait, la volonté réagissait vigoureusement pour se porter sans retard au plus parfait. Le divin Maître multipliait à sa fidèle servante les occasions de lui offrir ce qu’elle avait de plus intime et de plus cher ; jamais elle ne répondit : "c’est assez ! ". Dès qu’elle se voyait chargée d’obtenir quelque grâce, elle ne reculait devant aucun sacrifice, devant aucune souffrance, et n’avait aucun repos qu’après s’être vue exaucée. Dans une circonstance où, de la faveur sollicitée, devait résulter un grand bien pour la sainte Eglise, elle s’offrit à porter une croix si douloureuse que le Sauveur ne voulut point l’en accabler.

Entrée au monastère de Côme, le 30 décembre 1907, à l’âge de 22 ans, elle y reçut le saint habit le 5 novembre 1908, avec le nom de Benigna-Consolata. Elle fit la profession des vœux simples le 23 novembre 1909, et celle des vœux solennels, le 28 novembre 1912. Dès lors, l’épouse de Jésus s’élança avec une nouvelle ardeur dans les sentiers de la perfection, et si simplement que ses sœurs en religion, elles-mêmes, ne se doutèrent jamais des merveilles que le Seigneur opérait dan son âme. Cependant, malgré son humilité, il transparaissait dans le maintien de Sœur Benigna-Consolata, dans l’air de son visage, dans ses paroles réservées, dans tout son extérieur enfin, quelque chose de céleste ; aussi, une personne séculière, qui avait l’occasion de l’apercevoir, se sentait poussée intérieurement à s’agenouiller devant elle. Cet attrait, exercé par la jeune religieuse, était le résultat de sa fidélité à l’invitation de Jésus : Le reproduire extérieurement, en vivant et en parlant comme il l’eût fait s’Il eût été à sa place.

La soif ardente du Sauveur pour le salut des âmes s’était aussi emparée du cœur se sa Benjamine, comme il daignait l’appeler. Elle ne perdait aucune occasion, soit par la prière, soit par la mortification, de satisfaire les désirs du Cœur divin. Tout, chez elle, tendait à ce noble but. Et Jésus lui donnait souvent l’assurance que, par son moyen, beaucoup de pécheurs avaient retrouvé la voie du ciel.

L’esprit de mortification qui animait Sœur Benigna-Consolata l’eût portée, par attrait, aux macérations excessives. L’obéissance, sa boussole infaillible, lui imposant des bornes, elle se dédommageait en saisissant toutes les occasions de crucifier sa chair innocente et ses inclinations naturelles. En récompense, Jésus la favorisa d’extraordinaires et incessantes communications par des paroles intérieurs et des vues intellectuelles. Puis, il ordonna à sa Petite Secrétaire, titre particulier dont il la qualifiait, d’écrire, au fur et à mesure, leurs colloques intimes et, tout d’abord, de ne parler ou répondre qu’après s’être tournée vers Lui. Les manuscrits, qu’elle a laissés par obéissance révèlent, d’une part, les vertus qui s’épanouissaient en cette âme livrée à Dieu sans réserve, dans une confiance absolue ; de l’autre, la miséricorde du Cœur de Jésus, ses tendresses, sa condescendance, ses mille délicatesses s’adressant aux pauvres pécheurs aussi bien qu’aux justes et aux parfaits, pour en faire une seule et même conquête de son amour.

En comblant de grâces insignes ‘humble religieuse, son Epoux crucifié n’avait garde de lui épargner les souffrances ; il en sema sa courte carrière. Les plus nombreuses les plus cruelles lui vinrent de l’ennemi, furieux de se voir arracher ses victimes. Pour se venger, il assaillait son esprit de quantité de doutes, de difficultés, d’inquiétudes, quand il n’y soulevait pas de violentes tentations. Les absences fréquentes de Jésus lui-même furent encore ses croix habituelles, ‘autant plus poignantes qu’elles venaient directement de son Dieu et la laissaient sans nul appui. C’était alors, en vérité, une participation de l’Agonie du Jardin des Olives. Et Jésus lui annonçait que, sur la fin de sa vie, son martyre augmenterait encore, ce qui arriva en effet. Connaissant la générosité de sa servante, il lui dit aussi, vers le même temps, de ne point aller chercher de réconfort auprès de ses supérieurs. Mais il inspirait à ceux-ci de provoquer ses confidences afin d’alléger un peu ses tourments.

Docile aux enseignements divins, Sœur Bénigna-Consolata se conformait en tout, quant à l‘extérieur, à la vie commune. Mais dans sa vie intérieure, tout fut extraordinaire. Son humilité s’en alarmait et elle suppliait Notre-Seigneur de diminuer ses largesses à son endroit. Il lui promit de les lui retirer toutes plutôt que de permettre une seule atteinte à la vertu chère à son Cœur, et l’assura qu’il les déroberait aux regards d’autrui, ne laissant paraître que ses imperfections : faveur spéciale encore entre toutes les autres.

Ascensiones in corde suo disposuit. Jésus avait déjà demandé à cette âme choisie, lorsqu’elle était de ce monde, de faire le vœu du pur amour. Une fois au monastère, il lui fut permis de renouveler ce vœu, de semaine en semaine. Quelques années plus tard, le divin Directeur l’exigea perpétuel. A ce voeu s’ajoutèrent successivement _ toujours par la volonté de Jésus et sous l’approbation de l’obéissance _ les vœux d’humilité, d’abandon et du plus parfait. Comme elle craignait de n’être pas capable de les observer, Jésus, condescendant aux humbles sentiments de sa Benjamine, lui fit suivre, pour chacun d’eux, la même marche que pour le vœu du pur amour. C’est chose admirable de constater qu’en cette âme délicate et timorée, tels engagements ne suscitèrent ni troubles ni inquiétudes : il servirent plutôt à maintenir et à faire croître le fond de paix dans lequel, malgré ses tempêtes intérieures, elle vivait toujours.

Pendant l’épouvantable guerre de 1914-1918, la Confidente des secrets divins fût, plus d’une fois, pressée par ses supérieurs, d’obtenir la cessation du terrible fléau. A ses supplications ardentes et répétées, Jésus répondait des paroles consolantes. Ce n’état pas sur le monde un châtiment de justice, autrement ses péchés l’eussent déjà fait exterminer : c’était le châtiment envoyé par la miséricorde pour sauver quantité d’âmes courrant à leur perte. " Un moment suffit au Père pour gagner une âme, ajoutait le Sauveur !... Quant à celles qui demeureraient obstinées, c’était encore miséricorde d’abréger leur vie ici-bas afin de rendre moins redoutables les tourments de leur éternité. " Et le divin Cœur excitait toujours plus la générosité de Sœur Bénigna-Consolata pou e salut des âmes, lui promettant que de grandes grâces répondraient aux actes, même les plus petits, offerts à cet effet.

Enfin, le 4 juillet 1915, Jésus lui demanda le sacrifice de sa vie " pour obtenir la paix suivant les intentions du Souverain Pontife. " Ayant reçu l’assentiment des supérieurs, elle fut bien joyeuse de se livrer aussitôt pour la suprême immolation.

Depuis l’émission de ses vœux solennels, le feu du divin amour qui la consumait, croissait avec une telle intensité q’il était facile d’en prévoir les conséquences. C’était là le mal surnaturel qui la minait et la détachait de plus en plus de ce monde. Non, sa demeure ‘était plus sur terre. Elle était mûre pour le ciel.

A la fin de juin 1916, elle fit sa retraite annuelle, y consacrant douze jours, sur l’invitation de Jésus lui-même qui lui avait dit : "Ce n’est pas trop pour te préparer à la mort. " Docile à tous les mouvements d la grâce, elle fit une humble confession générale, donnant ainsi un nouvel éclat de pureté à son âme angélique ; cet acte fut suivi d’une profusion de grâces et de témoignages d’ineffable tendresse. Comme couronnement de cette retraite d’amour, Jésus lui dicta une merveilleuse formule de vœu d’humilité, qu’il lu fit prononcer à haute voix en présence de ses supérieurs ; puis, en même temps, il lui fit renouveler l’acte solennel de ses quatre autres vœux de perfection.

Pendant les derniers jours de juillet, malgré le dépérissement visible de sa Petite Secrétaire, le Sauveur l’encouragea et la soutint dans le travail qu’il jugeait devoir être si fructueux pour les âmes. Jusqu’à l’extinction complète de ses forces, elle dut, dans le secret et le silence, confier au papier les divines communications. Ces manuscrits nombreux forment un trésor sans pareil. Chaque jour on constate qu’à les lire et les méditer, les âmes se dilatent et se livrent, avec une confiance sans limites, au Cœur miséricordieux : les âmes égarées sont touchées et converties ; les tièdes, réchauffées, et les cœurs, déjà tout livrés à Jésus, sont embrasés de son amour.

Arrivée au sommet de la perfection, comblée des grâces et des faveurs divines, Sœur Bénigna-Consolata ne perdait rien de son effacement dans la communauté. On ne signale guère que deux de ses compagnes dont l’attention fut un peu attirée à son endroit. " Où avez-vous donc pris, ma Soeur Bénigna-Consolata, les belles choses que vous nus dites à l’assemblée d’après Vêpres ? "(1), lui demanda un jour une de ces deux religieuses.

: Réunion où la Règle prescrit, après le travail en commun, des entretiens de dévotion, (Note de la Traduction)

Jésus lui en suggérant la réponse : "Dans un PIEUX AUTEUR", répondit-elle sans s’émouvoir. _ Et les investigations en demeurèrent là.

Cependant, à bout de forces, elle dut avouer son mal à sa supérieure qui lui commanda de garder le lit. Avec les premiers jours d’août, les symptômes de la maladie de poitrine se déclarèrent.

Tandis que l’Ami fidèle prodiguait à cette âme privilégiée les secours et les enseignements propres à sanctifier son nouvel état, Satan redoublait ses attaques. Il a tentait tour à tour d’orgueil et de défiance, préparant l’assaut épouvantable par lequel il voulait la terrasser. Mais si grandes étaient les attentions divines, qu’en souriant, la jeune malade nommait sa cellule " la cellule de la joie. "

Les religieuses se sentaient attirées vers ce lit d’infirme : jamais Sœur Bénigna-Consolata ne leur était apparue si aimable, simple, affectueuse. Dans les moments où le mal li laissait un pe de relâche, elle avait un aspect vraiment angélique ; son visage reflétait tous les carmes, toutes les candeurs de l’enfant. Lorsqu’elle s’éveillait, ses yeux brillaient, lumineux ; ses lèvres s’entrouvraient dans le plus ravisant sourire et prononçaient à tout instant le saint Nom de Jésus. Très fidèle à réciter, aux heures prescrites son Office et ses autres prières, elle ne les omettait que devant une impuissance absolue. Pendant ses longues heures d’insomnie, on la voyait assise sur son lit, les mains jointes, plongée dans un recueillement intense.

Chaque matin, l’absolution et la sainte communion donnaient à son âme une pureté et une beauté nouvelle. De telles grâces ne pouvaient qu’accroître l’ardeur qui, depuis longtemps, la faisait soupirer faire la Jérusalem céleste. Aussi son âme séraphique s’élançait-elle haletante vers son Bien-Aimé. A sa demande, le sacrement d’extrême-onction lui fut administré le 14 août, dans la soirée ; elle le reçut avec une piété angélique.

Le 28 fut le jour choisi par Satan pour l’attaque effroyable qu’il préméditait. Coup sur coup, il se rua sur sa victime avec un acharnement terrible, et les tortures qu’il lui fi subir donnent comprendre combien cette âme était chère à Jésus.

Victorieuse de ces assauts, la sainte mourante put encore dans la matinée du 1er septembre, premier vendredi du mois, recevoir l’absolution sacramentelle et le saint Viatique. Ses forces baissaient sensiblement, mais son intelligence conservait toute sa lucidité et les noms bénis de Jésus et Marie semblaient marquer chacune des pulsations de son cœur virginal.

Vers ne heure et demie, elle prononça, bien qu’avec une extrême difficulté, l’acte de contrition et une dernière fois, le Sang du Sauveur descendit sur son âme. Enfin, tandis que le prêtre récitait les prières de la sainte Église pour le grand départ de ses enfants, en présence de la communauté agenouillée autour de sa couche, Sœur Benigna-Consolata exhala paisiblement son dernier soupir dans l’éternel baiser de l’Époux divin.

Il était trois heures du soir.

ANTONIO PICCINELLI, prêtre.

Aumônier-Chapelain de la Visitation.

PREFACE

Au Pieux lecteur,

Ame religieuse, vous désirez connaître quels sont, non seulement les volontés, mais aussi les désirs de Dieu sur vous ? Voici que dans ces courtes pages, votre vœu sera satisfait. C’est Jésus qui vous parle. Les enseignements qui vous sont donnés ; les prières qui vous sont suggérées et que vous faites remonter vers lui, tout a jailli pour vous de son divin Cœur. Ne vous aime-t-il pas tendrement et, comme il le dit lui-même, passionnément ?

Je vous exhorterai donc à faire ce qui fut enjoint autrefois à saint Augustin : " Prends et lis ; " mieux encore, à faire spirituellement ce qu’entendit saint Pierre : " Sume et manduca. " Par là, votre vie de grâce surnaturelle acquerra une vigueur et une force nouvelle.

LE COMPILATEUR

AVERTISSEMENT DE LA TRADUCTION

Ainsi, après Marguerite-Marie, après Anne-Madeleine Remuzat, toutes les deux Confidentes de son Cœur Sacré, Jésus choisit encore dans un cloître ignoré de son humble Visitation, un nouvel et pur organe, dont la " Mission spéciale " sera de faire connaître à tous, la surabondance de " miséricorde et d’amour " dont il se plaint d’être comme " oppressé ".

Note : La vie de Anne-Madeleine Remuzat aida sainte Bénigna-Consolata dans la voie de la perfection.

Par le moyen de Sœur Bénigna Consolata Ferrero, le Cœur de Jésus nous déclare qu’il fait " une levée en masse pour appeler les âmes à combattre les combat de l’amour…que les plus généreuses seront celles qui se tiendront aux premiers rangs… "

Les pages qui suivent _ la Préface nous en avertit _ ne sont autres qu’un extrait des divines communications " dictées " jour par jour, à la " Petite Secrétaire de Jésus ". La traduction s’est imposé le devoir strict de rendre aussi textuellement que possible, la simplicité évangélique des paroles du Sauveur, sous la forme candide et fraîche de la plume novice qui les a transcrites dans son expressive et harmonieuse langue italienne.

Répétitions pour rendre la pensée plus claire, familiarité des expressions et des comparaisons, tout a été en général, scrupuleusement respecté.

" Le monde court à son précipice, confiait le Cœur miséricordieux à l’humble " Apôtre de son amour " mais je l’arrêterai, dans sa course vertigineuse avec la petite troupe d’âmes généreuses _et humble_ qui combattront sous mon drapeau… "

Puisse l’élite de notre France comprendre et réaliser !

D. S. B.

* * * * *

Le suave et céleste parfum qui s’exhale, on peut le dire, de chaque ligne du Vade-mecum proposé aux âmes religieuses, éveilla, dès son apparition, un désir bien légitime : connaître la petite fleur qui répandait ainsi la bonne odeur de Jésus-Christ.

Il  donc fallu révéler, un an à peine après sa sainte mort, le nom de l’humble religieuse que le Cœur de Jésus a bien voulu choisir pour redire au monde son infinie miséricorde, et le renouveler dans la confiance et l’amour : Sœur Benigna-Consolata Ferrero, religieuse choriste de l’Ordre de la Visitation Sainte-Marie de Côme, Italie.

Née à Turin le 6 août 1885, elle recevait, le surlendemain, avec le saint baptême, les prénoms de Marie, Consolata, Thérèse, Rosalie, Philomène. Au sein d’une famille que distinguait sa position sociale et plus encore la vie hautement chrétienne, toute dévouée aux intérêts de Dieu et de l’Eglise, l’enfant s’imprégna d’un profond esprit de piété, qui se développa encore dan les instituts religieux où elle fit sa première éducation. Aussi n’eût-elle pas à déplorer plus tard, au contact de la jeunesse bien mélangée des écoles publiques, le refroidissement de sa ferveur. Cette piété resta néanmoins toujours dans les bornes de la discrétion; ne s’imposant jamais à son entourage, Marie-Consolata savait sacrifier, quand il le fallait, jusqu’aux entretiens les plus intimes avec son Jésus. Sans doute, son caractère plutôt viril, avec un singulier contraste d’habitudes méticuleuses, lui fut source de combat ; mais sa vigilance et l’énergie de sa volonté, aidées de la grâce, opérèrent un changement merveilleux dans son tempérament moral.

On remarquait chez la jeune fille une attention continuelle à faire plaisir aux autres sans tenir compte des sacrifices qu’elle devait s’imposer à elle-même. Cependant, dès qu’il s’agissait des droits ou du bon plaisir de Notre-Seigneur, on la voyait reprendre toute sa fermeté naturelle _sans toutefois se départir de son indulgence pour le prochain dont elle cherchait toujours à excuser les intentions, ayant en horreur les critiques et les murmures.

Douée d’une intelligence peu commune, son travail méthodique et son application continuelle la faisaient réussir en tout ; mais les éloges qui lui étaient alors adressés n’avaient jamais prise sur son cœur.

A cette humilité intérieure, joignant l’humilité extérieure, elle choisissait pour son usage les objets les moins beaux, s’attribuait les tâches les plus humiliantes.

Elle mortifiait sa volonté par une exacte obéissance et domptait ses répugnances naturelles, parfois jusqu’à l’héroïsme, comme on le vit, en particulier, au cours de la maladie d’un de ses frères.

Elle aimait profondément les siens ; cependant elle sut immoler avec promptitude et courage ses plus chères affections, soit à la mort du frère bien aimé dont nous venons de parler, soit quand l’appel du Seigneur l’invita secrètement à tout quitter pour embrasser la vie religieuse. Le divin Maître, en effet, montrait à la jeune fille la solitude d’un cloître de la Visitation, comme tout à fait propre au développement d’une vie intérieure uniquement orientée vers le ciel.

Le monastère de Pignerol s’ouvrit tout d’abord devant Mlle Ferrero. Ses vertus y furent bien vite reconnues et appréciées, mais Notre-Seigneur permit qu’on entra en appréhension devant la voie vraiment extraordinaire de cette âme privilégiée. Désolée, mais no découragée, Marie-Consolata dut quitter la maison de Dieu et rentrer dans sa famille. Elle attendit, crucifiée avec son Epoux, qu’Il lui montrât le lieu où pourraient enfin se réaliser ses ardentes aspirations.

Elle ne se confiait pas en vain : Notre-Seigneur lui dit intérieurement que le monastère de Côme (Lombardie), dont elle ignorait l’existence, était le trou de pierre, le nid de la colombe où Il la voulait. Telles furent les voies de la Providence, sur cette admirable âme et les ressorts cachés et admirables par lesquels Jésus l’introduisit dans le lieu de son repos.

Admise, peu après son entrée, aux exercices du postulat, Marie-Consolata, déjà comblée de grâces insignes, devait être prémunie contre les tentations de la aine gloire. En conséquence, la maîtresse des novices ne lui épargna ni observations, ni humiliations. La nature délicate de la postulante y étai fort sensible ; mais c’était pour elle le sujet de nouvelles victoires. Bien loin de se plaindre, elle remerciait sa Maîtresse et lui exprimait le désir de se voir éprouver chaque jour davantage.

Elle se considérait comme un néant et un néant pécheur, indigne de vivre dans la maison du bon Dieu, comme un fumier recouvert d’un peu de terre !... Les fautes de fragilité de son enfance et celles qui lui échappaient encore, par inadvertance, lui apparaissaient considérables à la lumière divine. Elle eût désiré les faire connaître à tous et se voir reléguée en quelque coin ignoré comme un chiffon malpropre qu’on ne peut toucher même du bout des doigts, mais seulement faire courir sous les pieds. Avec une ardeur touchante, elle conjurait Jésus de donner à d’autres plus dignes, les faveurs qu’Il lui prodiguait.

Quoique douée d’un parfait jugement, à la moindre apparence de faute elle entrait dans des alarmes de conscience qui devenaient un cruel martyre. Seuls, ses supérieurs parvenaient à calmer ses craintes ; à leur parole, elle se dépouillait de toute lumière propre pour suivre fidèlement leur direction.

Aucune immolation ne lui paraissait trop coûteuse, quand il s’agissait de se rendre plus agréable à Jésus ; si la nature frémissait, la volonté réagissait vigoureusement pour se porter sans retard au plus parfait. Le divin Maître multipliait à sa fidèle servante les occasions de lui offrir ce qu’elle avait de plus intime et de plus cher ; jamais elle ne répondit : »c’est assez ! ». Dès qu’elle se voyait chargée d’obtenir quelque grâce, elle ne reculait devant aucun sacrifice, devant aucune souffrance, et n’avait aucun repos qu’après s’être vue exaucée. Dans une circonstance où, de la faveur sollicitée, devait résulter un grand bien pour la sainte Eglise, elle s’offrit à porter une croix si douloureuse que le Sauveur ne voulut point l’en accabler.

Entrée au monastère de Côme, le 30 décembre 1907, à l’âge de 22 ans, elle y reçut le saint habit le 5 novembre 1908, avec le nom de Benigna-Consolata. Elle fit la profession des vœux simples le 23 novembre 1909, et celle des vœux solennels, le 28 novembre 1912. Dès lors, l’épouse de Jésus s’élança avec une nouvelle ardeur dans les sentiers de la perfection, et si simplement que ses sœurs en religion, elles-mêmes, ne se doutèrent jamais des merveilles que le Seigneur opérait dan son âme. Cependant, malgré son humilité, il transparaissait dans le maintien de Sœur Benigna-Consolata, dans l’air de son visage, dans ses paroles réservées, dans tout son extérieur enfin, quelque chose de céleste ; aussi, une personne séculière, qui avait l’occasion de l’apercevoir, se sentait poussée intérieurement à s’agenouiller devant elle. Cet attrait, exercé par la jeune religieuse, était le résultat de sa fidélité à l’invitation de Jésus : Le reproduire extérieurement, en vivant et en parlant comme il l’eût fait s’Il eût été à sa place.

La soif ardente du Sauveur pour le salut des âmes s’était aussi emparée du cœur se sa Benjamine, comme il daignait l’appeler. Elle ne perdait aucune occasion, soit par la prière, soit par la mortification, de satisfaire les désirs du Cœur divin. Tout, chez elle, tendait à ce noble but. Et Jésus lui donnait souvent l’assurance que, par son moyen, beaucoup de pécheurs avaient retrouvé la voie du ciel.

L’esprit de mortification qui animait Sœur Benigna-Consolata l’eût portée, par attrait, aux macérations excessives. L’obéissance, sa boussole infaillible, lui imposant des bornes, elle se dédommageait en saisissant toutes les occasions de crucifier sa chair innocente et ses inclinations naturelles. En récompense, Jésus la favorisa d’extraordinaires et incessantes communications par des paroles intérieurs et des vues intellectuelles. Puis, il ordonna à sa Petite Secrétaire, titre particulier dont il la qualifiait, d’écrire, au fur et à mesure, leurs colloques intimes et, tout d’abord, de ne parler ou répondre qu’après s’être tournée vers Lui. Les manuscrits, qu’elle a laissés par obéissance révèlent, d’une part, les vertus qui s’épanouissaient en cette âme livrée à Dieu sans réserve, dans une confiance absolue ; de l’autre, la miséricorde du Cœur de Jésus, ses tendresses, sa condescendance, ses mille délicatesses s’adressant aux pauvres pécheurs aussi bien qu’aux justes et aux parfaits, pour en faire une seule et même conquête de son amour.

En comblant de grâces insignes ‘humble religieuse, son Epoux crucifié n’avait garde de lui épargner les souffrances ; il en sema sa courte carrière. Les plus nombreuses les plus cruelles lui vinrent de l’ennemi, furieux de se voir arracher ses victimes. Pour se venger, il assaillait son esprit de quantité de doutes, de difficultés, d’inquiétudes, quand il n’y soulevait pas de violentes tentations. Les absences fréquentes de Jésus lui-même furent encore ses croix habituelles, ‘autant plus poignantes qu’elles venaient directement de son Dieu et la laissaient sans nul appui. C’était alors, en vérité, une participation de l’Agonie du Jardin des Olives. Et Jésus lui annonçait que, sur la fin de sa vie, son martyre augmenterait encore, ce qui arriva en effet. Connaissant la générosité de sa servante, il lui dit aussi, vers le même temps, de ne point aller chercher de réconfort auprès de ses supérieurs. Mais il inspirait à ceux-ci de provoquer ses confidences afin d’alléger un peu ses tourments.

Docile aux enseignements divins, Sœur Bénigna-Consolata se conformait en tout, quant à l‘extérieur, à la vie commune. Mais dans sa vie intérieure, tout fut extraordinaire. Son humilité s’en alarmait et elle suppliait Notre-Seigneur de diminuer ses largesses à son endroit. Il lui promit de les lui retirer toutes plutôt que de permettre une seule atteinte à la vertu chère à son Cœur, et l’assura qu’il les déroberait aux regards d’autrui, ne laissant paraître que ses imperfections : faveur spéciale encore entre toutes les autres.

Ascensiones in corde suo disposuit. Jésus avait déjà demandé à cette âme choisie, lorsqu’elle était de ce monde, de faire le vœu du pur amour. Une fois au monastère, il lui fut permis de renouveler ce vœu, de semaine en semaine. Quelques années plus tard, le divin Directeur l’exigea perpétuel. A ce voeu s’ajoutèrent successivement — toujours par la volonté de Jésus et sous l’approbation de l’obéissance — les vœux d’humilité, d’abandon et du plus parfait. Comme elle craignait de n’être pas capable de les observer, Jésus, condescendant aux humbles sentiments de sa Benjamine, lui fit suivre, pour chacun d’eux, la même marche que pour le vœu du pur amour. C’est chose admirable de constater qu’en cette âme délicate et timorée, tels engagements ne suscitèrent ni troubles ni inquiétudes : il servirent plutôt à maintenir et à faire croître le fond de paix dans lequel, malgré ses tempêtes intérieures, elle vivait toujours.

Pendant l’épouvantable guerre de 1914-1918, la Confidente des secrets divins fût, plus d’une fois, pressée par ses supérieurs, d’obtenir la cessation du terrible fléau. A ses supplications ardentes et répétées, Jésus répondait des paroles consolantes. Ce n’état pas sur le monde un châtiment de justice, autrement ses péchés l’eussent déjà fait exterminer : c’était le châtiment envoyé par la miséricorde pour sauver quantité d’âmes courrant à leur perte. « Un moment suffit au Père pour gagner une âme, ajoutait le Sauveur !... Quant à celles qui demeureraient obstinées, c’était encore miséricorde d’abréger leur vie ici-bas afin de rendre moins redoutables les tourments de leur éternité. » Et le divin Cœur excitait toujours plus la générosité de Sœur Bénigna-Consolata pou e salut des âmes, lui promettant que de grandes grâces répondraient aux actes, même les plus petits, offerts à cet effet.

Enfin, le 4 juillet 1915, Jésus lui demanda le sacrifice de sa vie « pour obtenir la paix suivant les intentions du Souverain Pontife. »  Ayant reçu l’assentiment des supérieurs, elle fut bien joyeuse de se livrer aussitôt pour la suprême immolation.

Depuis l’émission de ses vœux solennels, le feu du divin amour qui la consumait, croissait avec une telle intensité q’il était facile d’en prévoir les conséquences. C’était là le mal surnaturel qui la minait et la détachait de plus en plus de ce monde. Non, sa demeure ‘était plus sur terre. Elle était mûre pour le ciel.

A la fin de juin 1916, elle fit sa retraite annuelle, y consacrant douze jours, sur l’invitation de Jésus lui-même qui lui avait dit : »Ce n’est pas trop pour te préparer à la mort. » Docile à tous les mouvements d la grâce, elle fit une humble confession générale, donnant ainsi un nouvel éclat de pureté à son âme angélique ; cet acte fut suivi d’une profusion de grâces et de témoignages d’ineffable tendresse. Comme couronnement de cette retraite d’amour, Jésus lui dicta une merveilleuse formule de vœu d’humilité, qu’il lu fit prononcer à haute voix en présence de ses supérieurs ; puis, en même temps, il lui fit renouveler l’acte solennel de ses quatre autres vœux de perfection.

Pendant les derniers jours de juillet, malgré le dépérissement visible de sa Petite Secrétaire, le Sauveur l’encouragea et la soutint dans le travail qu’il jugeait devoir être si fructueux pour les âmes. Jusqu’à l’extinction complète de ses forces, elle dut, dans le secret et le silence, confier au papier les divines communications. Ces manuscrits nombreux forment un trésor sans pareil. Chaque jour on constate qu’à les lire et les méditer, les âmes se dilatent et se livrent, avec une confiance sans limites, au Cœur miséricordieux : les âmes égarées sont touchées et converties ; les tièdes, réchauffées, et les cœurs, déjà tout livrés à Jésus, sont embrasés de son amour.

Arrivée au sommet de la perfection, comblée des grâces et des faveurs divines, Sœur Bénigna-Consolata ne perdait rien de son effacement dans la communauté. On ne signale guère que deux de ses compagnes dont l’attention fut un peu attirée à son endroit. « Où avez-vous donc pris, ma Soeur Bénigna-Consolata, les belles choses que vous nus dites à l’assemblée d’après Vêpres ? » [1], lui demanda un jour une de ces deux religieuses.

Jésus lui en suggérant la réponse : « Dans un PIEUX AUTEUR », répondit-elle sans s’émouvoir. — Et les investigations en demeurèrent là.

Cependant, à bout de forces, elle dut avouer son mal à sa supérieure qui lui commanda de garder le lit. Avec les premiers jours d’août, les symptômes de la maladie de poitrine se déclarèrent.

Tandis que l’Ami fidèle prodiguait à cette âme privilégiée les secours et les enseignements propres à sanctifier son nouvel état, Satan redoublait ses attaques. Il a tentait tour à tour d’orgueil et de défiance, préparant l’assaut épouvantable par lequel il voulait la terrasser. Mais si grandes étaient les attentions divines, qu’en souriant, la jeune malade nommait sa cellule « la cellule de la joie. »

Les religieuses se sentaient attirées vers ce lit d’infirme : jamais Sœur Bénigna-Consolata ne leur était apparue si aimable, simple, affectueuse. Dans les moments où le mal li laissait un pe de relâche, elle avait un aspect vraiment angélique ; son visage reflétait tous les carmes, toutes les candeurs de l’enfant. Lorsqu’elle s’éveillait, ses yeux brillaient, lumineux ; ses lèvres s’entrouvraient dans le plus ravisant sourire et prononçaient à tout instant le saint Nom de Jésus. Très fidèle à réciter, aux heures prescrites son Office et ses autres prières, elle ne les omettait que devant une impuissance absolue. Pendant ses longues heures d’insomnie, on la voyait assise sur son lit, les mains jointes, plongée dans un recueillement intense.

Chaque matin, l’absolution et la sainte communion donnaient à son âme une pureté et une beauté nouvelle. De telles grâces ne pouvaient qu’accroître l’ardeur qui, depuis longtemps, la faisait soupirer faire la Jérusalem céleste. Aussi son âme séraphique s’élançait-elle haletante vers son Bien-Aimé. A sa demande, le sacrement d’extrême-onction lui fut administré le 14 août, dans la soirée ; elle le reçut avec une piété angélique.

Le 28 fut le jour choisi par Satan pour l’attaque effroyable qu’il préméditait. Coup sur coup, il se rua sur sa victime avec un acharnement terrible, et les tortures qu’il lui fi subir donnent  comprendre combien cette âme était chère à Jésus.

Victorieuse de ces assauts, la sainte mourante put encore dans la matinée du 1er septembre, premier vendredi du mois, recevoir l’absolution sacramentelle et le saint Viatique. Ses forces baissaient sensiblement, mais son intelligence conservait toute sa lucidité et les noms bénis de Jésus et Marie semblaient marquer chacune des pulsations de son cœur virginal.

Vers ne heure et demie, elle prononça, bien qu’avec une extrême difficulté, l’acte de contrition et une dernière fois, le Sang du Sauveur descendit sur son âme. Enfin, tandis que le prêtre récitait les prières de la sainte Eglise pour le grand départ de ses enfants, en présence de la communauté agenouillée autour de sa couche, Sœur Benigna-Consolata exhala paisiblement son dernier soupir dans l’éternel baiser de l’Epoux divin.

Il était trois heures du soir.

ANTONIO PICCINELLI, prêtre.

Aumônier-Chapelain de la Visitation.


[1] Réunion où la Règle prescrit, après le travail en commun, des entretiens de dévotion, (Note de la Traduction)

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