PREMIÈRE PARTIE
DE LA VIE ET DES
MYSTÈRES DE LA SAINTS VIERGE, REINE DU CIEL. — CE QUE LE TRÈS-HAUT OPÉRA EN
CETTE PURE CRÉATURE DEPUIS SON IMMACULÉE CONCEPTION JUSQU'À CE QUE LE VERBE PRIT
CHAIR HUMAINE DANS SON SEIN VIRGINAL. — LES FAVEURS QU'IL LUI FIT PENDANT LES
QUINZE PREMIÈRES ANNÉES DE SA VIE, ET LES GRANDES VERTUS QUELLE ACQUIT AVEC LE
SECOURS DE LA GRACE.
LIVRE PREMIER. OU
IL EST TRAITÉ DE CE QUI PRÉCÉDA LA VENUE DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE MARIE EN CE
MONDE. — DE SON IMMACULÉE CONCEPTION ET DE SA SACRÉE NAISSANCE. — DES EXERCICES
AUXQUELS ELLE S'OCCUPA JUSQU'À L’ÂGE DE TROIS ANS.
CHAPITRE I
De deux visions particulières que le Seigneur découvrit à mon âme, et d'autres
connaissances et mystères qui me forçaient de m'éloigner des pensées de la
terre, élevant mon esprit et l’arrêtant aux choses du ciel.
1. Je vous glorifie: et je vous
loue, ô Roi de gloire ,
qui, par un effet de votre adorable providence et de votre infinie Majesté, avez
caché aux sages et aux savants ces sublimes mystères, et les avez révélés à
votre plus humble servante, quoique inutile à votre Église, afin qu'on vous
reconnaisse avec admiration pour le Tout-Puissant et pour l'auteur de cet
ouvrage, à mesure que vous vous servez d'un plus pauvre et plus faible
instrument.
2. Après de longues résistances que
j'ai racontées, après plusieurs craintes mal fondées, et après de grandes
suspensions causées par ma lâcheté, et par la connaissance que j'avais de cet
immense océan de merveilles, sur lequel. je me hasarde, craignant d'y faire
naufrage; ce très haut Seigneur me fit sentir une vertu céleste, forte, douce,
efficace; une lumière qui éclaire l'entendement ,
captive la volonté rebelle, apaise, redresse, gouverne et attire à soi tous les
sens intérieurs et extérieurs, et soumet toute la créature à son bon plaisir et
à sa volonté, afin qu'elle recherche en tout son honneur et sa seule gloire.
Étant dans cette disposition, j'ouïs la voix du Tout-Puissant qui m'appelait et
m'attirait à soi, élevant avec une grande force mon esprit aux choses
supérieures, me fortifiant contre les lions rugissants, qui faisaient leurs
efforts pour éloigner mon âme du bien
qu'on lui offrait dans la connaissance des grands mystères qui sont renfermés
dans ce tabernacle et cette sainte cité de Dieu ; et me délivrant des portes
des tribulations par
lesquelles ils me conviaient d'entrer, afin que, entourée des douleurs de la
mort et de la perdition ,
environnée des flammes de cette Sodome et de cette Babylone dans lesquelles
:nous vivons, je m'y précipitasse, et que dans mon aveuglement je suivisse leurs
maximes, dans le temps qu'ils offraient à mes sens des objets d'un plaisir
apparent, et les séduisaient par leurs artifices et leurs tromperies. Mais le
Très-Haut nie délivra de toutes ces embûches qu'ils me préparaient,
éclairant mon esprit et m'enseignant. le chemin de la perfection par des
remontrances efficaces, me conviant de mener une vie toute spirituelle et
angélique dans cette chair mortelle, me sollicitant à vivre avec tant de
circonspection, que je ne fusse point atteinte du feu, même au milieu de la
fournaise, et que je fermasse l'oreille aux discours des langues trompeuses
lorsqu elles m'entretiendraient des bassesses de la terre. Sa Majesté m'appela,
afin que je me retirasse du misérable état que cause la loi du péché, que je
résistasse aux malheureux effets que nous héritons de la nature corrompue, et
que je l'arrêtasse dans ses inclinations désordonnées, les détruisant en vue de
la lumière, et m'élevant au-dessus de moi-même. Il m'appelait plusieurs fois par
les forces d'un Dieu puissant, par des corrections d'un père, par des caresses
d'un époux, et me disait : « Lève-toi, hâte-toi, ouvrage de mes mains; viens à
moi, qui suis la sa lumière et la voie : car celui qui me suit ne marche point
dans les ténèbres.
Viens à moi, qui suis la vérité infaillible et la sainteté par excellence; je
suis le Puissant, le Sage, et Celui qui corrige les sages. »
3. Les effets de ces paroles
m'étaient des flèches d'amour, d'admiration, de respect, de crainte, de
connaissance de mes péchés et de ma bassesse, de façon que je me retirais toute
confuse et anéantie. Et pour lors le Seigneur me disait ; « Viens, âme, viens à
moi, qui suis ton Dieu tout-puissant; et, bien que tu aies été prodigue et
pécheresse, élève-toi de cette terre et viens à moi, qui suis ton père; reçois
l'étole de mon amitié et l'anneau de mon alliance. »
4. Étant dans l'état que je dis, je
vis un jour les six anges que le Tout-Puissant me destina pour m'assister et me
diriger dans cet ouvrage (et dans d'autres occasions de combat), et ils me
purifièrent et disposèrent. Ensuite ils me présentèrent au Seigneur, et sa
Majesté enrichit mon dîne d'une nouvelle lumière et d'une qualité (comme de
gloire) qui me disposèrent et fortifièrent pour apercevoir et connaître ce qui
est au-dessus de, mes forces naturelles. Après, deux autres anges, d'une
hiérarchie supérieure, m'apparurent, ils m'appelèrent d'une puissante force de
la part du Seigneur; et il me fat révélé qu'ils étaient très mystérieux, et
qu'ils me voulaient découvrir de
profonds secrets. Je leur répondis
avec un grand souci (passionnée de jouir de ce bien qu'ils m'annonçaient) que je
désirais ardemment de voir ce qu'ils me voulaient découvrir, et ce qu'ils me
cachaient avec mystère. Ils me dirent fort sévèrement : « O âme! arrête-toi. »
Et m'adressant à eux, je leur dis; « Princes du Tout-Puissant, messagers du
grand Roi, pourquoi m'ayant appelée m'armez-vous à cette heure, violentant ainsi
ma volonté, retardant ma consolation et ma joie? Quelle est votre force, et quel
pouvoir est le vôtre, qui dans un même temps m'appelle, m'anime, me trouble et
me retient, puisque c'est presque une même chose que de m'attirer après les
douces odeurs de mon aimable Maître, et de me lier avec de fortes chaînes ?
Dites-m'en, s'il vous plaît, la raison. Ils me répondirent ; « Parce qu'il faut
que tu te dépouilles de tous a tes appétits et de toutes tes passions pour
arriver à ces hauts mystères, qui ne s'accordent pas avec les perverses
inclinations de la nature. Déchausse-toi donc comme Moïse, qui en reçut le
commandement pour voir ce merveilleux buisson. »
Je
leur répondis; « Mes princes et mes seigneurs, on demanda beaucoup de Moïse en
exigeant qu'il eût des opérations angéliques dans une nature corrompue et
mortelle; mais il était saint et juste, et je ne suis qu'une pécheresse remplie
de misères et soumise à cette malheureuse loi du péché si contraire à celle de
l'esprit .
» A quoi ils repartirent ; « On te demanderait une chose très-malaisée s’il te
fallait l'exécuter par tes seules forces; mais le Très-Haut veut. et demande ces
dispositions; il est puissant, et il ne te refusera pas son secours si tu le lui
demandes avec ardeur; et si tu te disposes à le recevoir. Ce même il pouvoir qui
faisait brûler le buisson sans le consumer
,
pourra bien empêcher que l’âme plongée a dans les flammes des plus fortes
passions, ne se brille si elle veut s'en délivrer. Sa Majesté de mande ce
qu'elle veut, et peut ce qu'elle demande; et avec son secours tu pourras ce
qu'elle te commande
.
Dépouille-toi de cette loi dit péché, pleure amèrement, crie du profond de ton
coeur, afin que ta prière soit exaucée et ton désir accompli. »
5. Je vis ensuite un voile qui
couvrait un très riche trésor, et je souhaitais avec passion qu'il fût tiré,
afin que la merveille que ces intelligences me montraient comme un profond
mystère, me fût découverte. Et l'on me répondit ; « Ame, obéis à ce qu'il t'est
commandé : dépouille-toi de toi-même, et l'on te découvrira ce qu'on te cache. »
Je proposai de changer de vie et de vaincre mes appétits; je versais des
torrents de larmes, je poussais de profonds soupirs et de tendres gémissements,
afin de mériter la connaissance de ce secret; et à mesure que je proposais, le
voile qui couvrait mon trésor se retirait. Il fut enfin tout à fait retiré, et
je vis en esprit te que je ne saurais exprimer. Un grand et mystérieux signe me
parut dans le ciel: je vis une femme, une dame, une très belle reine couronnée
d'étoiles, revêtue du soleil, qui avait la lune sous les pieds
. Et
les anges me dirent ; « Celle que tu vois est cette heureuse femme qui parut à
saint Jean dans son Apocalypse, et dans laquelle sont renfermés, mis en dépôt
et, scellés, les merveilleux mystères de la rédemption. Le Très-Haut et
Tout-Puissant si fort favorisé et enrichi cette dame, que tous les esprits
célestes en sont dans l'admiration. Considère et contemple ses excellences,
écris-les, car on t'en donne la connaissance pour cela aussi bien que pour ton
profit. » Les merveilles que je découvris sont si grandes et en si grand nombre,
qu'elles me rendent muette, et, la connaissance que j'en ai me ravit; et je
crois même, que tous ne sont pas capables de connaître et de pénétrer, dans
cette vie mortelle, ce que je dois déclarer dans la suite de cet ouvrage.
6. Un autre jour, dans le même état
où j'étais, et dans une grande quiétude et sérénité de mon âme, fouis la voix du
Très-Haut qui me disait ; « Ma chère, épouse, je veux maintenant que tu te
détermines sans plus balancer, que tu me cherches avec zèle, que tu m'aimes avec
ferveur, que ta vie soit plus angélique qui humaine, et que tu oublies tout ce
qui
appartient à la terre; je veux
t'élever de tes bassesses et de ton bourbier
,
comme une pauvre: misérable et nécessiteuse, et que dans toit élévation tu
t'abaisses, que tes vertus rendent une douce et agréable odeur en ma présence ;
et
que dans la connaissance de tes faiblesses et de tes péchés, tu te persuades
fortement que tu mérites les tribulations et les peines que tu souffres.
Contemple ma grandeur et ta bassesse; considère que je suis juste et saint, que
je t'afflige avec raison, et que je suis toujours miséricordieux, ne te châtiant
pas comme a ton indignité le, demanderait. Efforce-toi d'acquérir a sur ce
fondement de l'humilité toutes les autres vertus, afin que tu accomplisses ma
volonté; et je te destine ma Mère pour ta maîtresse, afin qu'elle t'enseigne, te
corrige et te reprenne; elle t'instruira, et dressera tes voies à tout ce qui me
sera le plus agréable. »
7. J'étais en présence de cette
Reine lorsque le Seigneur me tint ce discours, et cette divine Princesse ne
dédaigna point d'accepter l'office que Sa Majesté lui donnait; elle l'accepta
avec beaucoup de bonté et me dit : « Ma fille, je veux que tu sois ma disciple
et mon associée, je serai ta maîtresse; mais sache que tu dois m'obéir
aveuglément, et que dès à présent on ne doit plus reconnaître en toi aucun reste
de fille d'Adam. Ma vie, et tout ce que j'ai a fait dans mon état mortel, et les
merveilles que la puissance du Très-Haut a opérées en moi, te doivent servir de
miroir et de règle. » Je me prosternai alors devant le trône du Roi et de la
Reine de l'univers, et je m'offris d'obéir en tout ce qu'ils me commanderaient,
rendant des grâces infinies au Seigneur. de l'honneur et de la faveur qu'il me
faisait, si au-dessus de mes mérites, que de me donner une telle guide et
protectrice. Je renouvelai les voeux de ma profession entre ses mains, et
m'offris de nouveau de lui obéir et de coopérer de toutes mes forces à
l'amendement de ma vie. Le Seigneur me dit : « Prends garde et vois. » Ce
qu'ayant fait, je vis une fort belle échelle à plusieurs échelons, une grande
multitude d'anges autour, et d'autres qui descendaient et qui montaient. Et sa
Majesté me dit : « C'est cette mystérieuse échelle de Jacob qui est la maison de
Dieu et la porte du ciel
. Si
tu te disposes, et que ta vie soit telle, que je n'y trouve rien à reprendre, tu
viendras à moi par elle. »
8. Cette promesse excitait mon
désir, animait ma volonté, suspendait mon. esprit, et je me plaignais de me
sentir contraire à moi-même
. Je
soupirais après la fin de ma captivité, et pour arriver au lieu où il n'y a
point d'obstacle au véritable amour. Je fus quelques jours dans ces peines,
tachant néanmoins de me perfectionner par une nouvelle confession générale, et
par le retranchement des imperfections que je pouvais découvrir en moi. Je
continuais de voir l'échelle, mais je n'en comprenais pas encore le mystère. Je
promis au Seigneur de m'éloigner toujours plus de toutes les vanités mondaines,
et de mettre ma volonté en liberté pour l'aimer sur toutes choses, sans la
laisser broncher même aux apparences des moindres défauts : je renonçai à tout
le fabuleux et le visible, et je l'abandonnai. Et ayant passé quelques jours
dans ces affections et dans ces dispositions, le Très-Haut me déclara que cette
échelle était la vie, les vertus et les mystères de la très sainte Vierge Marie;
et sa Majesté me dit : « Je veux, ma chère épouse, que tu montes par cette
échelle de Jacob, et que tu entres par cette porte du ciel pour connaître mes
attributs et pour contempler ma divinité. Monte donc et avance-toi, viens à moi
par elle. Ces anges qui l'accompagnent et qui la servent a sont ceux que j'ai
destinés pour sa garde et pour la défense de cette sainte cité de Sion; fais en
sorte qu'en méditant ses vertus, tu travailles à les imiter. » Il me sembla que
je montais par cette échelle, et qu'en y montant je connaissais et je découvrais
la plus grande des merveilles, et le plus ineffable prodige du Seigneur dans une
pure créature, la plus grande sainteté et la plus grande perfection des vertus
que le bras du Tout-Puissant eût jamais opérées. Je voyais au haut de l’échelle
le Seigneur des seigneurs et la Reine de tout ce qui est créé, qui me
commandèrent de le glorifier, de le louer et de l'exalter pour, de si
magnifiques mystères
, et
d'écrire ce que j'en comprendrais. Le Seigneur tout-puissant m'écrivit avec son
doigt dans des tables bien plus augustes que celles de Moïse, une loi que je
devais méditer et que je devais observer
; il
me fut inspiré de la manifester en sa présence à la très pure Vierge, que Marie
vaincrait ma résistance et mon incapacité, et qu'avec son aide j'écrirais sa
très sainte vie, qui produirait les trois réflexions que je souhaite. La
première, que l'on connaisse et que l'on pénètre sérieusement le profond respect
et la révérence que l'on doit à Dieu; que la créature se doit d'autant plus
humilier et abaisser, que son immense Majesté se familiarise plus avec elle, et
que les plus grands bienfaits et les faveurs les plus signalées doivent être le
motif d'une plus grande crainte, révérence, assiduité et humilité. La seconde,
afin que le genre humain, ayant si fort oublié son remède, découvre ce qu'il
doit à sa Reine et charitable Mère touchant l'ouvrage de la rédemption, le grand
amour et le profond respect qu'elle eut pour son Dieu, et ceux que nous devons
avoir pour cette aimable princesse. La troisième, afin que mon directeur, et
tout le monde, s'il est nécessaire, connaissent ma bassesse, ma lâcheté et le
peu de soin que j'ai de correspondre aux grâces que je reçois.
9. La très sainte Vierge, répondant
à mon désir, me dit : « Ma fille, le monde a un grand besoin de cette doctrine,
parce qu'il ignore la révérence qui est due au Seigneur tout-puissant, et qu'il
y manque; et par cette ignorance les hommes provoquent se justice, qui les
afflige et les abat; ils croupissent dans l'oubli de ses vérités; aveuglés
qu'ils sont par leurs propres ténèbres, ils ne s'avisent las de recourir à la
lumière, qui les dissiperait; et cela leur arrive parce qu'ils manquent de cette
crainte et de ce respect qu'ils lui doivent. » Le Très-Haut et la Reine des
anges me donnèrent ces avis et plusieurs autres pour me faire connaître leur
volonté dans cet ouvrage. Alors j'eus de la confusion de mon peu de charité à
l'égard du prochain, et de la répugnance que j'avais portée jusqu'alors aux
offres que cette princesse me faisait de me protéger et de m'assister dans la
manifestation de l'histoire de sa très sainte vie, voyant bien qu'il n'était pas
à propos de la différer à un autre temps, parce que le Seigneur tri avait fait
connaître que celui-ci était le plus convenable; et après cela il me tint ce
discours ; « Ma fille, lorsque j'envoyai mon l'ils unique an monde, les hommes
étaient dans le plus pitoyable état où ils eussent jamais été, excepté le petit
nombre qui nie servait La nature humaine est si imparfaits, que, si elle ne se
soumet à la direction intérieure de ma grâce et à la pratique de ce que mes
ministres enseignent, en assujettissant sa propre volonté et me suivant, moi,
qui suis la voie, la vérité et la vie
, par
l'observance de mes commandements, qui conserve mon amitié, elle tombe à
l'instant dans de profondes ténèbres, se plonge dans des misères sans nombre, et
va d'abîme en abîme dans l'obstination du péché. Depuis la création et le péché
du premier homme, jusqu'à la loi que je donnai à Moise
, ils
se gouvernèrent selon leurs propres et perverses inclinations, ils tombèrent
dans de très grandes erreurs, et ils y persévérèrent même après la loi, à
laquelle ils ne voulurent pas se soumettre, et, marchant et s'éloignant ainsi
toujours de la lumière et de la vérité, ils s'abîmèrent dans le malheureux oubli
et de Dieu et d'eux-mêmes. J'envoyai alors, par un amour de père, le salut
éternel et le remède à la nature humaine pour la guérir de ses infirmités; de
sorte que j'ai justifié ma cause. Et comme je me servis alors du temps de la
plus grande misère pour faire éclater davantage ma plus grande miséricorde
, je
veux maintenant départir aux hommes une nouvelle faveur, parce que le temps
propre à la faire sentir est arrivé, en attendant que mon heure vienne, en
laquelle le monde se trouvera si chargé d'iniquités, et la mesure des pécheurs
si remplie, qu'ils connaîtront et seront contraints de confesser la juste cause
de mon indignation. Je manifesterai alors ma justice, mon courroux et mon
équité, et je ferai connaître par là combien ma conduite a été équitable à leur
égard. Pour les confondre davantage, voici le temps où ma miséricorde va fort
éclater, et auquel je veux que u mon amour ne soit point oisif; maintenant que
le monde est arrivé au plus malheureux siècle qui se soit passé depuis
l'incarnation du Verbe, auquel les a. hommes négligent d'autant plus leur bien,
qu'ils devraient le chercher avec plus d'ardeur; en ce temps auquel la fin de
leur vie passagère approché, et auquel la nuit de l'éternité pour les réprouvés
va succéder au soleil de la grâce, qui doit faire naître aux justes un jour sans
nuit et éternel; en ce temps auquel la plupart des mortels sont plongés dans les
ténèbres de leur ignorance et dans l'abîme de leurs péchés, opprimant et
persécutant les justes, et se moquant ouvertement de mes fidèles enfants; a en
ce temps que cette inique raison d'État, autant odieuse à ma sagesse
qu'injurieuse à ma providence, méprise si fort ma sainte loi, et lorsque les
méchants se rendent plus indignes de mes faveurs Ayant égard aux justes qui se
trouvent dans cet heureux temps pour eux, je leur veux ouvrir à tous une à porte
par laquelle ils pourront avoir accès à ma miséricorde, et leur donner un
flambeau, afin qu'ils soient éclairés dans les ténèbres de leur aveuglement. Je
leur veux donner un souverain remède, s'ils veulent s'en servir, pour arriver à
ma grâce; ceux qui le trouveront seront fort heureux, ceux qui en connaîtront la
valeur ne le seront pas moins,
ceux qui posséderont ce trésor, posséderont les véritables richesses, et ceux
qui le méditeront avec respect, tâchant d'en concevoir les mystères, seront les
véritables sages. Je veux que les hommes sachent combien vaut l'intercession de
Celle qui fut le remède à leurs péchés, lorsqu'elle donna dans son sein virginal
la vie mortelle à l'Immortel. Je veux qu'ils aient pour miroir, dans lequel ils
puissent voir leur ingratitude, les merveilles que ma puissance a opérées dans
cette créature. Je leur veux découvrir plu sieurs de celles que j'ai faites en
elle en qualité de Mère de mon Fils incarné pour le genre humain, et qui ont été
cachées jusqu'à présent par mes secrets jugements.
10. « Je n'ai pas manifesté ces
merveilles dans la primitive Église, parce qu'elles contiennent des mystères si
relevés et si sublimes, que les fidèles se seraient arrêtés à les approfondir et
à les admirer, lors:qu'il était nécessaire d'établir la Loi de grâce et de
publier l'Évangile. Et, bien que cela n’eût pas été incompatible, néanmoins
l'esprit humain, tout rempli d'ignorance, pouvait recevoir quelques troubles et
souffrir quelques doutes, dans un temps que la foi de l'incarnation et de la
rédemption était encore a faible, et les préceptes de la .nouvelle loi dans le
berceau. Et ce fut pour cela que le Verbe fait homme dit à ses disciples dans la
dernière cène : J'aurais à vous dire plusieurs choses, mais vous n'êtes pas à
présent disposés à les recevoir.
Il parla en leurs personnes à tout le monde, qui était encore moins disposé,
avant l'établissement de la loi et de la foi du Fils, à recevoir la foi et à
connaître les mystères de sa Mère. Présentement la nécessité en est bien plus
grande, et cette nécessité m'est un motif plus pressant que la mauvaise
disposition que j'y trouve. Et si les hommes m'obligeaient par leurs religieux
procédés en connaissant et révérant avec respect les merveilles que cette Mère
de miséricorde renferme en. soi, et s'ils réclamaient de coeur et avec sincérité
son intercession, ils trouveraient quelque remède à leurs malheurs. Je leur
présente cette mystique Cité de refuge : fais-en la description et le récit,
selon que ta faiblesse te le permettra. Je ne veux pas qu'on les regarde comme
des opinions ou de simples visions, mais comme une vérité constante et certaine.
Que ceux qui ont des oreilles entendent;
que ceux qui ont soif viennent aux eaux vives,
et laissent les citernes croupissantes; que ceux qui aiment la lumière la
suivent jusqu'à la fin. » C'est ce que le Seigneur Dieu tout-puissant dit.
11. Ce sont les paroles que le
Très-Haut me dit sur le sujet que je viens de raconter. Je dirai au chapitre
suivant de quelle manière je reçois cette doctrine et cette lumière, et comment
je connais le Seigneur; exécutant en cela l'obéissance, qui me l'ordonne. Ainsi,
dans la suite, tous seront informés de la nature des connaissances et des
miséricordes que je reçois.
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