LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

L’Eucharistie
chez
les Saints

 

Introduction

Tous les Saints, de tous les temps, ont été fascinés par le Don suprême de Jésus, son Eucharistie. Les disciples d’Emmaüs, le soir même de la Résurrection de Jésus, l’ont reconnu à la fraction du pain. Dès les premiers temps de l’Église, après l’Ascension, les apôtres ont renouvelé le Geste de Jésus qui leur avait dit: “Faîtes ceci en mémoire de Moi.” Très vite, les chrétiens prirent l’habitude de se réunir pour participer à la Fraction du pain.

L’Eucharistie, c’est le Christ présent au milieu de nous. C’est le Christ vivant. C’est toujours autour de l’Eucharistie que le Peuple de Dieu, l’Église, se rassemble. L’Eucharistie c’est la vie de l’Église: si l’on tue l’Eucharistie, on tue l’Église.

Tous les saints ont été fascinés par l’Eucharistie, mais, au cours des âges, quelques-uns ont été plus particulièrement appelés à devenir les apôtres de l’Eucharistie. Nous en présenterons ici quelques-uns. On aurait pu en choisir davantage, mais l’Eucharistie: Dieu présent parmi nous, est infinie, et le nombre de ceux qui ont vénéré l’Eucharistie est incalculable: comme Saint Jean, on pourrait dire: “Pour raconter toutes les merveilles de Jésus-Eucharistie, le monde entier ne suffirait pas.” Il fallut donc faire des choix. On aurait pu choisir d’autres apôtres de l’Eucharistie: le lecteur saura bien nous excuser si nos choix ne répondent pas tout à fait à ses désirs. Mais, si son cœur est vraiment ouvert, alors, pénétrant dans le feu de l’amour qui envahissait le cœur des saints présentés, il saura bien communier à l’amour qui les animait. C’est le vœu que nous formons.

«« – »»

Saint
Pierre-Julien Eymard

Apôtre de l’Eucharistie
(4 février 1811-1er août 1868)

Sa vie

Saint Pierre-Julien Eymard naquit le 4 février 1811 à La Mure d’Isère. Il y mourut, le 1er août 1868, à l’âge de 57 ans. Il fut béatifié par Pie XI, le 12 juillet 1925, puis canonisé par Jean XXIII, le 9 décembre 1962, au terme de la première session du Concile Vatican II. Dans son homélie de canonisation Jean XXIII précisait: “Sa note caractéristique, l’idée directrice de toutes ses activités sacerdotales, on peut le dire, ce fut l’Eucharistie: le culte et l’apostolat eucharistiques.”

Mis en contact avec toutes les classes de la société et tous les états de vie, Pierre-Julien avait été providentiellement préparé à sa mission eucharistique. Tour à tour vicaire, curé, religieux et provincial chez les Frères Maristes, supérieur de collège et directeur du Tiers-ordre de Marie, catéchiste des chiffonniers de Paris, et, enfin, fondateur des Prêtres du Très Saint Sacrement, il a connu tous les besoins de toutes les catégories d’âmes et a compris l’influence et la force, pour elles, de l’Eucharistie.

Pierre-Julien eut une vie débordante d’activité. Ce fut cependant un grand mystique. En effet, dès l’âge de vingt six ans, alors qu’il n’était encore que vicaire à la Chatte, il fut, au cours d’une méditation devenue extase, favorisé d’une grâce mystique qui lui fit pénétrer la réalité de l’amour et de la bonté du Père. Pendant longtemps il en parla avec reconnaissance. Cette grâce fut le point de départ d’un apostolat dominé par une pensée dominante: devenir l’apôtre infatigable de l’amour de Dieu et travailler à la glorification du Sacrement de l’Amour du Fils: l’Eucharistie.

La jeunesse de Pierre-Julien

L’enfance et la jeunesse de Pierre-Julien Eymard furent relativement tristes. Il était le dixième enfant de Julien Eymard, son père, et  quatrième de sa mère, deuxième femme de Julien devenu veuf. Un destin cruel semble avoir marqué la famille Eymard. Successivement moururent ses frères et sœurs aînés: Cécile, en 1805, François-Julien en 1807, Joseph-Justin-Julien en 1809. Du premier lit quatre enfants sur six étaient également morts. De ce qui aurait pu être sa grande famille, Pierre-Julien, notre futur saint, ne connut qu’Antoine et Marianne, respectivement âgés de dix-sept et de douze ans à sa naissance en 1811. On croit savoir que la mère de Julien était très pieuse. Quant à son père, Julien Eymard, coutelier de son état, il fut reçu dans la Confrérie des Pénitents du Saint-Sacrement le 8 décembre 1817.

Dans ce milieu sérieux et fervent, il n’est pas étonnant que la piété de Pierre-Julien ait été précoce. Un fait est dûment attesté: vers l’âge de cinq ans, le petit garçon fait une fugue. On le cherche partout... On le retrouve dans l’église, grimpé sur l’escabeau placé derrière l’autel:

– Que fais-tu là, demande  sa sœur, impatiente.

– Je suis près de Jésus, et je l’écoute, répond naïvement le petit garçon.

À mesure qu’il grandit, Pierre-Julien est de plus en plus attiré par l’Eucharistie. Très jeune il désirera  devenir prêtre. Son père,  meurtri par tant de deuils subis, refusa: il ne pouvait pas accepter de perdre encore le dernier garçon qui lui restait et qui aurait dû prendre la succession de son entreprise.

Pierre-Julien connut donc des difficultés énormes pour faire ses études. Il apprit seul le latin, en cachette de son père. Le 5 août 1828, sa mère mourait; le pauvre père restait seul avec sa fille Marianne et Pierre-Julien. Pierre-Julien se devait d’aider son père.

Enfin la foi du papa l’emporta, et Pierre-Julien fut reçu chez les Oblats de Marseille, le 7 juin 1829...

Les études et le séminaire

Pour rattraper son retard scolaire, Pierre-Julien travaillait comme quatre. Il tomba rapidement malade; on crut qu’il allait mourir. Mais il se rétablit lentement et, après la mort de son père, il entra au grand séminaire. Il fut ordonné prêtre le 20 juillet 1834 et nommé vicaire à la Chatte, dans l’Isère. Le 10 juin 1835 il était reçu tertiare de l’Ordre des Capucins. C’est à la Chatte qu’il fut gratifié d’une grâce mystique exceptionnelle qu’il garda lontemps secrète, mais qui nourrit toute sa vie spirituelle.

Pierre-Julien crachait le sang. Il dut quitter la Chatte; on le nomma curé de Monteynard où il resta deux ans. Fin 1839, il entra chez les Frères Maristes de Lyon et fut nommé directeur du collège de Belley. En janvier 1845, on lui conféra la charge de provincial dans sa congrégation, charge qu’il exerça pendant deux ans avant de devenir Visiteur Général.

En décembre 1845 le Père Eymard prit la direction de Tiers-Ordre de Marie au sein duquel il fonda de nombreuses branches.

Les grâces spirituelles

    Lyon, mai 1845

Au sujet de la cérémonie de la Fête-Dieu à Lyon, le 25 mai 1845, le Père Eymard écrit, entre autres: “Je sens dans moi un grand attrait vers Notre-Seigneur; jamais je ne l’avais éprouvé si fort. Cet attrait m’inspire dans mes prédications, conseils de piété, de porter tout le monde à la connaissance et à l’amour de Notre-Seigneur, de ne prêcher que Jésus-Christ et Jésus-Christ Eucharistique...” Cette grâce exceptionnelle est une grâce de foi et d’amour envers le Christ-Eucharistique. L’amour de Dieu est premier, mais il se concentre sur la contemplation du mystère de Jésus dans son Eucharistie.

    Paris 1848

En juin 1848 le Père Eymard est vivement frappé par l’intensité du culte eucharistique qui se déploie à Paris, grâce à l’adoration nocturne des hommes et à la création, par Adeline Dubouché, d’un Tiers-Ordre qui deviendra l’Adoration Réparatrice.

La grâce de Fourvière, le 21 janvier 1851

C’est ce que le Père Eymard appellera une grâce de vocation. Ému à la vue du délaissement de tant de prêtres séculiers, et par le manque de direction spirituelle des hommes, le Père Eymard envisage la création “d’un corps d’hommes comparable à l’Adoration Réparatrice en cours de création pour les femmes.”

L’époque était rude alors: le décret du 13 mars 1848 avait supprimé les congrégations religieuses en France, et de très nombreux religieux vivaient dispersés. À Mme Tholin-Bost qui avait créé l’Association de l’Adoration du Saint Sacrement à domicile, le Père Eymard écrivit, en octobre 1851: “ J’ai souvent réfléchi sur les remèdes à cette indifférence universelle qui s’empare d’une manière effrayante de tant de catholiques, et je n’en trouve qu’un: l’Eucharistie, l’amour à Jésus Eucharistique. La perte de la foi vient de la perte de l’amour.”

Et en février 1852, à la même personne: “Maintenant il faut se mettre à l’œuvre, sauver les âmes par la divine Eucharistie, et réveiller la France et l’Europe engourdies dans un sommeil d’indifférence parce qu’elles ne connaissent pas le don de Dieu: Jésus, l’Emmanuel Eucharistique. C’est la torche de l’amour qu’il faut porter dans les âmes fidèles et qui se croient pieuses, et ne le sont pas parce qu’elles n’ont pas établi leur centre et leur vie dans Jésus au saint Tabernacle.”

    La Seyne, 18 avril 1853

Enfin, voici pour Pierre-Julien, la grâce qui orientera définitivement sa vie: ce fut une grâce de vocation exceptionnelle:  créer l’ORDRE DU TRÈS SAINT-SACREMENT.

La fondation

Les événements se succèdent, et en avril 1856, le Père Eymard est relevé de ses vœux qui le liaient à l’Ordre des Maristes. Il allait pouvoir travailler à la fondation d’une nouvelle congrégation. Le 13 mai 1956, il reçoit, de l’Archevêque de Paris, Mgr Sibour, l’autorisation de fonder son œuvre, la Société du Saint-Sacrement,. Mgr Sibour était, en effet, très désireux de voir commencer une Œuvre de la Première communion des adultes. Le Père Eymard sera assisté, pour cette fondation, par le Père de Cuers.

Le dénuement matériel des premiers temps sera extrême et les vocations se firent longtemps attendre. Enfin, le 6 janvier 1857, l’Adoration du Saint-Sacrement exposé était inaugurée dans l’Institut. Les épreuves de toutes sortes se multiplièrent...

Parallèlement à la Société du Saint-Sacrement, une communauté féminine se mettait en place: Les Servantes du Saint-Sacrement, et l’Œuvre de la Première Communion des adultes était fondée dès 1858.

Le Père Eymard décrit la situation des jeunes ouvriers parisiens de cette époque: “À peine capables de travailler, les enfants pauvres de Paris sont placés dans les fabriques pour y gagner quelques sous d’abord, puis dix, puis un franc; et cela aide à avoir un peu de pain pour sa pauvre famille, et à payer les quarante sous de loyer par semaine. S’il n’y a pas de place dans les fabriques de boutons, de papier, etc, l’enfant, avec sa petite hotte, part le matin ou le soir, chiffonner dans la ville. Que de centaines d’enfants en sont là dans Paris!...

Si du moins la vie religieuse compensait la misère de la vie du corps! Mais, hélas! elle est encore plus déplorable. Le petit ouvrier ne va pas à l’Église apprendre à connaître, à aimer et à servir Dieu; ses parents ne lui en parlent pas. Ils ont été élevés ainsi, ou bien l’indigence les rend honteux et les abrutit.   

Car Paris a son côté de missions étrangères, sa population nomade, sans autre religion que le culte des morts... Non, rien ne ressemble à ce Paris de la misère et de l’indifférence!”

Malgré les difficultés l’œuvre se développe et essaime en province. L’adoration du Saint-Sacrement est toujours la base de la vie de la congrégation. Entre temps, au bord du découragement, le Père Eymard avait consulté le Saint Curé d’Ars.[1] Le Père A.Tesnières raconte la rencontre:“...Le Curé d’Ars éclata en sanglots et répondit: “Mon bon ami, vous voulez que je prie le bon Maître pour vous? Mais vous l’avez, vous, vous l’avez toujours devant vous!” Le Père touché des larmes du Curé laissa jaillir les siennes à son tour, et il s’efforçait de le consoler en lui disant: “Pardonnez-moi, Monsieur le Curé, je ne voulais pas vous faire de peine, pardonnez-moi, je vous en prie. Et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre.”

Le 10 juin 1863, Pierre-Julien Aymard recevait le décret d’approbation de son institut, La Congrégation du Très Saint-Sacrement. L’approbation avait été donnée par le pape Pie IX le 8 mai précédent. Le but essentiel de cette congrégation était double:

“rendre un culte solennel et perpétuel d’adoration à Notre Seigneur Jésus-Christ, demeurant perpétuellement au Très-Saint-Sacrement de l’autel, pour l’amour de l’homme.”

”se dévouer à l’amour et à la gloire de ce très auguste Sacrement par l’apostolat de chacun de ses membres qui, sous les auspices et la conduite de l’Immaculée Vierge Marie, doivent s’y appliquer dans la mesure de leur grâce et de leurs vertus.”

Il convient d’ajouter que cette congrégation doit être, de par la volonté de son fondateur, entièrement dévouée au Successeur de Pierre.

Parallèlement à la fondation de la Congrégation du Très Saint-Sacrement, Pierre-Julien Eymard, de 1858 à 1865, œuvra activement à la fondation d’une congrégation féminine: Les Servantes du Saint-Sacrement, entièrement centrée sur l’Eucharistie, tout en étant au service des pauvres. Les épreuves, là aussi, furent nombreuses et parfois très douloureuses...

La vocation eucharistique

En plus des activités liées au développement de ses communautés religieuses, le Père Eymard prêche beaucoup: il veut faire connaître l’Eucharistie, l’Amour qui institua l’Eucharistie, c’est-à-dire le Cœur de Jésus, le Cœur Eucharistique. Il n’hésitait pas à dire, au cours des retraites eucharistiques qu’il prêchait: “Quand on veut donner un mouvement plus puissant, on double, on triple, on centuple la puissance du moteur. Le moteur divin, c’est l’amour, l’amour eucharistique.”

Il écrivait aussi à des correspondants: “J’ai eu la consolation de parler de Jésus au Très Saint Sacrement à Rouen et à Tours; on est bien venu, on a écouté avec dévotion: ce sera la semence.”

“Le Cœur Eucharistique de Jésus a eu sa belle part à Rouen et Tours. J’ai fait un sermon spécial à Tours. C’est la semence.”

“Je viens de prêcher la neuvaine solennelle du Sacré-Cœur. Vous pensez bien que c’est surtout du Cœur Eucharistique de Notre Seigneur que j’ai parlé; il n’est que là vivant, puis au ciel! J’ai parlé de son amour, de l’ingratitude des hommes, du peu d’âmes fidèles et dévouées qui se donnent entièrement à lui.”

Retraite de 1865

Au cours d’une retraite à Rome, en janvier 1865, le Père Eymard fait retour sur lui-même et écrit: “J’ai vu comment je ne me suis donné à Notre Seigneur au Très Saint-Sacrement que par le dévouement de l’amour, que par le service, le culte, le zèle. La nature y trouvait son élément; la vanité et l’activité de l’esprit aussi.”

Car la vie avec Jésus-Eucharistie doit être contemplation et don du cœur:“Notre Seigneur m’a fait comprendre qu’il préfère le don de mon cœur à tous les dons extérieurs que je pourrais lui faire, quand même je lui donnerais les cœurs de tous les hommes, sans lui donner le mien.”

Sur sa vocation eucharistique il s’émerveille: “Comme le Bon Dieu m’a aimé! Il m’a conduit par la main jusqu’à la Société du Très Saint-Sacrement! Toutes mes grâces ont été des grâces de préparation, tous mes états, un noviciat! Toujours le Saint-Sacrement a dominé. C’est la Très Sainte Vierge qui m’a conduit à Notre-Seigneur: à la communion de tous les dimanches par le Laus à 12 ans; de la Société de Marie à celle du Très Saint Sacrement.”

À la messe d’action de grâce de cette longue retraite, le 21 mars 1865, P.J.Eymard écrit:

“...de même je dois être anéanti à tout désir, à tout propre intérêt, et n’avoir plus que ceux de Jésus-Christ qui est en moi afin d’y vivre pour son Père. Et c’est pour être ainsi en moi qu’il se donne dans la Sainte Communion.

C’est comme si le Sauveur disait: ‘En m’envoyant par l’Incarnation, le Père m’a coupé toute racine de recherche de moi-même, en ne me donnant pas la personne humaine, mais en m’unissant à une personne divine afin de me faire vivre pour lui, ainsi par la communion tu vivras pour moi, car je serai vivant en toi. Je remplirai ton âme de mes désirs et de ma vie qui consumera et anéantira en toi tout ce qui est propre; tellement que ce sera moi qui vivrai et désirerai tout en moi, au lieu de toi. Et ainsi tu seras le corps de mon cœur; ton âme, les facultés actives de mon âme; ton cœur, le réceptacle, le mouvement de mon cœur. Je serai la personne de ta personnalité, et ta personnalité sera la vie de la mienne en toi.’”

Le Père Eymard, dès lors, fait un vœu qui le livre définitivement au Christ Jésus dans une configuration au mystère de son Incarnation, à l’exemple de Marie: “Oh! que je voudrais adorer Notre-Seigneur comme l’adorait cette bonne Mère!... Je vais faire toutes mes adorations en union avec cette Mère des adorateurs, cette Reine du Cénacle.”

Et, pensant à sa Congrégation: “Ne serait-il pas nécessaire dans la Société d’avoir les contemplatifs et les apôtres? D’avoir des adorateurs et des incendiaires, puisque Notre-Seigneur veut voir ce feu eucharistique incendier le monde...” 

Dans les constitutions de la Société du Saint-Sacrement, P.J.Eymard avait clairement indiqué la raison suprême de l’Institut: “Afin que le Seigneur Jésus soit toujours adoré dans son Sacrement et glorifié socialement dans le monde entier.”

Voici quelques-unes de ses réflexions: “Le mal du temps, c’est qu’on ne va pas à Jésus-Christ comme à son Sauveur et à son Dieu... L’amour divin qui n’a pas de vie, son centre, dans le Sacrement de l’Eucharistie, n’est point dans les vraies conditions de sa puissance: il s‘éteindra bientôt.

Que faire donc? Remonter à la source, à Jésus... et surtout à Jésus dans l’Eucharistie.”

La mort du Père Eymard

Les forces du P.Eymard commencent à décliner; il sent la mort approcher. À l’une de ses dirigées il écrit, le 26 avril 1868: “Plus les années se multiplient, plus elles affaiblissent la nature: c’est la mort par degrés, il faut s’y résigner! Mais heureusement que le cœur ne vieillit pas; il se rajeunit, au contraire, en héritant de ce que les autres facultés perdent. Aimez bien Notre Seigneur.”

C’était comme son testament. Il mourra le 1er août suivant, à l’âge de 57 ans, après d’ultimes épreuves tant physiques que morales..

Les épreuves spirituelles

On connaît relativement peu la vie mystique de Pierre-Julien Eymard, ni ses combats avec Satan. Seul le frère Tesnière qui le soignait a pu apporter des témoignages. En voici un: “Trois semaines avant sa mort le Père m’a dit avec l’accent de quelqu’un qui a besoin de se soulager d’un mauvais coup reçu: ‘Oh! que le diable est mauvais quand il vous bat. Ses soufflets sont secs, comme s’il frappait sur du marbre. Ah! c’est qu’il frappe vraiment et non pas seulement d’une manière imaginaire.’”

P. J. Eymard connut aussi les terribles épreuves de la nuit de l’esprit. C’est encore le Père Tesnière qui témoigne, lors lors du procès ordinaire de Paris: “Il entra dans une voie d’oraison douloureuse: sécheresse du cœur, impuissance de l’esprit à raisonner sur les vérités ou même à se représenter les mystères: obscurité de la foi, insensibilité absolue, vains efforts pour formuler une prière dans son cœur, vains appels à Dieu qui semblait sourd à ses cris et s’éloignait à mesure qu’il le cherchait davantage... vues très claires de l’inutilité de ses efforts dans la prière comme de toutes ses actions dont il ne voyait que lacunes, défauts et fautes, et par suite tentations de découragement et de désespoir qui le poussaient à abandonner au moins la prière comme inutile ou même injurieuse à Dieu.

Telle fut la voie du Serviteur de Dieu durant ses dernières années... C’était donc plusieurs heures par jour qu’il devait affronter ce combat de la prière, mais il n’en abandonna jamais l’exercice ni par fatigue, ni par dégoût, et surmonta ainsi cette longue et rude épreuve. Mais aller à la prière équivalait pour lui à aller au sacrifice pour y immoler son âme sur le plus cruel des bûchers.”

Ce texte très éclairant se passe de commentaires.


[1] Cette rencontre eut lieu trois mois avant la mort de Jean-Marie Vianney

 

Textes de Pierre-Julien Eymard
sur l’Eucharistie

 

1-La Sainte Eucharistie[1]  

    1-1-La Sainte Messe et la Sainte communion

Le Père Eymard, s’extasiant sur les merveilles de l’Eucharistie s’écrie:“L’institution de la divine Eucharistie est, au dire de Saint Thomas d’Aquin, le plus grand des miracles de Jésus-Christ: il les surpasse tous par son objet, il les domine par la durée. C’est l’Incarnation permanente, c‘est le sacrifice perpétuel de Jésus-Christ; c’est le buisson ardent qui brûle toujours sur l’autel; c’est la manne, véritable pain de vie, qui descend tous les jours du Ciel... Celui qui, du limon de la terre, a fait le corps de l’homme, peut bien changer le pain et le vin en son Corps et en son Sang. D’ailleurs l’homme change bien, naturellement, le pain qu’il mange et le vin qu’il boit, en sa chair et en son sang.”

Pour le Père Eymard, l’Eucharistie c’est Jésus passé, présent et futur. C’est la fin de sa vie mortelle, c’est l’expression de son Amour. Dans l’Eucharistie, tous les mystères divins sont glorifiés, et toutes les vertus sont présentes. “L’Eucharistie est le royal mystère de la foi où toutes les vérités aboutissent comme les fleuves dans l’océan. Dire l’Eucharistie, c’est tout dire.”

Le Père Eymard envisageait l’Eucharistie, Pain de vie, sous tous ses aspects et, en particulier, sous celui de ses fruits et de son efficacité dans les âmes. Il ne craignait pas de déclarer: “C’est le jansénisme qui, fermant les tabernacles, a préparé l’apostasie des peuples, dont la Révolution a été la manifestation; c’est en ouvrant les tabernacles qu’on ramènera les nations à Dieu.”

    1-2-Les circonstances de l’Eucharistie

C’est la veille de sa mort que Jésus institua ce grand Sacrement, au moment où Judas le quitta après avoir reçu des mains du Maître qu’il trahissait la bouchée de pain de l’amitié. Jésus avait ardemment désiré cette Pâque, “sa Pâque”. Jésus livre son Corps à ses apôtres, en utilisant le temps présent: “Ceci est  mon Corps. Ceci est mon Sang.” Il convient de remarquer que Jésus n’utilise pas le futur, -ce n’est que demain que son Corps sera livré, que son Sang sera versé- mais son Sacrifice est vivant tout au long des siècles. “L’Eucharistie et le Calvaire ne font qu’UN.”

 

“Àu Cénacle, comme sur le Calvaire, le Corps du Christ est séparé de son Sang, et c’est la mort... À l’autel la consécration séparée des deux espèces rappelle et signifie la mort du Christ... La Sainte Messe n’est donc pas un simple mémorial, le souvenir vide et froid d’une chose passée; elle est véritablement la représentation du Sacrifice du Calvaire, représentation qui contient et nous offre celui-là même qu’elle figure: Jésus-Christ s’immolant pour nous.”

“Si Jésus-Christ meurt sur le Calvaire, c’est pour devenir la victime perpétuelle du sacrifice non sanglant de la sainte Messe.

 

En conséquence, pendant le Saint Sacrifice de la Messe[2] , nous avons quatre devoirs à remplir envers Jésus:

 

– Un devoir latreurique, c’est-à-dire de souveraine adoration,

– Un devoir eucharistique, c’est-à-dire d’action de grâces

– Un devoir impétratoire, en le présentant au Père comme le gage qu’il nous a donné de son amour,

– Un devoir satisfactoire, en l’offrant pour l’expiation de tous nos péchés, et pour la réparation de tant de crimes qui se commettent dans le monde.”

2-L’Eucharistie est le Don de Dieu

    2-1-L’Eucharistie, Don de Dieu par excellence

L’Eucharistie est, par excellence, le Don  de Jésus qui “a réuni tous ses dons dans un seul Don, et trouvé le moyen, non pas d’épuiser, mais de dilater sa bonté. La Sainte Eucharistie est la grâce des grâces, le Don des dons, en elle l’amour de Notre Seigneur s’est multiplié pour venir jusqu’à nous, par tous les effets d’une bonté qui a traversé toutes les générations.” Le Père Eymard rappelle le Concile de Trente qui déclare: l’Eucharistie “c’est l’antidote qui nous préserve des péchés mortels et nous libère de nos fautes quotidiennes.”

“L’Eucharistie est un don perpétuel fait au monde par Jésus-Christ, son amour le demande, sa gloire le réclame. L’amour a deux grands ennemis: l’absence et la mort. C’est comme une flamme sans foyer; rien ne résiste à cette épreuve. Notre-Seigneur le savait. Aussi son mémorial est-il le signe et la réalité signifiée. C’est lui-même, voilé sans doute, mais plein de vie.”

 

Au milieu de nous il y a quelqu’un que nous ne connaissons pas. Préparons-nous à la rencontre du Seigneur, là où vit l’Agneau de Dieu. N’oublions jamais que c’est l’Eucharistie qui fait l’Église.

2-2-L’Eucharistie, Présence de Jésus

La présence de l’être aimé est nécessaire à l’amour. “Avec l’Eucharistie nous savons que Notre-Seigneur nous aime actuellement et personnellement. Chacun de nous peut se dire: “Il m’aime, il m’aime personnellement.”

Au Saint Sacrement Jésus est présent et nous pouvons Le servir comme Il le désire: “L’adorer comme Dieu en Lui offrant l’hommage parfait de tout notre être, et L’aimer comme homme, de tout notre amour. Par l’Eucharistie une union parfaite s’établit entre Notre Seigneur et nous.”

    2-3-L‘Eucharistie, Don du Cœur de Jésus

“Jésus est arrivé au terme de sa vie mortelle... Mais son Cœur ne peut se résoudre à laisser sa nouvelle famille, les enfants qu’il engendrera dans son sang par le Sacrifice du Calvaire... Il ne veut pas les laisser seuls au milieu de leurs ennemis... Jésus-Christ aura donc deux trônes: un trône de gloire, au Ciel; un trône de grâce, sur la terre...

Le Cœur de Jésus estime que ce qui suffit à l’œuvre de la Rédemption, ne satisfait pas son amour... Son amour fera encore plus pour ses enfants de la Croix, que la mère la plus tendre pour les enfants de sa chair...”

    2-3-1-Comment faire?

“Le Cœur de Jésus résidera au milieu des siens sous la forme d’un sacrement qui voilera même son humanité... Ainsi, Jésus choisit  l’Eucharistie, “pour que tous puissent venir à lui sans difficulté et en toute confiance.” Les hommes comprendront mieux ses paroles: “Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur.”

    2-3-2-L’Eucharistie est le sacrement de l’amour

La tradition catholique appelle l’Eucharistie le Sacrement de l’Amour. ”Les autres sacrements produisent la grâce sanctifiante; l’Eucharistie contient et donne l’Auteur même de la grâce... L’Eucharistie est le soleil de justice et d’amour, le foyer incandescent de ce feu divin dont Jésus-Christ a dit: “Je suis venu apporter le feu sur la terre, et quel est mon désir sinon de le voir incendier tous les cœurs...”

C’est l’amour qui a établi l’Eucharistie et c’est l’amour qui se donne dans l’Eucharistie. L’amour veut être aimé dans son Eucharistie. “L’Eucharistie est l’aliment et l’école de l’amour envers Jésus-Christ... L’Eucharistie vient du Cœur de Jésus-Christ; elle est par excellence son don d’amour; elle attend notre amour comme un droit, mais aussi comme une compensation réparatrice.”

3-L’Eucharistie, Sacrifice perpétuel de l’Agneau immolé

3-1-Jésus est l’Agneau de Dieu.

L’Agneau ¨Pascal est une figure de l’Eucharistie; selon Pierre-Julien Eymard, il y a trois aspects principaux de l’Agneau Pascal: l’Agneau immolé, l’Agneau mangé et l’Agneau Sauveur.

    3-1-1-L’Agneau immolé

“Jésus-Christ est le véritable Agneau de Dieu: Isaïe parle expressément de l’agneau dont l’offrande apaisera le roi de Juda.” [3] C’est l’agneau que l’on mène à la boucherie et qui se soumet à la souffrance sans proférer une plainte. “Jean, le précurseur, ne désigne pas Jésus comme le prince de la paix, mais il dit: “Voici l’Agneau de Dieu, celui qui ôte le péché du monde.” Jean l’Évangéliste décrit sa vision du ciel comme “le triomphe de l’Agneau Immolé.”

Sur la Croix, Jésus-Christ est l’Agneau Immolé. L’Eucharistie, “c’est Jésus présent sous les saintes espèces, comme Il était sur la Croix, en état de Victime.”

    3-1-2-L’Agneau mangé

Dans tous les sacrifices, on consomme la victime immolée. La manducation de la victime était un gage sacré pour ceux qui s’en nourrissaient. “Par la communion, la Victime est consommée. Jésus perd, dans le fidèle qui Le reçoit, sa vie sacramentelle: tombeau de résurrection dans l’âme du juste, tombeau de mort, et de mort éternelle, pour l’âme coupable. Dans le communiant bien disposé, Jésus-Christ ressuscite... Le chrétien devient ainsi un porte-Christ, christophorus, ou même un autre Christ”

Par le sacrifice de l’autel, Jésus nous donne notre part personnelle des fruits de la Rédemption. “Ô admirable invention de l’amour de Dieu!”

L’Eucharistie, c’est l’extension, le prolongement de l’Incarnation, c’est Jésus toujours présent parmi nous et pour tous les hommes. “Le chrétien ne doit donc s’approcher de la sainte Table, pour manger l’Agneau divin, qu’avec des sentiments de charité fraternelle, pour réaliser l’union des cœurs...”

    3-1-3-L’Agneau Sauveur

L’Agneau pascal était, pour les Hébreux, un gage de vie et l’annonce de leur libération. Jésus-Christ, l’Agneau de Dieu, est, par l’Eucharistie, la vie du monde.

3-2-Jésus est le Pain vivant

    3-2-1-L’Eucharistie annoncée dans l’Ancien Testament

“L’Eucharistie est force et douceur. C’est ainsi qu’elle est figurée dans l’Ancien Testament. Le pain d’Élie, apporté par un ange au prophète exténué, lui a permis de marcher jusqu’au but qu’il s’était proposé. La nuée du désert était une ombre pendant le jour et une lumière durant la nuit. La manne avait toute suavité selon le goût de chacun. Telle est l’Eucharistie: elle est lumineuse, douce, rafraîchissante, selon les besoins de l’âme qui la reçoit. Nous aider dans les difficultés, nous consoler dans nos ennuis, tel est son but.”

    3-2-2-Pierre-Julien Eymard cite quelques paroles de Jésus:

“Je suis le Pain vivant descendu du Ciel... Ma chair est vraiment une nourriture et mon sang est véritablement un breuvage. Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui... Celui qui mange de ce pain vivra éternellement.”

Pour le Père Eymard, en effet, “la communion a pour but, pour effet particulier, d’assurer, de rendre plus étroite et plus féconde, l’union entre Jésus-Christ et ses membres; par elle une véritable société de vie s’établira entre eux et lui; ils seront comme deux cires fondues ensemble, ils deviendront, en quelque manière, corporels et consanguins avec lui.”

    3-2-3-L’Eucharistie est notre nourriture

“L’homme transforme en sa substance la nourriture ordinaire parce qu’il lui est supérieur: il est vivant, elle est morte. En l’Eucharistie, Jésus-Christ est un pain vivant, d’une vie divine: c’est lui qui assimile l’homme à sa propre vie.”

“Parlant d’avance du rôle qui achèverait son œuvre rédemptrice, Jésus disait: “Je suis le Pain de vie.”... Pain de vie! Voilà bien le nom qui dit tout Jésus-Christ. Comme le grain de froment est broyé, puis blutté pour devenir de la farine, ainsi, pouvons-nous dire, en fut-il de Jésus-Christ pendant sa Passion. Après sa Résurrection il aura, pour nos âmes, les mêmes propriétés que le pain pour nos corps...

L’Eucharistie, c’est la merveille des merveilles... parce qu’elle est cette nourriture que le Seigneur, clément et miséricordieux, donne à ceux qui le craignent.”

    3-2-4-L’Eucharistie est l’aliment de notre âme

Selon Pierre-Julien Eymard, notre âme possède une vie physiquement indéfectible; elle est de sa nature, immortelle. Mais il y a en elle une vie surnaturelle, inaugurée par le Baptême. Cette vie surnaturelle doit être alimentée, et son aliment, c’est Jésus-Christ dans l’Eucharistie:

“Notre-Seigneur a dit: celui qui me mange a, lui aussi, la vie. Mais quelle vie? Celle de Jésus... Jésus, Pain vivant, ne se changera pas en nous, il nous fera vivre de lui, il nous donne sa propre vie.”

S’adressant à des personnes du monde, P.J. Eymard insiste: “Un Maître nourrit sa servante: communiez tous les jours. Quel sera votre travail si vous ne mangez pas le pain de la vie? Mangez pour pouvoir travailler... La communion vous est nécessaire comme la respiration aux poumons... Abandonner la sainte Communion quotidienne, ce serait abandonner votre place au festin des enfants de Dieu...

Allez toujours, pourvu que vous puissiez vous traîner, même en souffrant, à la sainte Table: on vous y attend...”

    3-2-5-Nécessité de la communion

P. J. Eymard écrit: “Je pose en principe que plus on doit être pur, plus on doit être saint, et plus on a besoin de communier... Plus la vie que vous menez est sainte et difficile, plus vous devez vous approcher de la Table sainte.”

Pour être fort, il faut communier, il faut avoir faim. “Vous dites: donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Désirez donc le pain de votre âme, et alors, venez le chercher.

Communiez donc, mais en regardant le Cœur de Notre-Seigneur qui vous appelle... Sans doute, lorsque la Communion sacramentelle ne vous sera pas possible, Dieu la remplacera par la communion de sa présence de grâce et d’amour; il faut cependant désirer la première, parce que Jésus et l’Église la veulent.”

    3-2-6-L’Eucharistie, Sacrement de vie

Le Père Eymard insiste:

“Ni le Baptême qui donne la vie de la grâce, ni la Confirmation qui l’augmente, ni la Pénitence qui la restaure, ne suffisent. Tous ces sacrements sont une préparation à l’Eucharistie qui les complète et les couronne...

Jésus a dit: Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruits. Mais “Comment demeurer en Jésus? Il l’a bien précisé: celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.“

“L’Eucharistie est le pain des faibles, et elle est aussi le pain des forts. Elle est nécessaire aux uns comme aux autres. Aux faibles, c’est évident. Aux forts car l’Apôtre les avertit: ”Que celui qui a l’impression d’être debout prenne garde de tomber.” Ils portent leur trésor dans des vases d’argile; leur route est entourée

de brigands.”

3-3-L’Eucharistie est le gage de notre résurrection

    3-3-1-L’Eucharistie, c’est le Testament de Jésus

L’Eucharistie, c’est le Testament de Jésus, c’est le but de la mort du Sauveur. L’Eucharistie prolonge en nous l’immolation et la mort de Jésus-Christ. Écoutons le Père Eymard:

“Le prêtre consacre séparément le pain et le vin en disant sur l’un ceci est mon corps; sur l’autre: ceci est mon sang. Par la vertu précise de ces paroles, le corps devrait être séparé du sang. Si la mort ne se produit pas, c’est que l’état glorieux de Jésus ressuscité s’y oppose: la mort ne peut plus l’atteindre...”

L’Eucharistie “est le testament d’amour, l’alliance qu’Il a scellée avec nous dans sa mort... L’Eucharistie est le Testament de Jésus-Christ.”

    3-3-2-Et pour nous?

“L’Eucharistie prolonge en nous la mort du Christ... afin de nous faire mourir au péché... afin de nous faire mourir au monde qui a servi d’instrument au péché et qui reste son puissant instrument en nous. C’est afin de nous faire mourir à nous-mêmes... et à nous revêtir de Jésus ressuscité... La communion est donc le gage d’une résurrection glorieuse.”

4-L’Eucharistie, c’est Dieu caché

Jésus s’est fait homme, pauvre, humble et obéissant. Il est mort sur une Croix. Cela étonne le Père Eymard, mais, à la limite, il peut le comprendre. Mais, dit-il, “ce que l’on ne comprend plus, ce qui épouvante la foi de l’homme, c’est que Jésus-Christ ressuscité, glorieux, triomphant, ait choisi, pour rester au milieu de nous, un état plus humble que dans l’Incarnation, plus soumis qu’à Nazareth, plus anéanti que dans la Passion. Mais...

            1°Par son état voilé, Jésus-Christ continue, au milieu de nous sa mission de Sauveur à la gloire de son Père et pour notre amour. L’orgueil a perdu l’homme. C’est par l’humilité que Jésus le relève, le réhabilite, le rétablit dans sa première dignité.

            Quelle est belle son humilité eucharistique!
            Quelle est riche sa pauvreté eucharistique!
            Quelle est ravissante son obéissance sacramentelle!

Qui refusera d’obéir à Dieu quand Dieu lui-même obéit ici à l’homme?

            2°Jésus-Christ voilé encourage ma faiblesse. Il voile sa gloire afin que j’ose m’approcher de lui, le regarder, lui parler...

Jésus voile sa puissance; elle effrayerait, elle épouvanterait la faiblesse de l’homme.

Jésus voile sa sainteté; elle est si haute, si sublime, qu’elle découragerait nos faibles vertus.

Jésus voile son amour; il est si grand, si ardent, si infini, qu’il nous consumerait s’il n’était tempéré par le voile sacramentel.

            3°Le voile eucharistique perfectionne la foi du chrétien... En l’Eucharistie surtout, les sens ne servent de rien. C’est le seul mystère de Jésus-Christ où il en est ainsi... Il faut croire sur la parole de Jésus-Christ, en faisant le sacrifice de nos sens et de notre esprit, de notre raison... Cette foi ainsi libre et dégagée des sens, pure dans son action, nous unit simplement à la vérité de Jésus-Christ au Très Saint Sacrement... L’âme entre alors dans l’admirable contemplation de cette divine présence, assez voilée pour en tempérer l’éclat, mais assez transparente à la vue de la foi. Ce voile eucharistique est un aiguillon pour la foi plutôt qu’une épreuve.

            4°Le voile eucharistique perfectionne l’amour du fidèle. Il purifie cet amour et le dégage des sens... Le voile eucharistique spiritualise notre amour pour Jésus-Christ. L’union se fait alors d’esprit à esprit, de cœur à cœur... L’état caché favorise admirablement la contemplation... Cependant le voile eucharistique conserve le respect chez les fidèles, auxquels il inspire une sainte crainte de cette Majesté cachée, en même temps qu’il est une miséricorde pour les incrédules, en ne les exposant pas à braver, comme les démons, cette Majesté divine. D’ailleurs, l’amour de Notre-Seigneur a besoin du mystère, parce qu’il est infini en puissance.”

Et le Père Eymard de conclure:

“Jésus-Christ ne se cache dans ce mystère que par égard pour la faiblesse de l’homme, pour se manifester graduellement à lui, à mesure qu’il grandit dans l’amour...

Ainsi en l’Eucharistie l’âme n’épuise jamais Jésus. À mesure qu’elle entre dans les profondeurs insondables de sa bonté, elle y découvre toujours des trésors nouveaux. Jésus est toujours plus aimable à ses yeux. “Celui qui m’aime, dit-il, sera aimé de mon Père, et moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui.

Qu’est-ce que cette manifestation de Jésus? C’est le mystère de son amour qui devient lumière, douceur, force, joie, bonheur: le Ciel dans l’âme.”

5-La Sainte Communion

L’acte de recevoir l’Eucharistie, c’est la Communion. Au temps du Père Eymard, au XIXe siècle, on utilisait davantage le mot de Communion que celui d’Eucharistie. L’Eucharistie, c’est Jésus présent dans son Don suprême; la Communion, c’est l’acte qui conduit le fidèle au Don de Jésus.

5-1-La Sainte Communion est une force

“La Sainte Communion est plus qu’un remède, c’est une force. Elle nous aide à devenir bons, vertueux et saints.” Par son amour, Jésus notre bienfaiteur, “éveille en nous l’amour pour lui, le désir de lui ressembler, l’attrait vers ce bonheur qui consiste à l’imiter et à vivre de sa propre vie...”

    5-2-La Sainte Communion est une source de bonheur

“La Sainte Communion est une source de bonheur... Elle est la possession réelle de Jésus-Christ; la possession des trois Personnes divines est son fruit ineffable. Elle est aussi la paix, car Jésus est le Dieu de la paix. Elle est encore la douceur, le parfum céleste de la vraie manne du désert... Comme nous sommes heureux sur la poitrine de Jésus!”

Car nous avons besoin de sentir de temps en temps la douceur de l’amour: “Il le savait bien, ce bon Maître, que nous avons besoin, de temps en temps, de ressentir la douceur de l’amour; on ne peut pas toujours être sur le Calvaire, ni sur le champ de bataille. L’enfant repose sur le sein de sa mère; le chrétien, sur le Cœur de Jésus... Après tout, c’est l’amour qui fait le bonheur de l’homme... Notre Seigneur a promis à celui qui communie, non seulement une joie céleste sur la terre, mais de plus il lui a garanti la vie éternelle.”

À des personnes du monde le Père Eymard conseillait: “Regardez la sainte communion comme un pur don de la miséricordieuse bonté de Dieu, une invitation à sa table de grâce, parce que vous êtes pauvre, faible et souffrante; alors vous irez avec joie... Partez de ce principe: plus je suis pauvre, plus j’ai besoin de Dieu; c’est votre carte d’entrée vers ce bon Maître. C’est la Communion des saints. C’est la communion de l’infirme.

La sainte Communion est un grand feu qui dévore en un instant toutes les pailles de nos imperfections quotidiennes... Cherchez, en Jésus seul, force, joie et consolation...

Communiez pour aimer, communiez en aimant, communiez pour aimer davantage... Communiez en pauvre, communiez en mendiante, en infirme, en malade, mais toujours avec humilité et confiance, avec le désir de mieux faire et de bien aimer Notre-Seigneur.”

    5-3-L’unique nécessaire

“Une seule chose est nécessaire ici-bas: aimer Dieu et le servir, et c’est la sainte Communion qui, en nous faisant vivre de Notre-Seigneur, alimente en nous cet amour et nous fait avancer dans la voie de la sainteté... La sainte Communion est la fin de la vie et sa perfection, elle est la dévotion royale et qui remplace tout. Elle est pour vous le grand exercice des vertus chrétiennes, l’acte souverain de l’amour, la pluie du matin.”

5-4-Les richesses de la Communion

S’adressant à des enfants préparant leur communion solennelle, le Père Eymard affirme que la visite personnelle de Notre Seigneur Jésus-Christ leur apportera toutes les grâces, tous les trésors du Ciel. “Le Roi du ciel et de la terre, Notre Seigneur Jésus-Christ, descend de son trône de gloire et vient nous visiter; il vient visiter votre corps et votre âme, il vient y demeurer avec amour, en un mot, il vient vous communier de son Corps, de son Sang, de son âme et de sa divinité... Il vient en vous pour vous faire part de toutes ses grâces, de tous ses mérites de la Rédemption...”

Par son Eucharistie, Jésus nous apporte le bonheur. “Celui-là seul est heureux qui a le cœur content, la conscience en paix, l’esprit du bien, Dieu pour lui, Jésus-Christ avec lui. Tout dans l’homme est content et satisfait... On est toujours heureux quand on peut se dire: Jésus m’aime et je l’aime; nous sommes unis, rien ne me séparera de son amour, de son service, de sa sainte loi.”

Jésus règne dans les âmes qui le reçoivent dans l’Eucharistie.”Il y imprime les stigmates de son amour crucifié pour la rendre plus heureuse au ciel.”

6-La grandeur de l’Eucharistie

6-1-La préparation

6-1-1-Préparation lointaine

“Dieu le Père a, pendant quatre mille ans, préparé les hommes à la venue de Jésus-Christ... Il les a aussi préparés au don de l’Eucharistie par des prophéties mystérieuses et des réalités figuratives. David chante la nourriture, la manne nouvelle, que, dans sa bonté, Dieu donnera à ceux qui le craignent. Malachie annonce l’offrande d’une victime pure qui, en tout lieu, remplacera les autres sacrifices et glorifiera le nom de Seigneur.

L’agneau Pascal, la manne tombant dans le désert, le pain apporté par un Ange à Élie persécuté, figuraient l’Eucharistie, et, plus encore, les miracles du changement de l’eau en vin aux noces de Cana et la multitude des pains en faveur des auditeurs de Jésus.”

        6-1-2-Jésus prépare ses disciples

L’Eucharistie, c’est si grand, que le Seigneur a voulu préparer ses disciples à la recevoir, et Il a accompli Lui-même cette grande tâche. “Personne autre que Notre-Seigneur lui-même n’a eu la mission d’annoncer l’Eucharistie, pas plus que de la donner. Un ange a annoncé l’Incarnation; ici, Jésus-Christ traite son affaire, il promet, il pose ses conditions. Et pour l’annoncer, Notre Sauveur n’a pas attendu la fin de sa mission évangélique...

Jésus a lancé l’idée eucharistique. On l’a d’abord repoussée, puis on a dit: peut-être est-ce bon. Jésus savait que ses disciples et le peuple juif allaient se soulever contre cette révélation. Mais il n’a pas reculé.”

Notre-Seigneur promet l’Eucharistie et prépare les âmes à la recevoir: “C’est pourquoi, avant la promesse, il a opéré un miracle qui faciliterait l’acceptation. Il n’a rien voulu brusquer, mais amener doucement les esprits à se laisser persuader... Ce miracle, c’est la multiplication des pains.”

        6-1-3-Et pour nous? L’Éducation divine

Le Père Eymard écrit: “Notre préparation doit s’inspirer de celle de Jésus; elle doit être faite de désir, d’humilité, de pureté.”

Jésus nous apprend lui-même à nous préparer

Dans une de ses paraboles, Jésus parle du repas de noces du fils d’un Roi. Pour y assister, il n’était pas besoin d’être riche: tout le monde était appelé... mais, tous les invités devaient, pour entrer dans la salle des noces, avoir revêtu la robe nuptiale. Un homme, on ne sait pas pourquoi, avait réussi à entrer sans avoir revêtu cette robe. “Le roi le vit, et le fit mettre dehors... Les autres, quoique pauvres et estropiés purent rester, parce qu’ils portaient le manteau blanc, la tenue de circonstance.” 

Notre Seigneur n’exige pas grand’chose pour nous admettre à sa table: il demande seulement que nous ayons faim...” et que nous soyons revêtus de la robe de pureté et d’humilité. “Car rien ne remplace la pureté de l’âme... Plus l’âme et pure, plus elle devient un paradis de délices pour le Dieu de l’Eucharistie.”

D’où un conseil, peut-être difficile à mettre en œuvre de nos jours: “La confession de chaque semaine reste la règle ordinaire du chrétien admis à la communion fréquente; l’Église la lui conseille vivement. Mais le moyen quotidien de se purifier de ses fautes de fragilité humaine, c’est l’amour de Dieu.”

        6-2-La foi en l’Eucharistie

La foi en l’Eucharistie n’est pas seulement une croyance qui échappe à notre raison. Sous l’action de l’Eucharistie elle-même qui la développe, notre foi devient forte conviction de la présence réelle de Jésus, et sentiment surnaturel de la vérité de l’Eucharistie.

“Cette foi plus vive en l’Eucharistie ne peut manquer de produire dans l’âme un plus grand amour pour Jésus-Christ. Impossible de mieux le connaître sans l’aimer davantage. Cet amour est d’abord un amour de raison, puis... si on est fidèle, cet amour devient un centre de vie, une activité de retour d’amour qui occupe le cœur tout entier. La foi elle-même s’élève à être l’adoration et l’amour de la souveraine volonté de Dieu dans le don de l’Eucharistie. La raison est venue jusqu’à la porte du tabernacle; l’amour seul y entre, mais pur et libre, affranchi de toute servitude des sens...

Alors commence la contemplation de Jésus-Christ qui communique sa science et fait entrer dans les profondeurs de l’amour divin. “Cette action de Jésus-Christ requiert la sainte Communion; c’est là que se trouve sa source. Elle se poursuit dans l’adoration eucharistique. L’âme goûte alors un profond repos. Elle a trouvé son centre et sa fin en la divine Eucharistie... Elle goûte Jésus-Christ avec tous les mystères de sa vie mortelle et de son état glorieux... L’âme n’épuisera jamais l’objet, toujours nouveau pour elle, de l’amour et de la bonté de Jésus-Christ dans l’Eucharistie.”

L’Eucharistie est un très grand mystère. L’eucharistie n’existe que si Jésus-Christ est vraiment Dieu, et s’Il est vraiment ressuscité. Aussi Jésus s’est-il souvent efforcé de donner les signes qui permettront, plus tard, de Le reconnaître comme Dieu, Fils de Dieu. À ceux qui Lui demandaient ce qu’il fallait faire pour faire les œuvres de Dieu, Jésus dit: “C’est de croire en Celui qu’Il a envoyé... C’est Lui, le Fils de l’Homme, qui vous donnera la nourriture qui demeure éternellement...

Notre Seigneur fait appel au témoignage de son Père, pour obtenir un acte de foi à sa propre divinité: au Jourdain, le Père a marqué, a sacré son Fils incarné; il a montré ainsi qu’il a communiqué à l’humanité du Sauveur, le droit de faire des miracles. Avant de réclamer la foi à l’Eucharistie, Jésus affirme sa puissance divine qui le rend capable de faire un pareil prodige... Avant de croire à l’œuvre du Cœur de Jésus-Christ, il faut croire à sa divinité et dire: Seigneur, vous pouvez faire plus que je ne puis comprendre.”

    6-3-L’enseignement de Jésus sur l’Eucharistie

Après la multiplication des pains, “Notre-Seigneur leur dit: je suis moi-même le pain de vie... le pain vivant descendu du ciel afin qu’on en mange et qu’on ne meure point... Le pain que je donnerai, c’est ma chair, celle-là même que je donnerai pour le salut du monde.”

Mais l’objection revient sans cesse contre la divinité de Jésus: “Les juifs murmurent: n’est-ce pas là Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère?... Comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger? Notre-Seigneur a beau insister sur son origine et sa mission divines... cela ne les remet pas. Ils sont scandalisés, et non seulement la foule, mais beaucoup de ses disciples se retirent disant: ce langage est trop dur, et qui peut l’accepter?”

Beaucoup s’en vont et Jésus ne fait rien pour les retenir... “Jésus avait toujours recherché et accueilli les pécheurs. Ici non. Il était même prêt à renvoyer les douze... Mais Pierre s’écrie: “Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle!” Jésus ne relève pas la profession de foi de Pierre; sans doute est-il triste à cause de Judas, car “Jésus savait, dès le commencement, qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le trahirait... Il parlait de Judas, fils de Simon Iscariote, car c’était lui qui devait le trahir.”

Le Père Eymard conclut: “Croire à l’amour, tout est là; il ne suffit pas de croire à la vérité, il faut croire à l’amour. Et l’amour, c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ au Très Saint Sacrement. Voilà la foi qui fait aimer Notre-Seigneur.

7-Le Sacerdoce

    7-1-Comment le Sacrifice de Jésus-Christ se perpétue-t-il dans l’Eucharistie? Par les prêtres, consacrés et consécrateurs de l’Eucharistie.

Comment Jésus remonté au Ciel sera-t-il présent sur la terre? Ce sera par l’homme devenu son prêtre. Jésus dit:

“J’aimerai l’homme jusqu’à lui être soumis en tout et toujours. À la voix du prêtre, je serai présent dans l’Hostie...L’honneur de l’amour est dans son amour même, dans ses dons, dans ses sacrifices. À la vue de ma condescendance, l’homme comprendra mon amour... Mon amour est sans réserve, sans condition; je multiplierai mon sacerdoce comme les étoiles du ciel; mes ministres couvriront le monde de temples et d’autels, afin que partout on m’offre à mon Père en oblation pure. Mes prêtres seront les incendiaires de ce feu divin que j’ai apporté du ciel et qu’ils trouveront allumé au saint Tabernacle. Il faut que l’univers soit incendié par ce feu d’amour...”

”Pour se faire homme, Jésus a voulu avoir une mère, fille d’Adam... Marie est le fruit de quatre mille ans de préparation, la fleur de Jessé... Pour inaugurer sa vie dans l’Eucharistie, Jésus se sert d’un homme dont il fait son prêtre... Jésus fait du prêtre un autre lui-même, et c’est par le prêtre qu’il sauve les hommes et règne ans le monde. Le prêtre a donc été la fin du ministère évangélique de Jésus...”

Jésus devait former ses prêtres: “Voilà pourquoi il a vécu en communauté de vie, pendant trois années consécutives, avec ceux qui seraient un jour les premiers prêtres. Il devait leur apprendre la miséricorde envers les pécheurs...”

    7-2-Être prêtre

“Pour être prêtre, dit P.J.Eymard, il faut avoir le pouvoir d’offrir le sacrifice, qui est essentiel à la religion et au sacerdoce... C’est à la Cène que le Sauveur a consacré les premiers prêtres, lui, le souverain Prêtre selon l’ordre de Melchisédech...”

P.J.Eymard précise: Jésus donne une victime à ses prêtres: Lui-même: “L’autel, ce sont les mains de Jésus-Christ; ce seront les mains des apôtres et, bientôt, les corps des martyrs sur lesquels on célébrera la sainte Messe. Le temple, c’est le Cénacle et toutes les églises catholiques de l’avenir. Jésus ajoute alors ces paroles effrayantes par leur puissance, adorables dans leurs effets: “Faites ceci en mémoire de moi.” Faites ceci. Voilà l’ordre qui donne le pouvoir et imprime le caractère sacerdotal.

Oh! comme Jésus fut heureux quand il eut fait, de ses apôtres, ses prêtres! Comme son Cœur tressaillit de joie!... À peine eut-il institué l’Eucharistie et le sacerdoce... Jésus s’écria: Maintenant le Fils de l’Homme a été glorifié...”

    7-3-La condition humaine du prêtre

        7-3-1-L’humanité pécheresse du prêtre

Ce qui frappe P.J.Eymard, c‘est la condition humaine du prêtre revêtu d’un tel pouvoir. Il écrit: “Quand je regarde le prêtre, que vois-je? Jésus lui a laissé toutes les conséquences du péché originel dont il était souillé en naissant. Aussi puis-je trouver un prêtre pécheur, esclave de Satan, tout en gardant sa dignité et sa puissance. Quel contraste! Quel déshonneur pour Jésus-Christ! Le sacerdoce ne rend donc pas impeccable.

Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il laissé au prêtre une humanité d’origine pécheresse?

            Par miséricorde pour lui, et par amour pour les fidèles...

            Pour le tenir

                        dans l’humilité: il se perdrait par orgueil, comme le séraphin Lucifer;

                        dans la vigilance: il se perdrait au milieu du monde; il a besoin de ce voile de la pauvre humanité pour lui rappeler qu’il est homme, même au pied de l’autel.

            Par égard pour les âmes et pour que leur foi soit simple et forte; car si la validité de la consécration était attachée à la perfection du consécrateur, qui oserait monter à l’autel? Les prêtres les plus saints seraient les premiers à s’en croire indignes...

L’amour de Jésus-Christ a tranché la difficulté. Le pouvoir consécrateur est attaché au caractère de l’Ordre et à la volonté du prêtre. C’est un acte humain et divin du prêtre.

        7-3-2-Les mauvais prêtres

Et que dire du mauvais prêtre, publiquement pécheur? Consacrera-t-il l’Eucharistie? Offrira-t-il Jésus en oblation au Père céleste? Pourra-t-il donner Jésus comme pain de vie aux foules affamées? Jésus répond:“Oui, j’obéirai à un Judas comme à un saint, à un ennemi de mon amour comme au disciple de ma dilection... Comme j’ai obéi à mes bourreaux sur la Croix pour être la victime du salut du monde, j’obéirai de même au sacrificateur de mon Corps sur l’autel pour être un holocauste d’amour...”

La Passion sera renouvelée par le divin Sacrement, tous les jours et partout dans le monde. Cela, Jésus le sait et il “se voit trahi par l’apostasie, vendu par l’intérêt, crucifié par le vice qui le recevra dans un cœur coupable.”

        7-3-3-Mais tout prêtre est sacré

Les chrétiens ne doivent donc pas s’arrêter à l’homme faible et même pécheur. Aussi le père Eymard a-t-il soin de les mettre en garde: “Que les chrétiens se gardent de mépriser ce Jésus-Christ humilié; leur plus grande punition serait de perdre la foi dans le sacerdoce; qu’ils se gardent de naturaliser cet être divin; ils épuiseraient pour eux les bienfaits de son ministère sacré. En voyant un prêtre, il faut se dire: que Jésus-Christ est bon, qu’il est grand!...

Pour avoir foi en l’Eucharistie, il faut d’abord avoir foi au sacerdoce. Le prêtre peut se présenter à nous comme un homme ordinaire, simple, pauvre, pécheur même. Le monde s’en montre scandalisé. Et cependant c’est le prêtre qui est le ministre consécrateur de l’Eucharistie. Pour croire à l’Eucharistie, il faut avant tout, croire à ce pouvoir du prêtre... C’est un pouvoir  de glorification, car une messe rend plus de gloire à Dieu que les hommages de tous les êtres créés réunis, sur la terre et dans le ciel... Et ce pouvoir est attaché au caractère sacerdotal et non à la sainteté du prêtre.”

8-La vie d’union à Dieu

    8-1-L’adoration du Très Saint Sacrement

‘Il faut adorer Jésus-Christ: le Père céleste le commande. Il veut que tout genou fléchisse devant le Verbe incarné, au ciel, sur la terre et dans les enfers. Au ciel, toute la cours céleste l’adore.” L’Apocalypse en parle: “À l’Agneau qui a été immolé, louange, honneur, gloire et puissance dans les siècles des siècles!”

Sur la terre, Jésus-Christ a été adoré “à sa naissance, dans ses courses évangéliques, sur la Croix, et après sa mort. Maintenant il doit être adoré au Très Saint-Sacrement.”

        8-1-1-Qu’est-ce qu’adorer?[4] 

Adorer, selon le Père Eymard “c’est confesser la divinité de Jésus-Christ, sa souveraineté, sa puissance dans la sainte Hostie; c’est une profession de foi.

Adorer, c’est faire acte de soumission à la parole de Jésus-Christ, de dépendance à l’égard de son autorité. C’est faire acte d’action de grâce à sa bonté, d’amour de son amour; de louange et de bénédiction de son infinie miséricorde. L’adoration est l’acte souverain du chrétien: il renferme tout... Mais il ne faut pas se contenter de l’adoration intérieure, il faut adorer Jésus-Christ par un culte extérieur de respect et d’hommages... Jésus-Christ est encore trop peu adoré dans l’Église catholique, même par les siens... En combien d’endroits, et combien de temps, Jésus-Christ reste seul!”

        8-1-2-Pourquoi l’adoration?

Dans l’Eucharistie, Jésus est vivant: “Il y est vivant; il veut que nous lui parlions, et il nous parle... Et ce colloque qui s’établit entre l’âme et Notre-Seigneur, c’est la vraie méditation eucharistique, c’est l’adoration.”

Il faut aller naturellement à Notre-Seigneur, même si l’on se sent très pauvre. Le Père Eymard nous dit: “Aimez le livre inépuisable de l’humilité de l’amour... notre bon Maître préfère la pauvreté de notre cœur aux plus sublimes pensées et affections des autres... Offrez-lui votre pauvreté pour qu’il l’enrichisse; c’est un chef-d’œuvre digne de sa gloire.”

Face à l’inutilité de nos efforts pour méditer, la tentation arrive vite de quitter l’adoration pour faire quelque chose de plus utile. Il faut rester fidèle coûte que coûte: “Notre Maître attend de nous l’hommage de la persévérance jusqu’à la dernière minute du temps que nous devions lui consacrer... Le vrai amour ne regarde pas ce qu’il donne, mais ce que mérite son bien-aimé.”

        8-1-3-Pierre-Julien Eymard était-il prophète?

Dans ses notes personnelles, le Père Eymard écrivait:“Jamais siècle[5]  n’a attaqué plus violemment Notre-Seigneur Jésus-Christ; c’est le grand scandale de notre époque... Les moyens ordinaires ne suffisent plus à raviver l’esprit chrétien... La religion a été attaquée dans sa base: la divinité de Jésus-Christ même. Il faut comme une nouvelle prédication, une nouvelle manifestation de Jésus-Christ pour renouveler la foi qui va en s’éteignant.

Il faut ranimer la foi par l’amour, et l’amour, par son foyer divin.... Il faut le Soleil divin aux âmes engourdies, gelées par l’incrédulité négative ou par l’indifférence pratique: on guérit la tête par le cœur. L’adoration eucharistique est une protestation nécessaire contre l’incrédulité actuelle... L’adoration du Très saint Sacrement est donc aussi une réparation, combien nécessaire, pour ceux qui se rendent coupables de lèse-majesté, de lèse-divinité envers Jésus-Christ dans l’Eucharistie.”

Hymne à l’Eucharistie

Contemplons Jésus dans son Eucharistie, et adorons-le avec les paroles de Pierre-Julien Eymard:

“L’Eucharistie est comme un fleuve de vie sortant du Cénacle et serpentant à travers tous les peuples, puis allant se perdre dans l’océan de l’éternité. C’est un soleil d’amour inépuisable, toujours beau qui précède, accompagne et suit toutes les générations. C’est la colonne de feu et de nuée dans le désert de la vie; la manne pour le voyage vers l’au-delà; le tabernacle ambulant avec le peuple de Dieu; la source d’eau vive qui jaillit jusqu’à la vie éternelle.”

    8-2-L’Eucharistie conduit à la vie d’union à Dieu

“La Communion est une union d’amour, elle est le Sacrement de l’amour. Mais l’amour veut l’unité de sentiments, de pensées, de joies et de peines, en un mot: l’unité de vie...”

        8-2-1-La communion établit en nous la vie d’union à Dieu.

“Dans l’Eucharistie, Jésus est substantiellement, et c’est par sa substance qu’il vient s’unir à nous. L’Eucharistie étend, en quelque sorte, l’Incarnation à chaque homme en particulier... Quelle merveille d’amour que cette union eucharistique! Notre corps est uni à celui de Jésus, notre âme à son âme; sa divinité les sanctifie aussi, l’un et l’autre... Notre corps acquiert peu à peu, la grâce, la délicatesse, les mœurs de celui de Jésus-Christ, il vit par cette sève surnaturelle, il se spiritualise...”

Mais Jésus ne fait que passer dans notre corps. “C’est l’âme qui reçoit vraiment Jésus et entre en communication avec sa vie divine... Et Notre Seigneur, avant de rien demander à l’âme, commence par lui donner un sentiment de sa bonté qui la pénètre... Cette grâce de douceur, ce sentiment de bonheur est immédiat... Mais il faut que l’âme, assidue à la sainte Table, aime Jésus pour lui-même... Car Jésus ne cherche pas son intérêt dans l’amour qu’il a pour nous; il veut bien plutôt nous rendre heureux. S’il nous demande tout, c’est pour que nous puissions prouver que nous l’aimons véritablement comme il nous a aimés.”

Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.” disait St Paul. L’Eucharistie “c’est vraiment, selon Pierre-Julien Eymard,  une extension mystérieuse de l’Incarnation.”

        8-2-2-L’Union à l’Esprit-Saint

“On ne s’unit pas assez au Saint-Esprit, on le recherche trop peu... Pensons que l’Esprit Saint est en nous, tout disposé, si nous recourons à lui, à nous suggérer la manière de bien recevoir Notre-Seigneur. Rappelons-nous seulement que la disposition qui lui plaît le plus en nous, est l’humilité... Laissons l’Esprit-Saint travailler en nous et y former Notre-Seigneur... Que chacune de nos communions soit comme une pentecôte personnelle.”

        8-2-3-Le désir de la communion

“L’homme vit de désirs; il ne cherche rien, ne va à rien, que d’abord il ne l’ait désiré. Un désir divin nous pousse à la communion au point de nous donner le courage de faire, sans trembler, de Jésus-Christ, juge du ciel et de la terre, notre nourriture... La faim de Dieu excuse notre témérité... La faim d’amour est l’apanage des âmes toutes pures et avides de perfection.”

Comme un cerf soupire après les eaux vives, ainsi mon âme a soif de Toi, Seigneur![6] “L’amour devrait nous rendre toujours prêts à communier: l’amour soupire, languit après le Bien-aimé...” D’où le conseil de P.J. Eymard: “Exaltez l’amour immense qui le fait (Jésus-Christ) en l’Eucharistie, devenir la victime perpétuelle de votre salut, l’aliment divin de votre vie, l’ami si tendre et si constant de votre exil... Demandez de saints prêtres pour les peuples, de fervents religieux dans l’Église, de bons adorateurs pour son divin Sacrement: priez pour le règne eucharistique de Jésus.”

        8-2-4-L’état de grâce[7] 

”L’Eucharistie est un nourriture, un pain de délices. Pour s’en nourrir et le goûter, la première condition, c’est d’être vivant, c’est-à-dire en état de grâce. C’est la seule condition essentielle: être exempt de péché mortel... La loi indispensable de la Communion, celle qui regarde tout le monde, c’est d’être exempt de péché mortel... J’appuie bien sur ce point: on doit être exempt de péché mortel; autrement le pain de vie deviendrait pour vous un pain de mort.

La Communion est un banquet céleste, le repas nuptial de l’Agneau où lui-même est celui qui invite et celui qui nourrit. La convenance ne demande-t-elle pas, dans le monde, qu’on soit honorable en pareille circonstance? C’est un grand honneur d’être invité par un supérieur. Qui oserait se présenter avec des vêtements malpropres? Personne. Faites donc pour Jésus-Christ ce que vous feriez pour un homme...

Quand l’âme est pure, même des péchés véniels volontaires, Notre-Seigneur agit avec force et sans entrave: il illumine l’esprit, excite la volonté, enflamme le cœur. Jésus entre dans l’intimité de cette âme comme dans une chambre d’amitié où il n’y a rien qui lui déplaise, savourant le parfum des bons désirs qu’elle y a répandus pour lui. Il se passe alors entre lui et l’âme pure des choses ineffables. L’âme devient d’une délicatesse inouïe; elle ne se compte plus, ne fait plus qu’un avec Jésus-Christ: prenez tout, lui dit-elle, régnez sur tout; soyez à jamais mon amour, je serai votre servante pour l’éternité".

9-L’éducation divine

    9-1-La joie de l’esprit - L’éducation divine

La communion, plus que tout autre moyen, ouvre l’intelligence aux choses spirituelles. “La foi peut mener loin dans la connaissance de Dieu, cependant elle n’est en définitive, qu’une lumière; la communion est une lumière aussi, mais, de plus, elle est une union avec Dieu.”

 

La grâce et le triomphe de l’Eucharistie, c’est de former Jésus-Christ en nous.”Toute éducation chrétienne, sous peine de rester incomplète, doit être soumise à l’influence de l’Eucharistie; or sur quoi porte cette éducation qui vient directement de Notre-Seigneur dans la communion? Sur deux points: la vérité divine et l’amour divin.”

Saint Pierre-Julien Eymard a, chaque fois qu’il parle du goût de  l’Eucharistie, des expressions très fortes qui peuvent dérouter nos mentalités encore imprégnées de jansénisme et de la crainte des grâces sensibles. Il revient souvent sur cette question primordiale: “Celui qui ne communie pas n’a guère qu’une science religieuse spéculative; il sait des termes, des mots, mais il ignore leur signification profonde... Il ne sait pas Notre-Seigneur... Jésus ne se fait bien connaître que par lui-même; c’est l’apprentissage de la vérité par la vérité elle-même...”

    9-2-L’Eucharistie conduit à l’amour

“Cette révélation intime pousse ensuite l’esprit et le cœur à rechercher les raisons profondes des mystères, à sonder la bonté de Notre-Seigneur qui les a inspirés; elle mène à aimer, car c’est peu de savoir, il faut embraser et agir...

Voilà pourquoi l’adoration, faite dans la Communion et sous son influence, non seulement médite, voit et contemple, mais elle aime. Comme au ciel, on va alors de clarté en clarté, car le Sauveur est toujours nouveau: on n’a jamais fini de le connaître. C’est l’apathie, la paresse, qui se contentent des données extérieures; l’amour, lui, veut aller toujours de l’avant, il pénètre, il sonde son objet. Ah! si on osait sonder Notre-Seigneur, comme on l’aimerait!

La communion forme aussi notre cœur à l’amour divin... L’Eucharistie est le Sacrement d’amour où Jésus-Christ épuise son amour pour nous... Mais pour apprendre comment l’aimer, il faut se sentir aimé. Notre-Seigneur s’est réservé cette mission.

C’est Notre-Seigneur qui opère cette œuvre dans la communion; il y donne d’abord le sentiment de l’amour, puis il fait saisir les raisons de cet amour, enfin il conduit jusqu’à l’héroïsme dans l’amour... À la Communion, c’est le bonheur pur, sans mélange; là seulement on voit, on pèse les sacrifices de Jésus-Christ pour arriver jusqu’à nous; on finit par éclater en transports de joie et par dire: comment pouvez-vous tant m’aimer? Et l’on se lève de la Table sainte comme jetant des flammes d’amour: tanquam ignem spirantes?... L’amour ainsi senti produit toujours le dévouement de correspondance. Voyez Zachée: touché de la miséricorde de Jésus, non seulement il veut réparer tous ses torts, mais il va jusqu’à la plus large générosité.

Ce qu’en pratique il y a à faire, l’amour l’indique. Il porte à sortir de soi pour s’élever jusqu’aux vertus de Notre-Seigneur, et l’éducation, ainsi commencée par lui, va loin et vite".

    9-3-Le goût de Dieu

“Le goût de Dieu, c’est le sentiment de famille qui nous introduit dans l’intimité de son esprit, dans la tendresse de son cœur. Ce goût nous le fait connaître plus par impression que par raison; il nous donne en particulier, un attrait plus marqué pour l’Eucharistie et tout ce qui s’y rattache, il nous fait pénétrer sans peine en Jésus-Christ. C’est presque un mystère que cette facilité, que cette aptitude: c’est la grâce spéciale de la Communion... Par la communion nous entrons dans l’amour, dans le Cœur de Jésus-Christ, nous prenons l’esprit de son amour, son propre sens, son propre jugement.”

Le raisonnement paralyse souvent l’effet de la communion: ”Écoutez donc un peu Notre-Seigneur. Ce n’est pas le moment de chercher, mais de goûter; c’est le temps où Jésus-Christ se fait connaître par lui-même... L’âme qui a connu Notre-Seigneur et a joui de lui, ne sait plus se complaire en rien de créé; rien en effet ne peut être mis en parallèle avec Jésus. Notre-Seigneur a déposé dans cette âme un besoin de lui que personne, que rien autre, ne pourra satisfaire. Et parce que l’amour vit de désir, l’âme sainte qui a communié éprouve un désir continuel de s’unir à Notre-Seigneur... Jésus-Christ répond à son désir, il la mène de clarté en clarté; et comme il est inépuisable, jamais elle ne sera rassasiée...

Craignez l’abus, dira-t-on. Est-ce que les élus abusent de Dieu dans le Ciel, parce que chaque jour ils le connaissent mieux et trouvent en lui un bonheur plus grand? Vous aussi communiez et vous goûterez, vous verrez combien le Seigneur est bon. Quel malheur de n’être pas cru sur ce point! "

    9-4-La sainteté

Pour mieux se faire comprendre, le Père Eymard cite des saints: “Il existe deux sortes de gens qui doivent communier souvent: les parfaits, parce qu’étant bien disposés, ils auraient grand tort de ne point s’approcher de la source et fontaine de perfection, et les imparfaits, afin de pouvoir justement prétendre à la perfection.”[8] 

Saint Pierre-Julien Eymard ira encore plus loin: “La Sainte Communion est le remède le plus puissant contre les trois maladies qui peuvent atteindre notre âme: le péché véniel, les ardeurs de la concupiscence dont se sert le démon pour nous tenter, le découragement dans le combat spirituel, causé par la vue de nos imperfections. Elle nous purifie du péché véniel, elle nous prémunit contre notre concupiscence et les tentations du démon, elle nous encourage dans les efforts vers le bien.”

Le Père Eymard donne aussi l’exemple de l’Église qui “avant de laisser partir les confesseurs de la foi pour le lieu du supplice, avait soin de les fortifier par la réception du Corps et du Sang de Jésus-Christ.”

Nous sommes en mars 1867. Pierre-Julien Eymard, dans une de ses homélies, fait une curieuse remarque: “On demande comment l’Europe a perdu la foi. C’est qu’on ne communie plus ou presque plus... Les fidèles sont engourdis et paralysés. Comment les ranimer? Rendez-leur le pain qui seul les réconfortera; mettez-les sous les rayons du soleil vivificateur de l’amour divin... Ensuite, incorporés au Corps mystique de Jésus-Christ, les justes sont peu à peu changés spirituellement en lui... En recevant le Corps et le Sang du Sauveur et en les recevant souvent, la sainteté de Jésus-Christ pénètre toujours davantage dans le cœur des justes et leur donne la vigueur nécessaire pour aller sans cesse en progressant dans le chemin de la perfection.”

De nos jours, en 2003, ceux qui vont encore à la messe communient beaucoup, mais ils ne se confessent plus jamais. Et ils n’adorent plus le Saint Sacrement exposé. Ne faudrait-il pas redonner aux Chrétiens du XXIème siècle les ingrédients: confession et adoration qui seuls permettent l’assimilation de l’aliment eucharistique, et conduisent à la sainteté véritable?...

“La sainteté, sur cette terre, n’est autre chose qu’une ascension continuelle vers Dieu, une aspiration de l’âme vers lui, une tendance à ne chercher que lui, sa volonté, sa plus grande gloire.”

10-La Gloire du Père et de l’Église

    10-1-La Gloire du Père

La raison suprême de l’Eucharistie, c’est la gloire du Père. Sur la terre, dans l’Eucharistie, Jésus, Fils et Verbe de Dieu, “continue son office d’adorateur, de glorificateur de son Père. Il est Eucharistie, sacrifice et sacrement.” Jésus là, présent dans le tabernacle, “adore son Père et lui rend grâces; il continue son office d’intercesseur pour les hommes; il se fait victime de réparation, de propitiation, offerte à la gloire de Dieu outragée. L’autel est son calvaire mystique, et là il redit: Père, pardonnez-leur, je vous offre mes plaies, je vous offre mon sang.”

Dans l’Eucharistie, le Père reçoit un hommage nouveau, l’offrande de la gloire de son Fils ressuscité et  glorieux, mais gloire cachée dans la plus grande humilité: “Le voilà encore pauvre comme à Bethléem, lui, le Roi du ciel et de la terre; humble et humilié comme à Nazareth; obéissant non seulement jusqu’à la Croix, mais subissant avec mansuétude les profanations et les communions sacrilèges.

Doux Agneau qui ne se plaint jamais.
Tendre Victime qui ne profère jamais de menace.
Bon Sauveur qui n’exerce jamais de vengeance.”

Tout cela pour glorifier son Père... Spectacle digne d’admiration pour les anges; condamnation pour les démons. “Dans le Ciel, Lucifer et ses milices angéliques péchèrent par orgueil. Jésus-Christ, glorieux dans le Ciel, s’humilie, sur la terre, dans l’Eucharistie, pour honorer le Père céleste et restaurer sa gloire,en contrebalançant et en expiant l’orgueil de l’homme.”

    10-2-La gloire de l’Église

Jésus-Christ aime son Église, son épouse. Dans l’Eucharistie, il reste avec elle pour être sa vie, sa puissance et sa gloire. L’Eucharistie est le centre du Cœur de l’Église; elle en est aussi l’âme. “La vie d’une épouse privée de son époux n’est plus une vie, c’est le deuil, c’est l’agonie. À côté de son époux, elle est forte et heureuse de le servir...

C’est par l’Eucharistie que l’Église est féconde, puisque c’est l’extension de l’Incarnation. Par l’Eucharistie, Pain de vie avec lequel elle nourrit divinement les âmes, elle fait grandir en elles Jésus-Christ...

L’Époux est la gloire de l’épouse... L’Église, devant l’Eucharistie, est belle aux jours de fête de son divin Époux et Sauveur... Elle est heureuse dans les chants d’amour et de gloire qu’elle fait monter vers son Roi et son Dieu... L’Église est triomphante par son service eucharistique... Reine-mère, elle est alors à la tête de ses enfants dans un même hommage, un même amour: c’est le règne de l’Eucharistie et de l’Église.”

11-Conclusion

“Jésus, par l’Eucharistie, répand d’abord dans notre âme, et, par elle dans nos sens, la grâce et l’onction de son amour... C’est une attraction délicieuse vers Jésus, qui nous fait désirer de le mieux connaître...

La Communion, voilà aussi le grand triomphe de Jésus-Christ en l’homme; par elle, il l’unit à son corps et à son sang. C’est une fusion par l’amour et dans l’amour; c’est un foyer d’amour divin qui s’allume dans l’homme et dont les étincelles embraseront toutes ses facultés pour le bien".

Le Sacrement de l’amour

L’Eucharistie est, par excellence, le Sacrement d’amour... L’Eucharistie, seule nous donne Jésus-Christ en personne, avec tout ce qu’il a et tout ce qu’il est. Aussi constitue-t-elle la plus grande preuve de l’amour de Dieu pour nous. C’est le Sacrement des sacrements...

“Demeurez dans mon amour” a dit Jésus... “Par l’Eucharistie, Jésus dépose dans nos cœurs une grâce d’amour, il met en nous le foyer de l’incendie, il l’allume, il l’entretient par ses fréquentes venues, il fait l’expansion de cette flamme... Et ce feu, si nous le voulons, ne s’éteindra pas, car son foyer c’est Jésus-Christ lui-même qui l’entretient en nous; il brûlera avec l’aide de la grâce de Dieu, tant que nous le voudrons, tant que le péché ne viendra pas l’étouffer.”

Paulette Leblanc


[1] Le recueil de texte intitulé “La Sainte Eucharistie”  est une compilation d’écrits du Père Eymard, traitant de la Présence réelle, de la Sainte Messe et de la Sainte Communion. Les livres dont nous les avons extraits ont été publiés en 1953, par la Librairie Eucharistique (23 Avenue de Friedland à Paris, VIIIè)

[2] Saint Pierre-Julien Eymard rappelle ici la signification des vêtements liturgiques revêtus par le prêtre qui va célébrer la Messe.

-L’amict est l’image du voile jeté par les soldats sur la face adorable de Jésus.

-L’aube symbolise la robe blanche dont, par dérision, Hérode fit revêtir Jésus.

-Le cordon rappelle les liens imposés à Jésus pour le conduire de Gethsémani au tribunal de Caïphe.

-Le manipule, les chaînes qui le lièrent à la colonne de la flagellation.

-L’étole, les cordes avec lesquelles il fut traîné jusqu’au Calvaire.

-La chasuble figure le manteau d’écarlate dont on affubla Jésus au prétoire, ou encore la croix dont il fut chargé.

[3] Extraits de conférences ou de sermons du Père Eymard

[4] Extrait des notes de Pierre-Julien Eymard

[5] Il ne faut pas oublier que les lignes qui suivent ont été écrites au XIXè siècle, malgré leur actualité brûlante.

[6] Psaume XLI, 2

[7] Extraits d’une homélie prêchée à Paris le 9 mai 1867

[8] Nous pouvons confirmer: en effet, ainsi que le dira bien plus tard la Constitution Apostolique Christus Dominus du 6 janvier 1953, la sainte Communion est le grand moyen de sainteté que Jésus-Christ nous donne dans son amour.

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