LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

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La Sainte Famille,
petite Trinité de la terre

Dieu, Unique n’est pas deux personnes, mais trois, c’est-à-dire relation éternelle d’amour du Père et du Fils d’où procède l’Esprit. Marie ne pouvait pas rester seule avec Dieu le Verbe Incarné; il fallait Joseph pour que “leur relation soit à l’image de Dieu et de la relation amoureuse que Dieu entretient avec l’humanité.” [1] Joseph n’aurait-il pas été choisi par le Père pour que nous devenions capables de“ traduire dans nos vies le caractère amoureux de la paternité divine?”  De là il résulte qu’on a souvent comparé la Sainte Famille constituée de deux époux vierges et d’un Fils, Jésus, Verbe de Dieu, à une petite Trinité, de la terre.

Saint Bernardin de Sienne dit que “Dieu n’a pu unir à l’âme d’une si grande Vierge, qu’une opération et une vertu très semblables à Elle.”  Jean Gerson voudrait pouvoir dépeindre “cette admirable Trinité de Jésus, Marie et Joseph.”  Ils étaient trois avoue Saint Léonard de Port Maurice, “et cependant ils n’étaient qu’un, un dans une unité si merveilleuse, unité qui de trois ne faisait qu’un, et qui cependant les laissait trois...” Honorez donc souvent cette trinité qui fut visible pour nous sur la terre: Jésus, Joseph et Marie! Gravez dans vos coeurs ces trois noms célestes, prononcez-les souvent, écrivez-les partout: Jésus, Marie, Joseph!...

Reprenant une réflexion de Paul Claudel : “Dans la demeure de Nazareth, il n’y a que trois pauvres gens qui s’aiment, et c’est eux qui vont changer la face du monde.” Michel Gasnier s’écrie : “ Ils sont trois, et l’amour mutuel qui les anime, qui jamais ne se dément, qui devient chaque jour plus intime, plus tendre, plus fort, les rassemble en une unité merveilleuse qui nous fait songer à l’Éternelle Trinité de laquelle Saint Jean dira: ‘Et tous les trois ne font qu’un.’ Leur amour unit leur esprit en un seul esprit et leur coeur en un seul coeur.

Ils sont trois d’une dignité très inégale, mais l’ordre hiérarchique voulu par Dieu est excellemment observé. Joseph se soumet à la volonté divine. Marie est subordonnée à Joseph. Et Jésus obéit à la fois à Joseph et à Marie. La préséance est donc à l’inverse de la valeur d’excellence. Le dernier des trois en grandeur est le premier en autorité. Il s’agit d’un ordre conforme à la loi évangélique qui veut que les premiers soient les derniers et que les derniers soient les premiers...  C’est une leçon que Dieu nous fait entendre que le pouvoir est moins un privilège qu’un service...

Avant que d’enseigner le silence, l’effacement, l’abnégation, l’humilité, il faut que Jésus et ceux qu’il entraîne au premier rang dans son sillage commencent par donner aux hommes le spectacle de ces vertus.”  [2] 

André DOZE [3] contemple la petite Trinité. Il compare, en quelque sorte, Saint Joseph et le Saint Esprit. En effet, poursuivant sa méditation sur le couple unique de Joseph et de Marie, André Doze n’hésite pas à écrire: “Un couple n’est pas une paire... Un couple comporte un homme, une femme, et cette troisième donnée indéfinissable autant qu’essentielle: l’amour..” André Doze va encore plus loin et dit: “Ce que l’amour est au couple de l’homme et de la femme, l’esprit l’est exactement au couple du corps et de l’âme... Tout converge vers le couple dont la clé est ce lien spirituel mystérieux qu’on appelle l’amour, et l’amour évoque, par son existence même, la réalité de ce qu’on appelle l’esprit, dans Saint Paul, ou le coeur, dans la Bible. L’esprit, en effet, est une réalité inconnue des psychologues, des philosophes et des savants. Seul le couple humain peut nous en montrer le chemin et ce n’est pas là sa moindre grandeur...”  [4] 

André Doze dira aussi: “Un vrai couple humain est toujours tendu vers un amour dont ni l’homme, ni la femme n’ont à eux seuls la clé. Quelles que soient la bonne volonté de chacun, les conditions favorables, les efforts, le véritable amour est toujours une sorte d’au-delà gratuit, une harmonie qui n’est jamais donnée d’avance, à laquelle il faudrait savoir s’ouvrir comme un mendiant, un mendiant d’amour. Telle est exactement la condition de l’homme, esprit, âme et corps. Le corps et l’âme ne trouvent leur unité que dans cet insaisissable esprit qui, lui-même, sent en lui comme une soif grandissante de ce que, un jour, Jésus désignera sous le nom d’Esprit-Saint... Cet être à trois termes, tel qu’il sort des mains du Créateur le Sixième jour, est dans la condition d’un mendiant, d’un assoiffé, la condition bienheureuse entre toutes que chantera un jour Jésus: “Bienheureux les pauvres.” [5] 

Méditant encore sur le mystère de Dieu que Saint Jean nous présente:”Ils sont trois à rendre témoignage, l’Esprit, l’Eau et le Sang, et ces trois convergent dans l’unique témoignage,” André Doze dit encore: “L’Esprit, clé de la véritable union du corps et de l’âme, c’est pour nous le rendre que Jésus le remet à son père en mourant. Par cette évocation, Saint Jean... introduit le mystère divin que le couple humain, la seule réalité qui soit à l’image et ressemblance de Dieu, est chargé d’incarner sur la terre. L’homme, la femme, et leur amour qui fait de deux êtres distincts et différents, une seule chair, ce mystère va redevenir possible, comme au commencement, dans la lumière radieuse de la Résurrection. A partir du couple de deux êtres, on peut entrevoir le mystère de l’être humain lui-même, corps, âme et esprit, les trois qui ne font qu’un, la Sainte Trinité.” [6]

Ainsi, comme d’autres auteurs l’ont plus ou moins pressenti, le couple humain de Joseph et de Marie est vraiment comme l’image de la Trinité sur terre. Et tous les couples humains sont aussi des petites trinités sur la terre. Dieu, dit la Bible, a fait l’homme a son image: homme et femme, et amour il les créa!... Quelle extraordinaire confirmation! Et merci Saint Joseph de nous avoir révélé un tel mystère en”prenant chez vous Marie, votre épouse...”

Il semble qu’André Doze soit allé encore beaucoup plus loin dans sa réflexion sur le mystère trinitaire que l’on retrouve d’abord dans l’homme: corps, âme et esprit, et le couple humain: homme, femme et amour. Selon lui, “tous les secrets de la création devaient aboutir, en quelque sorte, à un jardin clos contenant la source de la vie: la Vierge Marie avait un rapport tout-à-fait direct avec ce jardin, exactement comme la Bien-Aimée du Cantique, et Joseph, à qui Marie est confiée, dans le dessein éternel de Dieu que l’Ange fera connaître, pendant son sommeil, au fils de David, devenait le gardien, le portier des trésors divins. Dans ces conditions, les anges, ces créatures célestes, quelque hautes et puissantes qu’elles soient, se trouvaient comme à la merci de simples humains... ce que certains ont jugé insupportable, dont le splendide Lucifer. Ce que Jésus va devoir accepter, comme la première décision libre de sa vie de Verbe Incarné: se soumettre à cet humble couple de Joseph et de Marie, cet esprit superbe ne l’accepte pas...

Cette créature parmi les plus nobles devient Satan, l’adversaire ou Diable, diviseur... Il est malheureux et jaloux du moindre bonheur humain: comme une tornade folle, il ne pense qu’à détruire et son arme favorite est le mensonge dont il devient le père.”

Satan, est le père du mensonge, tout le monde le sait. Mais ce que l’on connaît beaucoup moins, c’est que c’est par la jalousie que Satan est devenu le père du mensonge. “C’est par la jalousie du Diable que la mort est entrée dans le monde; ils en font l’expérience ceux qui lui appartiennent,” disait déjà le livre de la sagesse. (Sg 2,24) Mais ajoute André Doze, “cette parole est étonnante de vérité mais, comme toujours, on ne l’apprécie vraiment que quand on a été soi-même victime de la jalousie du diable, qui passe généralement par les êtres supérieurs, cultivés, souvent vertueux, ayant réussi sur le plan social, mais secrètement frustrés, malheureux comme le diable qui est une créature supérieure par l’intelligence, la beauté, la puissance, la noblesse exceptionnelle de sa place dans la création...

Ce qui caractérise le mal, c’est l’absence de l’Esprit-Saint: chez l’homme, cette absence entraîne ce que Jésus appelle une mort, mais cette mort peut être comme vaincue par cette vie qui vient du Christ... Mais chez l’ange, cette absence du Saint-Esprit est sans rémission. Elle constitue un drame sans nom, car l’être éminemment personnel qu’est normalement une créature angélique, perd sa consistance, cette personnalisation qui est la spécialité du Saint-Esprit, en qui le Père est père, le Fils est fils et l’homme devient peu à peu celui qu’il doit être éternellement.” [7]

Toujours selon André Doze, les anges nous poussent sans cesse vers le merveilleux jardin du Septième jour de Dieu, le jour du Shabbat. Les démons, au contraire veulent à tout prix nous maintenir au Sixième jour, sous les ordres du Jaloux. Pour arriver à ses fins, notre malheur et notre perte, “le Jaloux a trois tentations, comme on le voit dans l’histoire de Jésus, et il n’en a que trois: une concerne la zone du corps et de la sensibilité; une autre, l’âme et la possession de biens et du pouvoir; la troisième touche à l’esprit, l’orgueil, le désespoir. Si par malheur, de manière vraiment consciente et volontaire -ce qui est rare- l’homme dit oui à l’esprit de mensonge, il pose sur lui une marque, un “nombre d’homme” qui ne connaît que l’homme: un 6. Le nombre complet est 666  (Ap 13, 18) et Saint Jean qui l’explique, fait clairement entendre ce qui est souvent sous-entendu chez cette race d’hommes, ce à quoi ils ne peuvent échapper, bien qu’ils s’en défendent: c’est le nombre de la Bête, de Satan.” [8] 

Comme on l’a vu plus haut, Satan veut nous maintenir au Sixième jour et nous empêcher d’entrer dans le repos de Dieu, le Septième jour. Mais avec l’humble collaboration de Marie et de Joseph, Jésus est venu nous rendre ce Septième jour, celui de l’union à Dieu. André Doze écrit: “Pendant trente ans, quelle merveille!, l’Esprit Saint a commencé à prendre pied sur la terre de manière fondamentalement nouvelle à travers Jésus. Mais Jésus n’était pas seul: il avait choisi d’être avec cet homme et cette femme à qui Dieu l’avait expressément confié dans l’Esprit Saint. “

Et chez Joseph, Jésus était en sécurité, parfaitement protégé contre le Mauvais qui sait tout de notre monde, “mais qui ne sait rien de ce qui se passe dans l’humble maison du Charpentier de Nazareth, là où il n’a strictement aucun pouvoir.”  [9] 

“La première action libre de Jésus, en tant que Verbe Incarné, avait précisément consisté à choisir, à l’âge de douze ans, ces deux êtres que l’Esprit Saint lui avait indiqués par la bouche de Marie: “Ton père et moi...” Pendant trente ans, Jésus a grandi “en sagesse et en taille, devant Dieu et les hommes”, comme l’arbre du psaume, par la force de l’Esprit-Saint qui venait par l’intermédiaire de sa mère, Marie, à qui l’Ange avait dit: l’Esprit Saint viendra en toi. Cet Esprit demeurait chez Jospeh à qui l’Ange avait dit: “Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse...” Ces dispositions mystérieuses... expliquent la première action libre du Verbe Incarné. Jésus, dans sa treizième année, est un jeune adulte juif... Il quitte ses parents, il prend sa vie en main. Eh bien! non! Le temps n’est pas encore venu: il lui faut obéir à l’Esprit qui parle par sa mère, qui descend par sa mère et veut encore demeurer dix-huit longues années chez Joseph, l’ombre du Très-Haut... Car, en Joseph, l’Esprit Saint assure une présence du Père, comme une sorte d’ombre du Tout-Puissant.” [10] 

Toutefois il ne faut jamais oublier que “chez Joseph, la présence de l’Esprit est directement liée à sa condition d’époux de la mère de Jésus, et de responsable de cet Enfant. Il n’est rien sans Marie et Jésus, mais ils ne veulent rien faire sans lui.”


[1] ÉPHRAÏM “Joseph, un père pour le nouveau millénaire” Éditions des Béatitudes

[2] Michel GASNIER “Les silences de Saint Joseph”   Éditions Le Laurier

[3] André DOZE “Joseph, Ombre du Père”   Éditions des Béatitudes

[4] André DOZE ”Joseph, Gardien du Shabbat”  -  Éditions des Béatitudes

[5] André DOZE ”Joseph, Gardien du Shabbat” -   Éditions des Béatitudes

[6] André DOZE ”Joseph,  Gardien du Shabbat” -  Éditions des Béatitudes

[7] André DOZE “Joseph,  Gardien du Shabbat”    Éditions des Béatitudes

[8]   André DOZE”Joseph,  Gardien du Shabbat “    Éditions des Béatitudes

[9]   André DOZE”Joseph,  Gardien du Shabbat”   Éditions des Béatitudes

[10] André DOZE ”Joseph,  Gardien du Shabbat”   Éditions des Béatitudes

   

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