« Depuis une
quinzaine de jours, Notre-Seigneur m’avait mise en retraite; il
ne s’était point communiqué à mon âme d’une manière
extraordinaire; j’étais tout occupée à me renouveler dans mon
intérieur, et à m’humilier à la vue de mes nombreuses
infidélités. Ayant fait hier la confession de toutes ces fautes,
je me suis ce matin approchée de la sainte Communion, avec la
ferme résolution d’être plus fidèle. Comme l’enfant prodigue, je
me suis humiliée en disant: “J’ai péché.” Puis, comme je
voulais m’anéantir, et le considérer couvert de gloire, il a
prononcé ces paroles:
— Ah! ma fille,
considérez-moi plutôt couvert de plaies que me font les
pécheurs.
Et à l’instant il
m’a semblé le voir en cet état; alors il m’a dit:
— Ma fille,
approchez et prêtez l’oreille...
Et ce divin Sauveur
m’a fait entendre ces lamentables plaintes, qui m’ont brisé le
cœur et fait verser un torrent de larmes:
— Je ne suis
point connu, je ne suis point aimé, on méprise mes commandements.
Et il a ajouté ces
mots, qui me font frémir:
— Les
pécheurs sont enlevés de ce monde comme des tourbillons de
poussière que le vent emporte, et sont précipités dans l’enfer ;
ayez pitié de vos frères, priez pour eux ; essuyez, par votre
amour, le sang qui coule de mes plaies ; aimez-moi et ne
craignez point ; quand vous élevez votre cœur vers moi par
l’amour, je le reçois dans mes mains, alors il est en sûreté.
Ensuite il m’a
insinué qu’il était content de ma petite retraité, et il a
ajouté:
— Si les
méditations que vous avez faites vous ont fait trouver en vous
tant de défauts, pensez à une foule de malheureux qui ne
méditent jamais ces grandes vérités. Ainsi, travaillez pour vous
et pour eux ; faites comme une mère qui ne saurait prendre de
nourriture sans partager avec son enfant.
Voilà ce que
Notre-Seigneur m’a fait entendre. Oh! que cette perte éternelle
des pécheurs me touche vivement! Que je désire ardemment devenir
une bonne carmélite pour en gagner beaucoup à Dieu! Aidez-moi,
s’il vous plaît, ma Révérende Mère, n’épargnez point mon orgueil
et mon amour-propre; il est grand temps que j’immole toute cette
méchante nature pour me revêtir de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. »
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