La spiritualité de sainte
Mechtilde
d’après le Livre de la Grâce spéciale
Mechtilde de Hackeborn était une
moniale bénédictine; sa vie fut donc essentiellement consacrée à la prière et à
la louange de Dieu. Mais pourquoi faut-il louer Dieu? Jésus lui indiqua trois
choses auxquelles l’homme doit souvent penser et pour lesquelles il doit louer
Dieu:
— Je t’apprendrai trois choses
que tu méditeras chaque jour en ton âme...
Premièrement,
rappelle-toi avec action de grâces quels bienfaits ont été pour toi la création
et la rédemption. Je t’ai créée à mon image et à ma ressemblance; pour toi je me
suis fait homme, et, après d’innombrables tourments, j’ai subi la mort la plus
cruelle pour ton amour.
Secondement,
rappelle-toi avec une égale gratitude les bienfaits que je t’ai accordés depuis
ta naissance jusqu’à cette heure. En effet, par une spéciale dilection, je t’ai
appelée au monde; maintes fois je me suis incliné vers ton âme, je l’ai remplie,
je l’ai enivrée des douceurs de ma divine grâce; je l’ai éclairée par la science
et enflammée par l’amour. De plus, chaque jour à la messe, je viens vers toi
prêt à accomplir les désirs et tes volontés.
Troisièmement, dans
une louange pleine de reconnaissance, songe à ce que je te donnerai
éternellement dans le ciel, lorsque je te comblerai de biens qui l’emportent de
beaucoup sur tout ce que tu peux espérer et même imaginer.
Mechtilde venait d’assister à une
étonnante vision de l’Annonciation. Au moment de communier, elle entendit ces
paroles:
— Toi en moi et moi en toi; je
ne t’abandonnerai jamais.
Alors Mechtilde désira louer Dieu:
Aussi le Seigneur lui donna-t-il son Cœur divin sous le symbole d’une coupe
d’or merveilleusement ciselée, en lui disant:
— Par mon Cœur divin, tu me
loueras toujours. Va, offre à tous les saints le breuvage de vie contenu dans
mon Cœur; il les plongera dans une bienheureuse ivresse.
Mechtilde fit ainsi, et quand elle
eut fait le tour du palais céleste, le Seigneur prit la coupe et versa ce qui
restait dans son cœur qui se trouva ainsi dans l’heureuse union avec son Dieu.
(Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre 1)
Mais comment Dieu voulait-il être
loué par Mechtilde? Comment Dieu veut-il, maintenant encore, être loué par tous
les hommes?
Mechtilde demanda un jour au
Seigneur comment elle devait le louer. Le Seigneur répondit:
— Regarde mon Cœur
Et voici qu’une rose magnifique, à
cinq pétales, qui paraissait éclose sur le Cœur du Seigneur couvrit toute sa
poitrine.
— Loue mes cinq sens désignés
par cette rose, dit le Seigneur. Elle comprit donc qu’elle devait louer
le Seigneur pour le regard d’amour qu’il tient toujours attaché sur l’homme.
Comme un Père à l’égard de son Fils, Dieu n’a pas le regard sévère, mais
toujours bienveillant comme s’il souhaitait et désirait vivement que l’homme eût
sans cesse recours à lui... (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième
partie, chapitre II, 2)
Pendant une oraison Mechtilde eut
un ravissement et elle vit la bienheureuse Trinité sous le symbole d’un
source d’eau vive qui avait pris son existence en elle-même de toute éternité et
contenait en soi toutes choses, puis se répandait merveilleusement sans jamais
diminuer, et s’en allait ainsi arroser et féconder tout l’univers entier.
L’âme liquéfiée par l’amour s’écoulait pour ainsi dire dans la Divinité qui, à
son tour, se répandait dans cette âme en la comblant d’ineffables délices.
Durant ce temps d’union à Dieu, elle distingua entre autres, ces paroles:
— Voici qu’avec ma
toute-puissance tu es devenue toute-puissante, et si tu veux tout ce que je
veux, tu seras toujours unie à ma toute-puissance. Mon insondable Sagesse t’a
aussi attirée, et si toutes mes œuvres et mes jugements te plaisent, tu seras
toujours unie à la divine Sagesse. Et mon amour t’a pénétrée et s’est tellement
répandu en toi que tu sembles m’aimer moins avec ton amour qu’avec mon propre
amour; en cette union tu adhéreras à moi pour toujours. (Le Livre de la
Grâce spéciale, première partie, chapitre XXIV, 44)
Une nuit, Mechtilde célébrait les
louanges de la Très Sainte Trinité. Dans une extase elle vit une eau vive,
plus brillante que le soleil, qui prenait sa source et s’alimentait en elle-même
et qui répandait une fraîcheur exquise et salutaire. Le bassin de cette fontaine
était construit en pierres très dures et précieuses... La fontaine faisait
elle-même fonctionner ses eaux et les versait à tous avec abondance. Par ce
bassin de granit était signifiée la toute Puissance du Père; par le système du
fonctionnement des eaux, la sagesse incrée du Fils qui, selon son bon plaisir,
se répand sur tous et se distribue, se communique à chacun, comme elle le veut.
La douce température des eaux désignait la bonté ineffable de l’Esprit Saint.
L’air salubre entretenu par la fontaine signifiait que Dieu est la vie de toute
créature. (Le Livre de la Grâce spéciale, première partie, chapitre XXXI,
56)
Puis le Seigneur lui enseigna
encore trois manières de le louer:
— Tu loueras la toute-puissance
du Père par laquelle il opère dans le Fils et dans le Saint-Esprit selon son
vouloir; tout être créé, quelque immense qu’il soit, ne peut comprendre ce
mystère. Tu loueras la sagesse insondable du Fils, sagesse qu’il communique
pleinement et dans une liberté inaliénable au Père et au Saint-Esprit; aucune
créature ne peut davantage sonder la profondeur de ce mystère. Tu loueras la
bonté du Saint-Esprit qu’il communique abondamment au Père et au Fils selon
toute sa volonté, tandis que rien de ce qui existe ne participe pleinement à
cette bonté essentielle. (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie,
chapitre IV, 4)
Le Seigneur dit encore à Mechtilde:
— Tu peux me louer en ces
termes: gloire à vous très douce, très noble, très lumineuse, toujours et
ineffable Trinité... (Le Livre de la Grâce spéciale, troisième partie,
chapitre III, 3)
Jésus dit:
— Le souffle de mon Esprit fait
ressentir une certaine douceur d’où naît le goût de Dieu. Si l’âme veut se
prêter et se disposer à recevoir davantage, la reconnaissance viendra. (Le
Livre de la Grâce spéciale, troisième partie, chapitre XX, 20)
La veille d’une fête de la
Pentecôte le Seigneur dit à Mechtilde:
— Le Saint-Esprit a opéré trois
choses dans les apôtres:
Il les a embrasés de
l’amour divin...
Comme le feu purifie
le fer et se l’assimile, ainsi le Saint-Esprit a purifié les apôtres de toute
souillure et les a pleinement sanctifiés en Lui-même.
De même que le moule
donne à l’or fondu dans le creuset sa forme exacte, ainsi le Saint-Esprit a fait
pour ainsi dire couler en Dieu les apôtres d’abord liquéfiés par le feu de son
amour, afin de leur donner la forme de l’image divine, et se réaliser en eux
cette parole du psaume: je l’ai dit, vous êtes des dieux...
Le Saint-Esprit fit aussi boire
les apôtres dans trois coupes, de sorte que le peuple ne crut pas sans raison à
leur ivresse. D’abord Il les remplit tellement du vin de l’amour que, pareils à
des hommes enivrés ils s’oubliaient eux-mêmes, ne recherchant plus ni honneur ni
avantage matériel, mais uniquement la gloire de Dieu. Il leur versa ensuite du
vin de la consolation et de la douceur divine, si bien qu’ils n’éprouvaient plus
de goût pour aucune joie et consolation de la terre. Il les enivra, en troisième
lieu, d’un nectar qui est l’amour des choses célestes; il les rendit comme
insensés au point que, dans le désir de l’amour qui les embrasait pour Dieu, ils
auraient affronté mille morts pour arriver jusqu’à lui. (Le Livre de la
Grâce spéciale, première partie, chapitre XXII, 40)
Ce jour-là Mechtilde était encore
tout près du Cœur de Jésus:
... elle prit dans ce Cœur Sacré
un fruit délicieux et le porta à ses lèvres. Ce fruit signifiait la louange
éternelle qui procède du Cœur divin, car toute louange de Dieu découle de ce
Cœur qui est la pure source de tout bien. (Le Livre de la Grâce spéciale,
deuxième partie, chapitre XVI, 14)
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