Gloire et
louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint
sacrement de l’autel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des
siècles, Amen.
CHAPITRE I
J’aime le Sauveur Jésus
de toute mon âme, de tout mon cœur, de tout mon esprit, de toutes
les forces qui sont en moi. J’aime Marie comme lui. J’aime le
Sauveur Jésus, parce qu'il est Fils de Dieu et mon Rédempteur.
J’aime Marie, parce qu'elle est la Mère du Fils de Dieu, mon
Rédempteur, et ma mère. J’aime Jésus, parce qu'il s’est sacrifié
pour moi par amour. J'aime Marie, parce qu'elle a sacrifié Jésus
pour les hommes et par amour pour moi. Jésus est Dieu, et par cela
seul, au-dessus de toutes choses; et je l’adore. Marie est mère de
Jésus, et par cela seul, au-dessus de toutes les créatures. Je ne
l’adore point parce qu’elle n'est point Dieu, mais je lui rends tous
les honneurs, tous les devoirs que peut recevoir une créature et qui
ne sont point dus à Dieu seul. Jésus, Fils de Dieu, Marie, mère de
Dieu! Je distingue l’un de l’autre, et je ne les distingue pas. Je
les vois séparés et unis. Je vois un Dieu éternel et une créature
mère de ce Dieu éternel fait homme, et, dans cette maternité, j’unis
le Fils à la Mère, la créature au Créateur. Je vois Dieu créant
Marie, et je distingue l’œuvre de l’ouvrier. Cependant, les
relations sont si grandes entre ce Dieu fait homme et cette Vierge,
mère de Dieu; l’unité d’action dans le monde des âmes est si
frappante et si visible entre Jésus et Marie, que je ne sais ce
qu'il faut le plus admirer de Jésus opérant dans cet univers
surnaturel et invisible placé dans l’univers naturel et visible, ou
de Marie sans laquelle Jésus n’opère rien et ne veut rien opérer.
Dieu fait homme! merveille admirable pour la terre et les cieux.
Dieu fait homme, ou l’infini devenu fini, sans cesser d'être infini;
devenu mortel, sans cesser d’être la justice par excellence et la
sainteté sans tache. Marie, mère de Dieu! merveille aussi admirable
pour la terre et les cieux. Marie, mère de Dieu, ou le fini
engendrant l’infini et demeurant fini malgré cette génération;
Marie, mère de Dieu, femme mortelle engendrant l’Éternel! O prodige
au-dessus de tout! Je ne vous adore point, mais je vous donne ma
vénération, et j’adore en vous Celui que vous avez conçu, engendré,
mis au monde, et livré pour le salut du monde en union avec le Dieu,
Père éternel du Verbe fait homme en vous.
Mon âme surabonde de joie quand Jésus me parle de lui ou qu'il se montre à
moi; et ma joie n'est pas moindre quand il me parle de sa Mère,
quand elle apparaît à mes yeux ou qu'elle vient me parler elle-même.
Lorsque Jésus me parle de Marie, il me parle de lui-même; quand je
vois Marie, je vois Jésus; quand Marie, je vois Jésus; quand Marie
m’entretient et me fait entendre sa voix, il me semble que c'est
Jésus qui parle. Je ne mets point de différence entre la voix de
Jésus et celle de Marie. Si j’avais les yeux du corps ou de l’âme
fermés, et que j’entendisse Jésus ou Marie, sans les voir, je ne
saurais dire quelle est cette voix. J’ai remarqué pourtant que la
voix de Marie est toujours pleine de douceur, de bonté, de
tendresse, et que la voix de Jésus est quelquefois sévère et prend
un accent de justice ou de menace que je n’ai jamais reconnu en
Marie. La voix de Marie est toujours la même, d’une douceur
inexprimable envers les justes comme envers les pécheurs. Pourquoi
cela? Je ne sais; mais ce que je sais, c'est que Marie est mère du
Fils de Dieu mort sur la croix, et qu'elle est notre mère. Marie,
mère de Dieu et ma mère, c'est Marie et sa douceur, Marie et sa
bonté, Marie et sa tendresse, Marie et sa commisération! O Marie!
Mère de Jésus et ma mère, je vous aime, je vous bénis, je vous loue,
je me donne à vous.
CHAPITRE II
Le Sauveur Jésus
m’avait souvent parlé de lui, et jamais encore il ne m’avait parlé
de Marie. « Ma fille, me dit-il un jour, désirez-vous voir ma mère?
— Seigneur, lui répondis-je, je n’ai aucun désir, ma volonté sera la
vôtre. Je ne veux avoir d’autre volonté que votre volonté. » Jésus
leva les yeux au ciel et s’écria : « Ma Mère, apparaissez à ma
fille; je le désire, et, pour conformer son désir au mien, elle le
désire aussi. — Le désirez-vous, ma fille? — Oui, Seigneur. »
Aussitôt j’aperçus des yeux de l’âme Marie devant l'autel. Je me
trouvais dans l’église (c'était un dimanche matin avant la sainte
messe). Je la considérai attentivement. Son visage était
resplendissant comme le soleil; ses mains brillaient comme des
rayons de soleil; sa robe était blanche et parsemée d’étoiles, un
large manteau de couleur de feu enveloppait ses épaules, il était
aussi parsemé d’étoiles; sa chevelure retombait en arrière, couverte
d'un voile en dentelle magnifiquement travaillé; enfin une couronne
de diamants, plus beaux et plus éclatants que tous les astres des
cieux, ceignait son front. Cette lumière qui était en Marie n'est
comparable à aucune autre lumière, celle du Sauveur Jésus exceptée.
La lumière du soleil aurait pâli devant celle qui sortait de Marie;
et cependant mes yeux ne peuvent regarder en face le soleil, et je
regardais Marie dont l'éclat ne m’éblouissait pas à ce point de
m’empêcher de la regarder. Je regardais Marie et je ne pouvais ne la
point regarder. Sa vue donnait à mon âme la félicité. Lorsque j’eus
longtemps considéré Marie, elle prix mes deux mains; je m’élevais
sans savoir où j’allais; mais je ne craignais point, mes mains
étaient dans les mains de Marie, mes yeux arrêtés sur ses yeux. Je
me regardais comme un enfant entre les bras de sa mère, où nul
danger ne peut l'atteindre. Nous arrivâmes dans un temple magnifique
dont le pavé était en or, les colonnes extrêmement élevées, et
l’intérieur éclairé par des milliers de lampes allumées en l’honneur
de la sainte Vierge. Une multitude innombrable y chantait ses
louanges. Elle me conduisit devant un trône d’or d'une grandeur
immense, qui ressemblait à un autel. « C'est là, ma fille, me
dit-elle, le trône de la divinité. C'est de là que partent tous les
effets de la justice de Dieu. » Elle se plaça ensuite sur un trône
magnifique préparé près du premier, et des vierges sans nombre,
vêtues de blanc, vinrent se ranger autour d’elle. Elles étaient
d'une beauté ravissante, de beaucoup néanmoins inférieure à celle de
Marie. Combien je me sentis pauvre, dénuée, en comparaison de tout
ce que je voyais! Ma misère pénétra jusqu’au plus intime de
moi-même, et je me mis à pleurer. La sainte vierge me cacha alors
dans son manteau; mes pleurs cessèrent, et je vis la lumière de
Marie passer en moi comme la lumière du jour à travers un cristal.
Je ne me possédais pas de joie. Les yeux de mon corps s’ouvrirent
alors; je vis le prêtre à l’autel. J’entendis sa voix dire
distinctement ces paroles : Sanctus, sanctus, sanctus, et je fus
comme toute pénétrée par la sainteté de Dieu; mes yeux se fermèrent,
mes oreilles n’entendirent plus rien, je me trouvai encore sous le
manteau de Marie. La sainte Vierge se leva, retira son manteau qui
me couvrait, s’approcha du trône de la divinité, et me remit entre
les mains de Dieu. Je n’avais point vu Dieu sur son trône, même avec
les yeux de mon âme; mais, dès que Marie m’eût placée sur le trône
où Dieu réside, je sentis mon âme tout embrasée d’amour s’unir à
Dieu en unité de la sainte Trinité. Dieu le Père me bénit, le Verbe
de Dieu mit sa main sur mon cœur, et le Saint-Esprit se reposa sur
ma tête comme une rosée pleine de fraîcheur qui me faisait à la fois
vivre et mourir. Je me rapprochai de plus en plus du Verbe de Dieu
et par lui de Dieu son Père. Enfin, il me sembla que je finis par
reposer dans le sein de Dieu le Père, que Dieu le Fils vint reposer
sur mon cœur, et que le Saint-Esprit présenta à Dieu le Père Dieu le
Fils reposant en moi. O moment de félicité, de joie, de transports
inexprimables! Était-ce le ciel et son bonheur que j’éprouvais en ce
moment? Pour une éternité, ce bonheur m’aurait suffi, et je l’eusse
accepté de Dieu pour jamais, si telle avait été sa volonté. Marie
vint me retirer de ce repos que je goûtais en Dieu; elle me prit
entre ses bras et me dit : « Ma fille, vivez sur la terre en pensant
au ciel; vivez sur la terre en pensant à Jésus; vivez sur la terre
en pensant à moi. »
En ce moment Jésus descendit du ciel en terre; c'était le moment de la
consécration. Je descendis du ciel avec lui.
Je me préparai à faire la sainte communion. Quand j’eus en moi le Sauveur
Jésus, je crus être encore sur le trône de Dieu, voir le Verbe
reposer sur mon cœur, et le Saint-Esprit nous présenter ainsi à Dieu
le Père.
Je remerciai le Sauveur Jésus de tant de grâces et de bontés à mon égard; je
remerciai Marie aussi bien que je le sus faire, et je me retirai.
CHAPITRE III
Pendant toute la
journée, il me semblait être au ciel et non sur la terre, je ne
sentais pas mon corps; il me semblait n’avoir que mon âme, ne voir
rien de ce monde, voir au contraire toutes les merveilles du ciel.
J’avais hâte de revenir près de Jésus. Je devançai l'heure de vêpres
et vins au plus tôt adorer le Sauveur dans son tabernacle. Dès que
je fus en adoration devant lui, il vint à moi et me dit : « Ma
fille, c'est par ma mère que vous avez obtenu aujourd'hui la faveur
la plus considérable dont la divinité puisse gratifier une âme
qu'elle aime. Vous avez vu Marie, vous avez reposé sur son trône et
sur son cœur, elle vous a menée sur le trône de Dieu, les trois
personnes divines vous ont reçue dans leur retraite impénétrable,
vous avez pénétré dans le sein de Dieu, j'ai pénétré dans le vôtre,
et par moi mon Père vous a accueillie. Ah! j’ai voulu vous laisser
comprendre que les relations de Dieu avec les hommes n’existent que
par ma mère et avec ma mère. Ma fille, je vous ai parlé de la
rédemption du monde. De toute éternité, je savais que je
m’incarnerais, parce que je savais que l'homme pécherait, que
l'homme ne pourrait se relever seul de son péché et que je ne
voulais pas l’abandonner dans son malheur si grand. De toute
éternité, j’avais choisi celle que je voulais pour ma mère; de toute
éternité, en union avec mon Père et le Saint-Esprit, je travaillais
à la sanctification, à la perfection de ma mère. Tous les trésors de
la divinité avaient été mis éternellement en moi par mon Père, et
ces trésors me permettaient de racheter l'homme en les rendant à mon
Père. Or, je ne pouvais les lui rendre comme Dieu, étant entièrement
semblable à lui; mais je pouvais les lui rendre en les faisant
passer par Marie, en les enfermant en Marie, en m’enfermant moi-même
en elle, et mon Père par Marie devait les accepter. Et ce que
j’avais résolu dans l’éternité devait s’accomplir dans le temps, non
au commencement, mais au milieu des temps. Ce délai, pourtant,
n’enlevait rien de la force de cet acte réparateur, et la vertu de
cette réparation devait s’étendre sur le commencement des temps,
comme elle devait après son exécution se continuer jusqu'à la fin.
Or, si je n’ai voulu rien faire au milieu des temps sans Marie, si
les trésors de ma divinité ont été déposés en elle au milieu des
temps; l’efficacité de ce dépôt agissant au commencement comme au
milieu et à la fin des temps, cette efficacité vient de Marie comme
de moi.
« Je suis comme la source immense de la réparation du monde, comme la source
infinie des grâces données au monde. Mais cette source ne coule pas
directement sur le monde, elle passe par Marie, et ma mère est cette
créature que j’ai choisie en union avec Dieu le Père et Dieu le
Saint-Esprit, pour répandre tous les biens du ciel sur la terre.
« Oui, ma fille, tout vient de moi pour le bonheur et la sanctification des
hommes, mais tout passe par Marie; je n’accorde rien que ce
qu’accorde Marie; et jusqu'à la fin des temps, je bénirai, je
rachèterai, je sauverai les hommes parce que Marie les bénira, les
rachètera, les sauvera par moi.
« Pour être Fils de l'homme, pour être Sauveur, il fallait ma volonté, il
fallait aussi la volonté de Marie; pour rendre les hommes fils de
Dieu, frères du Sauveur, il fallait aussi la volonté de Marie; elle
a donné son consentement à Nazareth, elle l’a donné sur le Calvaire,
et ce consentement dure encore dans le ciel.
« Voilà donc ce à quoi Marie était éternellement destinée par Dieu : à
opérer, par moi et par elle, le salut du monde. »
CHAPITRE IV
Un jour de la fête de
l’Immaculée Conception, j'étais venue prier devant l’autel de Marie
longtemps avant la célébration de la sainte messe. J’avais rendu mes
hommages à Marie conçue sans péché, j'avais félicité Notre-Seigneur
Jésus-Christ d’avoir une créature si privilégié pour mère. Je
m’associai de tout cœur à la croyance de l’Église et m’unis à tous
les fidèles qui, en ce jour, rendaient honneur à Marie. J’eus le
plaisir de communier. Quand Jésus fut dans mon cœur, il me dit ainsi
: « Ma fille, vos hommages ont été agréés par ma Mère, et aussi par
moi. Je veux vous remercier de votre piété par une nouvelle qui vous
fera plaisir. Le jour va venir où le ciel et la terre se
concerteront ensemble pour donner à ma Mère ce qui lui est dû dans
la plus grande de ses prérogatives. Le péché n’a jamais été en elle,
et sa conception a été pure, et sans tache, et immaculée comme le
reste de sa vie. Je veux que sur la terre cette vérité soit
proclamée et reconnue par tous les chrétiens. Je me suis élu un Pape
et j’ai soufflé dans son cœur cette résolution. Il aura dans sa tête
cette pensée toujours, pendant qu'il sera Pape. Il réunira les
évêques du monde pour entendre leurs voix proclamer Marie immaculée
dans sa Conception et toutes les voix se réuniront dans sa voix. Sa
voix proclamera la croyance des autres voix, et retentira dans le
monde entier. Alors, sur la terre, rien ne manquera à l’honneur de
ma Mère. Les puissances infernales et leurs suppôts s’élèveront
contre cette gloire de Marie, mais Dieu la soutiendra de sa force,
et les puissances infernales rentreront dans leur abîme avec leurs
suppôts. Ma Mère apparaîtra au monde sur un piédestal solide et
inébranlable; ses pieds seront de l’or le plus pur, ses mains comme
de la cire blanche fondue, son visage comme un soleil, son cœur
comme une fournaise ardente. Une épée sortira de sa bouche et
renversera ses ennemis et les ennemis de ceux qui l’aiment et l’ont
proclamée sans tache.
« Ceux de l’orient l’appelleront la rose mystique, et ceux du nouveau monde
la femme forte. Elle portera sur son front écrit en caractères de
feu : « Je suis la ville du Seigneur, la protectrice des opprimés,
la consolatrice des affligés, le rempart contre les ennemis. » Or,
l’affliction viendra sur la terre, l’oppression régnera dans la cité
que j'aime et où j'ai laissé mon cœur. Elle sera dans la tristesse
et la désolation, environnée d’ennemis de toutes parts, comme un
oiseau pris dans les filets. Cette cité paraîtra succomber pendant
(trois ans) et un peu de temps encore après ces trois ans. Mais ma
Mère descendra dans la cité; elle prendra les mains du vieillard
assis sur un trône, et lui dira : « Voici l'heure, lève-toi. Regarde
tes ennemis, je les fais disparaître les uns après les autres, et
ils disparaissent pour toujours. Tu m’as rendu gloire au ciel et sur
la terre, je veux te rendre gloire sur la terre et au ciel. Vois les
hommes, ils sont en vénération devant ton nom, en vénération devant
ton courage, en vénération devant ta puissance. Tu vivras et je
vivrai avec toi. Vieillard, sèche tes larmes, je te bénis. »
« La paix reviendra dans le monde parce que Marie soufflera sur les tempêtes
et les apaisera; son nom sera joué, béni, exalté à jamais. Les
captifs reconnaîtront lui devoir leur liberté, et les exilés la
patrie, et les malheureux la tranquillité et le bonheur. Il y aura
entre elle et tous ses protégés un échange mutuel de prières et de
grâces, et d'amour et d’affection, et de l’orient au midi, du nord
au couchant, tout proclamera Marie, Marie conçue sans péché, Marie
reine de la terre et des cieux. » Amen! ! !
CHAPITRE V
« Ma fille, je veux
vous parler aujourd'hui de ma Mère, me dit un jour le Sauveur Jésus.
Sa conception a été immaculée. Il devait en être ainsi pour qu'elle
fût digne de moi. Je suis la sainteté même, comment aurais-je pu
m’incarner dans un corps qui eût été souillé par le péché? Toute la
substance de mon corps a été prise du corps de Marie; par
conséquent, si Marie avait eu une chair même un seul instant,
souillée par le péché, ma chair eût été une chair sur laquelle le
péché aurait eu un instant empire, ce qui ne pouvait compatir avec
ma divinité et ma sainteté. C'est pour cela que Marie, destinée à
être ma mère, a été exempte du péché originel; c'est pour cela que,
dès le premier instant de sa conception, Marie reçut de moi la
sainteté en partage, et avec cette sainteté originelle toutes les
prérogatives qui pouvaient y être attachées. Elle reçut une telle
abondance de grâce en ce moment, que vous chercheriez en vain dans
la création une semblable merveille. Elle resta neuf mois voilée et
cachée pour la terre, comme moi-même je devais plus tard rester neuf
mois voilé et caché en elle. En ce temps son âme douée
d’intelligence et de raison s’unissait de plus en plus à Dieu,
pendant qu'elle était encore inconnue au monde et qu'elle ne voyait
pas le monde, afin qu’à l’heure de sa naissance et durant toute sa
vie, son regard ne fût fixé que sur Dieu, ne cherchât que Dieu, ne
se plût qu’en Dieu. La naissance de ma mère fut ignorée de la terre,
méconnue de la terre, mais non du ciel. Dieu, dès lors, put
s'arrêter avec complaisance sur une créature pleine de justice et de
sainteté, et, en sa faveur, accomplir l’œuvre de miséricorde qu'il
avait promise au monde. Dieu ne regardait que Marie, ne vivait
qu’avec Marie, ne se plaisait qu’en Marie. Il ne regardait point les
grands, les puissants, ni les rois de la terre; son œil ne
s’arrêtait que sur l’humble Marie, sur Marie inconnue, sur Marie
enfant, qu'il aime comme sa fille, comme son épouse, comme sa mère,
comme son temple. Du sein de son éternité, il veille sur Marie, il
la dirige, il la conduit, il la regarde comme celle qu'il veut faire
participer aux plus étonnants mystères qu'il doit opérer dans le
temps. Chaque jour il augmente les grâces dans son âme, chaque jour
il la fait croître en âge, en vertus, en mérites à ses yeux.
« Bientôt Marie fut tellement élevée en sainteté, que le monde ne fut plus
digne de la posséder; et Dieu, malgré qu'elle fût bien jeune,
l’appela dans son temple, où elle se consacra à lui pour toujours :
offrande spontanée, offrande sainte, offrande sans retour! Dieu
l'accepta afin que Marie voulût accepter un jour aussi son offrande.
Dieu lui donna son temple pour retraite, afin qu'elle lui donnât son
sein virginal, où il voulait habiter corporellement. Temple de Dieu
et solitude de Marie! Dieu et Marie! Ma fille, pensez souvent à ces
grandes choses, à ces admirables relations de la divinité avec cette
créature dont le nom est Marie. Votre âme s'y perdra comme dans un
abîme sans fin, et dans cet abîme, qui ne l’entraînera pas à sa
perte, elle goûtera un bonheur inexprimable. Marie se retira près de
Dieu, et Dieu vint près de Marie; Marie se plaça sous la garde de
Dieu, et Dieu veilla sur Marie; il déploya toute sa puissance, toute
sa force, toute sa vertu pour entourer Marie, pour environner son
âme, éclairer son esprit, enflammer son coeur. Il fut tellement
occupé de Marie, tellement agissant en Marie, que Marie sembla ne
pas vivre, mais Dieu vivre en elle. Marie, c'était une créature
manifestant l’action de Dieu. Cette manifestation était toute
secrète, c’est-à-dire qu'elle n’était qu’entre Dieu et elle. La
terre ne la connaissait point et ne pouvait la connaître, parce que
la terre était séparée de Dieu, parce que la terre avait tellement
perdu le souvenir de l’influence de Dieu et de son action, qu'elle
ne l’aurait point aperçue, quand elle eût été extérieure en Marie.
Marie, trésor du ciel, inconnue sur la terre, Dieu la voile dans sa
simplicité, dans son humilité, dans son abaissement; mais il la
tient sous ses yeux, il la tient dans sa main, il la tient dans son
esprit, il la tient dans sa grâce, et quand viendra l'heure fixée
éternellement, elle sera prête, elle sera disposée. Dieu aura Marie
en Marie, c’est-à-dire sa Mère dans la Vierge annoncée par les
prophètes, attendue par les patriarches, et promise au premier homme
après sa chute. »
CHAPITRE VI
Un jour de
l’Annonciation, je lisais dans mon livre l’évangile de la messe; je
le lisais doucement, avec attention, pour y chercher le fruit du
mystère que nous célébrions. Vainement je voulus m’arrêter sur les
paroles enfermées dans ce passage de l’évangéliste saint Luc; je
demeurai sans pensées, sans réflexion, sans sentiment. J’appelai
Jésus à mon aide; je me prosternai à genoux à ses pieds devant le
tabernacle, et le suppliai de m’éclairer sur le mystère de
l’Annonciation. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit : « Ma fille,
vous aimez que je vous parle de ma Mère, moi aussi je l’aime. Pour
vous éclairer sur le mystère de ce jour, je veux vous emmener avec
moi. Venez, ma fille, suivez-moi. » Jésus me prit par la main. Dès
qu'il m’eut touchée, je me sentis élevée en l’air, la terre disparut
à mes yeux, je ne vis plus rien, si ce n'est Jésus. Nous arrivâmes à
une immense plaine. Ce n’était ni une plaine ni une campagne de la
terre; c'était comme cela, mais ce n’était point cela, et je ne sais
le dire autrement. Autour de cette plaine, je vis neuf degrés ou
neuf enceintes superposées. Chacune de ces enceintes était immense
et occupée par une multitude de jeunes gens vêtus de blanc. Leur
robe descendait jusqu’aux genoux; leurs bras étaient nus, leurs
cheveux longs, retroussés en arrière, séparés sur le milieu du
front. Ils avaient tous deux ailes sur leurs épaules. Chacun de ces
jeunes hommes était brillant comme le soleil; mais plus l’enceinte
était élevée et plus les jeunes hommes de cette enceinte étaient
éclatants de lumière. Ceux de la dernière enceinte l’emportaient sur
tous les autres.
Au-dessus de ces enceintes je vis un trône magnifique, de l’or le plus fin
et le plus brillant. Ce trône n’était que lumière, et cette lumière
descendait sur tous les jeunes hommes qui me semblaient réfléchir la
lumière de ce trône. Autour du trône, je vis, prosternés à genoux,
sept jeunes hommes, plus brillants que ceux de toutes les enceintes,
parce qu’ils approchaient de plus près le trône de la lumière.
Alors, du trône de la lumière, une voix se fit entendre. Tous ceux qui
étaient dans les neuf enceintes et les sept qui se trouvaient devant
le trône de la lumière prêtèrent l’oreille; puis le premier des sept
monta sur le trône, se prosterna trois fois, quitta cette plaine et
passa par les endroits que nous avions parcourus.
« Venez avec moi, ma fille, » me dit alors le Sauveur Jésus. Il me prit
encore par la main, et nous arrivâmes, avec celui qui avait quitté
la plaine d’en haut, dans une petite cellule. Là, une jeune fille,
d’une quinzaine d’années, les mains croisées sur la poitrine,
priait, les yeux levés au ciel. Le jeune homme se prosterna devant
elle et lui dit : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est
avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes. » À ces mots, la
jeune fille me parut troublée dans la parole qu’elle venait
d’entendre. Elle se demandait quel pouvait être ce salut. Alors le
jeune homme lui dit : « Ne craignez point, Marie; vous avez trouvé
grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein et vous
enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera
grand. Son nom sera le Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le
trône de David, son Père, et il régnera éternellement, et son règne
n’aura point de fin. » Alors la jeune fille répondit : « Comment
cela s’opèrera-t-il, car je ne connais point d’homme? » Il lui fut
répondu : « Le Saint-Esprit descendra en vous, et la vertu du
Très-Haut vous couvrira, et ce qui naîtra de vous est saint et sera
appelé le Fils du Très-Haut. Voici que votre parente Élisabeth a
conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et c'est le sixième
mois de la grossesse de celle qui est appelée stérile, parce qu'il
n'y a point de promesse irréalisable pour Dieu. » La jeune fille,
levant les yeux au ciel, s’écria : « Voici la servante du Seigneur,
qu'il me soit fait selon votre parole. »
Alors tout disparut, le jeune homme venu avec le Sauveur Jésus et moi de la
plaine d’en haut, et la jeune fille que nous avions trouvée en
prière. Je ne vis plus que le Sauveur Jésus; il était en face de
l'autel. Je me mis à genoux devant lui; il me bénit, me releva et me
dit : « Ma fille, j’ai voulu parler à vos yeux avant de parler à
votre intelligence, parce que votre intelligence comprendra mieux
maintenant ce que vos yeux auront aperçu, ce que vos oreilles auront
entendu. Cette plaine que vous considériez, ma fille, c'est le ciel;
les neuf enceintes et ceux qui les occupaient, les neuf chœurs des
anges; le trône de lumière, le trône de Dieu; les sept jeunes hommes
qui entouraient ce trône, les sept anges qui sont toujours devant
mon Père; celui qui s’est levé, qui est venu avec vous dans la
cellule où nous sommes entrées, c'est l’ange Gabriel; celle à qui il
a parlé, c'est Marie.
« Vous allez maintenant, ma fille, pénétrer plus facilement le mystère sur
lequel vous vouliez méditer. Je vous parlerai avec la simplicité
d’une mère; écoutez-moi avec la docilité d’un enfant.
« Mon incarnation était le chef-d’œuvre des manifestations extérieures de
Dieu au ciel et sur la terre. Toute l’éternité Dieu a préparé cette
œuvre. Quand l’heure sonna, au milieu des temps, il envoya son ange,
l’un des sept qui se trouvent toujours en adoration en sa présence
et à qui il confie l’exécution de ses commandements, celui qui
s’appelle Gabriel, c’est-à-dire force de Dieu ou bien Dieu et homme.
Ce n'est pas sans dessein qu'il porte ce nom, force de Dieu, parce
qu'il devait être le héros annonçant la grande manifestation de la
force et de la puissance qui est en Dieu; Dieu et homme, parce qu'il
devait annoncer la grande merveille d’un Dieu fait homme. Ce n'est
pas sans dessein qu'il porte ce nom, force de Dieu, parce qu'il
devait être le héros annonçant la grande manifestation de la force
et de la puissance qui est en Dieu; Dieu et homme, parce qu'il
devait annoncer la grande merveille d’un Dieu fait homme.
« Il est ange et l’un des plus puissants de la cour de mon Père, et il vient
dans la cellule de Marie, que mon Père avait choisie pour me donner
le jour sur la terre. C'est le ciel qui apprend cette grande
nouvelle à la terre; c'est un ange qui l’apprend à une vierge; c'est
le plus beau des anges qui l'apprend à la plus sainte des créatures;
c'est l'ange de Dieu qui l’apprend à la mère de Dieu. La terre et le
ciel, Dieu et sa justice et sa miséricorde étaient en même temps
dans la cellule de Marie. Marie priait, demandait la délivrance du
monde, soupirait après la venue du Messie, et Dieu vient à elle par
son ange; Dieu vient lui dire que les temps sont accomplis, que le
Messie va naître d’elle; l’ange la salue et se prosterne devant
elle.
« Vous avez contemplé ce spectacle ravissant, admirable, l'ange venant au
nom de Dieu, Marie n’ayant point ses yeux fixés sur l’ange, mais
toujours sur Dieu, l'ange saluant Marie pleine de grâce, temple de
Dieu, femme bénie parmi les femmes, Marie se disant la servante de
Dieu. Ce langage n'était point un langage de la terre, c'était plus
qu’un langage angélique, il était de Dieu, porté par un ange et reçu
par Marie. Or, ma fille la parole de Dieu est lumière, et cette
lumière n'est point une lumière créée, mais incréée, qui ne sort pas
de Dieu, qui reste en Dieu, mais dont les rayons viennent et
descendent jusqu’à la créature pour lui montrer les choses de Dieu
et l’élever jusqu'à lui.
« Marie écouta la parole de Dieu transmise par l'ange et demeura en silence.
Son esprit, éclairé aussitôt par cette lumière de la parole, pénètre
jusqu’au sein de la Divinité pour y contempler ses desseins
éternels. Elle contemple, et cette contemplation est pour elle
pleine d’intelligence. L’ange, pénétré de respect, vénérant le
silence de Marie et sa contemplation, demeure en silence devant
elle.
« N’avez-vous point remarqué cela, ma fille? — Oui, Seigneur. —Qu’avez-vous
vu en Marie? — Seigneur, je ne saurais m’exprimer, mais il me semble
que c'était un ravissement céleste, et puis comme un trouble produit
par la parole de l’ange et ce ravissement. — Ne pensez-vous point
que ce soit la présence de l'ange qui l'ait troublée? — Non,
Seigneur, car j'ai vu clairement et d'une manière sensible la vérité
du récit évangélique qui dit que Marie fut troublée dans le discours
de l'ange.
« Il en a été ainsi, ma fille. Marie était sainte et pleine de grâces, la
pureté de son âme surpassait la pureté de tous les esprits célestes;
la présence d’un ange sous une forme humaine ne pouvait la troubler.
Marie était si éclairée, son intelligence si ouverte et si
pénétrante, qu'elle eût reconnu un artifice, si l'ange des ténèbres
avait voulu se changer pour elle en ange de lumière. Marie n'était
pas seulement gardée par un ange, mais par Dieu; car Dieu était avec
elle, et, sous la garde de Dieu, elle ne pouvait ni craindre ni se
troubler. Marie fut troublée dans la parole de l'ange. Il y eut
combat entre son humilité et la parole du messager céleste. Le
combat produisit le trouble de Marie, qui se demanda quelle pouvait
être cette salutation et la signification de ces paroles. Ah! ma
fille, l’humilité était si grande en Marie qu'elle ignorait les
grandeurs qui étaient en elle. Dieu voulait élever Marie, et Marie
ne pensait qu’à s’humilier devant Dieu; et son humilité lui enlevait
la parole, et elle se confondait dans son néant au moment même où
Dieu allait l'exalter par sa divinité, qui devait s’unir si
intimement à elle. Son humilité devint sa force; l’ange ajouta : «
Ne craignez point, Marie, vous avez trouvé grâce devant Dieu. »
« Savez-vous, ma fille, quelle est cette grâce que Marie a trouvée devant
mon Père? — Non, Seigneur. — Écoutez l’ange, il va vous l’apprendre
: « Voici, lui dit-il, que vous concevrez dans votre sein et que
vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. »
« La grâce que Marie a trouvée devant mon Père, est moi. Je suis la grâce de
Dieu le Père, je suis la splendeur de sa gloire, et Marie m’a trouvé
par sa sainteté, par sa vertu, par sa virginité. Elle m’a trouvé et
je viendrai en elle, et je me donnerai à elle, et elle se donnera à
moi. Ma divinité descendra en son humanité, son humanité voilera ma
divinité; ma divinité remplira son humanité; vierge, elle deviendra
mère; vierge mère, elle sera mère de Dieu, elle sera ma mère.
« Voilà la dignité que l'ange annonce à Marie, et cette dignité
étonnante pour le ciel et pour la terre le fut aussi pour Marie.
Elle s’écria : « Comment cela pourra-t-il s’opérer, je ne connais
point d’homme? »
« Je désire, ma fille, que vous compreniez bien ces paroles; écoutez-moi
avec plus d’attention. Il n’y a point un doute sur la parole de
l'ange: Marie savait que je devais naître d'une vierge, et son âme
était pleine de foi dans les promesses de Dieu. Mais elle ne savait
point de quelle manière je devais naître d’elle. Être vierge et mère
en même temps, c'est là un mystère que nul ne comprendra jamais, et
Dieu n’avait point révélé la manière dont il devait opérer cette
étonnante maternité. Aussi Marie s’écrie : « Comment cela
s’opèrera-t-il, je ne connais point d’homme? » Loin d’être une
parole de doute, cette parole est pleine de croyance et de foi; une
parole de croyance au pouvoir de Dieu, à sa maternité et aussi à la
conservation de sa virginité. C'est une parole de vénération pour le
pouvoir de Dieu, de remerciement pour la maternité promise, d’action
de grâces pour sa virginité conservée. Quel est ce mode nouveau que
Dieu emploiera pour opérer son oeuvre? Quelle est cette nouvelle
faveur que Dieu me réserve? Telle était la pensée de Marie.
« Vous devez remarquer aussi que cette parole n'est pas une parole
uniquement de Marie, c'est une parole de Dieu, comme les paroles de
l'ange étaient aussi paroles de Dieu. Dieu voulait par cette parole
et sa conservation dans l’Évangile faire éclater la vérité de sa
promesse, faire observer la réalisation des prophéties, tout en
relevant la dignité, la pureté, la sainteté de la créature qu'il
avait choisie pour être sa mère.
« Marie, par sa virginité, a attiré Dieu en elle. Il fallait que cette
virginité apparût toute brillante aux yeux de tous les hommes; et
que cette vertu, manifestée en elle d'une manière si éclatante,
demeurât parmi les hommes comme l’expression de ce qui pouvait être
le plus agréable à Dieu. Dieu ne voulait pas seulement que
j’habitasse en Marie, il voulait aussi que je vinsse habiter dans
les enfants des hommes; il voulait que parmi les enfants des hommes
je choisisse un peuple, un peuple privilégié, dont la pensée
s’élevât au-dessus de la terre et des sens, méditât, dans une chair
sujette à la corruption et captivée par les sens, le mystère de
l’union incorruptible entre Dieu et l'homme, que ce peuple se
demandât toujours : Comment, dans ma faiblesse, dans ma misère, dans
mon indignité, arriverai-je à unir Dieu à ma chair? Et qu'il comptât
comme Marie sur les paroles de l'ange : Le Saint-Esprit descendra en
vous, la vertu du Très-haut vous couvrira, et ce qui naîtra de vous
est saint et sera appelé le Fils du Très-Haut.
« Oui, ma fille, dans l’œuvre de mon incarnation en Marie, il n'y a eu que
l’œuvre de Dieu. Les hommes n'y ont point eu de part. Tout a été
divin dans cette nouvelle création. Le Saint-Esprit est venu
lui-même opérer en Marie cette merveille, la vertu de mon Père a
soutenu Marie dans la création de mon humanité en elle; mon humanité
unie à la divinité a été sainte comme ma divinité, et j'ai été
appelé parmi les hommes du nom que je portais dans le sein de mon
Père, du nom qui désigne et exprime ce que je suis, le Fils de Dieu.
« Voilà le prodige merveilleux, dont l’explication est donnée à Marie, que
les femmes stériles devenues mères dans l’ancienne loi avaient
annoncé, qu’Élizabeth sa cousine, devenue mère aussi malgré sa
stérilité, annonçait également, non pas dans sa totalité, mais comme
signe de l’efficacité de la puissance de Dieu, dont pas une promesse
n'est irréalisable.
« Heureuses les âmes qui, comme Marie, suivent, dès leur enfance l'attrait
que Dieu met dans leur âme, qui se consacrent à lui et ne désirent
d’autre union que son union! En vérité, je vous le dis, ma fille,
ces âmes deviendront ma mère comme Marie; je reposerai en elles,
non seulement neuf mois, mais toute leur vie, et pendant l’éternité
elles reposeront en moi. J’aurai pour elles, comme j’en ai eu pour
Marie, des faveurs spéciales sur la terre et dans le ciel. Ma fille,
je vous appelle à moi, dites avec Marie : « Voici la servante du
Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. » Prononcez souvent
ces mots, prononcez-les comme Marie, les yeux levés au ciel, votre
cœur tout entier abandonné à Dieu, votre esprit et votre âme ne
demandant, ne désirant, ne cherchant que la volonté de Dieu.
« Ma fille, quand l’ange eut fini de parler, il avait achevé sa mission et
n’attendait que la réponse de Marie. J’étais à même de m’incarner en
Marie, mais il fallait le consentement de Marie. Dieu allait
renouveler son alliance avec les hommes, mais cette alliance devait
être acceptée par Marie, et Dieu, et l'ange, et moi qui vous parle
nous attendions la réponse de Marie. O puissance, ô grandeur
communiqué à Marie! Jamais, Dieu ne s’était soumis à l'homme, et il
se soumet à Marie; jamais Dieu n’avait consulté l'homme, et il
consulte Marie; jamais Dieu n’avait fait dépendre son action de
l'homme, et il fait dépendre la plus admirable de ses actions de
Marie. O parole de Marie! Ma fille, n’en avez-vous point distingué
l’accent? N’était-ce point ma parole que vous avez distinguée dans
la parole de Marie? Je suis la parole éternelle de Dieu, j’allais
m’incarner dans Marie, et déjà ma parole était en elle comme un
essai de ce que j’allais produire par elle dans le monde : « Voici
la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. »
« Le résumé de mon incarnation est dans cette parole. Il n'y a que deux
choses en elle : humilité et puissance : l’une et l’autre existent
séparément, mais il semble que la seconde ne se manifeste que par la
première. Ce n’a été que par mon humiliation jusqu’à la mort et
jusqu’à la mort de la croix, que j’ai voulu manifester ma puissance
sur la mort, sur l’enfer, et sur l'homme pécheur à qui je rendais la
grâce et la liberté.
« Marie, au moment où le messager du ciel proclame ses grandeurs, s’humilie
jusque dans le plus intime de son être : « Voici la servante du
Seigneur. » Mais cette humilité acquît une force toute divine, qui
m’attire et m’incarne en elle par la puissance d'un commandement
auquel je ne résiste point : « Qu’il me soit fait selon votre parole
»!
« L’œuvre de mon incarnation fut accomplie par cette parole. J’habitai dès
lors corporellement en Marie, et le ciel adora ce mystère de
l’abaissement du Fils de Dieu, de sa miséricorde et de son amour
pour les hommes, et de la dignité, de la grandeur, de la puissance
de la Vierge que j’avais choisie pour être ma mère. »
Voilà ce que je me rappelle de mon entretien avec le Sauveur sur le mystère
de l’Annonciation. Je n’ai point parlé comme le Sauveur, mais comme
j’ai su et comme il me l’a permis. Ce que je ne puis et ne sais
point dire, c'est le bonheur que l’onction de sa parole mit dans mon
âme. Je le remerciai de l’instruction qu'il m’avait donnée et le
priai de me faire participer aux sentiments de Marie au jour de
l’Annonciation.
CHAPITRE VII
Quelques jours après,
je pensais aux grâces si privilégiées que Dieu avait données à
Marie; je félicitais Marie d’avoir été choisie pour mère de Dieu; je
félicitais Jésus d’avoir Marie pour sa mère. Ce furent les seuls
sentiments que je pus former dans ma méditation. Selon la
recommandation de Jésus, je me tenais silencieuse en sa présence,
mon cœur et mon esprit attachés à lui. Il me semblait que mon âme
s’embrasait de plus en plus d’amour pour le Sauveur. Il vint à moi
du fond du tabernacle et me dit : « Ma fille, je vous ai parlé sur
le mystère de l’Annonciation de ma naissance à Marie et de Marie,
aujourd'hui je veux vous parler de ma vie en Marie pendant les neuf
mois que j'ai passés en elle, et des mystères opérés par ma présence
en son sein virginal.
« J’étais Dieu, Fils de Dieu, Verbe de Dieu, lumière de Dieu, splendeur de
la gloire de Dieu, vivant dans Marie, femme mortelle, femme vierge,
sainte, immaculée dans sa conception, dans sa naissance et dans sa
vie, femme mère de Dieu. J’étais en Marie comme homme, comme Fils
d’Adam, Fils de David, en tout semblable aux autres hommes, hormis
la similitude du péché. J’étais en Marie, ayant ma vie comme Dieu,
et ma vie comme homme; en elle il y avait ma divinité et mon
humanité, et les deux natures divine et humaine se réunissaient dans
ma personnalité de Sauveur. J’étais en Marie un Dieu soumis à Dieu
le Père, un Dieu incarné, un Dieu fait homme pour offrir à mon Père
le sacrifice qui seul pouvait lui être agréable.
« J’étais en Marie, Dieu et homme tout ensemble; Dieu-Homme s’immolant et se
donnant continuellement à Dieu, et lui répétant à chaque moment
cette parole : Mon Père, vous n’avez point voulu les holocaustes ni
les sacrifices des hommes, mais vous m’avez donné un corps, et voici
que je viens, ô mon Dieu, pour faire votre volonté.
« J’étais Dieu, et je m’adressais à Dieu; je reconnaissais qu'il m’avait
donné le corps dont était revêtue ma divinité; je le proclamais
l’auteur de mon incarnation et je lui offrais tout ce qu'il m’avait
donné; je le lui offrais à l’état de victime, comme un serviteur à
son maître, afin de faire sa volonté qui était de sauver le monde.
« N’était-ce pas, en effet, être victime, que de resserrer ma divinité dans
le sein de Marie? N’était-ce pas être soumis comme un serviteur, que
de plier et de voiler ma divinité dans l’humanité? N’était-ce pas
être à la fois serviteur et victime, que de m’offrir à Dieu en
reconnaissant son domaine sur moi? N’était-ce pas venir pour sauver
le monde, puisque je prenais l’humanité en ma divinité et que je
présentais cette humanité sanctifiée par moi à mon Père, afin qu’il
l’agréât, qu'il vît dans son Fils éternel ce même Fils fait homme,
devenu frère des hommes, et qu'il acceptât tous les hommes comme mes
frères en tant qu’Homme-Dieu?
« Ma vie dans le sein de Marie, c'était une parole continuelle à Dieu mon
Père; c'était une parole de soumission, d’obéissance, d’humilité;
c'était une parole de prière et de supplication; c'était la parole
éternelle, qui est dans le sein du Père, incarnée dans le sein de
Marie, et qui, du sein de Marie, s’élevait à Dieu mon Père; c'était
la parole du nouvel Adam conversant avec son Créateur, nous plus
dans l’orgueil et la superbe du cœur, mais dans la plus profonde
humilité, et ce nouvel Adam n’était pas homme seulement, il était
Dieu et homme. Aussi, par son humilité et sa divinité, il ne devait
point perdre l'homme, mais le racheter et le sauver, car c'était la
volonté de Dieu, et j’étais en Marie pour accomplir cette volonté.
« Ma vie en Marie était donc ma vie pour Dieu, c'était aussi ma vie pour ma
mère. En vivant dans Marie, je rendais gloire à mon Père, je lui
ramenais l’humanité coupable, je satisfaisais sa justice, et tout
cela dans un entretien plein d’humilité et de soumission. En vivant
en Marie, je rendais aussi gloire à Marie, et jamais nulle créature
n’a eu de gloire pareille à cette gloire. Ce n’étaient point les
hommes que je lui soumettais, mais ma divinité; ce n'était point une
œuvre de justice, mais de miséricorde que j’accomplissais à son
égard; et de même que j’avais préparé son âme par la parole de ma
grâce, de même que je lui avais fait annoncer mon incarnation par la
parole de mon ange, je voulais par ma propre parole achever l’œuvre
de sanctification et de grandeur qui devait s’opérer en elle. Ma
parole à Marie n'était qu'un écho de ma parole à mon Père; mais
Marie recevait cette parole et la conservait en son cœur; par ma
parole à mon Père je complétais de plus en plus l’œuvre de la
rédemption du monde; par ma parole à Marie, je complétais l’œuvre de
son union avec moi. J'étais Dieu, en cette qualité je lui donnais la
vie; j'étais Fils de l'homme, en cette qualité je recevais d'elle ma
vie, et, par cet échange réciproque, je l’unissais plus à moi et je
m’unissais plus à elle en même temps. J'étais Dieu, et comme Dieu
reposant en une créature, Marie était pour moi le seul lieu où je
pusse me plaire. Marie étant sainte, toute donnée à Dieu, tout
absorbée en moi, elle ne voyait que moi, elle ne soupirait qu’après
moi, elle ne désirait que moi, j'étais sa vie, son mouvement, sa
richesse, son Dieu; elle était ma mère et je l’attirais à moi, je me
faisais le centre de sa vie. Dieu, dans l’éternité, a été, est et
sera toujours l’objet des contemplations de son Verbe. Dans le
temps, le Verbe de Dieu fait homme était le continuel objet des
contemplations de Marie, et Marie aussi, après mon Père, mais avec
mon Père, le continuel objet de mon humanité unie à la divinité.
« Aimez à me contempler dans vos méditations, vivant en Marie; c'est là une
dévotion qui m’est très agréable et qui est peu en usage.
Attachez-vous-y, et plus vous vous y attacherez, plus elle aura pour
vous d’attraits. Vous ne la comprendrez jamais parfaitement. Sur la
terre, ma vie en Marie demeurera comme un livre fermé; néanmoins je
l’ouvrirai pour vous si vous me le demandez. Je vous montrerai le
Fils de l'homme occupé en Marie de Dieu et de l’humanité tout
entière, et Marie dans toute l’humanité seule occupée de la
divinité; je vous montrerai Celui qui est la vie, tirant la vie
d’une créature; je vous montrerai Celui qui est la lumière, enfermé
dans les ténèbres et dans le sein d’une créature; je vous montrerai
Celui qui est Dieu, devenu homme; l’Éternel, mortel; le Saint, fait
comme pécheur, je vous montrerai une Vierge devenue mère, une Vierge
mère portant un Dieu dans son sein, une créature vivifiant le
Créateur, le Dieu du ciel et de la terre dépendant de l’œuvre de ses
mains; je vous montrerai la vie divine et la vie humaine ne faisant
plus qu’une vie, la vie du Fils de Dieu fait homme. Contemplez-moi
vivant en Marie, et vous pourrez recevoir dans votre esprit une idée
de mon humiliation et de la grandeur de Marie, une idée de mon amour
pour Marie, et de l’amour de Marie pour moi, de mon union à Marie,
et de l’union de Marie avec moi. Contemplez-moi vivant en Marie, et
vous aurez une idée des relations ineffables que cette vie établit
entre mon Père et Marie; Dieu m’engendrant de toute éternité et seul
dans son sein, Marie seule aussi m’engendrant dans son sein par la
vertu de Dieu, Dieu m’appelant son Fils et Marie me donnant le même
nom.
« Vous me verrez Fils de Dieu et fils de Marie, unissant Marie à Dieu et
Dieu à Marie, reposant dans le sein de Dieu et dans le sein de
Marie, regardant Dieu le Père pour l’aimer comme mon Père, regardant
Marie pour l’aimer aussi comme ma mère, ne faisant qu'un avec mon
Père, ne faisant qu'un non plus avec ma mère sur la terre,
commençant à donner Dieu à l’humanité en Marie, commençant à donner
l’humanité à Dieu en lui donnant Marie.
« Je vous laisse, ma fille, à ces pensées, je vous les abandonne;
conservez-les dans votre cœur comme un stimulant précieux qui vous
fera désirer de plus en plus que je vienne habiter en vous, vivre
avec vous et vous faire goûter les douceurs de ma présence et de mon
amour. »
CHAPITRE VIII
« Une nuit de Noël, je
faisais avant la messe de minuit ma méditation sur la naissance de
Jésus dans l’étable de Bethléem. Je n'étais point devant l'autel du
tabernacle. Un attrait particulier m’avait attirée près de l'autel
de Marie. Je ne m’étais point adressée à Jésus, j’avais recouru à
Marie. J’avais oublié le Sauveur pour ne penser qu’à sa Mère. Cet
oubli n'était pourtant pas un oubli, car, en m’adressant à Marie, je
pensais aussi à Jésus; je veux dire seulement que mon premier regard
dans cette nuit avait été pour Marie, et que par Marie je voulais
arriver à Jésus. L’autel de Marie n'était point illuminé, mais cela
m’importait peu. Je voyais Marie, sinon avec les yeux du corps, du
moins avec les yeux de mon âme; j'étais avec elle et saint Joseph
dans l’étable, et avec elle et saint Joseph j’adorais Jésus enfant.
Bientôt la vue que j'avais de Marie fut plus claire, plus brillante; elle
devint la lumière de son autel qui était sans lumière; elle m’appela
avec bonté. L’enfant Jésus, enveloppé de langes, était dans ses
bras. J’aurais bien voulu le prendre entre les miens, le presser sur
mon cœur, le caresser, mais je n’osais le demander à Marie; elle le
comprit, car, sans m’interroger, elle plaça son divin enfant entre
mes mains, puis elle me rapprocha d’elle, comme pour me prendre avec
Jésus sous sa protection. L’enfant Jésus était avec moi, mais il
était sans parole. Je le regardais, puis je regardais Marie;
j’embrassais Jésus et je remerciais Marie. Je voulais interroger
Jésus et je n’osais interroger Marie. Néanmoins, je m’enhardis peu à
peu et je dis à Marie : Vierge sainte, parlez-moi de la naissance du
Sauveur Jésus. « Ma fille, me dit Marie, je veux satisfaire votre
désir. Mon Fils Jésus étant enfant ne vous parle point, je vais vous
entretenir en sa place.
« Ma fille, c'est à cette heure, en une nuit anniversaire de cette nuit, que
je mis au monde mon Fils Jésus. Cette naissance est le mystère d’une
triple volonté au ciel et sur la terre : la volonté de Dieu le Père,
qui chérissait les hommes à ce point qu'il leur donnait son Fils; la
volonté du Verbe de Dieu, qui chérissait à ce point la volonté de
son Père qu’il voulait l'accomplir au moment fixé par lui; la
volonté du Saint-Esprit, qui avait tout disposé pour opérer cette
naissance étonnante, et dont l’opération devait manifester la
sagesse et la puissance. Voilà la triple volonté du Ciel qui se
manifeste en cette naissance. Cette volonté est une dans sa
triplicité, elle n’a qu'un objet, la naissance de mon Fils; elle
repose éternellement au sein de la divinité.
« La naissance de mon Fils Jésus renferme encore le mystère d’une triple
volonté sur la terre : la volonté de Dieu le Père, de Dieu le Fils
et de Dieu le Saint-Esprit, qui s’est formée dans le ciel et qui
opère sur la terre; la volonté du Fils de Dieu fait homme, qui est
mon Fils, et ma volonté. Ces trois volontés ne font qu'une volonté;
elles étaient en moi, et opérèrent la naissance de mon Fils. Les
trois personnes divines voulaient la naissance de Jésus, et Jésus
est né; Jésus voulait naître, et Jésus est né; je voulais la
naissance de Jésus, et Jésus est né.
« Cette naissance s'est opérée dans ces admirables relations entre les trois
personnes divines et moi, mère de Jésus. Les trois personnes divines
donnaient mon Fils au monde; je le donnais aux trois personnes
divines. Les trois personnes divines me regardaient comme mère de
Jésus; moi, je me regardais comme l’humble servante des trois
personnes divines. Dès ce moment je me trouvai plus puissante et je
sentis en moi la puissance même de Dieu; car Jésus fut mon Fils
non seulement en moi, mais hors de moi, et Celui qui commande au
ciel et sur la terre me fut soumis. Je lui commandais; il faisait ma
volonté comme la volonté de son Père, et ainsi quand la volonté des
trois personnes divines était la règle et le mouvement de ma
volonté, ma volonté était aussi la règle et le mouvement de la
volonté divine de mon Fils.
« O ma fille! comprenez bien l’exemple qui ressort pour vous de la naissance
de Jésus. C'est un exemple de soumission, un exemple de volonté
exécutée et suivie, un exemple de subordination, et cet exemple
vient du Ciel, vient de Dieu. Dieu a voulu, et j'ai voulu avec Dieu.
Dieu le Père a voulu, et Dieu le Fils s’est soumis à volonté de son
Père. Dieu le Père et Dieu le Fils ont voulu, et Dieu le
Saint-Esprit a voulu avec eux, et il a disposé la réalisation et
l'accomplissement de leur volonté. Ma volonté a toujours été
conforme à la volonté de Dieu. Dieu a voulu que le Fils s’incarnât
en moi, naquit en ce jour, et en tout j’ai conformé ma volonté à la
volonté de Dieu. Ne l’oubliez pas, ma fille, le péché de l'homme a
été une opposition à la volonté de Dieu; pour réparer ce péché, il a
fallu une soumission à la volonté divine. Voici le commencement de
cette soumission, soumission dans la naissance de mon Fils. Portez
vos regards plus loin, vous trouverez cette soumission dans sa mort.
De Bethléem au Calvaire, tout en Jésus, tout en moi unie à Jésus est
soumission à la volonté de Dieu.
« Eh bien, ma fille, soyez soumise aussi à la volonté de Dieu, que votre
volonté soit toujours liée à la sienne et ne fasse qu’une avec elle;
rappelez-vous la naissance de mon Fils, sa soumission et ma
soumission; et, quelque pénible que soit ce qui pourra vous être
demandé, pensez que la soumission augmentera votre justice et vous
unira plus à Jésus et à sa mère.
CHAPITRE IX
Un jour de l’Épiphanie,
j'avais eu le bonheur de faire la sainte communion. Après avoir reçu
Jésus dans mon cœur, je le lui offris avec tout ce que j'avais et
tout ce que j’étais pour le reconnaître comme mon Roi, mon Dieu et
mon Sauveur. Alors je vis, non des yeux du corps mais de mon âme, un
jeune homme qui me paru être un ange; il se mit en adoration devant
le tabernacle, puis il vient à moi et me dit : « Marie, suivez-moi.
» Je me levai et je le suivis. Nous passâmes derrière l’autel. Là,
une immense campagne s'offrit à mes regards, et au loin apparaissait
une colline sur laquelle était assise une petite ville. Nous
marchâmes très vite et nous atteignîmes en quelques minutes la cité.
Nous dirigeâmes vers le bas de la colline qui portait la ville du
côté de l’orient. Nous arrivâmes près d’une grotte taillée dans le
roc : « Arrêtez-vous, Marie; c'est ici la maison du Seigneur et le
lieu où il a pris naissance pour sauver les hommes. » Cette grotte,
qui avait servi d’étable, était vaste, spacieuse, et couverte de
chaume. Elle avait été disposée en habitation, là habitaient
réellement Jésus, Marie et Joseph.
L'ange, s’adressant à Jésus enfant, lui dit : « Seigneur, vous m’avez
ordonné de conduire près de vous votre servante Marie, la voici. »
Jésus, en me voyant, me sourit avec bonté et puis regarda sa mère
qui le tenait par la main. Je me prosternai devant Jésus, que je
reconnus avoir tenu entre mes bras la nuit de Noël. Je l’adorai de
nouveau comme mon Roi, mon Dieu et mon Sauveur. Il quitta la main de
Marie et vint à moi. Je le reçu quelques instants dans mes bras et
puis je le rendis à Marie, et je m’assis près d'elle sur un escabeau
que me présenta saint Joseph.
« Ma fille, me dit alors la mère de Jésus, ne perdez jamais de vue la grâce
qui vous est faite en ce jour. Dieu vous a donné un ange, et cet
ange est l'ange de votre salut. Vous avez cherché avec lui mon Fils
Jésus, vous avez été amenée en ce lieu où il habite, et je vous ai
permis de la recevoir dans vos bras. Ainsi, ma fille, chaque fois
que vous chercherez mon Fils avec un grand désir, soyez sûre de le
trouver. Vous ne le trouverez pas seul, vous me trouverez toujours
avec lui; il ne se donnera pas lui-même à vous, ce sera moi qui vous
le donnerai, qui vous le livrerai, qui lui ordonnerai d’aller à
vous. Il ne vous parlera point si je ne lui dis de vous parler; mais
s’il ne vous parle pas, je vous parlerai à sa place. Dieu a donné à
mon Fils tout pouvoir sur la terre et dans le ciel; mais, parce que
je suis sa mère, il veut ne le point exercer sans mon ordre. Unissez
donc toujours mon nom au nom de mon Fils; cherchez-moi toujours, en
cherchant Jésus; ne nous séparez jamais et vous nous trouverez
toujours unis, et nous vous donnerons place dans notre famille, dans
nos épreuves, dans nos souffrances sur la terre, pour vous attirer à
nous un jour auprès de Dieu. »
La parole de Marie était pleine de douceur et de bonté. J’aurais voulu
l’entendre encore, mais elle s’arrêta.
L'ange qui m’avait conduite, et qui se tenait à l’entrée de la grotte vint
se prosterner devant Jésus en disant : « Seigneur, les mages
d’Orient ont vu votre étoile, ils viennent vous adorer. » L’enfant
Jésus ne répondit rien; mais il regarda Marie, et les mages
entrèrent.
Le premier avait une robe qui descendait jusqu’à ses pieds, une couronne sur
la tête, et, dans les mains, de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Il se prosterna jusqu’à terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en
disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu
fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Le second était vêtu et couronné comme le premier, et, comme lui aussi,
portait dans ses mains de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Il se prosterna jusqu'à terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en
disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu
fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Le troisième était vêtu et couronné comme les deux premiers, et, comme eux
aussi, il portait dans ses mains de l’or, de l’encens et de la
myrrhe.
Il se prosterna jusqu'à terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en
disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu
fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Quand ils furent tous trois à genoux devant Jésus, ils lui offrirent chacun
leurs présents.
Jésus leva sa main sur eux comme pour les bénir.
Marie s’entretint longtemps avec les mages sur le péché originel, sur la
promesse du Rédempteur, sur la sainte Trinité, sur le changement qui
allait s’opérer dans le monde par l’Incarnation.
Je vis les mages écouter la parole de Marie avec le plus profond respect, et
porter tour à tour leurs regards de Marie sur Jésus et de Jésus sur
Marie, sans pour cela paraître distraits aux paroles de Marie.
Quand Marie eut fini de parler, elle mit l’enfant Jésus entre les bras de
chacun des mages. Ils furent heureux au-dessus de toute expression
de cette faveur signalée.
Les mages se retirèrent; je remerciai Marie, je lui demandai d’embrasser
encore le Sauveur enfant; et l'ange, qui m’avait conduite dans la
grotte, me ramena derrière l'autel. Je revins à ma place et je me
retirai.
CHAPITRE X
Trois jours après, je
me sentis attirée près du Saint-Sacrement, je suivis cet attrait et
j’arrivai près de Jésus. Je n’avais point la permission de le
recevoir sacramentellement, mais je m’unis à lui par un grand désir
de communier. Je voulus entrer dans mon cœur pensant y trouver Jésus
sur son trône, comme je l’y trouve souvent. Jésus n’y était point.
Je craignis de l'avoir offensé. Je revins dans mon cœur pour y
chercher encore Jésus. Jésus était absent; mais j'y trouvai mon ange
gardien : « Marie, me dit-il, ne vous attristez point, je vais vous
conduire à Jésus. » Alors mon ange me mena par le chemin que j’avais
suivi trois jours auparavant. Je reconnus Bethléem, mon âme fut
tranquille, et je me dis à moi-même : Nous allons à la grotte du
Sauveur Jésus.
Mon ange était silencieux. Je lui demandai : Allons-nous à la grotte du
Sauveur? Il me répondit : « Le Sauveur n'est plus dans l’habitation
où vous l’avez vu naguère. »
Aussitôt j’entendis des voix de femmes désolées qui pleuraient, et
poussaient des gémissements à me fendre le cœur. Ces voix venaient
de Bethléem. L'ange me dit alors : « Les voix que vous entendez sont
les voix de pauvres mères à qui on arrache leurs enfants pour les
livrer à la mort par ordre du roi Hérode qui, craignant la naissance
du nouveau roi des Juifs, fait tuer à Bethléem et dans les environs
tous les enfants de deux ans et au-dessous. Hâtons nos pas, Marie;
Jésus a fui en Égypte avec sa mère; pressons-nous, nous le
trouverons dans le désert. »
Les campagnes de la Judée disparurent rapidement et nous aperçûmes au loin
Jésus, Marie et Joseph. Cette vue me donna de la force; j’en avais
grand besoin, la chaleur du désert m’avait exténuée de fatigue.
L'ange m’encourageait aussi, et je marchais toujours.
Nous atteignîmes enfin la sainte famille; elle reposait sous un arbre
couvert de fruits et au pied duquel coulait une source d’eau
fraîche. Marie tenait l’enfant Jésus dans ses bras. Je m’approchai
de Jésus et lui dis : Seigneur, voici bien longtemps que je vous
cherchais et je ne vous trouvais point. Il me tendit les bras et je
le pressai sur mon cœur.
Marie s’adressa à moi et me dit : « Ma fille, si vous voulez établir le
royaume de Dieu dans votre cœur, vous trouverez des obstacles
immenses; mais ne vous découragez point. Fuyez le monde, fuyez le
Démon, fuyez loin de vous-même. Vous vous trouverez alors peut-être
dans un désert, mais ce désert ne sera pas sans avoir des charmes
pour vous. Dans ce désert, vous trouverez Dieu et ses consolations,
qui vous sont figurées par cet arbre qui vous abrite des rayons du
soleil et porte des fruits pour vous nourrir, et par cette source
d’eau où vous pourrez vous désaltérer. Vous y trouverez Jésus et
vous m’y trouverez avec lui. Alors ce désert ne sera plus pour vous
un désert, mais une douce oasis, où vous vous reposerez après le
combat, après une longue course, après de rudes épreuves. Ma fille,
allez en paix. »
Je revins à travers le désert et la campagne que j’avais parcourue, en me
félicitant d’avoir trouvé Jésus.
CHAPITRE XI
Un jeudi soir de la
semaine sainte, je me transportai par la pensée sur le haut du
Calvaire. Là, je vis le Sauveur Jésus en croix et Marie debout au
pied de la croix.
Je n’ai jamais vu de spectacle qui m’ait émue de compassion comme celui que
j’eus alors sous les yeux. J’aurais voulu être en croix à la place
de Jésus qui souffrait pour moi; j’aurais voulu consoler Marie qui
venait de sacrifier son Fils pour moi.
Je m’approchai de Marie, et je vis ses yeux s'arrêter sur mes yeux. Son
regard m’arracha des pleurs. Elle vint à moi, essuya mes larmes et
me dit : « Ma fille, j’ai voulu vous montrer l'état dans lequel
m’avait mise la passion de mon Fils et vous faire comprendre tout ce
qu’a souffert mon cœur de mère.
« En ce moment s’est réalisée la parole du saint vieillard Siméon,
m’annonçant qu’un glaive de douleur percerait mon âme. J’avais vu
mon Fils livré par un de ses disciples, conduit par une soldatesque
barbare, flagellé, couronné d’épines, dépouillé de ses vêtements; je
le voyais à cette heure cloué sur la croix élevée entre le ciel et
la terre. Ah! vous ne comprendrez jamais l’excès de mes souffrances
en ce moment de la passion de mon Fils; je souffrais tout ce qu'il
souffrait de la part des soldats, de ses juges, de ses bourreaux;
j'étais crucifiée avec lui. Oui, mon âme et ma bouche disaient bien
haut à Dieu : « Mon Dieu, que ce calice, s'il est possible, passe
loin de moi! » Mais, sachant que par la mort de mon Fils le monde
devait être sauvé, j’ajoutai : « Que votre volonté soit faite et non
la mienne. »
« Combien douloureux a été pour moi le glaive de la justice de Dieu perçant
le cœur de mon Fils, et perçant aussi mon cœur! Sera-t-il jamais
douleur pareille à cette douleur? Combien les âmes rachetées au prix
du sang de mon Fils m’ont coûté cher, ma fille; combien ce rachat
m’a fait souffrir! Il ne m’a point coûté la vie, mais il a coûté la
vie de mon Fils, et, en ce moment, la vie m’était plus douloureuse
que ne l’eût été la mort.
« Telle n'était point la volonté de Dieu; il voulait la mort de mon Fils et
non ma mort, et j'ai vu mourir mon Fils, j'ai supporté, j'ai
conservé ma vie avec soumission à sa sainte volonté.
« Ma fille, vous aurez beaucoup à souffrir dans votre vie; vous aurez
beaucoup de tribulations à supporter : quand vous n’aurez plus ni
force ni courage, venez dans mon cœur, il vous relèvera et vous
soutiendra. Venez dans mon cœur, il vous donnera patience et
soumission; venez dans mon cœur, il vous consolera; venez dans mon
cœur, il guérira toutes vos blessures et vous fera croître par la
patience en mérite devant mon Fils. La souffrance est le chemin du
salut, le sentier qui mène à la patrie, le combat qui assure la
couronne; c'est le signe de ralliement avec mon Fils, c'est le
drapeau des soldats qui marchent sous ses ordres. »
CHAPITRE XII
Un jour du mois de mai,
Marie me dit : « C'est avec raison, ma fille, qu'on m’appelle la
consolation des affligés, le refuge des pécheurs, le salut des
infirmes.
« Je suis la consolation des affligés. Il est des afflictions qui souvent
abattent le cœur de l'homme et lui enlèvent toute sa force. Heureux
ceux qui tournent leurs regards vers moi, parce qu'ils sont
consolés! Pour consoler un affligé, il faut avoir été soi-même dans
l’affliction, parce qu’alors on compatit à sa douleur, et que la
compassion est la clef de la consolation; il faut encore trouver en
soi un objet ou une parole qui soit capable non seulement de faire
diversion avec le motif de l’affliction, mais qui enlève
complètement l’affliction elle-même.
« Or, ma fille, toutes les afflictions ont été en moi, hormis celle du
péché; et bien que celle-ci n’ait point été en moi personnellement,
le péché des autres a été une affliction pour moi, parce qu'il
offense Dieu et qu'il a fait mourir mon Fils. J'ai été exilée de ma
patrie; j'ai perdu le peu que j’avais; j'ai vu mon Fils mourir sur
la croix, et dans ce moment j'ai reçu en moi toutes les afflictions
qu’un coeur puisse éprouver ou supporter. Je saurai donc compatir à
la douleur des amis que la mort sépare, de ceux que la persécution
poursuit, de ceux qui conservent secrètement leur affliction dans
leur cœur sans la manifester, je saurai compatir à toutes les
douleurs.
« Je saurai faire disparaître l'affliction en donnant la soumission à la
volonté de Dieu, en éclairant l’esprit et montrant que toutes choses
passent et disparaissent; que les épreuves, loin d’être un sujet
d’affliction, sont au contraire un sujet de gloire et de bonheur.
Puis, ma parole sera tellement douce, maternelle, affectueuse, qu'il
n’y aura rien de comparable à elle, et qu’elle calmera toute peine
et toute douleur. Elle sera, comme un baume salutaire, d'une
efficacité instantanée qui non seulement guérira la plaie, mais
fortifiera celui qui souffre.
« Je lui donnerai ma parole, je lui donnerai aussi mon Fils, source de toute
joie et principe de tout bonheur sur la terre et dans le ciel.
« Je suis le salut des infirmes. Il y a deux sortes d’infirmités : les
infirmités du corps et celles de l’âme. Je guéris également les unes
et les autres. Ces deux infirmités ont eu pour principe le péché de
l'homme. Le péché a été la cause de toutes les infirmités
corporelles ou morales. Le péché a assujetti l'homme à la mort et
aux diverses maladies qui torturent son corps dans le cours de la
vie; il a tristement incliné l'âme vers le mal, et ce penchant de
l'âme pour le mal est ce qui s’appelle l’infirmité de l'âme.
« Je n'ai jamais commis le péché; jamais le péché n'a eu d’accès dans mon
coeur. J'ai donné, au contraire, naissance à Celui qui s’appelle
Saint; il est venu en moi; il s’est fait chair en mon sein, et cette
habitation m’a accordé d’immenses prérogatives, celle, par exemple,
de guérir ce que l’opposé de la sainteté avait apporté dans l’homme.
J’ai donné au monde son Sauveur, Celui qui l’a racheté du péché, et
j’ai gardé le pouvoir de guérir des suites du péché.
« Je guéris les corps infirmes. Voyez dans le monde, depuis dix-huit
siècles, combien d’infirmes, désespérant du salut de leur vie, ont
recouvré la santé en recourant à moi. Il n'est pas de jour où ma
bonté pour les hommes n’opère ainsi parmi eux des prodiges sur leur
corps; mais j’aime surtout à faire éclater ma puissance sur l'âme.
Combien de jeunes gens et de jeunes filles, combien d’hommes mûrs et
avancés en âge sentent en eux l’infirmité de leur âme, et
l’inclination qui les porte au mal. Ils implorent mon secours, mon
assistance, ma protection, mon appui, et, brisant cette inclination
perverse, je les incline au contraire vers le bien. Au lieu de
regarder la terre, ils regardent le ciel; au lieu d’écouter Satan,
ils écoutent Jésus; au lieu de prêter l’oreille au monde, ils la
prêtent à ma voix, ils marchent dans le bien.
« Je suis le refuge des pécheurs. Les hommes avaient établi autrefois des
villes où les criminels pouvaient se retirer, et l’entrée de ces
villes les rendait inviolables. Je suis aussi une cité de refuge.
Tous les pécheurs, même les plus grands pécheurs, peuvent venir à
moi. Je n’en rejette aucun; je permets à tous d’habiter dans cette
cité qui est moi-même.
« Là, ma fille, ils sont aussi abrités, non pas contre les hommes, mais
contre Dieu; là, ils peuvent se dépouiller et ils se dépouillent
complètement de leurs vices, de leurs crimes, de tout ce qu'il y a
de souillé en eux. Aussi Dieu, qui ne veut pas la mort des pécheurs,
mais leur vie, les respecte parce qu'ils sont sous ma protection. Sa
justice ne les frappe pas; au contraire, il abaisse sur eux des
regards de miséricorde, et voyant qu'ils reviennent à lui dans la
sincérité de leur âme, il les aime de nouveau comme ses enfants, et
les comble de bénédictions.
« Oh! venez tous à moi, vous qui êtes affligés, je vous consolerai; venez à
moi, vous tous qui êtes infirmes, je vous guérirai; venez à moi,
vous tous qui êtes pécheurs, je vous sanctifierai. »
CHAPITRE XIII
Un autre jour du mois
de mai, Marie me dit : « Ma fille, je suis la mère de tous les
hommes et la porte du ciel.
« Je suis la mère de tous les hommes. La première femme qui sortit des mains
de Dieu a été appelée la mère de tous les hommes; mais elle a été
leur mère en les engendrant dans la mort. La première femme de la
seconde création a produit un effet tout contraire : cette femme,
c'est moi. J’engendre tous les hommes à la vie; ceux qui sont venus
avant moi comme ceux qui sont venus après. Ma force génératrice a
une étendue telle, que je puis dire en vérité que pas un n’a eu de
vie qu'il ne l’ait reçue de moi. Si la première femme a recouvré la
vie, après l’avoir perdue, c'est à moi qu’elle l’a due. Ainsi, j'ai
été la mère de la première femme elle-même. Je puis jeter les yeux
sur toutes les générations passées, présentes et à venir, et dire à
toutes : je vous ai donné la vie. Je ne parle pas seulement de la
vie spirituelle, de la vie de l'âme, mais encore de la vie du corps.
Vous allez me comprendre. Ma reconnaissez-vous la qualité de mère?
Je répondis : ;Oui, Marie. — De qui suis-je la mère? De
Jésus-Christ. — Qu’est-ce que Jésus-Christ? — Le Fils de Dieu. —
Suis-je la mère du Fils de Dieu? — Oui Marie. — Qu’est-ce que le
Fils de Dieu? — L’origine et la cause de toutes choses. — A-t-il
créé les hommes? — Oui, Marie. —Suis-je la mère du Fils de Dieu,
créateur des hommes? — Oui, Marie. — Ne suis-je donc pas la mère des
hommes, puisque je suis la mère de Celui qui les a créés? — Oui,
Marie.
« Vous comprenez donc, ma fille, comment je puis dire avec vérité que je
suis la mère de tous les hommes.
« C'est moi qui ai engendré, qui ai produit le Sauveur Jésus, source,
origine, et principe de la génération du monde. Je suis donc
moi-même la source, l’origine, le principe de cette seconde
naissance du monde. Je suis après Dieu, sous Dieu et avec Dieu, la
cause efficiente de cette régénération, puisque j’ai produit le
régénérateur. Je suis mère de Jésus, et Jésus, Fils de Dieu le Père,
qui le produit de toute éternité dans son sein, est aussi mon Fils,
car je l’ai produit dans le temps en mon sein. C'est le même Jésus,
qui est Fils de Dieu et mon Fils et qui, en qualité de Fils de Dieu
et de mon Fils, a régénéré le monde. Ce n'est pas seulement en tant
que Fils de Dieu qu'il a régénéré, mais aussi en tant que mon Fils.
Comme Fils de Dieu, il ne pouvait produire la régénération par la
souffrance; mais je lui ai donné un corps, qui, uni à la divinité, a
eu la puissance régénératrice qu'il a exercée sur les hommes. Or,
vous le savez, ma fille, les hommes régénérés sont les fils de Dieu
le Père, parce qu'ils sont frères de Jésus, et que Jésus est son
Fils. Ne suis-je donc pas aussi la mère des frères de Jésus, puisque
Jésus me reconnaît pour sa mère?
« Oui, je suis mère de tous les hommes; j'ai donné à tous la vie, en leur
donnant l’auteur de la vie qui les a retirés de la mort. Toutes les
nations me proclameront bienheureuse, parce que j'ai été mère de
Jésus. Moi, je me reconnais bienheureuse aussi, parce que j’ai été
mère de tous les hommes. Je suis leur mère, et tous doivent me
ressembler, et je leur ai donné l’exemple pour qu'ils m’imitent dans
leurs pensées, dans leurs paroles, dans leurs actions; dans leurs
pensées, afin que, redonnées à Dieu par la régénération, ils ne
pensent plus qu’à lui et ne se reposent qu’en lui; dans leurs
paroles, afin que leurs paroles ne soient que des hommages à Dieu;
dans leurs actions, afin que leurs actions ne soient que
l’expression de leur soumission à la volonté de Dieu.
« Je suis la mère de tous les hommes. Je leur donne à tous dans la
régénération ressemblance avec moi, et je reconnaîtrai pour mes
enfants ceux qui conserveront cette ressemblance; tous les autres,
mon Fils les repoussera au loin, et ils ne verront jamais la figure
de leur mère.
« Ma fille, je suis la porte du ciel. Ce titre ne peut et ne doit pas être
séparé de celui de mère de tous les hommes.
« Quel est le but d'une porte dans une cité ou dans une habitation? N’est-ce
pas d’y laisser introduire, ou d’en laisser sortir ce qui peut
tourner à l'avantage de cette habitation ou de cette cité?
« S’il en est ainsi, je suis en vérité la porte du ciel; car toutes les
grâces qui sont descendues du ciel sur la terre sont passées par
moi, et pas une n'a été donnée sans qu'elle soit venue de moi.
« Je suis la porte du ciel, car tous ceux qui sont entrées au ciel n'ont pu
y entrer que par moi.
« Je suis la porte du ciel, car j’en ferme l’entrée à tout ce qui est impur
et souillé.
« Je suis la porte du ciel, c'est par moi que la sagesse incréée en est
sortie revêtue d’une chair que je lui ai donnée pour apparaître dans
le monde.
« Je suis la porte du ciel; c'est par moi que cette même sagesse, conservant
la chair qu'elle avait prise en moi, est rentrée dans le ciel.
« Ma fille, c'est par moi que vous recevez toutes ces grâces que mon Fils
Jésus vous accorde. Demeurez toujours unie à moi, et par moi vous
viendrez au ciel remercier Jésus des grâces qu'il vous aura
accordées sur la terre. »
CHAPITRE XIV
Le dernier jour du mois
de mai, Marie me parla ainsi : « Ma fille, je suis la sainte Vierge
des vierges. Le croyez-vous? Je répondis : Oui, Marie. —
Comprenez-vous comment je suis sainte Vierge des vierges? — Non,
Marie. — Savez-vous ce que cela signifie? — Non, Marie. —
Voulez-vous que je vous l’explique? — Oui, Marie, je vous écouterai
avec reconnaissance.
— « Supposez, ma fille, que votre roi, Père de plusieurs enfants, leur donne
à tous un royaume, et qu'il conserve pourtant avec son royaume son
autorité sur les rois ses enfants : quel titre pourrez-vous lui
donner? — Je ne sais, Marie. — Ne pouvez-vous pas l’appeler roi des
rois qu'il a établis? — Oui, Marie.
— « Supposez encore qu'il soit puissant à ce point qu'il commande à tous les
rois de l’Europe, dont il a conquis les royaumes, et qu'il leur a
laissés pourtant, pourvu qu'ils se reconnussent ses tributaires :
pouvez-vous l’appeler roi des rois? — Oui, Marie.
— « De même je suis sainte Vierge des vierges, parce que j’ai donné
naissance à toutes les vierges et que je les surpasse toutes en
mérite et en grandeur.
« Je suis la mère de toutes les vierges, car c'est moi qui, la première, ai
pratiqué la virginité et me suis consacrée à Dieu comme vierge, sans
avoir à ce sujet ni commandement, ni conseil, ni exemple. La
virginité avant moi était un opprobre; j’ai enlevé cet opprobre et
j’ai, par mon exemple, engagé depuis une multitude innombrable de
vierges à la pratiquer. C'est donc mon exemple qui les a engendrées
à cette vie. Je puis donc me regarder comme leur mère et me dire
Vierge des vierges.
« J’ai surpassé toutes les vierges en mérites et en grandeurs. Je les ai
surpassées toutes par ma pureté. Jamais il n'y a eu en moi de tache
originelle, jamais dans le cours de ma vie je n'ai commis le moindre
péché, jamais je ne me suis rendue coupable de la moindre
imperfection. Je les ai surpassées par la fécondité de ma virginité,
car seule parmi les vierges j'ai été fécondée, et ma fécondité n'a
point troublé ma virginité. J'ai enfanté en demeurant vierge, et le
fruit de mes entrailles n'a point été un homme mais un Homme-Dieu.
« Voilà pourquoi, ma fille, je suis appelée la sainte Vierge des vierges.
Suivez mon exemple, ma fille, demeurez toujours vierge dans votre
esprit, je vous donnerai rang parmi les âmes les plus chères à mon
Fils Jésus et à mon cœur. Me promettez-vous de toujours garder la
virginité? Je lui répondis : avec la grâce de Dieu et votre secours,
ô Marie, je le promets. »
Le mois consacré à Marie allait finir. Elle me donna sa bénédiction, me
recommanda à Jésus et je la remerciai.
CHAPITRE XV
Le mois de mai était
terminé; les fidèles ne se réunissaient plus autour de l’autel de
Marie chaque soir à la fin de la journée. Cet autel était néanmoins
plein d’attraits pour moi, et jamais je n’ai quitté l’église sans
avoir fait une prière devant l’image de Marie. Je demeurais
longtemps si mes occupations me le permettaient; je me contentais
d’un Ave Maria quand j'étais pressée. Marie ne venait pas toujours à
moi d’une manière sensible, mais toujours elle faisait éprouver à
mon âme certaine impression de bonheur, de paix et de tranquillité
que je sens, mais que je ne puis exprimer.
Elle me dit un jour : « Ma fille, vous savez combien grande est ma dignité,
puisqu’au titre de Vierge je joins celui de Mère de Dieu. Ces
faveurs si grandes, je ne les ai point méritées. Je les ai reçues
par la pure bonté de Dieu. Aussi, alors même que je me sentais
accablée par les grandeurs que Dieu déposait en moi, je conservais
toujours le souvenir et la pensée de mon néant. Cette pensée me
donnait de la force pour accomplir tout ce que Dieu demandait de
moi, et cette force se soutenait par l’amour qui était dans mon âme.
« Ma fille, si vous voulez m'être agréable, imitez mon humilité, mon courage
et ma charité.
« Imitez mon humilité. Dieu m’avait donné des privilèges bien précieux,
entre tous celui de conserver ma virginité par un miracle de sa
grâce en devenant mère de Dieu. Je ne me laissai point éblouir par
ce merveilleux privilège ni aller à la vaine complaisance envers
moi-même. Je me rappelai, au contraire, que je tenais tout de Dieu,
et que plus il m’avait donné, plus je lui devais de reconnaissance
et de soumission. Vous êtes honorée, vous aussi, ma fille, de grâces
toutes spéciales. Bien loin de vous en enorgueillir, reconnaissez
que vous tenez tout de la bonté de Dieu, que vous devez tout lui
rapporter, qu'il pourrait vous enlever tout ce qu'il a mis en vous,
et que vous n’auriez point le droit de vous plaindre ni de l’accuser
d’injustice. L’injustice serait de vous attribuer ce qu'il vous a
donné.
« Imitez mon courage. Ma fille, mes épreuves ont égalé la grandeur des
grâces que Dieu a mises en moi. Il m’avait rendue mère de Dieu, son
Fils; il m’avait donné pour lui une tendresse de mère : mon Fils,
c'était ma grandeur; mon Fils, c'était ma richesse; mon Fils,
c'était mon tout. Or, depuis le commencement de la vie de Jésus, je
savais que je devais le perdre un jour, je savais qu'il devait être
livré aux mains de ses ennemis et crucifié comme un criminel, je
savais qu'il devait mourir au milieu des plus affreux tourments. La
pensée de la passion de mon Fils était toujours présente à mon
esprit. Quand je caressais son front, je pensais qu'un jour il
serait couronné d’épines; quand je regardais ses mains et ses pieds,
je pensais qu’un jour ils seraient percés de clous; quand je sentais
battre son cœur, je pensais à la lance du soldat romain. Je le
voyais en croix, en proie aux plus vives douleurs, abreuvé de fiel
et de vinaigre, insulté et tourné en dérision par le peuple, et,
dans cet état, remettre son esprit entre les mains de Dieu son Père.
Mon cœur de mère était toujours percé par un glaive de douleur à la
pensée de ces souffrances de mon Fils. Néanmoins, je ne me laissai
pas abattre. Je savais que telle était la volonté de Dieu, que telle
était la volonté de mon Fils; j’unissais ma volonté à leur volonté,
et je demeurais ferme et pleine de courage dans ce martyre quotidien
de mon amour maternel.
« Quel que soit le sacrifice que Dieu demandera de vous, quelque pénible
qu'il puisse être pour votre corps, pour votre cœur ou pour votre
esprit, faites-le avec courage, en pensant qu'il pourrait vous
demander plus encore et que vous ne sauriez jamais lui donner assez.
« Imitez ma charité. Mon amour pour Dieu s’accroissait chaque jour pendant
que j'étais sur la terre, et chaque jour je faisais de nouveaux
efforts pour l’augmenter davantage.
« Mon amour pour les hommes a été si grand, que j’ai sacrifié pour eux ce
que j'avais de plus cher, mon Fils Jésus.
« Aimez Dieu toujours de plus en plus, aimez votre prochain comme vous-même,
et faites tout ce qui dépendra de vous pour être agréable à votre
Dieu et à votre prochain.
« Si vous m’imitez ainsi, je vous donnerai ma protection et mon amour. »
CHAPITRE XVI
Je me présentai un
jour, selon ma coutume, à Jésus pour recevoir ses instructions. Il
demeura sans parole. J’attendis avec patience et soumission à sa
volonté, mais inutilement. Je me sentis alors attirée vers l’autel
de Marie. Elle me dit : « Ma fille, vous n’entendrez pas aujourd’hui
la voix de Jésus, mais vous entendrez celle de sa Mère. J’ai, ma
fille, deux recommandations à vous faire.
« La première, c'est d’être toujours fidèlement soumise à la volonté de mon
Fils. Faites tout ce qu'il vous dira, et soyez persuadée que
l'accomplissement de sa volonté tournera à votre avantage et à la
gloire de Dieu. Écoutez sa parole avec attention, conservez-la
fidèlement dans voter cœur comme je le faisais quand j’étais sur la
terre. Voyez quelle disproportion il existe entre vous et lui pour
la perfection de vos pensées, de vos sentiments et de vos actes.
Cherchez à vous rapprocher de lui le plus possible, à l’imiter, à le
copier, à vous transformer en lui. Vous n’atteindrez jamais sa
perfection, parce qu'il est Dieu et que vous êtes créature; mais
vous devez tâcher de vous élever aussi haut qu'il voudra vous le
permettre.
« La seconde recommandation que j'ai à vous faire, ma fille, c'est de vous
rappeler toujours que je suis votre mère, que j’ai pour vous un
amour véritablement maternel. Soyez à mon égard pleine de confiance.
Venez à moi dans vos besoins, dans vos nécessités, dans vos peines,
dans vos afflictions, dans toutes vos épreuves; venez à moi et
j’accourrai vers vous. Vous savez, ma fille, que je ne me fais pas
longtemps attendre, que je ne demande pas de longues prières, qu'un
seul mot parti du coeur me suffit. Venez à moi, comme un enfant,
avec simplicité, candeur, confiance; traitez-moi comme votre mère,
je vous traiterai comme ma fille; aimez-moi comme votre mère, je
vous aimerai comme mon enfant. Ne m’appelez désormais que votre
mère, je ne vous appellerai que ma fille; donnez-moi tout ce qui
vous appartient, je vous donnerai tous mes trésors du ciel.
« Soyez soumise à mon Fils, ayez confiance en moi et vous marcherez sûrement
dans la perfection. Ma fille, je vous aime et vous bénis, allez en
paix. »
Gloire à Jésus pour toujours au saint sacrement de l’autel. Amen.
SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/
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