|
Sainte
Rita naquit en Italie, à Rocca Poréna, petit hameau de Cascia
(1),
le 22 mai 1381. Ses parents
[2]
l'avaient longtemps demandée au Seigneur et, alors que tout espoir semblait
perdu, sa mère avait reçu de Dieu l'assurance que sa prière était exaucée. Selon
une inspiration céleste, l'enfant du miracle fut appelée Rita, diminutif de
Margarita, ce qui signifie « perle précieuse. »
Peu de temps après son baptême, tandis que Rita reposait
paisiblement dans une corbeille d'osier, sous la garde de ses parents qui
travaillaient aux champs, un essaim d'abeilles vint bourdonner autour de son
berceau. Entrant dans la bouche entr'ouverte de Rita, les abeilles y déposèrent
leur miel sans lui faire aucun mal. Loin de gâter leur fille unique par une
éducation sans fermeté, les vieux parents s'appliquèrent à la former à la vertu.
Obéissante et courageuse, Rita travaillait de bon cœur, aidant ses parents dans
les soins du ménage.
Ne voulant se faire remarquer que de Dieu seul, Rita
sacrifiait dans sa toilette les frivolités qui auraient pu la rendre plus
gracieuse. Sa douceur, sa charité envers les pauvres, étaient remarquables. Rita
ne savait guère lire ni écrire mais elle savait regarder et comprendre son
crucifix. Seule dans sa chambre, elle priait longuement devant l'image de Jésus.
En son cœur grandissait le désir de mener une vie de pénitence et ses yeux se
tournaient avec ardeur vers le monastère de Cascia.
Tandis que Rita se disposait à entrer au cloître, ses parents
recevaient pour elle une demande en mariage. Le prétendant, Paul de Ferdinand,
dit « Ferdinando », était un homme violent. Craignant de s’attirer des
représailles par un refus, les parents promirent la main de leur fille.
Consternée, Rita supplia Dieu de mettre obstacle à ce projet. Les voies de Dieu
sont impénétrables : en la chargeant de cette croix, mais Dieu voulait donner
aux épouses malheureuses un éclatant modèle de patience. Ferdinando fut pour son
épouse un véritable tyran. Dominé par un esprit de méchanceté, faisant de son
foyer un enfer. Jamais content, se fâchant pour un rien, il accablait d'injures
la timide Rita qui frémissait de peur. Il avait la boisson mauvaise et sa pauvre
femme dut subir ses fureurs et ses brusques colères
[3].
Qu'aurait fait une épouse ordinaire avec un tel mari ? Mais
Rita avait contemplé Jésus dans sa Passion : injuriée, elle ne répondait pas ;
frappée, elle souffrait en silence. Sa patience était si héroïque, que ses
voisines l'appelaient « la femme sans rancune. » Elle gravissait son
calvaire en priant pour la conversion de son indigne époux. Après dix-huit ans,
le miracle se produisit : touché par la grâce, Ferdinando se jeta aux pieds de
sa vertueuse épouse, lui demanda pardon et promit de se corriger. Il tint
parole. Alors commença pour Rita une vie nouvelle. Néanmoins, Ferdinando s’était
créé beaucoup d'ennemis qui, sachant que le nouveau converti sortait désormais
sans armes, en profitèrent pour assouvir leur vengeance. Un soir qu'il rentrait
à Rocca Paréna par un sentier désert, Ferdinando fut attaqué et lâchement
poignardé
[4].
La douleur de Rita fut extrême, pourtant elle puisa dans sa foi la force de
pardonner aux meurtriers de son mari.
Ses deux grands fils qui ne ressemblaient pas à leur mère,
prirent la résolution de venger leur père. Les ayant en vain supplié de ne pas
verser le sang, Rita se tourna vers Dieu et fit cette prière héroïque : « Seigneur,
prenez les plutôt que les laisser devenir criminels. » Peu de temps après
les jeunes gens tombaient malades et mouraient à peu d'intervalle l'un de
l'autre, après s'être réconciliés avec Dieu.
Restée seule, Rita qui songeait à réaliser son désir de vie
religieuse, alla frapper à la porte du monastère de Cascia, mais comme jamais
encore une veuve n'avait été admise dans la communauté, l’abbesse la refusa. Par
deux fois elle renouvela sans succès sa démarche, puis s'adressa à Dieu et « la
Sainte des Impossibles » fut miraculeusement exaucée.
Une nuit qu'elle veillait en priant, elle s'entendit
appeler ; elle se leva et ouvrit la porte derrière laquelle elle vit les saints
qu’elle avait invoqués : saint Jean-Baptiste, saint Augustin et saint Nicolas de
Tolentino. Comme dans un rêve, elle les suivit, parcourant les ruelles désertes
et sombres qui la menèrent devant le couvent. Comme manœuvrée par une main
invisible, la porte s'ouvrit pour la recevoir. Les saints compagnons disparurent
et Rita se retrouva seule à l'intérieur de la chapelle où la trouvèrent les
religieuses. Le miracle était si évident qu'on la reçut cette fois-ci avec joie.
Pour mettre la bonne novice à l'épreuve, l’abbesse lui
ordonna d'arroser matin et soir un arbre mort situé a l'entrée du couvent.
Voyant dans cet ordre l'expression de la volonté de Dieu, Rita accomplissait
avec soin ce travail inutile et ridicule en apparence. Dieu allait montrer d'une
manière éclatante combien cet acte d'obéissance lui était agréable. Un beau
matin les sœurs ouvrirent des yeux étonnés : la vie était revenue dans ce bois
aride. Des feuilles naissantes apparurent et une belle vigne se développa
donnant en temps voulu des raisins exquis.
« Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie
pour ceux que l'on aime. » Ces paroles de Jésus avaient dans l'âme de Rita
une résonance profonde. Son ardent désir de compatir à la Passion du Sauveur
était si véhément qu'on la trouvait souvent en larmes devant la Croix, souffrant
en son âme le martyre du Christ. Un jour qu'elle était prosternée devant l'image
du crucifix, elle supplia Notre Seigneur de lui faire prendre part à ses
douleurs et de ressentir en sa chair la souffrance de ses blessures.
Une épine de la couronne se détacha du crucifix et vint se
planter violemment au front de Rita qui tomba évanouie. La plaie resta toujours
ouverte, devint purulente et l'odeur nauséabonde qui s'en dégageait obligea Rita
à se retirer dans une cellule complètement à l'écart de la communauté où elle
resta quinze ans.
En 1450 le pape Nicolas V accorda l'indulgence du Jubilé que
l’on gagnait en allant à Rome pour vénérer les reliques de la Passion du
Seigneur. Rita sollicita la permission de se joindre a ses sœurs pour le
pèlerinage, mais l’abbesse refusa à cause de la plaie au front. Rita demanda à
Jésus la grâce de cicatriser sa blessure jusqu'à son retour de Rome, tout en
conservant la douleur. La plaie se ferma et Rita put partir pour Rome.
Au retour Rita tomba gravement malade. Sa plaie, ouverte à
nouveau, la faisait beaucoup souffrir, son estomac délabré par des jeûnes
rigoureux ne pouvait supporter aucune nourriture, hormis l'hostie. Elle restait
étendue tout le jour sur sa dure paillasse. Ses jours semblaient comptés. Elle
resta pourtant ainsi entre la vie et la mort pendant quatre ans.
Ces longues années de douleurs intolérables achevèrent de
graver en son âme les traits du divin crucifié.
Un jour qu’une de ses parentes venue la visiter lui demandait
ce qui pourrait lui faire plaisir, Rita répondit : « Je voudrais que tu me
cueilles une rose dans le jardin de mes parents. » Or, on était au cœur de
l’hiver et la campagne était sous la neige. La cousine alla toute même à Rocca
Poréna où, en pénétrant dans le jardin, elle aperçut sur les branches épineuses,
une rose splendide qu’elle cueillit et qu’elle porta à la mourante. « Puisque
tu as été si aimable, retourne au jardin et, cette fois, rapporte m'en deux
figues fraîches. » Sans plus d'hésitation la messagère sortit en courant et
trouva sur le figuier du jardin les deux figues.
Rita attendait dans la paix l'heure de Dieu. Un jour sa
chambre fut inondée de lumière où apparurent Jésus et Marie qui lui annoncèrent
son départ vers le ciel. Trois jours après cette apparition, Rita, serrant sur
son cœur le crucifix qu'elle avait tant aimé, rendit son âme à Dieu (22 mai
1457). Elle avait soixante-seize ans. Son visage émacié prit un air de beauté
incomparable, l'horrible plaie se changea en un rubis éclatant, exhalant un
suave parfum. Pour annoncer sa mort, les cloches du monastère s'ébranlèrent
d'elles-mêmes, et la foule accourue défila devant sa dépouille glorieuse.
Vêtu de l'habit des religieuses de l'ordre de Saint-Augustin,
le corps de Sainte Rita repose dans une châsse en verre en l'église de Cascia où
il est encore intact. En 1628, lors des fêtes de la béatification, on vit les
yeux s'ouvrir pendant quelques instants. D’autres fois, comme il est attesté par
un document officiel du 16 mai 1682, conservé aux archives de Cascia, le saint
corps se souleva jusqu’à toucher le plafond de la châsse. Souvent aussi, dit la
bulle de canonisation, un parfum suave s'exhalait de la dépouille pour embaumer
le monastère et les pèlerins.
En 1900, le pape Léon XIII, après l'examen minutieux de
nombreux miracles, plaça la bienheureuse Rita au nombre des saints et composa
lui même un office spécial en son honneur.
[1]
Cascia, aujourd’hui dans le diocèse de Norcia (depuis 1820), était alors dans le
diocèse de Spolète.
[2] On ne
peut dire avec une certitude absolue qui étaient les parents de sainte Rita. Si
l’on ne peut répondre avec une certitude absolue à cette question, cela vient de
ce que, à cette époque, les registres paroissiaux des baptêmes n'étaient pas
tenus pour le bon peuple et que seule la naissance des très grands personnages
laissait sa trace certaine dans des documents écrits du temps. Pourtant, comme
Rita figurait, au couvent de Cascia, sous le nom de « Rita d'Antonio »,
nous sommes portés à croire que son père se nommait Antonio, ou Antoine. Dans un
autre document écrit, non pour sa naissance mais, à la demande de son monastère,
pour la constatation notariée d'un de ses nombreux miracles, après sa mort, on
la nomme « Rita d'Antonio Mancini ». De nos jours encore, la maison où
elle passa son enfance, en son village natal, est connue sous le nom de « Casa
Mancini ». Dans le même document, la mère de sainte Rita est appelée « Amata ».
Les parents de sainte Rita étaient de très modestes cultivateurs, en un pays de
très pauvre culture.
[3] Lors
de son mariage, sainte Rita avait probablement dix-huit ans, et l’on peut le
situer en 1399.
[4] Si
l’on considère que sainte Rita s’est mariée en 1399, l’assassinat de Ferdinando
qui se situe dix-huit ans plus tard, serait donc en 1417.
|