6
La Passion de Jésus
Dans son
message du 1er
août 1843, (Lettre 11) Marie Lataste décrit un Tabernacle
Admirable où elle reçoit de grandes faveurs de Dieu. "Ce
Tabernacle Admirable,
centre merveilleux de la lumière et des connaissances
intérieures et spirituelles est comme un appartement tout
spirituel... "
dans lequel se retire son âme.
Là, il y a une grande croix grandeur nature, qui repose sur un
beau piédestal, lequel semble de marbre ainsi que la croix; mais
ce n'est pas du marbre, parce que tout y est spirituel.
Il y a dans ce
Tabernacle Admirable, venant de la Croix comme d’une source
intarissable, des lumières et des connaissances qui portent vers
Dieu. Marie Lataste ne peut entrer dans ce Tabernacle Admirable
que lorsque le Seigneur le veut, pour y recevoir les
instructions qui s'y donnent, quoique sans paroles. Ces
instructions sont sans paroles, mais l'âme voit les choses si
clairement qu'elle s’instruit, comme si elle entendait parler,
des étonnants mystères qui sont devant elle.
C'est, entre
autres, dans ce Tabernacle Admirable que Marie Lataste méditera
sur la Passion de Jésus, dont la cause est notre péché.
6-1-Jésus en
croix nous montre l’énormité du péché
Le 7 août 1843
(Lettre 12) Marie Lataste expose une expérience particulière
qu'elle a beaucoup de mal à décrire, car elle entendit sans
qu’on proférât une parole, et cela était bien plus l’effet d’un
éclat de lumière que de voix clairement et distinctement
articulées. La Passion de Jésus est l'un des sujets de
méditation de Marie. Elle ne prépare pas ses sujets de
méditation; elle obéit à un attrait particulier, et c'est pour
elle une source et une force inépuisables pour marcher dans la
vertu.
Un jour, s'étant
mise à genoux pour faire sa méditation, selon l’attrait qui lui
était donné, elle se sentie portée, avec violence, à considérer
Jésus attaché à la croix. Elle explique au Père Darbins:
"Pendant que mon corps me semblait d'un poids et d'une lourdeur
accablants, mon âme semblait avoir une nouvelle vie. Elle se
trouva dans le centre de la lumière et des connaissances du
Tabernacle Admirable. Mon Dieu, que de lumières et que de
connaissances! Je les vis toutes immédiatement dans leur
ensemble, mais je ne pus les supporter ensuite dans leur détail;
elles débordèrent mon âme qui dut nécessairement se retirer...
Je suppose que
le Sauveur avait d’abord voulu me montrer comme un plan général
des méditations qu'il voulait que je fisse ensuite séparément et
chaque jour..." Jésus en croix lui fit comprendre:
1-la grandeur et
l’énormité du péché,
2-que Jésus en
croix est pour nous le modèle de toutes les vertus,
3-que Jésus en
croix fait connaître la justice et la miséricorde du Père.
6-1-1-La
grandeur et l’énormité du péché
Marie considère le
péché en lui-même et dans sa nature intime: injures et outrages
faits à Dieu, causes de tous nos maux, spirituels et temporels.
Elle écrit: "C'était une parole sans voix et une voix sans
parole, et je n’ai point de parole pour exprimer cette voix, ni
de voix pour rendre cette parole..." Marie, ne peut que
s'exclamer: "Ô Jésus en croix, salut de mon âme, salut du
monde, réparateur de l’injure faite à Dieu! Ô Jésus en croix,
Dieu mort pour mes péchés! délivrance de mes iniquités... témoin
éclatant et glorieux du pardon de Dieu le Père... libérateur du
genre humain! Ô croix de Jésus, bouclier contre Satan, le monde
et les passions!... arc-en-ciel de la miséricorde de Dieu! Ô
Jésus en croix, ce sont mes péchés qui vous ont fait mourir! Que
je sois à jamais près de vous, avec vous, en vous!... "
Marie dut alors sortir du Tabernacle Admirable.
6-1-2-Jésus
en croix modèle de toutes les vertus
Le 9 août 1843,
(Lettre 13), Marie Lataste fut conduite, pendant plusieurs
jours, dans le Tabernacle Admirable pour contempler Jésus en
croix, modèle de toutes les vertus. Il lui est impossible
d'exprimer ce qu'elle a compris de l'amour de Jésus-Christ pour
tous les hommes, y compris pour ses bourreaux, ni de montrer le
tableau des lumières et des connaissances diverses qui se sont
faites autour de cette parole écrite en lettres de feu dans le
Cœur de Jésus: "J’ai soif!" Elle n’entend ni la voix ni
la parole du Sauveur, mais elle voit, comprend et a
l’intelligence de ce qui se présente à elle, sur l’amour de
Jésus-Christ pour son Père, amour qui lui fait prendre un corps
et une âme semblable à notre âme, pour vivre d’une vie pareille
à notre vie et qui le fait mourir sur la croix, pour offrir à
Dieu un sacrifice digne de lui.
Marie admire la
soumission entière et parfaite du Sauveur Jésus à la volonté de
son Père, et son désir infini de réparation de la gloire de son
Père. Elle écrit: "C'était la soif de notre salut, du salut
des pauvres pécheurs dont il était dévoré. Il aurait voulu
pouvoir dire à tous comme il le dit au bon larron: 'Aujourd'hui,
vous serez avec moi dans le paradis.' C'était là le désir de son
cœur... qu'il manifestait dans cette parole d'un Dieu mourant
pour la rédemption des hommes: 'J’ai soif!'
Il est
impossible, dit-elle, que j’essaie de vous exprimer
l’humilité de Jésus en croix... anéanti dans les supplices et la
mort. Il est impossible que j’essaie de vous exprimer son
obéissance qui le soumet à ses bourreaux, sa patience qui
l’empêche de se plaindre, sa douceur qui en a fait dans ses
supplices l’Agneau de Dieu effaçant les péchés des hommes.
Chacune de ces vertus de Jésus en croix m'a retenue un jour en
oraison devant mon Sauveur... On ne peut rendre par une parole
extérieure, sensible, une parole insensible et intérieure...
reçue dans l’éclat d'une lumière sortie de la croix..."
6-1-3-Jésus
en croix révèle la justice du Père et sa miséricorde
La lettre du 14
août 1843 (Lettre 14) est une très longue lettre. Jésus en
croix, modèle de toutes les vertus, fait connaître la justice de
son Père, et cette connaissance est l’effroi du pécheur
impénitent. Cette méditation de Marie Lataste la retint trois
jours, à l'heure de son oraison, dans le Tabernacle Admirable.
Cependant, bien que la justice de Dieu apparaisse dans Jésus en
croix, cette vue de la justice de Dieu n'a brillé que pendant un
court instant seulement, et il ne fut point permis à Marie de
s’y arrêter. Son intelligence et son cœur se portèrent sur
l’effroi que doit causer au pécheur impénitent Jésus crucifié.
Marie écrit au Père
Darbins: "Jésus en croix est la victime sur laquelle Dieu a
exercé la rigueur de sa justice et la sévérité de ses jugements.
Or, Jésus était juste et il n’avait en lui que l’apparence du
péché pour lequel il venait mourir afin de sauver le monde. Que
doit donc attendre le pécheur impénitent qui ne veut point
renoncer à son péché, et que la mort frappera à l'heure où il y
pensera le moins?" C'est ce qu'aperçut Marie le premier
jour, dans le Tabernacle Admirable.
Et voici
l’enseignement que son esprit puisait dans cette vue. "Jésus
était juste, saint et impeccable. Le cœur de Jésus ne pouvait
ressentir l’impression d’aucun vice, d’aucune mauvaise
inclination, ni de la plus petite imperfection, tandis que les
saints, même les plus grands saints... ont éprouvé en eux ces
impressions, bien qu'ils n’en aient pas été les victimes... La
divinité qui remplissait le Cœur de Jésus y enfermait la
sainteté parfaite de Dieu, et repoussait tout ce qui n'était pas
saint...
L’esprit de
Jésus, éclairé de la lumière même de la divinité lui donnait la
plus entière conformité... à la sainteté de Dieu, pour qu'il fût
l’esprit de l’Homme-Dieu. L'âme de Jésus, remplie par la
divinité d’une manière très intime était tout absorbée dans la
divinité, devenant une même chose avec elle, et pourtant, sans
confusion, en conservait toutes ses puissances. L'âme de Jésus
était, comme celle des autres hommes, douée des mêmes facultés,
l’entendement, la mémoire, la volonté et la raison; mais ces
facultés étaient divinisées dans le Sauveur Jésus.
6-1-4-Comment
Jésus est Dieu et homme (Lettre
14)
Et voici un
étonnant cours de théologie. Incontestablement Marie Lataste,
petite jeune fille de la campagne, sachant tout juste lire,
écrire et compter, âgée seulement de vingt et un ans, était bien
incapable d'écrire seule, la longue dissertation consacrée à la
nature humaine et divine de Jésus. Nous ne rapporterons
ci-dessous, que les idées essentielles.
"Le corps de
Jésus était pur et saint, car son âme étant pleine de grâces...
Participant aux perfections de la divinité... il ne pouvait se
conduire que d'une manière divine. Car c'est l'âme qui est le
guide du corps, qui le fait agir et opère par lui ce qu'elle
veut. Or, l'âme de Jésus, divinisée, divinisait son corps par
son union avec lui. Dans le corps de Jésus se trouvait la
divinité du Verbe de Dieu... Donc, l’âme de Jésus divinisée,
son corps et sa divinité étaient si parfaitement unis, qu’ils ne
formaient qu'une seule personne, la personne du Fils de Dieu
fait homme: personne juste, sainte et impeccable.
En Jésus il a
trois substances: la substance divine, la substance de l'âme et
la substance du corps. Ces trois substances font deux
natures, la nature divine et la nature humaine. Ces deux
natures font une seule personne, la personne du Fils de
Dieu fait homme, qui s’appelle Jésus-Christ... Pour que l'homme
existe, il faut qu'il y ait union entre le corps et l'âme,
lesquels se conservent sans se confondre, car l'âme ne devient
point matière ni le corps un esprit. Ils se conservent
mutuellement, et leur union compose l'homme.
Jésus-Christ
est vraiment homme. Il est homme uni à la
divinité. L'union de la nature divine avec la nature humaine
ne fait point que la nature humaine soit confondue avec la
nature divine. La nature humaine est parfaitement conservée en
Jésus-Christ, sans cela il ne serait point homme. La nature
divine ne se confond point avec la nature humaine par son union
avec le corps et l'âme de Jésus-Christ, mais elle se conserve
telle qu'elle a été de toute éternité... Ainsi la réunion de la
nature divine et de la nature humaine forment, sans se
confondre, une seule personne, la seconde personne de la sainte
Trinité faite homme pour nous.
Tel est
Jésus-Christ, Dieu et homme en même temps, et par conséquent
infiniment juste, infiniment saint, infiniment impeccable. Tel
est Jésus-Christ, en qui rien ne peut déplaire à Dieu son Père,
dont il est la splendeur et la gloire. Tel est Jésus-Christ, la
justice et la sainteté par excellence. En lui par conséquent
rien ne méritait le courroux de Dieu son Père, et c'est lui que
je vois en croix, c'est lui que je vois victime de la sévérité
des jugements de Dieu. Il n'y a en lui que l’apparence de nos
péchés, dont il a voulu se charger, et cependant quelles
rigueurs, quelles punitions, quelles vengeances Dieu exerce sur
lui! Tous les maux que le péché a attirés sur le monde pèsent
sur lui, le torturent et l’accablent."
6-1-5-Les
mérites de Jésus en croix
Marie Lataste ne
peut que s'inquiéter: "Si le Juste et le Saint des saints est
ainsi traité, que sera-ce du pécheur coupable et impénitent, qui
s’abandonne à toutes ses passions, qui se fait un plaisir
d’offenser Dieu... qui l’oblige à le frapper par son obstination
dans le mal et son impénitence? Malédiction éternelle de
Dieu!... Le lendemain, je vis combien Jésus en croix doit
épouvanter le pécheur impénitent qui abuse du sang de son
Sauveur, en refusant de se convertir.
Jésus-Christ,
par sa mort et les mérites de sa mort, nous a obtenu les grâces
qui nous sont nécessaires pour opérer notre salut. Les
sacrements et les actes de religion sont la source où nous
pouvons aller puiser ces grâces. Que fait le pécheur impénitent?
Il néglige ces grâces qui lui sont offertes. Elles sont là
devant lui pour le retirer de la mort et lui donner la vie, et
il refuse la vie pour rester dans la mort. Ô folie et
aveuglement du pécheur!... Il abuse de ces grâces en les
négligeant et en les profanant... Le péché est un effet de la
faiblesse humaine; mais la persévérance dans le péché n'est-elle
point un effet d'une malice satanique?...
Jésus-Christ,
par sa mort... a donné à Dieu la satisfaction que l'homme ne
pouvait lui donner. Mais... l'homme doit faire ce qui lui est
imposé... et donner à Dieu la satisfaction qu’il veut agréer de
sa part, après la satisfaction de son Fils sur la croix. Or, la
première satisfaction que Dieu demande à l'homme, c'est le
repentir et l’intention de ne plus pécher. Dieu connaît la
faiblesse de l'homme, aussi est-il disposé à lui pardonner ses
fautes, dès qu'il a le repentir dans son âme...
Certes, ô mon
Dieu, ajoute Marie Lataste, je ne peux, par moi-même
faire autre chose que pécher et vous offenser, mais je ne veux
point persévérer dans le péché, je ne veux point résister à
votre grâce. Je veux recueillir de votre bouche paternelle le
pardon que vous m’offrez. Sauveur Jésus, réparateur des péchés
de mon âme, vous avez eu pitié de moi, je veux du moins ne pas
rendre inutiles vos souffrances et vos douleurs... Je déteste
mes péchés... Je veux m’unir à vous, vivre de vous, en vous et
pour vous. Mon Dieu, grâce pour moi, et que je vous aime
à jamais!
6-1-6-La
mort du pécheur
Le troisième jour,
Marie Lataste "voit" dans sa méditation combien Jésus en croix
est la terreur des pécheurs impénitents. Elle "voit" l’effroi de
ce pécheur avant sa mort; elle le "voit" aussi dans l’enfer, et
elle est saisie d’effroi. Elle décrit la mort d'un pécheur
impénitent: "Quels moments que ceux qui précèdent la mort
d'un pécheur impénitent... quelles terreurs en son esprit, quels
regrets en son cœur, quel désespoir insoutenable! Il voit...
toutes les séductions de sa vie; il n’en reste plus rien...
voici la mort. Toute sa vie est comme un tableau devant ses
yeux. Il la regarde et il tremble... et il désespère...
Pauvre pécheur,
s'il avait plutôt regardé Dieu et sa miséricorde, Dieu et sa
bonté paternelle, Jésus et sa croix, Jésus et ses blessures,
Jésus et son Cœur ouvert, Jésus et son sang, les âmes pieuses
qui prient pour lui, qui ne désespèrent point de la générosité
de Dieu, les âmes pieuses qui font une sainte violence à la
justice divine; s'il savait lancer une parole de repentir, une
parole d'amour, une parole de supplication vers le ciel, il
serait sauvé! Mais non, ses yeux sont fermés et ne voient point
la miséricorde de Dieu... Ses yeux sont fermés, et cependant il
voit la justice de Dieu... Il voit la croix de Jésus, non comme
un instrument de salut, mais comme une verge éternelle qui le
torturera à jamais... Sa bouche ne demande point pardon, elle ne
prononce que des blasphèmes et des malédictions... Quelle
agitation, quel trouble, quels mouvements affreux en tout son
être!
Pauvre pécheur!
On veut le consoler, mais les consolations ne pénètrent point
dans son cœur... Il voit entre Dieu et lui une distance infinie
qu'il ne pourra franchir jamais, et il s’affaisse sous le poids
de ses iniquités. Quels moments et quelles souffrances!"
Marie Lataste vit
d'autres pécheurs impénitents n’éprouver à cette heure ni peine
ni remords... Leur trépas ressemblait à celui des animaux sans
raison. Mais quel réveil! Et Marie Lataste suivit ces pécheurs
dans le lieu de leur supplice. Elle écrit: "Comment exprimer
leur état, leurs peines, leurs tourments, leurs afflictions dans
ce lieu d’éternelle douleur!... Ils comprennent que Dieu seul
pouvait être leur bonheur et qu'ils en sont séparés pour jamais,
et cette pensée fait leur premier et plus cruel tourment... Ils
voient la grandeur et l’énormité de leurs péchés, les grâces et
les moyens de salut que Dieu leur avait ménagés et dont ils
n'ont point profité. Le remords le plus cuisant, parce qu'il est
inutile et sans remède, fait leur second et insupportable
tourment."
Marie décrit
ensuite les maux qui accablent les pécheurs non repentis: ils
n’auront jamais de fin... Leur désespoir leur fait pousser des
cris et des hurlements affreux, des blasphèmes et des cris de
haine contre eux-mêmes, contre ceux qui les ont entraînés au
mal!
Marie fut très
effrayée et put à peine considérer la violence du feu de ces
abîmes, et la fureur des démons à tourmenter les damnés dans
tous leur sens. Elle implore la miséricorde de Dieu. Les maux
que Dieu nous envoie sont un effet de sa miséricorde. Et le
souvenir des peines de l’enfer, font que pour Marie ses
souffrances de la terre ne sont qu'un fardeau léger. Elle
supplie: "Que je souffre, ô Jésus crucifié, et que je vous
aime toujours! Que mon corps et mon âme soient affligés par
toutes les épreuves les plus fortes et les plus pénibles; mais
qu'à ce prix mon cœur vous demeure attaché, qu'il ne soit jamais
séparé de vous, qu'il n’ait pour vous qu’amour et
reconnaissance, même au milieu de mes plus grandes
tribulations!"
6-1-7-La
miséricorde de Dieu
Certes, Marie n'a
pu exprimer à son directeur la lumière qu'elle a vue; Dieu seul
la montre; elle n'a pu marquer en leur perfection les
enseignements reçus: Dieu seul pourrait le faire. Elle n'a pu
tracer les sentiments de son cœur pendant ces heures de
communications intimes avec Jésus: c'est là le secret du Roi.
Elle a seulement essayé d'obéir à ce qui lui était commandé.
Après cette parenthèse, Marie peut dire comment Jésus en croix
lui a fait reconnaître la miséricorde de Dieu. elle raconte:
"La miséricorde
de Dieu me fut manifestée de trois manières dans le Tabernacle
Admirable par la vue de Jésus en croix.
La
miséricorde de Dieu se manifeste dans les biens
qu'elle nous donne, dans les maux qu'elle nous envoie, et
dans la félicité qu'elle nous accorde dans le ciel. Or,
Jésus en croix manifeste ce triple aspect de la miséricorde de
Dieu. Le péché avait mis au commencement un mur de séparation
entre Dieu et l'homme... L'homme était séparé de Dieu par une
distance infinie, le péché. Mais Jésus vint sur la terre, monta
sur l’arbre de la croix, rendit réparation pour le péché de
l'homme, et la miséricorde continua son œuvre, en donnant à
l'homme des grâces encore plus abondantes.
La
miséricorde de Dieu se manifeste dans les maux qu'il
nous envoie... Les maux que Dieu nous envoie sont des traits de
sa justice mais ces traits ne sont point mortels, ils sont au
contraire cause de vie, parce qu'ils sont trempés dans les
eaux de la miséricorde et attirent les grâces de Dieu. C'est
de Jésus en croix que nous recevons cette effusion de la
miséricorde de Dieu; c'est lui qui demande pardon à Dieu pour
nos péchés... Ces maux sont une participation à ses douleurs et,
unis à elles, ils nous sanctifient et expient nos péchés.
Enfin, la
miséricorde de Dieu se manifeste en nous donnant
le bonheur du ciel. C'est encore Jésus en croix qui
manifeste sous ce rapport la miséricorde de Dieu, car c'est par
sa croix qu'il a fermé les portes de l’enfer et ouvert celles du
ciel. C'est par sa croix qu'il nous a délivrés de l’esclavage de
Satan et rendus fils de Dieu.
Ô Croix de
Jésus, mystère dans le temps! Mystère dans l’éternité! Jésus en
croix, vous ravissez nos cœurs sur la terre! Vous captivez nos
esprits sur la terre! Vous attirez tous nos regards! Jésus en
croix, vie de notre vie! Jésus en croix, mort de notre mort!
Jésus en croix, bonheur et félicité de l'âme sur la terre! Jésus
en croix, espoir du bonheur et de la félicité du ciel!... Croix
de Jésus, repos des âmes dans le ciel... à vous gloire à jamais!
Ô Jésus en croix, que mon âme se consume à vous aimer! Ô
croix de Jésus, que je vous porte... toute ma vie, tous les
jours, et qu’avec vous je me présente à Dieu pour lui demander
miséricorde pour l’éternité."
6-2-Les
souffrances de Jésus durant sa Passion
Le 19 août 1843
(Lettre 15) Marie rapporte ce qu'elle a éprouvé un jour dans le
Tabernacle Admirable à la vue de Jésus en croix. Elle vit dans
le Sauveur deux sortes de souffrances: les souffrances du corps
et les souffrances de l'âme. Le corps de Jésus lui parut affligé
de tous les maux, de toutes les douleurs les plus aiguës qu'il
soit possible d’imaginer. C'était un océan de toutes les
souffrances des hommes à cause de leurs péchés. Mais la pire de
ses souffrances, c'était la soif qui le brûlait. Marie écrit:
"Mon cœur était brisé; en le voyant en cet état, mes yeux ne
pouvaient se détacher de lui, et je souffrais mille morts en le
voyant souffrir. J’aurais voulu le détacher de la croix pour
mourir à sa place, pour souffrir ce qu'il souffrait, car je ne
pouvais me faire illusion, Jésus est innocent et je ne suis
qu'une misérable pécheresse; c'est pour moi qu'il est en croix;
c'est moi qui l’ai attaché en croix. Ô péché de mon âme! quelle
est ton œuvre!"
Soudain, la lumière
qui entourait la croix du Tabernacle Admirable devint plus
éclatante. Le corps de Jésus était comme un océan immense, sans
limites, d’où s’échappaient toutes les épreuves et toutes les
peines des hommes de tous les temps passés, présents et à venir.
Mais en même temps, il lui semblait qu'une vertu divine
changeait ces tribulations en une joie éternelle.
Marie écrit encore:
"Le corps de Jésus m’apparut en même temps comme un océan
immense où affluaient toutes les peines de l'humanité entière
pour l’accabler lui seul... mais il était Dieu et sa force
divine contenait tous ces maux dans le corps et l'âme qu'il
avait pris. La voix de Jésus se fit entendre, ou plutôt je
compris sans qu'il parlât, ce que je puis à peu près rendre par
ces paroles: 'Je suis le roi de la douleur, le maître des
souffrances... J'ai conquis ma couronne sur la croix, ma
domination par ma mort et mon autorité par ma résurrection. Ceux
qui veulent être couronnés avec moi doivent porter ma couronne
d’épines; ceux qui veulent régner avec moi doivent mourir de la
mort que je leur destine chaque jour de la vie... C'est moi qui
envoie à chacun ses épreuves, qui en règle la durée comme
l’intensité... Je n’avais point besoin de souffrir pour moi.
C'est par amour pour les hommes qui ont tous péché, que j'ai
souffert... Ils doivent souffrir pour expier leurs péchés, en
union avec mes souffrances... '
Je vis aussi...
poursuit Marie, que la plus grande douleur d'une âme, c'est
l’abandon de tous ceux qu'elle aime. S'il en est ainsi, comment
représenter la douleur de l'âme du Sauveur?... Jésus était
abandonné de tous, même de son Père... Et à ce moment-là, seule
la divinité de Jésus trouvait en son Père l’amour éternel qu'il
a eu et qu'il aura toujours pour elle; mais l'âme de Jésus ne
trouvait qu'une rigueur extrême et inflexible en Dieu...
L’abandon de l’Homme-Dieu! Jésus seul peut comprendre tout ce
qu'il y avait de pénible en cet état de son humanité abandonnée
par Dieu son Père.
Jésus était
abandonné de toutes les créatures... Il voyait pourtant quelques
personnes debout près de lui, qui prenaient part à ses douleurs;
mais leurs peines l’affligeaient bien plus qu'elles ne le
consolaient... Il voyait Marie, sa Mère qui, en union avec lui,
offrait à Dieu son sacrifice, et dont l'âme était véritablement
traversée par un glaive de douleur. Il voyait l’apôtre
bien-aimé, le disciple seul demeuré fidèle...
Quelles douleurs
en Jésus! Quel calme cependant en sa douleur! Il garde le plus
profond silence: silence de miséricorde pour ses bourreaux,
silence de soumission pour son Père. S’il le rompt, c'est par
charité pour sa mère et son disciple bien-aimé... par pitié pour
le larron pénitent... pour accomplir les prophéties... pour
remettre son âme entre les mains de son Père... pour enfin
témoigner que la vie lui appartient et que nul ne pourrait la
lui ravir..."
Marie comprend
alors la nécessité de souffrir pour fuir le péché, et de se
soumettre à la volonté de Dieu... "
|