CHEMIN DE SAINTETÉ

adveniat regnum tuum

Deuxième partie
LES LETTRES
DE Marie Lataste
(1822-1847)

6
La Passion de Jésus

 

Dans son message du 1er août 1843, (Lettre 11) Marie Lataste décrit un Tabernacle Admirable où elle reçoit de grandes faveurs de Dieu. "Ce Tabernacle Admirable[1], centre merveilleux de la lumière et des connaissances intérieures et spirituelles est comme un appartement tout spirituel... "  dans lequel  se retire son âme. Là, il y a une grande croix grandeur nature, qui repose sur un beau piédestal, lequel semble de marbre ainsi que la croix; mais ce n'est pas du marbre, parce que tout y est spirituel.

 

Il y a dans ce Tabernacle Admirable, venant de la Croix comme d’une source intarissable, des lumières et des connaissances qui portent vers Dieu. Marie Lataste ne peut entrer dans ce Tabernacle Admirable que lorsque le Seigneur le veut, pour y recevoir les instructions qui s'y donnent, quoique sans paroles. Ces instructions sont sans paroles, mais  l'âme voit les choses si clairement qu'elle s’instruit, comme si elle entendait parler, des étonnants mystères qui sont devant elle.

 

C'est, entre autres, dans ce Tabernacle Admirable que Marie Lataste méditera sur la Passion de Jésus, dont la  cause est notre péché.

 

6-1-Jésus en croix nous montre l’énormité du péché

 

Le 7 août 1843 (Lettre 12) Marie Lataste expose une expérience particulière qu'elle a beaucoup de mal à décrire, car elle entendit sans qu’on proférât une parole, et cela était bien plus l’effet d’un éclat de lumière que de voix clairement et distinctement articulées. La Passion de Jésus est l'un des sujets de méditation de Marie. Elle ne prépare pas ses sujets de méditation; elle obéit à un attrait particulier, et c'est pour elle une source et une force inépuisables pour marcher dans la vertu.

 

Un jour, s'étant mise à genoux pour faire sa méditation, selon l’attrait qui lui était donné, elle se sentie portée, avec violence, à considérer Jésus attaché à la croix. Elle explique au Père Darbins: "Pendant que mon corps me semblait d'un poids et d'une lourdeur accablants, mon âme semblait avoir une nouvelle vie. Elle se trouva dans le centre de la lumière et des connaissances du Tabernacle Admirable. Mon Dieu, que de lumières et que de connaissances! Je les vis toutes immédiatement dans leur ensemble, mais je ne pus les supporter ensuite dans leur détail; elles débordèrent mon âme qui dut nécessairement se retirer...

 

Je suppose que le Sauveur avait d’abord voulu me montrer comme un plan général des méditations qu'il voulait que je fisse ensuite séparément et chaque jour..." Jésus en croix lui fit comprendre:

1-la grandeur et l’énormité du péché,

2-que Jésus en croix est pour nous le modèle de toutes les vertus,

3-que Jésus en croix fait connaître la justice et la miséricorde du Père.

 

          6-1-1-La grandeur et l’énormité du péché

 

Marie considère le péché en lui-même et dans sa nature intime: injures et outrages faits à Dieu, causes de tous nos maux, spirituels et temporels. Elle écrit: "C'était une parole sans voix et une voix sans parole, et je n’ai point de parole pour exprimer cette voix, ni de voix pour rendre cette parole..." Marie, ne peut que s'exclamer: "Ô Jésus en croix, salut de mon âme, salut du monde, réparateur de l’injure faite à Dieu! Ô Jésus en croix, Dieu mort pour mes péchés! délivrance de mes iniquités... témoin éclatant et glorieux du pardon de Dieu le Père... libérateur du genre humain! Ô croix de Jésus, bouclier contre Satan, le monde et les passions!... arc-en-ciel de la miséricorde de Dieu! Ô Jésus en croix, ce sont mes péchés qui vous ont fait mourir! Que je sois à jamais près de vous, avec vous, en vous!... " Marie dut alors sortir du Tabernacle Admirable.

 

          6-1-2-Jésus en croix modèle de toutes les vertus

 

Le 9 août 1843, (Lettre 13), Marie Lataste fut conduite, pendant plusieurs jours, dans le Tabernacle Admirable pour contempler Jésus en croix, modèle de toutes les vertus. Il lui est impossible d'exprimer ce qu'elle a compris de l'amour de Jésus-Christ pour tous les hommes, y compris pour ses bourreaux, ni de montrer le tableau des lumières et des connaissances diverses qui se sont faites autour de cette parole écrite en lettres de feu dans le Cœur de Jésus: "J’ai soif!" Elle n’entend ni la voix ni la parole du Sauveur, mais elle voit, comprend et a l’intelligence de ce qui se présente à elle, sur l’amour de Jésus-Christ pour son Père, amour qui lui fait prendre un corps et une âme semblable à notre âme, pour vivre d’une vie pareille à notre vie et qui le fait mourir sur la croix, pour offrir à Dieu un sacrifice digne de lui.

 

Marie admire la soumission entière et parfaite du Sauveur Jésus à la volonté de son Père, et son désir infini de réparation de la gloire de son Père. Elle écrit: "C'était la soif de notre salut, du salut des pauvres pécheurs dont il était dévoré. Il aurait voulu pouvoir dire à tous comme il le dit au bon larron: 'Aujourd'hui, vous serez avec moi dans le paradis.' C'était là le désir de son cœur... qu'il manifestait dans cette parole d'un Dieu mourant pour la rédemption des hommes: 'J’ai soif!'

 

Il est impossible, dit-elle, que j’essaie de vous exprimer l’humilité de Jésus en croix... anéanti dans les supplices et la mort. Il est impossible que j’essaie de vous exprimer son obéissance qui le soumet à ses bourreaux, sa patience qui l’empêche de se plaindre, sa douceur qui en a fait dans ses supplices l’Agneau de Dieu effaçant les péchés des hommes. Chacune de ces vertus de Jésus en croix m'a retenue un jour en oraison devant mon Sauveur... On ne peut rendre par une parole extérieure, sensible, une parole insensible et intérieure... reçue dans l’éclat d'une lumière sortie de la croix..."

 

          6-1-3-Jésus en croix révèle la justice du Père et sa miséricorde

 

La lettre du 14 août 1843 (Lettre 14) est une très longue lettre. Jésus en croix, modèle de toutes les vertus, fait connaître la justice de son Père, et cette connaissance est l’effroi du pécheur impénitent. Cette méditation de Marie Lataste la retint trois jours, à l'heure de son oraison, dans le Tabernacle Admirable. Cependant, bien que la justice de Dieu apparaisse dans Jésus en croix, cette vue de la justice de Dieu n'a brillé que pendant un court instant seulement, et il ne fut point permis à Marie de s’y arrêter. Son intelligence et son cœur se portèrent sur l’effroi que doit causer au pécheur impénitent Jésus crucifié.

 

Marie écrit au Père Darbins: "Jésus en croix est la victime sur laquelle Dieu a exercé la rigueur de sa justice et la sévérité de ses jugements. Or, Jésus était juste et il n’avait en lui que l’apparence du péché pour lequel il venait mourir afin de sauver le monde. Que doit donc attendre le pécheur impénitent qui ne veut point renoncer à son péché, et que la mort frappera à l'heure où il y pensera le moins?" C'est ce qu'aperçut Marie le premier jour, dans le Tabernacle Admirable.

 

Et voici l’enseignement que son esprit puisait dans cette vue. "Jésus était juste, saint et impeccable. Le cœur de Jésus ne pouvait ressentir l’impression d’aucun vice, d’aucune mauvaise inclination, ni de la plus petite imperfection, tandis que les saints, même les plus grands saints... ont éprouvé en eux ces impressions, bien qu'ils n’en aient pas été les victimes... La divinité qui remplissait le Cœur de Jésus y enfermait la sainteté parfaite de Dieu, et repoussait tout ce qui n'était pas saint...

 

L’esprit de Jésus, éclairé de la lumière même de la divinité lui donnait la plus entière conformité... à la sainteté de Dieu, pour qu'il fût l’esprit de l’Homme-Dieu. L'âme de Jésus, remplie par la divinité d’une manière très intime était tout absorbée dans la divinité, devenant une même chose avec elle, et pourtant, sans confusion, en conservait toutes ses puissances. L'âme de Jésus était, comme celle des autres hommes, douée des mêmes facultés, l’entendement, la mémoire, la volonté et la raison; mais ces facultés étaient divinisées dans le Sauveur Jésus.

 

          6-1-4-Comment Jésus est Dieu et homme (Lettre 14)

 

Et voici un étonnant cours de théologie. Incontestablement Marie Lataste, petite jeune fille de la campagne, sachant tout juste lire, écrire et compter, âgée seulement de vingt et un ans, était bien incapable d'écrire seule, la longue dissertation consacrée à la nature humaine et divine de Jésus. Nous ne rapporterons ci-dessous, que les idées essentielles.

 

"Le corps de Jésus était pur et saint, car son âme étant pleine de grâces... Participant aux perfections de la divinité... il ne pouvait se conduire que d'une manière divine. Car c'est l'âme qui est le guide du corps, qui le fait agir et opère par lui ce qu'elle veut. Or, l'âme de Jésus, divinisée, divinisait son corps par son union avec lui. Dans le corps de Jésus se trouvait la divinité du Verbe de Dieu... Donc, l’âme de Jésus divinisée,   son corps et sa divinité étaient si parfaitement unis, qu’ils ne formaient qu'une seule personne, la personne du Fils de Dieu fait homme: personne juste, sainte et impeccable.

 

En Jésus il a trois substances: la substance divine, la substance de l'âme et la substance du corps. Ces trois substances font deux natures, la nature divine et la nature humaine. Ces deux natures font une seule personne, la personne du Fils de Dieu fait homme, qui s’appelle Jésus-Christ... Pour que l'homme existe, il faut qu'il y ait union entre le corps et l'âme, lesquels se conservent sans se confondre, car l'âme ne devient point matière ni le corps un esprit. Ils se conservent mutuellement, et leur union compose l'homme.

 

Jésus-Christ est vraiment homme. Il est homme uni à la divinité. L'union de la nature divine avec la nature humaine ne fait point que la nature humaine soit confondue avec la nature divine. La nature humaine est parfaitement conservée en Jésus-Christ, sans cela il ne serait point homme. La nature divine ne se confond point avec la nature humaine par son union avec le corps et l'âme de Jésus-Christ, mais elle se conserve telle qu'elle a été de toute éternité... Ainsi la réunion de la nature divine et de la nature humaine forment, sans se confondre, une seule personne, la seconde personne de la sainte Trinité faite homme pour nous.

 

Tel est Jésus-Christ, Dieu et homme en même temps, et par conséquent infiniment juste, infiniment saint, infiniment impeccable. Tel est Jésus-Christ, en qui rien ne peut déplaire à Dieu son Père, dont il est la splendeur et la gloire. Tel est Jésus-Christ, la justice et la sainteté par excellence. En lui par conséquent rien ne méritait le courroux de Dieu son Père, et c'est lui que je vois en croix, c'est lui que je vois victime de la sévérité des jugements de Dieu. Il n'y a en lui que l’apparence de nos péchés, dont il a voulu se charger, et cependant quelles rigueurs, quelles punitions, quelles vengeances Dieu exerce sur lui! Tous les maux que le péché a attirés sur le monde pèsent sur lui, le torturent et l’accablent."

 

6-1-5-Les mérites de Jésus en croix

 

Marie Lataste ne peut que s'inquiéter: "Si le Juste et le Saint des saints est ainsi traité, que sera-ce du pécheur coupable et impénitent, qui s’abandonne à toutes ses passions, qui se fait un plaisir d’offenser Dieu... qui l’oblige à le frapper par son obstination dans le mal et son impénitence? Malédiction éternelle de Dieu!... Le lendemain, je vis combien Jésus en croix doit épouvanter le pécheur impénitent qui abuse du sang de son Sauveur, en refusant de se convertir.

 

Jésus-Christ, par sa mort et les mérites de sa mort, nous a obtenu les grâces qui nous sont nécessaires pour opérer notre salut. Les sacrements et les actes de religion sont la source où nous pouvons aller puiser ces grâces. Que fait le pécheur impénitent? Il néglige ces grâces qui lui sont offertes. Elles sont là devant lui pour le retirer de la mort et lui donner la vie, et il refuse la vie pour rester dans la mort. Ô folie et aveuglement du pécheur!... Il abuse de ces grâces en les négligeant et en les profanant... Le péché est un effet de la faiblesse humaine; mais la persévérance dans le péché n'est-elle point un effet d'une malice satanique?...

 

Jésus-Christ, par sa mort... a donné à Dieu la satisfaction que l'homme ne pouvait lui donner. Mais... l'homme doit faire ce qui lui est imposé... et donner à Dieu la satisfaction qu’il veut agréer de sa part, après la satisfaction de son Fils sur la croix. Or, la première satisfaction que Dieu demande à l'homme, c'est le repentir et l’intention de ne plus pécher. Dieu connaît la faiblesse de l'homme, aussi est-il disposé à lui pardonner ses fautes, dès qu'il a le repentir dans son âme...

 

Certes, ô mon Dieu, ajoute Marie Lataste, je ne peux, par moi-même faire autre chose que pécher et vous offenser, mais je ne veux point persévérer dans le péché, je ne veux point résister à votre grâce. Je veux recueillir de votre bouche paternelle le pardon que vous m’offrez. Sauveur Jésus, réparateur des péchés de mon âme, vous avez eu pitié de moi, je veux du moins ne pas rendre inutiles vos souffrances et vos douleurs... Je déteste mes péchés... Je veux m’unir à vous, vivre de vous, en vous et pour vous. Mon Dieu, grâce pour moi, et que je vous aime à jamais!

 

          6-1-6-La mort du pécheur

 

Le troisième jour, Marie Lataste "voit" dans sa méditation combien Jésus en croix est la terreur des pécheurs impénitents. Elle "voit" l’effroi de ce pécheur avant sa mort; elle le "voit" aussi dans l’enfer, et elle est saisie d’effroi. Elle décrit la mort d'un pécheur impénitent: "Quels moments que ceux qui précèdent la mort d'un pécheur impénitent... quelles terreurs en son esprit, quels regrets en son cœur, quel désespoir insoutenable! Il voit... toutes les séductions de sa vie; il n’en reste plus rien... voici la mort. Toute sa vie est comme un tableau devant ses yeux. Il la regarde et il tremble... et il désespère...

 

Pauvre pécheur, s'il avait plutôt regardé Dieu et sa miséricorde, Dieu et sa bonté paternelle, Jésus et sa croix, Jésus et ses blessures, Jésus et son Cœur ouvert, Jésus et son sang, les âmes pieuses qui prient pour lui, qui ne désespèrent point de la générosité de Dieu, les âmes pieuses qui font une sainte violence à la justice divine; s'il savait lancer une parole de repentir, une parole d'amour, une parole de supplication vers le ciel, il serait sauvé! Mais non, ses yeux sont fermés et ne voient point la miséricorde de Dieu... Ses yeux sont fermés, et cependant il voit la justice de Dieu... Il voit la croix de Jésus, non comme un instrument de salut, mais comme une verge éternelle qui le torturera à jamais... Sa bouche ne demande point pardon, elle ne prononce que des blasphèmes et des malédictions... Quelle agitation, quel trouble, quels mouvements affreux en tout son être!

 

Pauvre pécheur! On veut le consoler, mais les consolations ne pénètrent point dans son cœur... Il voit entre Dieu et lui une distance infinie qu'il ne pourra franchir jamais, et il s’affaisse sous le poids de ses iniquités. Quels moments et quelles souffrances!"

 

Marie Lataste vit d'autres pécheurs impénitents n’éprouver à cette heure ni peine ni remords... Leur trépas ressemblait à celui des animaux sans raison. Mais quel réveil! Et Marie Lataste  suivit ces pécheurs dans le lieu de leur supplice. Elle écrit: "Comment exprimer leur état, leurs peines, leurs tourments, leurs afflictions dans ce lieu d’éternelle douleur!... Ils comprennent que Dieu seul pouvait être leur bonheur et qu'ils en sont séparés pour jamais, et cette pensée fait leur premier et plus cruel tourment... Ils voient la grandeur et l’énormité de leurs péchés, les grâces et les moyens de salut que Dieu leur avait ménagés et dont ils n'ont point profité. Le remords le plus cuisant, parce qu'il est inutile et sans remède, fait leur second et insupportable tourment."

 

Marie décrit ensuite les maux qui accablent les pécheurs non repentis: ils n’auront jamais de fin... Leur désespoir leur fait pousser des cris et des hurlements affreux, des blasphèmes et des cris de haine contre eux-mêmes, contre ceux qui les ont entraînés au mal!

 

Marie fut très effrayée et put à peine considérer la violence du feu de ces abîmes, et la fureur des démons à tourmenter les damnés dans tous leur sens. Elle implore la miséricorde de Dieu. Les maux que Dieu nous envoie sont un effet de sa miséricorde. Et le souvenir des peines de l’enfer, font que pour Marie ses souffrances de la terre ne sont qu'un fardeau léger. Elle supplie: "Que je souffre, ô Jésus crucifié, et que je vous aime toujours! Que mon corps et mon âme soient affligés par toutes les épreuves les plus fortes et les plus pénibles; mais qu'à ce prix mon cœur vous demeure attaché, qu'il ne soit jamais séparé de vous, qu'il n’ait pour vous qu’amour et reconnaissance, même au milieu de mes plus grandes tribulations!"

 

          6-1-7-La miséricorde de Dieu

 

Certes, Marie n'a pu exprimer à son directeur la lumière qu'elle a vue; Dieu seul la montre; elle n'a pu marquer en leur perfection les enseignements reçus: Dieu seul pourrait le faire. Elle n'a pu tracer les sentiments de son cœur pendant ces heures de communications intimes avec Jésus: c'est là le secret du Roi. Elle a seulement essayé d'obéir à ce qui lui était commandé. Après cette parenthèse, Marie peut dire comment Jésus en croix lui a fait reconnaître la miséricorde de Dieu. elle raconte:

 

"La miséricorde de Dieu me fut manifestée de trois manières dans le Tabernacle Admirable par la vue de Jésus en croix.

 

La miséricorde de Dieu se manifeste dans les biens qu'elle nous donne, dans les maux qu'elle nous envoie, et dans la félicité qu'elle nous accorde dans le ciel. Or, Jésus en croix manifeste ce triple aspect de la miséricorde de Dieu. Le péché avait mis au commencement un mur de séparation entre Dieu et l'homme... L'homme était séparé de Dieu par une distance infinie, le péché. Mais Jésus vint sur la terre, monta sur l’arbre de la croix, rendit réparation pour le péché de l'homme, et la miséricorde continua son œuvre, en donnant à l'homme des grâces encore plus abondantes.

 

La miséricorde de Dieu se manifeste dans les maux qu'il nous envoie... Les maux que Dieu nous envoie sont des traits de sa justice mais ces traits ne sont point mortels, ils sont au contraire cause de vie, parce qu'ils sont trempés dans les eaux de la miséricorde et attirent les grâces de Dieu. C'est de Jésus en croix que nous recevons cette effusion de la miséricorde de Dieu; c'est lui qui demande pardon à Dieu pour nos péchés... Ces maux sont une participation à ses douleurs et, unis à elles, ils nous sanctifient et expient nos péchés.

 

Enfin, la miséricorde de Dieu se manifeste en nous donnant le bonheur du ciel. C'est encore Jésus en croix qui manifeste sous ce rapport la miséricorde de Dieu, car c'est par sa croix qu'il a fermé les portes de l’enfer et ouvert celles du ciel. C'est par sa croix qu'il nous a délivrés de l’esclavage de Satan et rendus fils de Dieu.

 

Ô Croix de Jésus, mystère dans le temps! Mystère dans l’éternité! Jésus en croix, vous ravissez nos cœurs sur la terre! Vous captivez nos esprits sur la terre! Vous attirez tous nos regards! Jésus en croix, vie de notre vie! Jésus en croix, mort de notre mort! Jésus en croix, bonheur et félicité de l'âme sur la terre! Jésus en croix, espoir du bonheur et de la félicité du ciel!... Croix de Jésus, repos des âmes dans le ciel... à vous gloire à jamais! Ô Jésus en croix, que mon âme se consume à vous aimer! Ô croix de Jésus, que je vous porte... toute ma vie, tous les jours, et qu’avec vous je me présente à Dieu pour lui demander miséricorde pour l’éternité."

 

6-2-Les souffrances de Jésus durant sa Passion

 

Le 19 août 1843 (Lettre 15) Marie rapporte ce qu'elle a éprouvé un jour dans le Tabernacle Admirable à la vue de Jésus en croix. Elle vit dans le Sauveur deux sortes de souffrances: les souffrances du corps et les souffrances de l'âme. Le corps de Jésus lui parut affligé de tous les maux, de toutes les douleurs les plus aiguës qu'il soit possible d’imaginer. C'était un océan de toutes les souffrances des hommes à cause de leurs péchés. Mais la pire de ses souffrances, c'était la soif qui le brûlait. Marie écrit: "Mon cœur était brisé; en le voyant en cet état, mes yeux ne pouvaient se détacher de lui, et je souffrais mille morts en le voyant souffrir. J’aurais voulu le détacher de la croix pour mourir à sa place, pour souffrir ce qu'il souffrait, car je ne pouvais me faire illusion, Jésus est innocent et je ne suis qu'une misérable pécheresse; c'est pour moi qu'il est en croix; c'est moi qui l’ai attaché en croix. Ô péché de mon âme! quelle est ton œuvre!"

 

Soudain, la lumière qui entourait la croix du Tabernacle Admirable devint plus éclatante. Le corps de Jésus était comme un océan immense, sans limites, d’où s’échappaient toutes les épreuves et toutes les peines des hommes de tous les temps passés, présents et à venir. Mais en même temps, il lui semblait qu'une vertu divine changeait ces tribulations en une joie éternelle.

 

Marie écrit encore: "Le corps de Jésus m’apparut en même temps comme un océan immense où affluaient toutes les peines de l'humanité entière pour l’accabler lui seul... mais il était Dieu et sa force divine contenait tous ces maux dans le corps et l'âme qu'il avait pris. La voix de Jésus se fit entendre, ou plutôt je compris sans qu'il parlât, ce que je puis à peu près rendre par ces paroles: 'Je suis le roi de la douleur, le maître des souffrances... J'ai conquis ma couronne sur la croix, ma domination par ma mort et mon autorité par ma résurrection. Ceux qui veulent être couronnés avec moi doivent porter ma couronne d’épines; ceux qui veulent régner avec moi doivent mourir de la mort que je leur destine chaque jour de la vie... C'est moi qui envoie à chacun ses épreuves, qui en règle la durée comme l’intensité... Je n’avais point besoin de souffrir pour moi. C'est par amour pour les hommes qui ont tous péché, que j'ai souffert... Ils doivent souffrir pour expier leurs péchés, en union avec mes souffrances... '

 

Je vis aussi... poursuit Marie, que la plus grande douleur d'une âme, c'est l’abandon de tous ceux qu'elle aime. S'il en est ainsi, comment représenter la douleur de l'âme du Sauveur?... Jésus était abandonné de tous, même de son Père... Et à ce moment-là, seule la divinité de Jésus trouvait en son Père l’amour éternel qu'il a eu et qu'il aura toujours pour elle; mais l'âme de Jésus ne trouvait qu'une rigueur extrême et inflexible en Dieu... L’abandon de l’Homme-Dieu! Jésus seul peut comprendre tout ce qu'il y avait de pénible en cet état de son humanité abandonnée par Dieu son Père.

 

Jésus était abandonné de toutes les créatures... Il voyait pourtant quelques personnes debout près de lui, qui prenaient part à ses douleurs; mais leurs peines l’affligeaient bien plus qu'elles ne le consolaient... Il voyait Marie, sa Mère qui, en union avec lui, offrait à Dieu son sacrifice, et dont l'âme était véritablement traversée par un glaive de douleur. Il voyait l’apôtre bien-aimé, le disciple seul demeuré fidèle...

 

Quelles douleurs en Jésus! Quel calme cependant en sa douleur! Il garde le plus profond silence: silence de miséricorde pour ses bourreaux, silence de soumission pour son Père. S’il le rompt, c'est par charité pour sa mère et son disciple bien-aimé... par pitié pour le larron pénitent... pour accomplir les prophéties... pour remettre son âme entre les mains de son Père... pour enfin témoigner que la vie lui appartient et que nul ne pourrait la lui ravir..."

 

Marie comprend alors la nécessité de souffrir pour fuir le péché, et de se soumettre à la volonté de Dieu... "

[1] Nom que Jésus a donné à cet intérieur spirituel.

   

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