LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Sœur Marie de Saint-Pierre
(Perrine Éluère)
1816-1848

JOURNAL SPIRITUEL

9
La mission de sœur Saint-Pierre

C’est la Communauté…

« Vendredi 3 novembre — premier vendredi du mois —, j’eût le bonheur de faire la sainte Communion pour l’accomplissement des desseins du Sacré-Cœur de Jésus, selon le voeu que notre Révérende Mère a fait pour un an: que chaque vendredi, deux religieuses communieraient à cette intention.

Aussitôt que l’on exposa le Saint-Sacrement, Notre-Seigneur recueillit les puissances de mon âme dans son divin Cœur et me fit entendre qu’Il désirait que la dévotion de la réparation soit imprimée, répandue et que ce soit la Communauté qui lui rende ce service, puisqu’elle désirait l’accomplissement des desseins de son Cœur et priait pour cela ; qu’il était juste qu’elle eût l’honneur de donner naissance à cette dévotion. Alors, il se passa en moi quelque chose de bien extraordinaire. Mon âme était dans le Cœur de Jésus comme dans une fournaise embrasée; il me semblait qu’elle eût pour quelques instants quitté son misérable corps afin de se réunir à Dieu; elle se trouvait délicieusement perdue, anéantie en lui; elle sentait vivement qu’il était son principe et sa bienheureuse fin. Je ne pouvais plus agir; je disais seulement intérieurement :

Mon Dieu, que vos opérations sont admirables! Vous n’êtes point un Dieu si caché!

J’aurais ajouté volontiers :

Seigneur, qu’il fait bon ici! dressons-y trois tentes pour y tenir captives les trois puissances de mon âme.

Voilà ce que j’ai éprouvé pendant la messe; ayant eu le bonheur de recevoir la sainte Communion, j’ai pris la liberté de dire :

Maintenant, mon Seigneur, que me voilà plus proche de vous, si vous vouliez bien me répéter ce que vous m’avez dit au commencement du sainte sacrifice ?

Mais j’ai senti qu’il ne le voulait pas en ce moment; alors je me suis unie à ce qu’il opérait en moi par cet anéantissement dont j’ai parlé. Il a semblé me déclarer, après quelques instants, qu’il avait gardé le silence pour m’avertir qu’il n’était pas en mon pouvoir d’entendre cette parole intérieure quand je voulais. Après cette petite leçon, il a continué :

— Ma fille, vous m’avez plus offensé, vous avez plus blessé mon cœur que toutes vos sœurs ensemble, en mettant obstacle à mes desseins sur votre âme ; maintenant tâchez de les surpasser toutes en amour et en zèle pour les intérêts de ma gloire. Ce n’est pas pour vous troubler que je vous découvre vos péchés; ayez confiance, je les oublierai tous. Voici deux raisons pour lesquelles je veux me servir de vous : d’abord, parce que vous êtes la plus misérable ; ensuite, parce que vous vous êtes offerte à moi pour accomplir mes desseins ; cette offrande a gagné mon Cœur. Soyez humble et simple ; faites connaître vos misères, cela même servira à ma gloire.

Il me fit entendre aussi qu’il voulait me sanctifier, et que la réparation des blasphèmes serait imprimée et répandue. Jusqu’alors il m’avait dit de demander à mes Supérieurs l’impression de ces prières; mais dans ce moment, il voulut bien me donner l’assurance que j’aurais la consolation de voir son désir accompli.

Voilà à peu près ce qui s’est passé: cette communication a produit en moi un profond sentiment d’anéantissement et de mépris pour moi-même. »  [1]

Peu après, la mission du Carmel…

« Le divin Maître m’a dit de vous demander si vous voulez bien lui arracher la glaive des mains: car les épouses ont tout pouvoir sur le cœur de l’Époux. Il veut que vous fassiez faire à la communauté une neuvaine de réparations pour les blasphèmes. S’il choisit cet asile pour exhaler ses soupirs, c’est afin de recevoir de vous des consolations. Il me semblait lire dans son Cœur qu’il avait grand désir de cette œuvre, afin d’accorder miséricorde.

Notre-Seigneur désire que ce soit la communauté qui couvre les frais de cette impression, pour la combler ensuite de plus grandes bénédictions et le lui rendre au centuple. Je ne peux porter davantage ce lourd fardeau. Je le dépose avec confiance entre vos bras, ma Révérende Mère, et je vous prie bien humblement d’examiner cette affaire devant Dieu; car je crois qu’il veut que vous lui rendiez ce service. Pour moi, voilà ma commission faite et mon âme déchargée. » [2]

Conseils à sœur Saint-Pierre…

« Notre Révérende Mère ayant aperçu en moi un trop grand empressement et de trop vifs désirs pour propager la réparation dur au saint Nom de Dieu, et m’ayant fait voir comme j’étais orgueilleuse de demander qu’on imprimât et qu’on répandit les prières propres à cette œuvre, tandis qu’il y avait tant de belles prières composées par les saints Pères, me défendit de m’en occuper davantage et elle eut la bonté de m’imposer une pénitence pour l’expiation de mes péchés. Pendant cette très charitable correction et une seconde que je dus encore recevoir au chapitre, je ne sais, grâce à Dieu qui a eu pitié de sa petite commissionnaire, ce qu’était devenue ma méchante nature, qui est si orgueilleuse, car tous les compliments du monde ne sauraient me procurer la joie intérieure que j’éprouvais. J’ai tâché d’entrer dans les sentiments que la charité de notre bonne Mère me proposait. Je me suis humiliée devant Notre-Seigneur; je lui ai fait le sacrifice de ne plus solliciter l’établissement de cette dévotion et de ne plus m’en occuper, afin d’être bien obéissante.

Notre-Seigneur m’attirait toujours à compatir aux douleurs de son Cœur: car si ce divin Maître était capable d’éprouver des amertumes, il serait triste jusqu’à la mort en voyant que les hommes, loin de s’unir à lui pour suppléer à leur impuissance, et ainsi aimer et glorifier son Père céleste, blasphèment continuellement son saint Nom et s’unissent à Lucifer et aux réprouvés. Combien, au contraire, Notre-Seigneur serait satisfait si quelques enfants fidèles et reconnaissants se joignaient à lui dans le Sacrement de l’autel et aux saints Anges, pour aimer et bénir le Nom de ce Père qu’il aime si tendrement ! C’est dans ces sentiments que je faisais au saint Nom de Dieu mes petites dévotions particulières, m’unissant toujours au Cœur de Jésus, aux anges et aux saints, trouvant en cette compagnie un riche supplément à mon indignité. Je les dépose ensuite dans le Sacré-Cœur par les mains de Marie et de Joseph, priant notre adorable Sauveur de les multiplier par millions, avec la même puissance qui lui fit multiplier les pains dans le désert.

Une couronne et un chapelet…

Dans le même but, Notre-Seigneur m’a inspiré une couronne ou chapelet composée de prières de réparation. Un jour, pendant la sainte messe, ce divin Maître m’a recueillie dans son Cœur, et il m’a semblé le voir me présenter ce chapelet qui me paraissait être d’or fin et enrichi de pierres précieuses. Mais, me trouvant bien indigne de posséder un si grand trésor et craignant d’être assaillie par les voleurs, c’est-à-dire par le démon et ses suppôts, j’ai prié la très sainte Vierge de vouloir bien me garder ce beau chapelet dans son aimable Cœur, et j’ai prié le Sauveur de lui appliquer des indulgences. Je crois que cette couronne est très agréable à Notre-Seigneur et très peu du goût de Satan. Je n’ajoute pas foi aux songes, mais depuis que je m’applique à la dévotion du saint Nom de Dieu et que je prie pour la conversion des blasphémateurs, voilà deux fois que je vois en rêve les démons sous la figure d’animaux furieux prêts à me dévorer: je ne me sauve de leurs dents que par l’invocation de Notre-Seigneur et de la très sainte Vierge. Peut-être quelque proie leur est-elle échappée par cette neuvaine de réparation qu’on a faite en la communauté. Un jour, à l’oraison, le bon Maître m’avertit de la rage de Satan au sujet de cette dévotion, et en même temps il me fit entendre ces paroles :

— Je vous donne mon Nom, pour être votre lumière dans vos ténèbres et votre force dans vos combats. Satan fera tous ses efforts pour étouffer cette œuvre dès sa naissance ; mais le très saint Nom de Dieu triomphera, et les saints Anges gagneront la victoire.

[Pour l’avenir de l’Œuvre] « je fis une petite lettre que je remis entre les mains de la sainte Vierge;[3] depuis ce temps, mon âme est demeurée calme, et j’ai tâché d’être bien obéissance à notre Révérende Mère. »

Couronne à la gloire du saint Nom de Dieu pour la réparation des blasphèmes

             A la place du Credo, on dira :

          Nous vous adorons, ô Jésus, et nous vous bénissons, parce que vous avez rachetez le monde par votre sainte Croix.

             Sur les trois petits grains de la Croix, on dira :

          Que le très saint Nom de Dieu soit glorifié par la très sainte âme du Verbe incarné.

          Que le très saint Nom de Dieu soit glorifié par le Sacré-Cœur du Verbe incarné.

          Que le très adorable Nom de Dieu soit glorifié par toutes les plaies du Verbe incarné.

             Sur les cinq gros grains, on dira :

          Nous vous invoquons, ô Nom sacré du Dieu vivant, par la bouche de Jésus au très Saint-Sacrement, et nous vous offrons, ô mon Dieu, par les mains bénies de la divine Marie, toutes les saintes hosties qui sont sur nos autels, en sacrifice d’amende honorable et de réparation pour tous les blasphèmes qui outragent votre saint Nom.

             Sur chaque petit grain, on dira :

          1 Je vous salue, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          2 Je vous révère, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          3 Je vous adore, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          4 Je vous glorifie, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          5 Je vous loue, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          6 Je vous admire, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          7 Je vous célèbre, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          8 Je vous exalte, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          9 Je vous aime, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

          10 Je vous bénis, ô Nom sacré du Dieu vivant, par le Cœur de Jésus au très Saint-Sacrement.

PRIÈRE: Nous vous invoquons, ô Nom sacré du Dieu vivant, par la bouche de Jésus au très Saint-Sacrement, et nous vous offrons, ô mon Dieu, par les mains bénies de la divine Marie, toutes les saintes hosties qui sont sur les autels, en sacrifice d’amende honorable et de réparation pour tous les blasphèmes qui outragent votre saint Nom. »

Demande d’acte d’entier abandon

[Notre-Seigneur], « Il souhaitait, et me demandait cette donation de moi-même. Il me la demanda pour la première fois quelques jours après mon entrée en religion. Ses desseins alors m’étaient inconnus, mais ils commencèrent à se manifester à mon âme par la communication qui m’a été faite sur l’œuvre de la réparation du blasphème, et je me sens pressée intérieurement de faire à Dieu la sacrifice de toute ma personne et de tous les mérites que je puis acquérir en la sainte maison où j’ai le bonheur d’habiter. »


[1] Document B; lettre IV, page 19, du 3 novembre 1843. Cité par l’abbé Janvier, pages 141-142. “Vie de la Sœur Saint-Pierre”. Carmel de Tours: 1884. Et par Louis van den Bossche: “Le Message de Sœur Marie de Saint-Pierre”. Carmel de Tours: 1954.
[2] Document B, page 16.
[3] Entre les mains de la statue de Notre-Dame de Prompt-Secours, qui était à l’intérieur du cloître, et qui était très vénérée par les religieuses du monastère. Voir historique de cette statue: “Vie de la Sœur Saint-Pierre”, par l’abbé Janvier, page 146 et suivantes.

   

 

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