“Béni soit le Seigneur
qui fit pour moi des merveilles d’amour! “(Ps 31, 22)
“Le sacrifice qui plaît
à Dieu, c’est un esprit brisé; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur
brisé et broyé.” (Ps 51 , 18-19)
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Introduction
Saint Joseph est le Grand
Silencieux. Les Évangiles se bornent, en quelques très brèves phrases, à
ne rapporter de lui que le strict minimum indispensable, et seulement
pour mieux mettre en valeur la généalogie du Messie, la virginité de
Marie, la vie cachée de Jésus, en un mot, uniquement ce qui est relatif
au mystère de l’Incarnation.
De la vie de Saint Joseph
avant son mariage avec Marie, de sa vie personnelle, du détail de ses
activités et de son rôle de père légal de Jésus, de sa mort, nous ne
savons rien car l’Évangile ne nous dit rien.
Et pourtant les textes
évangéliques deviennent lourds de sens dès que l’on se penche un peu sur
eux et qu’on se réfère aux Écritures, lesquelles, à travers des figures
particulièrement significatives: Joseph ben Jacob, le prêtre Héli
(gardien du jeune Samuel), Mardochée (le tuteur d’Esther), le vieux
Tobit
[1] et
l’Ange Raphaël, dessinent déjà en filigrane toute la richesse et la
sainteté de l’homme qui, pendant de nombreuses années, devra veiller sur
le jeune Jésus, le protéger et pourvoir à ses besoins matériels et à son
éducation.
Comme on le voit, les
figures qui annoncent Saint Joseph sont nombreuses. Mais l’intéressé
lui-même demeure toujours dans l’ombre. Les sottises qui ont été dites à
son sujet, notamment dans les évangiles apocryphes, ne méritent même pas
d’être relevées...
Et pendant des siècles,
Saint Joseph, généralement méconnu, continua à être le Grand Silencieux.
Cependant, depuis le XIIIe
siècle, son culte, quoique timidement, commençait à se développer au
sein du peuple chrétien.
Le grand protestant
anglais, Newman (1801-1890), converti au catholicisme, écrivait en 1865
à son ami Pusey, resté protestant: “Il y avait des saints plus
rapprochés de Notre Seigneur que les apôtres et les martyrs; mais comme
si ceux-là avaient été perdus dans le rayonnement de sa gloire...
pendant longtemps ils furent l’objet de moins d’attention.... Puis, à
mesure que succédèrent des temps relativement calmes... se levèrent dans
le firmament de l’Église ces astres lumineux, plus importants, plus
augustes que tout ce qui les avait précédés, et qui se levaient tard
précisément parce qu’ils rayonnaient d’une splendeur particulière...
Saint Joseph en est l’exemple le plus frappant... Proclamé saint par
l’Évangile, père nourricier de Notre Seigneur, il fut dès le
commencement un objet de foi absolue et universelle pour le monde
chrétien; et cependant la dévotion envers lui est relativement récente.
Quand elle commença, les hommes s’étonnèrent qu’on n’y eût pas songé
plus tôt.”
C’est à partir des 13e
et 14e siècles que l’Église commença à rendre un culte à
Saint Joseph. Puis de nombreux papes, à partir du XVe siècle,
s’attachèrent à développer ce culte, à promouvoir la dévotion à rendre à
Saint Joseph, et à le proposer comme modèle, non seulement aux religieux
et aux âmes consacrées, mais également à tous les chrétiens,
particulièrement aux pères et aux mères de familles.
Aujourd’hui, grâce à de
nombreux travaux historiques dévoilant le contexte contemporain de
Jésus, la figure de Saint Joseph se fait sans cesse plus précise et
encore plus attachante. Parallèlement aux travaux des historiens et des
archéologues, depuis un peu plus d’un siècle, tous nos papes se sont
tournés vers Joseph, modèle parfait du juste vivant les vertus
évangéliques, pour l’invoquer comme protecteur de l’Église et le
présenter à la vénération du peuple de Dieu.
Le 8 décembre 1870, voulant
placer l’Église sous la protection spéciale de Saint Joseph, le pape Pie
IX le nomma “Patron de l’Église Catholique”.
Mgr Freppel, (1827-1891),
évêque d’Angers, présentant cet évènement à ses diocésains déclara: “
L’Église ne se décide jamais à de pareils actes sans des motifs élevés
qu’elle emprunte d’ordinaire à la situation de nos âmes. Si de nos
jours (nous sommes en 1870) elle a entouré la mémoire de Saint
Joseph d’une vénération plus grande qu’à toute autre époque, elle a
voulu sans doute l’intéresser davantage aux besoins de notre cause. Plus
les dangers se multiplient autour de nous, plus il importe que ce
puissant patronage s’étende à la société chrétienne, pour la défendre
contre les ennemis qui l’assiègent de toutes parts...
Mais il y a quelque
chose de plus spécial et de plus caractéristique dans ce redoublement de
dévotion et d’honneur envers le chef de la Sainte Famille... c’est la
restauration de la famille.”
On ne peut s’empêcher de
constater l’actualité de ces paroles.
Léon XIII confirma le
patronage de Saint Joseph sur l’Église, le 15 août 1889, dans son
Encyclique Quamquam pluries. Plus tard, Paul VI invitera les
chrétiens à invoquer le patronage de Saint Joseph, comme l’Église,
ces derniers temps, a l’habitude de le faire... en raison d’un désir
profond et très actuel de raviver son existence séculaire avec des
vertus évangéliques véritables, telles qu’elles ont resplendi en Saint
Joseph.
Le 19 mars 1961 Jean XXIII
remettait le Concile entre les mains de son cher Saint Joseph.
Le mardi 13 novembre, le cardinal Cicognani, parlant au nom du pape,
annonçait que le Saint-Père avait décidé d’introduire Saint Joseph dans
le Canon de la Messe romaine, décision qui devait prendre effet le 8
décembre suivant. Ainsi se trouvait réalisé le voeu du Père dominicain
Jean-Joseph Lataste, qui offrait sa vie, à l’âge de 37 ans, en 1869,
pour que Saint Joseph prenne sa vraie place dans l’Église.
Enfin, célébrant le
centenaire de la publication de l’Encyclique Quamquam pluries de
Léon XIII, Jean-Paul II écrivit, le 15 août 1989, dans son
Exhortation Apostolique Redemptoris custos:
“Aujourd’hui encore,
nous avons de nombreux motifs pour prier de la même manière...
Aujourd’hui encore, nous avons des motifs permanents de recommander
chaque personne à Saint Joseph...
En effet, la figure
de Saint Joseph a acquis un renouveau d’actualité pour l’Église de notre
temps, en rapport avec le nouveau millénaire chrétien.”
Et Jean-Paul II conclut son
Exhortation par ces mots :
“L’homme juste qui
portait en lui tout le patrimoine de l’Ancienne Alliance, a été aussi
introduit dans le commencement de l’Alliance Nouvelle et éternelle en
Jésus-Christ. Qu’il nous indique les chemins de cette Alliance
salvifique au seuil du prochain millénaire où doit se poursuivre et se
développer la plénitude du temps propre au mystère ineffable de
l’Incarnation du Verbe!
Depuis un siècle tous nos
papes se sont tournés vers Joseph, modèle parfait des vertus
évangéliques, pour l’invoquer comme protecteur de l’Église et le
présenter à la vénération du peuple de Dieu.
L’Église et tous ses
membres veulent répondre à l’appel de Jean-Paul II qui désire placer le
troisième millénaire sous la protection spéciale de Saint Joseph.
La présente étude n’est
qu’une petite pierre dans l’immense édifice qui commence à se construire
autour de Saint Joseph. Elle s’efforce simplement de rassembler
quelques éléments de ce qu’on a pu dire et écrire sur le père putatif de
Jésus, et de mettre un peu d’ordre dans l’amas gigantesque des documents
disponibles, pour mieux mettre en valeur la personnalité et la sainteté
de celui qu’on appelle déjà, le Saint du troisième millénaire: Saint
Joseph.
[1] La
Bible des Peuples utilise deux orthographes: Tobit pour
le vieux Tobit, et Tobie pour le jeune Tobie.
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