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Le Saint-Sacrement
Ruysbrœck rapporte une parole de David qui dit à son Seigneur:
"Seigneur, vous nous avez préparé une table contre ceux qui nous
causent de la tribulation et de la souffrance." Pour Ruysbrœck,
cette table, c'est "l'autel de Dieu, où nous recevons une
nourriture vivante qui nous vivifie, nous fortifie dans toute
souffrance et nous fait vaincre tous nos ennemis ainsi que tout
obstacle." Le Christ, d'ailleurs, a dit: "Si vous ne mangez
ma chair et ne buvez mon sang, vous n'avez pas la vie en vous..."
Comme nous devons vivre, dit Ruysbrœck, au milieu d'un combat
spirituel, il nous faut une nourriture forte. Cette nourriture,
c'est un pain céleste.
6-1-Un traité sur l'Eucharistie
(Chapitres 5 à 7)
6-1-1-L'origine du Saint-Sacrement
Ruysbrœck énumère cinq considérations
"qu'il est utile à tout
chrétien de connaître."
– Tout d'abord il faut considérer l'époque où le Seigneur institua
ce Sacrement.
Ruysbrœck rappelle la figure
prophétique de la première Pâque juive instituée par Dieu Lui-même
et par le ministère de Moïse. Cette nuit-là, dans toutes les maisons
on mangea un agneau rôti dont le sang avait oint les montants et les
linteaux des portes. Puis Moïse emmena le peuple de Dieu hors
d'Égypte en traversant la Mer Rouge.
"C'était la figure de notre
Sacrement... La vérité, qui y est cachée et qui n'est autre que la
vie éternelle, demeurera pour l'éternité."
De même, la veille du jour où il
devait mourir, Jésus célébra la Pâque, puis il remit à ses apôtres
"ses sacrements, en même temps que son peuple et son royaume."
Ils mangèrent l'agneau pascal, figure du Sacrement qu'il allait
instituer. "Ce jour-là prenait fin la figure qui avait duré
quatorze cent quatre-vingt-six ans, c'est-à-dire depuis le temps où
Moïse avait fait sortir le peuple juif de la terre d'Égypte."
Jésus inaugurait notre loi et notre première Pâque.
"Sachant qu'il devait mourir le
lendemain et se séparer de ses disciples, il voulut faire son
testament et le leur laisser afin qu'ils pussent le transmettre à
tous les fidèles jusqu'au dernier jour. Il y mit le sceau de sa
mort, et tous les apôtres après lui. Et ce testament n'est autre que
lui-même, Dieu et homme, présent avec tous ses dons dans le
Sacrement."
Dieu et homme, Jésus donnait congé à la loi juive, et inaugurait
lui-même le premier sacrifice de la loi chrétienne. (Chapitre 5)
-Puis, nous devons considérer la matière et la forme de ce
Sacrement. Ruysbroeck fait mémoire de "Melchisédech,
grand-prêtre du temps d'Abraham, qui avait offert du pain et du vin,
comme vraie figure et aussi comme matière de notre Sacrement. De
même le Christ, notre grand-prêtre, prit du pain, en ses mains
saintes et vénérables, pour son sacrifice. Puis élevant les yeux
vers son tout-puissant Père céleste, il lui rendit grâces, bénit le
pain, le rompit et dit: 'Prenez et mangez, ceci est mon corps'..."
Ruysbrœck raconte ensuite la première
consécration du vin, et poursuit:
"Le pain et le vin constituent la
matière, tandis que la forme se trouve dans les paroles de
Notre-Seigneur: 'Ceci est mon corps', et: 'Ceci est mon sang.' Car
en disant: 'Ceci est mon corps', il changea la substance du pain en
la substance de son corps, non pas de telle sorte que le pain fût
anéanti, mais que, cessant d'être pain, il devint le corps de
Notre-Seigneur. Et ce ne fut pas un corps nouveau, mais celui-là
même qui était assis à table, qui mangeait et buvait en compagnie de
ses disciples..."
Grande fut la joie des apôtres qui,
avec les yeux de la foi, voyaient le corps de Jésus qui était devant
eux, présent aussi dans le Sacrement,
"car ils savaient bien que celui qui a
fait le ciel et la terre et toutes choses de rien, peut aussi
changer une substance en une autre, quand il le veut..."
6-1-2-L'intention du Christ
Ruysbrœck poursuit son "cours" de
théologie en ajoutant que
"tout le pain qui était devant le Seigneur lors de la consécration,
aussi bien que celui qu'ont devant eux tous les prêtres, en tous les
lieux du monde et sur tous les autels, ce n'est qu'une même nature
de pain. Par la vertu de l'intention requise et des paroles
consécratoires, toutes les hosties ne sont plus qu'une seule
substance simple du corps de Notre-Seigneur dans le Sacrement et
tout ce qui auparavant était du pain devient le corps de
Notre-Seigneur. Et bien que les hosties soient dispersées à toutes
les extrémités de la terre, le Sacrement est un, et le corps vivant
de Notre-Seigneur demeure dans son unité indivisible, en tout le
Sacrement."
Il
en est de même pour le vin. Bien que le sacrement soit double: le
pain et le vin, "le Christ est indivisé et en entier dans chaque
partie du Sacrement." Le pain et le vin, la matière nécessaire
de ce Sacrement, sont un symbole de l'innocence du Christ, de sa
douceur et de son humilité au milieu des hommes. (Chapitre 6)
6-1-3-Comment le Seigneur veut se donner à nous.
Ruysbrœck nous indique que
"quiconque veut s'enivrer d'amour doit
contempler, scruter et admirer deux marques de l'amour que
nous témoigne le Christ dans le Saint Sacrement...
Le premier témoignage d'amour
nous enseigne que le Christ a donné à notre âme sa chair en
nourriture et son sang en breuvage. Une telle merveille d'amour
n'avait jamais été entendue auparavant..."
Mais, attention! nous prévient Rusybrœck, "l'amour du Christ est
avide et libéral: s'il nous donne tout ce qu'il a et tout ce qu'il
est, en retour il prend en nous tout ce que nous avons et tout ce
que nous sommes; et il réclame de nous plus que nous ne sommes
capables de donner. Sa faim est démesurément grande; il nous
consomme en entier jusqu'au fond, tellement son avidité est immense
et son désir insatiable: il dévore jusqu'à la moelle de nos os... "
La raison? Jésus veut changer notre
vie pécheresse en sa vie innocente et pleine des grâces, sa vie
qu'il veut nous partager, à condition que "nous consentions à
nous renoncer nous-mêmes et à délaisser le péché..." Car le
Christ a un ardent désir de notre salut. Et si nous pouvions voir ce
désir du Christ "nous irions
nous jeter nous-mêmes en lui."
Ici, Ruysbrœck avoue: "Encore que
mes paroles sonnent étrangement, ceux qui aiment me comprennent
bien." Pourtant, Ruysbrœck va expliquer ses étranges paroles. Il
nous dit que l'amour de Jésus est si noble que
"tout en consumant, il veut nourrir.
S'il nous absorbe entièrement en lui, en retour il se donne
lui-même. Il fait naître en nous la faim et la soif de l'esprit...
Par lui, nous sommes embrasés d'amour affectif et de charité; corps
et âme, nous sommes pénétrés de jouissance et de goût spirituel...
Enfin, ce qui dépasse tout, il nous offre et nous promet sa divinité
pour en jouir éternellement. Peut-on s'étonner dès lors qu'ils
soient dans la jubilation ceux qui goûtent et expérimentent de
telles choses?"
Étonnantes remarques pour nous,
chrétiens d'aujourd'hui, à qui, depuis des décennies, on a dit, et à
qui l'on continue à dire
"qu'il n'est pas nécessaire de sentir Dieu"!
Ruysbrœck continue son cours en
parlant de la divinité de Jésus présente dans le Sacrement:
"C'est un sujet de telle admiration que nous devons nous élever en
esprit jusqu'à un amour superessentiel, car l'étonnement et le
transport nous feraient défaillir devant la table de Notre-Seigneur.
Mais c'est avec dévotion et amour affectif que nous prenons en
nourriture et que nous consommons l'humanité de Notre-Seigneur en
nous-mêmes, car l'amour attire à lui tout ce qu'il aime, et avec un
amour tout semblable Notre-Seigneur nous attire et nous consomme en
lui, et il nous remplit de sa grâce. Alors nous grandissons et nous
nous élevons au-dessus de la raison jusqu'à un amour divin qui nous
fait prendre et consommer spirituellement la nourriture céleste, et
tendre avec un amour pleinement dépouillé vers la divinité. C'est là
que nous rencontrons son Esprit, son amour immense, qui consume et
transforme notre esprit avec toutes ses œuvres, nous entraînant avec
lui vers l'unité, où l'on goûte le repos et la béatitude...
Notre Pâque, c'est le Christ, que nous recevons dans le Sacrement
... sous la forme d'un aliment qui nourrit le corps. Et chacun peut
y trouver un aliment éternel, par le moyen de la foi, de l'amour et
du désir... Jésus nous donna, par un procédé surnaturel, sa vie tout
aimable, sa chair, son sang, son âme et sa divinité; c'est là une
nourriture spirituelle...
Jésus demeure cependant, en lui-même, tout ce qu'il est et était,
sans division ni changement dans sa nature. Toute la substance que
le Christ avait reçue de la Vierge Marie, sa mère, c'est-à-dire sa
nature humaine, fut donnée par lui... Car son corps est l'appui de
son sang et son sang est l'appui vital de son corps; l'âme est la
vie des deux, et ces trois éléments réunis forment une seule vie
indivisée, qui est le Christ, vie qu'il a donnée à ses disciples et
qu'il nous a laissée dans le Sacrement.
De même que l'âme de l'homme vit en tous ses membres et en chacun
d'eux, sans être divisée ni localisée, de même le corps glorieux de
Notre-Seigneur est vivant dans tout le Sacrement, par toute la
terre, sans division ni enchaînement au lieu, de façon à pouvoir
être donné également à tous ses membres, c'est-à-dire à tous ceux
qui le désirent dans la foi chrétienne. Et chacun le reçoit tout
entier, selon son mode particulier, conformément à ses besoins et à
ses désirs. C'est ce qu'on appelle la communion, c'est-à-dire la
participation commune...
Et bien que les prêtres prennent à la messe le saint Sacrement sous
les deux espèces, ils ne reçoivent pourtant pas plus que les laïcs;
la consécration est double, celle du calice et celle de l'hostie,
mais le Christ n'en est pas moins en entier et sans partage sous
chacune des deux espèces.
Après avoir précisé que c'est le
Saint-Esprit qui enseigna la vérité aux apôtres, Ruysbrœck indique
qu'ils commencèrent à célébrer la messe, puis il conclut ce qui
concerne le premier témoignage d'amour par ces mots:
"La sainte Église possède ainsi son fondement dans le Christ, et le
Christ vit avec elle."
Le second témoignage d'amour,
est renfermé dans les
paroles du Christ: "Ceci est le calice de mon sang, qui sera
versé pour vous et pour un grand nombre, pour la rémission des
péchés." Ruysbrœck est en admiration: "Jamais on ne vit plus
grand amour que celui du Fils de Dieu livrant sa vie à la mort...
pour nous faire vivre avec lui éternellement. Il s'est offert, et
nous avec lui, à la clémence de son Père, en souffrant une mort
ignominieuse, afin de nous délivrer de la mort éternelle et acheter
pour nous à son Père la vie de la grâce et de la gloire..."
C'est ainsi que la consécration nous montre la grandeur de l'amour
de Dieu.
Ces
deux marques d'amour, si hautes, personne ne peut les comprendre.
6-1-4-Quelle est la raison pour laquelle Jésus, dans
l'Eucharistie, se donne voilé et caché, et non pas à découvert?
(Chapitre 9)
La Sainte Écriture donne la réponse.
Le prophète Isaïe disait: "Une lumière s'est levée pour le peuple
qui errait dans le royaume des ténèbres et de la mort." Cette
lumière c'est le Christ. Mais, dit saint Paul: "Actuellement nous
voyons comme dans un miroir et une ressemblance... Dans la vie
éternelle, nous verrons face à face la gloire de Notre-Seigneur..."
Mais, aujourd'hui, "nous ne
pouvons le connaître que dans la lumière de notre foi... De même,
nous voyons des yeux de notre corps le saint Sacrement et nous
croyons que le corps de Notre-Seigneur s'y cache pour nous. Si le
Seigneur, en effet, se montrait à nous avec la gloire et la clarté
qu'il a dans le ciel, nous ne pourrions les soutenir...
C'est pourquoi, vous le savez, Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu
voiler et envelopper dans les sacrements et dans des signes
sensibles tout ce qu'il nous a donné comme fondement de notre vie
spirituelle.
Ruysbrœck ajoute d'autres raisons:
– "Il serait impossible autant
qu'inhumain de manger le corps et de boire le sang Notre-Seigneur
qui est au ciel. Mais actuellement c'est le Sacrement que nous
mangeons réellement, et par le fait du Sacrement, nous mangeons la
chair du Seigneur et buvons son sang, dans notre âme, par la foi et
l'amour..."
– Le
Christ veut avoir avec nous une union d'amour. Avant la
consécration, nous avons la substance naturelle du pain et du vin;
après la Consécration, "la substance du pain est changée en la
substance du corps de Notre-Seigneur, la substance et le corps mêmes
qu'il a dans le ciel... De cette manière, le corps de Notre-Seigneur
se trouve sacramentellement dans tous les pays, en tous lieux, dans
toutes les églises..." De même pour le vin.
"Cependant, au dernier jour, lorsque nous entrerons au ciel avec nos
corps glorieux, nous serons avec le Seigneur et chez le Seigneur.
nous contemplerons de nos yeux de chair sa face glorieuse et nous
entendrons de nos propres oreilles sa voix douce et pleine d'amour,
et ainsi notre cœur et nos sens seront remplis de sa gloire. Dès
lors nous nous fondrons d'amour et de joie en lui, et lui en nous."
6-1-5-Qui peut s'approcher du Saint-Sacrement?
(Chapitres 10 à 16)
Ruysbrœck énumère maintenant les diverses catégories de personnes
qui s'approchent du Saint Sacrement, les unes pour leur salut
éternel et les autres pour leur condamnation. (Chapitre 10)
– Tout d'abord,
"ceux qui par nature ont de la
tendresse de cœur... Dès qu'ils sont touchés de la grâce de Dieu,
leur affection et leur désir s'échauffent et s'émeuvent d'amour pour
l'humanité de Notre-Seigneur... ils ressentent une ardeur
impatiente, causée par leur amour intime et le désir insatiable
qu'ils ont de recevoir ce Sacrement... L'attrait et le désir du
Sacrement les jettent dans une langueur impatiente... car leur
pratique est encore sensible et demeure sous l'influence de la chair
et du sang. Mais on trouve peu d'hommes de cette sorte... Si ces
personnes veulent se maintenir pures au service de Notre-Seigneur,
qu'elles s'oublient elles-mêmes et tournent tous leurs regards vers
celui qu'elles aiment.
Telle est la première catégorie de personnes qui reçoivent dignement
le Saint Sacrement.
(Chapitre 10)
– La seconde catégorie est plus élevée que la précédente.
Elle se compose d'hommes ayant l'esprit délié et ouvert, mais avec
des penchants et des convoitises de nature... Ils ont souvent des
combats à soutenir, car la chair s'oppose à l'esprit. C'est pourquoi
ils s'adonnent à la vie intérieure et aux exercices spirituels sous
les yeux de Notre-Seigneur, et de cette façon ils échappent à toutes
tentations, émotions et rébellions de la chair et du sang..."
Progressivement leur foi se
perfectionne et leur amour s'établit sur sa vraie base.
"Ils deviennent libres et ils
connaissent Dieu, la vérité et la racine de toutes les vertus... ils
repoussent et méprisent en eux-mêmes tout ce qui s'oppose à Dieu...
Ils prient humblement, comme faisait saint Paul lorsqu'il était
tenté dans la chair... car la vertu s'affermit dans l'infirmité chez
tous ceux qui luttent et se réfugient par la prière, dans leur
esprit, en la présence de Dieu...
Les hommes spirituels de cette seconde catégorie, plaisent à Dieu
plus encore que ceux de la première. Infirmes et sujets aux
penchants de nature, privés de consolation et de douceur de la part
de Dieu, ils sont néanmoins, dans leur esprit, pleins de foi, de
dévotion et d'amour divin. Ils ont à lutter souvent contre le démon,
le monde et leur propre chair. Aussi ont-ils besoin d'un aliment
fort qui les rende capables de vaincre toutes choses, et c'est le
corps de Notre-Seigneur dans le Sacrement."
– Les hommes vertueux de la troisième catégorie sont encore
beaucoup plus saints et plus élevés selon l'esprit et la nature.
Recueillis en eux-mêmes et dociles à l'influence de la grâce de
Dieu, ils marchent en sa présence, avec un esprit libre et élevé...
Ils ont une vraie connaissance de Notre-Seigneur, tant de sa
divinité que de son humanité... Avec la connaissance et l'amour...
ils découvrent l'amour dans leur cœur, dans leur âme et dans leur
esprit...
Comme Zachée, ces hommes désirent voir
et connaître Jésus. "Aussi courent-ils en avant de tout ce qui
est foule et multiplicité de créatures; puis, par la foi et l'amour
ils s'élèvent jusqu'au sommet de leur pensée... C'est là que Jésus
peut être vu, connu et aimé dans sa divinité..." Mais Jésus veut
être connu comme Dieu et pas seulement comme homme. Ils doivent
donc, comme Zachée, descendre de leur arbre et s'humilier avec Jésus
qui peut alors entrer dans leur maison et y demeurer d'une façon
stable avec eux et en eux, et eux avec Lui et en Lui.
"Dans la mesure où ils s'abaissent ainsi par le déplaisir et le
mépris d'eux-mêmes dans un vrai sentiment d'humilité, ils
réjouissent Dieu et s'élèvent devant lui avec une juste révérence...
Ils disent: 'Seigneur, je ne suis pas digne de recevoir... sous le
voile du Sacrement, votre corps glorieux dans la maison pleine de
péchés de mon corps et de mon âme. Mais, Seigneur, faites-moi
miséricorde et ayez pitié de ma pauvre vie et de toutes mes
fautes'."
Dès lors,
"leur vie et leur
pratique consistent à se tourner, d'une part, vers Dieu, et à
revenir ensuite vers eux-mêmes...
L'acte par lequel ils regardent vers l'extérieur est selon la
raison; il a pour racine la charité et il engendre les bonnes
pratiques et saintes œuvres...
Quant au regard intérieur, il est accompagné en même temps de grands
désirs et rempli de sagesse, car ceux qui le pratiquent contemplent
l'amour et la bonté de Dieu, où l'on apprend toute sagesse, et ils y
puisent vérité, humilité et liberté..."
On reconnaît chez les hommes de cette
troisième catégorie, quatre qualités:
"Une conscience pure de tout péché
délibéré... une science et une sagesse surnaturelles qui guident le
regard intérieur et le regard extérieur, c'est-à-dire la
contemplation et l'action, la vraie humilité de cœur, de volonté et
d'esprit, et enfin la mort à tout ce qui est propriété ou volonté
propre, pour entrer dans la libre volonté de Dieu..."
Mais par-dessus tout domine la charité et la pratique des bonnes
œuvres. Au passage, Ruysbrœck ne manque pas de signaler que la
Vierge Marie possédait et pratiquait ces quatre qualités quand elle
conçut Notre Seigneur.
– "Il y a une quatrième catégorie de personnes spirituelles
qui doivent aller au Sacrement. Ce sont des hommes doués de bonne
volonté, qui, recherchant sincèrement l'honneur de Dieu et leur
propre salut, s'efforcent d'observer les prescriptions, les règles
et bons usages qu'on leur enseigne ou qu'ils lisent dans les écrits
des anciens... Telle est la règle commune chez tous ceux qui sont
bons, moines ou nonnes. Mais s'ils sont négligents... ils feront
bien de s'en confesser et de s'en accuser humblement au prêtre avec
contrition de cœur..."
(Chapitre 13)
– Ruysbrœck aborde maintenant les deux catégories de personnes qui
"vont au Sacrement" mais sans grande ferveur. Celles de la
cinquième catégorie qu'il juge très sévèrement, car ce
"sont des gens préoccupés et pleins d'eux-mêmes, qui se croient
justes et saints, habiles et sages plus que tous. Ils ne sont pas
illuminés de Dieu, et c'est pourquoi ils ont grande estime pour
eux-mêmes et pour leurs œuvres... Ils visent à l'effet, voulant
paraître saints et être réputés tels... et lorsque quelqu'un en fait
plus qu'eux, ils s'en fâchent et s'en chagrinent... Ils aiment qu'on
les loue et les honore, et en aucune chose ils ne souffrent d'être
dirigés, enseignés ni repris; mais ils veulent eux-mêmes diriger,
enseigner et reprendre tous ceux qui les approchent... Tout ce
qu'ils font leur paraît juste et bien fait, ou seulement faute
légère, quand ils ne rejettent pas sur autrui leurs propres
fautes..." En un mot, ils sont pleins d'orgueil. (Chapitre 14)
– Ruysbrœck
passe alors à la sixième catégorie de gens. "Ils aiment
assez Notre Seigneur... La crainte et l'amour de Dieu et d'eux-mêmes
les portent à observer ses commandements et ceux de la sainte
Église... Une fois l'an, c'est-à-dire à Pâques, ils désirent
confesser et avouer au prêtre leurs péchés petits et grands, en
toute franchise, puis ils veulent recevoir le saint Sacrement...
Ceux qui vivent ainsi sont dans la voie commune par laquelle on va
au ciel, voie que tous les chrétiens doivent nécessairement suivre
pour être sauvés, et encore non sans de sévères pénitences et un
long purgatoire." (Chapitre 15)
– Comme avec une certaine réticence
Ruysbrœck traite de "tous les hommes qui méritent d'être méprisés
et rejetés de Dieu." C'est la septième catégorie. Ses
paroles peuvent nous surprendre, voire nous blesser, mais nous ne
devons pas oublier que nous sommes au Moyen-Âge et que les
mentalités de son temps ne sont pas celles du XXIème siècle. Ainsi
les premières personnes que Dieu rejette,
"ce sont les païens... et tous les
infidèles. Puis ce sont les mauvais chrétiens qui blasphèment et
méprisent le Christ, qui n'estiment pas son auguste Sacrement ou ne
croient pas qu'il y soit présent avec sa chair et son sang. Ils sont
tous réprouvés..."
Ruysbrœck poursuit:
"On trouve encore
d'autres hommes mauvais et diaboliques, qui disent qu'ils sont le
Christ en personne ou qu'ils sont Dieu... Le dérèglement (des
mœurs), une hérésie détestable et les coutumes sauvages qu'ils ont
inventées eux-mêmes, voilà ce qu'ils estiment saint et parfait...
C'est bien là, vous le remarquez, l'opinion
la plus impie et la plus folle qui fut jamais entendue depuis le
commencement du monde."
Cependant Ruysbrœck s'inquiète car
"beaucoup de gens qui
paraissent spirituels sont séduits par ces idées et autres
semblables, et deviennent pires que des démons. Leur incrédulité est
condamnée par les païens et par les juifs, par la loi naturelle et
par la raison, aussi bien que par tout ce qui est dit dans
l'Écriture des mauvais et des bons, des anges et des démons, par les
paroles enfin de Dieu même et par ses actes."
Ruysbrœck profite de ce constat
terrible pour revenir un peu sur la foi catholique et la sainte
Trinité, ce qui lui permet de déclarer, tout naturellement, que,
malgré toutes ses œuvres vertueuses, sa foi et son amour, "nulle
créature, même angélique, ne peut jamais devenir Dieu."
Ruysbrœck stigmatise vigoureusement tous les hommes dont il vient de
parler: "Ils sont pires que
les démons, les hommes hypocrites et sans foi qui méprisent Dieu et
sa grâce, la sainte Église et tous ses sacrements, la sainte
Écriture et toutes les pratiques de vertu, prétendant vivre
au-dessus de tous modes, affranchis de tout, perdus dans le vide
comme lorsqu'ils n'existaient pas, renonçant à toute connaissance,
tout amour, toute volonté, tout désir, toute pratique de vertu, afin
d'être vides de toutes chose. Et parce qu'ils veulent pécher et se
livrer à leur malice impure, sans conscience et sans crainte, ils
disent encore qu'au dernier jour du jugement anges et démons, bons
et mauvais deviendront tous une seule et simple substance de Dieu,
n'étant tous qu'une même béatitude essentielle sans connaissance ni
amour de Dieu. Et après cela, ajoutent-ils, Dieu sera sans vouloir,
sans connaissance, sans amour ni de lui-même, ni d'aucune créature."
D'où une première conclusion: "Voilà bien le plus grand désordre,
la plus méchante et la plus folle incrédulité qui fut jamais
entendue. À tous ceux-là, on ne donnera pas le Saint-Sacrement."
Mais Ruysbrœck n'en a pas encore
terminé avec les méchants. Il ajoute:
"Il y a encore, vous le savez, tous
ceux qui vivent en péché mortel et imitent le monde par une vie
grossière, sans crainte, amour ni révérence pour Dieu; n'obéissant
ni à Dieu, ni à la sainte Église, ni à la loi chrétienne. Ils
n'iront pas au Sacrement, pas plus que les orgueilleux et
persécuteurs de leur prochain."
Ruysbrœck fulmine contre ces
"avares, rapaces, sans entrailles,
colères, envieux, cruels et malfaisants, qui tempêtent, blasphèment,
jurent et se querellent, font l'usure, accaparent, sont prêts à
tout, retors, méchants, trompeurs et mauvais conseillers, faux et
sans nulle créance en tous leurs faits... pleins de hâte, de chaleur
au péché, intempérants, goinfres et semblables à des porcs, ivres de
bon matin et encore sur le tard.
Qu'ils soient si fous n'est pas grande merveille... Ils sont le
jouet du diable. Ce sont bien les récipients du diable, car ils sont
du péché les esclaves: le démon est de plein droit leur maître..."
Mais...
Mais Ruysbrœck n'oublie pas la miséricorde de Dieu, et c'est sur une
note pleine de compassion qu'il terminera son long chapitre 16.
6-1-6-La conversion, la pénitence et la miséricorde de Dieu
Brusquement, Ruysbrœck arrête son réquisitoire et s'adoucit:
"Toute leur vie n'est qu'une chute, à moins que par contrition ils
ne reviennent et du Seigneur cherchent le pardon. Car la grâce de
Dieu est toute prête pour ceux qui veulent corriger leurs méfaits...
Ainsi donc, lorsque le pécheur se convertit, déplore et confesse ses
fautes devant le prêtre, avec la volonté de faire pénitence, c'est
que Dieu l'a accueilli. Le prêtre se réjouira alors avec les anges
et les saints, et il lui donnera le saint Sacrement, à quelque temps
de l'année que l'on soit...
Il y a aussi des hommes bons,
généreux; mais, faciles à émouvoir,
"ils tombent parfois en de nombreux péchés graves... S'ils se
laissent remuer par le remords et la crainte de leurs péchés, ils
reviennent contrits à la pénitence. Chez d'autres, la conscience se
réveille sous l'influence de la maladie et par crainte de la mort...
Il y a aussi tous les hommes qui, vivant dans le monde, s'y
maintiennent d'accord avec Dieu et avec la sainte Église, et ont une
telle bonne volonté qu'avec la grâce de Dieu ils se tiennent fermes
et se gardent de péchés graves... Bien qu'occupés aux mille soucis
de l'extérieur pour gagner leur pain et celui de leur famille ou
faire l'aumône aux pauvres, ils peuvent cependant, confiants dans la
miséricorde de Dieu, recevoir le Sacrement à toutes les grandes
fêtes, s'ils le désirent. Car bien qu'ils tombent souvent en fautes
vénielles, ils ont, selon leur pouvoir, une volonté bonne et droite
en toutes choses...."
Toutes ces personnes
peuvent recevoir le Saint-Sacrement.
D'ailleurs, Ruysbrœck n'hésite pas à
dire encore: "La bonne
volonté naît du Saint-Esprit... La bonté dans la volonté de l'homme,
c'est l'amour de Dieu infus, qui le fait s'appliquer aux choses
divines et à toute vertu. La bonté de notre volonté, c'est la grâce
de Dieu et notre vie surnaturelle versées en nous pour nous aider à
combattre et à vaincre tout péché. Unie à la grâce de Dieu, la bonne
volonté nous rend libres et nous élève au-dessus de nous-mêmes pour
nous unir à Dieu dans une vie contemplative..."
6-2-Comment recevoir le Saint-Sacrement-L'imitation de Marie
(Chapitre 4)
Pour recevoir la nourriture que le Christ nous a donnée, Ruysbrœck
se réfère à Marie qui possédait les quatre qualités indispensables:
la pureté, une vraie connaissance de Dieu, l'humilité et un désir
qui naît de la libre volonté.
D'où le premier conseil de Ruysbrœck à sa dirigée: "Marie fut
pure de toute tache et de toute inclination au péché...
Quand l'ange apporta son message à Marie, elle fut remplie de
crainte, mais l'ange lui dit: "Ne craignez pas, Marie, car vous
avez trouvé grâce devant le Seigneur..."
Après avoir cité tout le texte de l'Annonciation, Ruysbrœck affirme
que "Marie comprenait ses paroles, enseignée
qu'elle était par l'ange et plus encore par le Saint-Esprit. Elle
dit alors 'Voici la servante du Seigneur.' Et ainsi, tandis que Dieu
l'élevait souverainement, elle-même s'abaissait le plus possible,
comme elle l'avait appris de la Sagesse de Dieu. Car ce qui est
élevé ne peut demeurer stable que dans l'humilité; la chute
des anges précipités du ciel le montre bien... Marie remit sa
volonté tout entière au bon plaisir de Dieu, avec une grande
ferveur, disant à l'ange: 'Qu'il m'advienne selon votre parole!'...
Ainsi donc c'est de Marie et de l'ange que nous apprenons comment le
Fils de Dieu est venu dans notre nature." (Chapitre 4)
De nouveau Ruysbrœck conseille sa
dirigée: "Si donc vous
voulez recevoir Notre-Seigneur, vous devez être pure avec Marie...
examinez votre conscience... et tout ce que vous y trouverez qui
puisse déplaire à Dieu, accusez-le et confessez-le d'un cœur humble;
devant Dieu et votre confesseur... Quant aux autres imperfections,
qui sont journalières et communes et desquelles nul ne peut se
garder, parlez-en brièvement et n'en soyez pas inquiète. De tout ce
qui est péché ayez, au contraire, grande contrition et regret de
cœur... Mais par-dessus toutes choses évitez les confessions trop
longues et trop verbeuses... Car en vous répandant ainsi dans vos
confessions en beaucoup de paroles inutiles, lorsqu'il s'agit de
péchés véniels, et en voulant vous tranquilliser plus par votre fait
que par la confiance en Dieu, vous demeurez toujours en dehors de la
lumière et de l'enseignement de Dieu..."
7
L'amour éternel de Dieu pour tous les hommes
7-1-L'âme humaine
Ruysbrœck s'attache à décrire longuement l'âme humaine, et ses
propriétés. Nous ne nous y attarderons pas. Nous rapporterons
simplement que "la partie supérieure de notre âme... est comme un
miroir éternel et vivant de Dieu... Dieu nous a donné les puissances
supérieures de notre âme afin d'y recevoir sa ressemblance,
c'est-à-dire sa grâce et ses dons... Il a donc créé chaque âme à
l'état de miroir vivant où il a imprimé l'image de sa nature. De
cette façon il vit en nous par son image et nous en lui; car notre
vie créée est, sans intermédiaire, une avec cette image et avec
cette vie que nous avons éternellement en Dieu. Et la vie que nous
avons en Dieu est, sans intermédiaire, une avec Dieu. Elle vit dans
le Père avec le Fils non produit au dehors, elle naît du Père avec
le Fils et elle coule de l'un et de l'autre avec le Saint-Esprit; et
ainsi vivons-nous éternellement en Dieu et Dieu en nous. Notre être
créé, en effet, vit dans l'image éternelle que nous avons dans le
Fils de Dieu, et notre image éternelle est une avec la Sagesse de
Dieu et vit dans notre être créé. Et c'est pourquoi la génération
éternelle et la procession du Saint-Esprit se renouvellent toujours
et sans cesse dans le vide de notre âme; car Dieu nous a
éternellement connus et aimés, appelés et élus..." (Chapitre 17)
7-2-Comment Dieu nous aime
(Chapitre 8)
Ruysbrœck rappelle les quatre marques de l'amour de Dieu pour nous:
Dieu nous a créés, le Fils de Dieu s'est incarné par amour et Il est
mort par amour pour nous racheter de nos péchés; enfin, Il nous a
donné son Eucharistie afin de vivre en nous et de nous donner la vie
éternelle. Ruysbrœck va maintenant préciser ses affirmations:
1-"Dieu
le Père céleste a créé tous les hommes à son image et à sa
ressemblance. Son image, c'est son Fils, sa propre Sagesse
éternelle... C'est en relation avec cette image éternelle que nous
avons tous été créés... Nous sommes constitués à l'état de miroir
vivant et éternel de Dieu... De cette façon, nous sommes tous un,
intimement unis dans notre image éternelle, qui est l'image de
Dieu..."
Mais, insiste Ruysbrœck:
"Cependant notre être créé ne devient
pas Dieu... La nature en Dieu est féconde, elle possède la
paternité, elle est Père; et par la fécondité de cette nature, le
Père est dans le Fils et le Fils dans le Père. Mais le Fils est dans
le Père en sa qualité de Fils... de leur mutuel amour procède, comme
une ardeur brûlante, le Saint-Esprit, la troisième personne, qui se
répand dans toutes les créatures prêtes à le recevoir."
2-"Lorsque
le premier homme, Adam, cessa d'obéir et transgressa l'ordre du
Seigneur, il perdit en même temps par son péché la ressemblance avec
Dieu..." Dieu nous donna le second gage de son amour
"en envoyant son Fils unique dans notre nature, afin qu'il fût homme
avec nous et notre frère à tous... Il est demeuré Dieu en devenant
homme, afin que l'homme devînt Dieu. Mais en même temps, comme
privilège unique, il a donné à son âme et à son corps né de la toute
pure Vierge Marie, le vêtement royal de sa personnalité divine..."
3-Mais
comme l'homme avait péché, pour nous délivrer de nos péchés, "le
Père livra son Fils à la mort pour expier les péchés du monde; et le
Fils se soumit à la mort, et le Saint-Esprit consomma cette œuvre en
amour... Ainsi le Fils de Dieu nous a délivrés par sa mort et nous
a, par son sang précieux, rachetés et payés devant la face de son
Père... " C'est le troisième gage d'amour.
4-Le
Fils nous a donné le quatrième gage d'amour: "Il a voulu nous
donner, comme nourriture et soutien, un aliment et un breuvage de
grand prix, sa chair et son sang, qui de droit n'appartiennent qu'à
lui seul... Le Christ est le pain vivant du ciel que le Père a
envoyé au monde... Ainsi, consommer et être consommé, c'est avoir
une vie éternelle et bienheureuse dans le Christ, et toutes les fois
que l'on pense par amour au bien-aimé, il est de nouveau nourriture
et breuvage... Ceux qui font ainsi ont plus de désirs pour le saint
Sacrement, en même temps que plus de capacité et d'aptitude que les
autres hommes... car ils aiment les moyens et pratiques de la sainte
Église, tels que le Christ les a établis et ordonnés pour son
honneur et l'utilité de son peuple. Aussi grandissent-ils sans cesse
et se fortifient-ils en grâce et en toutes vertus... Ceux, au
contraire, qui reçoivent le Saint Sacrement indignement, en état de
péché mortel, prononcent eux-mêmes leur condamnation." (Chapitre
8)
Méditons les quatre gages que Dieu nous a donnés et nous donne
toujours de son amour... Ce sera notre conclusion.
Ruysbroeck précise: ce double regard intérieur et extérieur,
c'est l'alternative d'un regard que l'âme porte tantôt vers
Dieu, tantôt vers elle-même; elle se tourne vers Dieu en
faisant abstraction d'elle-même, puis elle s'élève et elle
revient vers elle-même avec d'humbles sentiments et comprend
son devoir: pratiquer la vertu et les bonnes œuvres.
Incontestablement Ruysbrœck pense aux sectes néfastes qui
sévissaient alors. Les moines de Wisques donnent la note qui
suit: "C'est le panthéisme
mystique professé par la secte des libres esprits, qui, au
milieu du XIVe siècle, infestait le Brabant. Héritière des
associations de béguards et de béguines hérétiques,
répandues dans les Pays-Bas dès le siècle précédent, cette
secte croyait à l'identité de la créature et de Dieu.
L'homme arrivé à la conscience de son unité avec Dieu est
libre, dégagé de toute loi, impeccable quoi qu'il fasse. On
devine à quelles conséquences immorales pouvait mener
pareille doctrine. Les Frères du libre esprit refusaient
d'ailleurs de reconnaître aucune autorité dans l'Église et
affectaient le dédain de toute pratique extérieure. Le
quiétisme devait plus tard reprendre, en les atténuant, la
plupart de leurs enseignements."
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