LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

LA RÉVÉLATION DE L’AMOUR DIVIN

Enfant de Dieu

Maria Graf, née le 14 août 1906 à Haslen (Suisse), fut baptisée le lendemain, le 15 août, en la fête de l’Assomption. Sa jeunesse se passa sans faits extraordinaires.

Elle était cependant pénétrée d’un vrai et profond amour pour le Sauveur. Plus tard encore, elle se souvenait du jour de sa première communion, lié pour elle à un grand chagrin. Tombée malade l’avant-veille, elle ne put prendre part à la solennité. Elle en pleura beaucoup. Sa mère et sa voisine tentèrent de la consoler, en lui disant qu’elle serait bientôt guérie et qu’elle aurait alors la possibilité de rattraper ce qu’elle avait manqué.

Elle écrivit plus tard, au souvenir de cet évènement : « Je sentis bien fortement alors que personne ne comprenait quel désir j’avais de Jésus. C’est ainsi que Jésus m’a, très tôt déjà, mise à l’école du sacrifice, mais dès ma jeunesse aussi, comblée de joie. »

A 14 ans, un évènement marqua profondément son âme. Dans le voisinage, vivait une vieille femme. Elle ne pouvait plus marcher. Le prêtre devait donc se rendre chez elle, pour lui administrer les sacrements. Le chapelain envoya Maria Graf chez cette femme, pour l’avertir de bien se préparer : il viendrait le lendemain. Quand la fillette lui fit la commission, elle fut indignée de la réponse : « Le gaillard noir (der schwartze Kerl) revient déjà ? » Elle écrit à ce propos : « Je restais figée devant sa fenêtre, comme assommée par cette réponse ; je ne pouvais pas comprendre qu’un être humain, une catholique, pût parler ainsi quand le prêtre voulait venir chez elle avec le Saint Sacrement. Je bondis jusque chez nous et contai la chose à mes parents. Je trouvais qu’il fallait avertir le prêtre que cette femme recevait sûrement les sacrements d’une manière indigne. Mon père le lui dit. Le prêtre répondit : »Oui, c’est triste ; mais je dois faire mon devoir et je le ferais ; tant que quelqu’un vit, il peut avoir la grâce de se convertir. Le soir, en allant prendre mon repos, cet incident me revint à l’esprit. Je me mis à penser : »Qu’il est donc grand, immense, profond, l’amour de Jésus pour nous puisqu’il va jusqu’à permettre que des hommes le trahissent ! »Je pris l’image du Sacré-Cœur qui était près de mon lit et la regardai longtemps, longtemps. Un amour et une compassion inconnus jusqu’alors entrèrent alors dans mon cœur. J’ignore comment cela se fit. A travers mes larmes, je dis à Jésus que puisqu’on L’offensait ainsi, je voulais toujours L’aimer par-dessus tout et ne jamais L’offenser en péchant. Chaque soir, je prenais cette image du Sacré-Cœur et mon amour pour le Cœur très saint du Sauveur devenait toujours plus grand. Chaque fois que je voyais le prêtre en question, je repensais à cet incident. »

Épouse et mère

Les années de sa jeunesse passèrent et Maria dut se décider à choisir un état de vie.

Devait-elle se consacrer toute entière à Jésus en devenant religieuse ? Beaucoup attendaient d’elle cette décision, vu qu’à chaque occasion, elle allait communier, ce qui n’était pas une habitude en ce temps-là, et menait une vie pure. Dieu en décida autrement.

Elle écrit : « A cette époque-là, je me réfugiais, de plus en plus souvent, auprès de ma Mère céleste, la priant pour faire un bon choix. Elle me conduisait toujours à Jésus, sous la direction de mon confesseur. Une solennité de première messe à Appenzell demeure inoubliable pour moi. Le prédicateur de circonstance m’affirma qu’un bon prêtre sort toujours de cette coupe du sacrifice dont se sert le Christ pour envoyer des prêtres dans sa vigne. Il rappela aussi ces paroles du Pape Saint Pie X : “Donnez-moi des mères vraiment chrétiennes et je sauverais le monde qui s’enlise”. Ces paroles, dit le prédicateur, c’est aux paroisses qu’il les adressent aujourd’hui. Je les entendis, comme si elles ne concernaient que moi seule. Qu’elle est grande, qu’elle est sainte, la vocation de maman ! Oui, toute autre chose que je me l’étais imaginée par ce que j’avais entendu dire à mes compagnes de jeunesse.

Puis arriva l’instant où, à la voix de ce jeune prêtre, Jésus descendit du ciel sur l’autel. Durant cette consécration, je demandais simplement à Jésus de me faire connaître ce que je devais faire et où Il voulait me placer. J’entendis très clairement, comme une réponse, que je devais choisir, moi aussi, la vocation de maman. Je fus ainsi absolument sûre que c’était Jésus qui me l’avait dit et mon cœur en fut rempli de joie. Mais une pensée me revenait toujours : “Ma vie est-elle assez pure et assez bonne pour que Dieu veuille de moi, pour Sa servante ?” Dans quelle pureté, dans quelle chasteté doit avoir grandi le cœur d’une mère, auprès duquel Dieu veut former des hommes pour Son plus haut service, pour être Ses remplaçants ; des anges dans un corps de chair. »

Dès ce temps, Maria Graf pria pour que Dieu lui amenât le jeune homme qui lui était destiné. L’attente ne fut pas très longue : le 19 mars 1929 déjà, on fêta ses fiançailles, puis peu après, le 3 juin 1929, son mariage dans le cercle de la famille. Elle écrivit à ce propos : « Le 3 juin 1929 nos cœurs exultaient et remerciaient Dieu de Son Amour et de Sa Bonté. Nous pouvions vivre le grand, oui, le plus grand bonheur et nous présenter devant Dieu à l’autel pour nos noces, purs et intacts. Quand mon cher époux prit ensuite mes mains dans les siennes, me remerciant ainsi de tout son cœur, de l’avoir, affirmait-il, rendu si heureux, par ma fermeté, il me dit que je devais lui dire ce que je souhaitais et qu’il m’accorderait tout. Je lui répondit : “Notre bonheur, c’est de Dieu que nous l’avons reçu, par l’intercession de la Mère Céleste. Nous voulons donc servir Dieu et sanctifier cette première semaine par la prière” ».

Quatorze mois plus tard, ils eurent leur premier enfant. Au cours des années suivantes, Maria Graf eut encore quatre autres enfants. Le quatrième était au berceau quand le premier tomba malade. On dut le transporter à l’hôpital pour le soigner. Après deux graves opérations, Dieu le leur reprit. Ainsi sa vocation de maman s’accomplissait dans le travail, l’amour et le souci de famille. Mais aucun sacrifice n’était de trop pour elle ; elle faisait ce que lui permettait ses forces. Elle se sentait la servante du Seigneur, considérant ses enfants comme un présent reçu de Lui.

Vint la Fête du Sacré-Cœur de Jésus en 1941. Maria Graf était souffrante : elle éprouvait en son corps des douleurs inexplicables et ne pouvait qu’à peine suffire à sa tâche. Elle se rendit néanmoins à l’église pour recevoir Notre-Seigneur et épancher son cœur dans le Sien. Dès qu’elle eut reçu la communion, elle dit à Jésus : « Vous pouvez me guérir. Je désire la santé, non pour moi-même, mais pour pouvoir remplir fidèlement mes devoirs d’épouse et de mère. Si vous le voulez, vous pouvez me guérir : vous avez bien guéri l’hémorroïsse. Donnez-nous de nouveau un enfant, et je serais guérie de l’ennui où je suis de celui qui est mort ! Je me donne toute à Vous, faites de moi ce que Vous voulez, mais ne permettez pas que je Vous offense ! C’est en ces termes que je priai. Mais je ne puis exprimer par des mots ce qui arriva. Je me suis complètement oubliée. Jésus était devant moi, en grandeur naturelle ; Il me dit si aimablement : “Donne-moi des âmes”, que je ne pus Lui répondre étonnée : “Comment pourrais-je Vous donner des âmes ? Je ne suis moi-même qu’une pauvre pécheresse ?” Jésus me répondit avec un regard plein d’un amour infini : “Par mes saintes Plaies, tu peux tout obtenir”. Je ne voyais rien que Jésus tout près de moi ; Ses Saintes plaies étaient toutes illuminées comme d’une clarté rouge. Je ne saurais décrire ma paix et mon bonheur. Quand tout le monde se leva pour le dernier évangile, je ne vis plus que ce qu’il y avait autour de moi ; je me levais comme les autres et dus m’étirer pour m’étendre. Je n’aurais pas pu le faire sans douleurs, auparavant ; mais je pensais seulement que le fait d’être immobile à genoux m’avait fait du bien. Je ne ressentais plus aucune douleur.

Je déjeunais ensuite chez des parents parce que je n’osais pas entreprendre aussitôt le long trajet jusqu’à la maison. Mais je me sentais si bien!Je ne pouvais m’empêcher, pourtant, que sur le chemin du retour mes douleurs reviendraient. Je m’étais proposé de voir un médecin après avoir déjeuné chez ces parents. Mais comme je me sentais bien, je n’en fis rien. En rentrant chez moi, j’étais toute plongée dans le souvenir de ce que je venais de vivre. Soudain, il me vint à l’idée que je devrais tout de même ressentir des douleurs. Une pensée me traversa l’esprit : je suis guérie, subitement guérie ! Mon Dieu, qu’avez-Vous fait donc pour moi, la plus pauvre des créatures !

Je ne saurais écrire ce qui est arrivé là : les mots me manquent. Mais c’est quelque chose de si grand, de presque pénible à vivre. Je crois avoir fait mon travail, ce jour-là, absolument sans y penser. Je continuais à vivre ce qui s’était passé. Le Maître du Ciel et de la terre se penchait sur moi, l’une de ses plus pauvres pécheresses, pour m’accorder tant de bienfaits.

Ah ! Si seulement je pouvais vivre de manière à ne plus jamais offenser Dieu ! Une impatience inconnue jusqu’alors et un tel désir de recevoir de nouveau Jésus-Hostie m’enflammaient, que je ne pus attendre qu’avec peine le dimanche. Je priai et dis à Jésus : “Comment, pauvre pécheresse que je suis, puis-je Vous sauver des âmes ?”

Bientôt arriva le premier vendredi, si désiré, de février. Mon âme languissait après mon Sauveur. Pourtant j’éprouvais comme une crainte qui me retenait. Ce matin du premier vendredi, il y avait un tel amas de neige, que je dus rester à la maison. Mais en esprit, j’étais à l’église, auprès de Lui. Soudain, je fus plongée dans une lumière de feu, comme si un éclair m’avait traversée de part en part. Je vis sur une large route beaucoup de personnes aux lèvres très maquillées et habillées de vêtements très courts, pleines d’orgueil. A côté de moi, il y avait mon curé. Il pleurait en disant : “Je ne peux plus rien contre ces péchés-là”. De cette clarté — si forte que les yeux en faisaient mal — une voix sortit : “C’est là que tu dois servir de répondante !”

Pressant les mains l’une contre l’autre sur ma poitrine, je dis une prière que je n’avais jamais entendue. Il me sembla que j’étais morte et que je me trouvais dans une pièce très éclairée. Réveillée soudain, je repensai à cela et j’eus la certitude que ces gens allaient vers l’enfer. Une profonde pitié pour ces malheureux emplit mon cœur et je sus que je devais réciter chaque jour cette prière pour la conversion des pêcheurs.

Prier pour la conversion des pêcheurs, telle était ma nouvelle mission. Matin et soir je récitais la prière que j’avais entendue. Deux ou trois mois passèrent. Peu à peu, je perdis le goût de toutes ces prières, car je pensais souvent : “Ce n’es pas possible que de telles choses arrivent à un personne tout ordinaire; nul ne se convertira à cause de mes misérables prières”.

Ce furent pour moi la lutte et le doute. Si seulement je pouvais faire que rien de cela ne se soit passé ! Je ne disais plus cette prière que par crainte  que Dieu me punisse. Finalement je la laissai de côté et m’efforçai d’oublier tout ce que j’avais vécu, pour n’accomplir que simplement mes devoirs : moyennant quoi Dieu devait être content de moi. Je voulais vivre et être comme les autres femmes.

Vint le premier vendredi de juillet. Il faisait un beau temps pour les fenaisons et nous avions beaucoup de travail aux champs. Je pensais que j’aimerais bien aller recevoir les sacrements, mais que c’était trop me demander de faire ce long trajet de grand matin. Dans mon indifférence, je me disais : “Si tu te réveilles, tu iras aux sacrements”. Je me réveillai trop tard et j’en fus déçue. Je voulus essayer de prier. Alors se produisit l’incompréhensible. Tout d’un coup, Jésus se tint de nouveau debout devant moi, près de mon lit, tout à fait vivant, grandeur naturelle. Il était si grave, si triste. De Sa main droite Il montrait son Cœur, déchiré de long en large comme par un grossier instrument, et portant une nouvelle et grande plaie, pleine de sang jusqu’au bord. C’était un cœur humain, non transfiguré. A chaque battement, les gouttes de sang jaillissaient nombreuses de Sa Plaie. Ses yeux très saints me regardaient avec une souffrance indiciblement profonde et cependant comme du fond d’un océan d’amour. Il me dit : “Mes Plaies sont toutes fraîches. Mon Précieux Sang est perdu pour tant d’âmes”.

Je ne sais pas ce qui m’arriva. Toute ma vie j’y penserai. Oh ! Si seulement j’avais le temps de pleurer sur ma légèreté, mes péchés, toute ma misère ! O incommensurable Amour divin ! Je l’ai tant offensé ! Et c’est à moi, misérable pécheresse, que Jésus criait Sa souffrance.

J’en avais maintenant la certitude : Jésus voulait que je prie pour la conversion des pécheurs. Je savais que c’était vraiment, réellement Jésus. Et parce que je cessais de prier, Son Sang était perdu pour tant d’âmes, tout comme les gouttes de Sang qui jaillissaient de Son Sacré Cœur. Cela est vrai et jamais je ne l’oublierai de ma vie.

Réciter la prière dont j’ai parlé fut désormais la première chose que je fis chaque jour et je n’ai plus jamais négligé de le faire. Mais il revint des temps de doute et de lutte et j’eus à combattre contre l’indifférence et la tiédeur. Je pouvais maintenant dire à Jésus : Donnez-moi, à moi la plus misérable des créatures, une preuve que Vous exaucez ma prière ! Donnez-la moi, par les mérites de Vos Saintes Plaies ! Vous avez dit que par Vos Saintes Plaies je pouvais tout obtenir. »

Fils spirituels

« Un premier vendredi du mois, je me mis à rêver que je conduisais à l’église le frère de ma mère qui habitait Steinach. Il avait passé dix ans en Amérique d’où il était revenu ayant complètement perdu la foi. Je l’entendis dire qu’il ne croyait absolument plus à rien et que tout finissait par la mort. Une fois réveillée après ce songe, je sus que je devis prier pour cet homme, et je fis la prière que j’avais reçu de Jésus. Un certain temps après, je rêvai que je le conduisais de nouveau dans cette église ; il pleurait, regrettait ses péchés et allait au confessionnal. Je le vis tout à fait clairement se confesser à mon ancien confesseur et recevoir de lui l’absolution. Je m’en allai alors en pensant : “Celui-là sera sauvé”. Et je cessai de prier. Ce n’est qu’un an et demi plus tard, que j’appris qu’il s’était converti à ce moment-là.

L’âme de mon beau-père était en grand danger. Il me semblait que je devais prier pour ce vieillard âgé de quatre-vingt ans, pour le préparer à la mort. Il était encore en bonne santé et vigoureux. Mais l’argent était son maître et il faisait tout pour l‘amour de son cher argent. Chaque jour, je récitais pour lui la prière du Christ.

Au cours d’un froid hiver qui décorait de fleurs de glace les vitres des fenêtres, un après-midi, il vint chez nous tout hors de lui. Une grande angoisse l’avait poussé jusque chez nous, malgré l’excessive froidure. Il dit qu’il devait venir chez moi et me dire quelque chose d‘effrayant. Ce fut pour moi comme si une voix intérieure me disait : “C’est là que tu dois intervenir”. Je le confiais aux saintes Plaies de mon cher Jésus. Par amour pour cette pauvre âme, je me donnai toute entière à Jésus pour la sauver.

Mon beau-père a souvent dit depuis lors : “Je donnerais tout, pour pouvoir recommencer une autre vie. O, que de choses je ferais autrement ! Je ferais bien!”

Je pus l’accompagner quand il alla se confesser ; il demeura longuement, longuement au confessionnal. Je fus témoin de changement. Il lui tardait d’aller chaque semaine à la messe de notre chapelle. L’automne, en se rendant auprès de son fils pour aider aux travaux, il me dit qu’il y allait bien malgré lui parce qu’il ne pouvait assister à aucune messe en semaine.

Au bout d’un certain temps, il revint à la maison avec un refroidissement, mais personne ne pensa que ce fût grave. Je lui fis visite le lendemain. En le voyant, je fus saisie d’une angoisse inexplicable. J’eus l’impression qu’il allait bientôt mourir. Je donnais à mon enfant qui se rendait à l’école à Appenzell un billet pour monsieur le Curé, le priant d’administrer notre père le plus tôt possible.

L’après-midi il reçut les sacrements avec des larmes de repentir. Le même soir, il n’avait plus toute sa connaissance ; il mourut le mercredi après-midi sans l’avoir reprise entièrement. J’avais estimé de mon devoir d’assister à la messe presque chaque jour à Appenzell durant un mois pour le salut de son âme. J’ai prié ma Mère du ciel pour me faire connaître, si telle était la volonté de Dieu, quand cette âme serait délivrée de ses souffrances.

Quelques temps plus tard, un matin, j’eus un songe. Je vis mon beau-père plein de vigueur venir tout naturellement dans notre chambre. Il s’assit ; son visage avait une expression de douleur et de souffrances profondes. Je lui demandais comment il allait. Il me dit en me montrant un morceau de pain blanc comme neige, qu’il avait à souffrir d’une terrible faim : il voyait ce pain mais il était dur comme la pierre ! Impossible de le manger. Puis je ne le vis plus. La chose fut claire pour moi : il devait souffrir maintenant parce qu’il avait communié si rarement au cours de sa vie. Il fallait donc communier très souvent.

Au bout d’une demie année, je vis le père arriver chez moi. Il était aussi jeune, aussi heureux, aussi beau que le jour de ses noces. Il me remercia puis s’en alla, les yeux levés au ciel. Je sus qu’il était rentré à la Maison du Père, auprès de Dieu qui est l’amour et la miséricorde infinies. »

Terrible inondation

En 1942, le jour de la fête de Notre-Dame de la Merci (24 septembre), la Mère de Dieu apparut pour la première fois à Maria Graf et lui adressa cette demande : Réciter le chapelet pour la conversion des pêcheurs. Quelques jours après, Maria Graf vit la Mère de Dieu en pleurs assise sur une colline verdoyante. Elle eut aussitôt conscience qu’elle n’avait pas répondu à la prière de la Mère de Dieu, car elle se disait : que tous soient appelés à dire le chapelet, cela ne me regarde en rien. Elle récitait toujours la prière aux Saintes Plaies comme Jésus le lui avait inspiré et pesait que cela suffisait. Mais maintenant, elle sut que Jésus désire le culte de Ses Saintes Plaies et la Mère de Dieu désire la récitation du chapelet pour la conversion des pécheurs.

Vint le dimanche. En se rendant à la messe, Maria Graf vit toute la contrée recouverte d’une eau sale, jaunâtre. Elle vit beaucoup de gens se noyer dans cette eau. Beaucoup étaient plongés dans les flots jusqu’à la poitrine, d’autres jusqu’au cou ; d’autres enfin complètement submergés, élevaient encore les bras hors de l’eau, comme pour appeler au secours. « Tant d’âmes vont se perdre si personne ne prie pour elles. C’est le déluge. »

« Après les évènements que je viens de raconter, je remplis en premier lieu mes devoirs d’état, sachant que c’est ce que Dieu demande d’abord. Mais souvent, mon cœur n’était as à son affaire. Je ne peux pas décrire combien cet évènement m’avait saisie intérieurement. Pendant mon travail, je disais et répétais souvent : “Dieu, que voulez-Vous que je fasse ?” Je me sentais la plus misérable des créatures du monde. Mais en même temps, mon cœur était plein du désir de servir Dieu, de faire pour Lui quelque chose de grand.

O mon Dieu, si seulement je pouvais, moi pauvre âme pécheresse, Vous aimer comme Vous méritez de l’être ! Donnez-moi donc la grâce de Vous aimer parfaitement par-dessus tout, et aidez-moi, que je ne Vous offense plus.

Soudain, je réalisai ceci : Jésus désire que je le reçoive souvent dans la sainte communion (la communion fréquente était alors chose rare). Que faire ? Que diront les gens, si je veux être meilleure que d’autres ? Rarement, une petite vieille communie dans notre chapelle. Nul ne soupçonnait mes luttes intérieures. Un respect humain presque invincible me remplissait, surtout parce que, en plus, je devais encore m’entendre dire que les gens pieux sont à craindre. Quand une personne communiait souvent, beaucoup de personnes la tenaient pour une sorcière (hypocrite).

“Le Royaume des Cieux souffre violence et seuls les violents s’en emparent” — voilà ce que j’entendis dire dans un sermon. Cela s’appliquait à moi. J’allais donc communier plus souvent par amour pour le Sauveur. Mais je me sentais toujours si indigne. Si seulement je pouvais tout demander à un confesseur et lui demander conseil ! Mais comment dévoiler au prêtre qui est mon confesseur actuel, des choses si secrètes ?

Je lui demandai une fois si c’était bien, tout en accordant son amour à son époux quand il le demandait, de ne pas désirer cet amour mais de désirer aimer Dieu et de demander Son amour. Le confesseur répondit seulement : “C’est ainsi qu’ont vécu les saints”.

Je reçus donc Jésus aussi souvent que j’en avais l’occasion, et Jésus, avec Sa grâce et Son amour m’aida à vaincre le respect humain. Mais depuis que mon confesseur m’avait dit : “C’est ainsi qu’ont vécu les saints”, je ne pouvais plus vraiment lui communiquer ce qui se passait dans mon âme et mes secrets, par crainte qu’il me tînt pour meilleure que je ne suis.

Automne 1943 : Un vendredi matin, je fis le rêve suivant : j’étais dans une grande église solidement bâtie. Elle était aussi grande et aussi vaste qu’une halle haute et immense. Des colonnes innombrables la soutenaient et elle était admirablement belle. Le chœur immensément haut brillait comme le soleil. On ne voyait que lumière : elle venait du tabernacle, en rayons de feu, de telle sorte qu’on ne pouvait qu’à peine la regarder. Tout à droite en haut, je vis, dans une chambre, le pape Pie XII à genoux sur un prie-Dieu. Il était vêtu tout en blanc et priait les mains élevées. Et je le vis qui priait en pleurant. En même temps, j’entendis une voix venant du tabernacle dire :

« C’est ainsi que vous devez prier pour le pape devant le Saint-Sacrement ! Alors il sera délivré ! »

A la suite de Jésus

Malgré les joies que je ressentais et auxquelles je ne saurais rien trouver de comparable en ce  monde, j’avais un ardent désir de connaître une trêve dans ces évènements. Me serait-il possible et permis de revivre une fois encore les joies et les peines de la maternité ? Je me fis examiner de nouveau. La sage-femme me dit que je ne pourrais plus avoir d’enfant, les organes internes ayant été blessés. Mais moi je désirais me débarrasser de tout ce qui était mystérieux et me consacrer entièrement à ma famille. J’avais promis avant mon mariage, de ne m’engager dans cet état que pour servir Dieu et rendre heureux les autres. A l’occasion d’une semaine religieuse, je m’entretins avec le prêtre qui donnait les causeries. Il me répondit :

« Enfin je retrouve une âme qui est peut-être plus près de Dieu dans le mariage qu’une religieuse qui ne veut pas observer ses vœux. »

Mais des doutes très forts, de très vives angoisses me tenaillaient: la crainte de n’avoir pas vécu mon mariage comme je le devais. Il me vint aussi de fortes tentations. Je devais lutter très durement pour rester pure et être fidèle à Jésus. Portant toujours sur moi mon chapelet, j’implorais la Mère de Dieu dans mes grandes tentations. Je voulais servir Dieu en servante pure, quoi qu’il put m’en coûter. Dans le doute et la détresse, je priais. Si Jésus a dit que par Ses Saintes Plaies, je peux tout obtenir, Il réalisera mon vœu ardent. Indicible devint mon désir de faire de nouveau un avec Jésus, de connaître Sa très sainte Volonté et de Le suivre. Ma Mère du ciel intercéda pour moi et me conduisit à Lui. Je La priais de me donner, sur ce chemin si plein de dangers, un guide, tel que celui que j’avais eu dans ma jeunesse. Comme mon âme jubila, quand le confesseur choisi me donna pour pénitence une partie du chapelet pour me faire conduire à Jésus par la main de Marie! Je reçus la communion avec une profonde piété, toute donnée à Jésus et prête à tout Lui sacrifier, si je retrouvais en Lui seul la paix de l’âme. Dans mon ignorance, je demandais à Jésus :

« Comment Vous ai-je offensé et que voulez-Vous que je fasse ? Dites-le moi, pour l’amour de Vos saintes Plaies. »

J’entendis aussitôt Sa réponse :

« Tu t’es relâchée dans ton premier amour. Accomplis de nouveau tes œuvres du début. »

Toute la journée, en travaillant, je ne pus que penser à ces paroles. Je finis par comprendre que je ne devais pas cesser de prier pour la conversion des pêcheurs. Je tombai malade ; j’allai maintenant, dans la souffrance, connaître son amour sans limites. Je priai Jésus de bien vouloir me faire savoir si je pouvais, par mes souffrances, certes méritées, sauver également des âmes. Je reconnus, dans ma souffrance, ma nouvelle vocation et l’amour illimité de Jésus pour nous, pauvres pécheurs. Mon âme languissait tellement après Lui. Tous les mercredis après la messe célébrée dans notre chapelle, le prêtre me donnait la communion. En profonde union avec mon Seigneur et mon Dieu j’étais si heureuse que je n’osais Lui demander la santé. O instants bénis, où Jésus comme dans l’étable de Bethléem venait à moi, pauvrette, dans notre demeure et jusqu’à mon lit de malade ! Quand le prêtre me présentait Jésus sous les apparences du pain, je ne trouvais pas souvent d’autres mots que : « mon Dieu et mon Tout. » Je Le suppliai, un jour, au milieu de mes douleurs :

« Mon Jésus, je sais que, dans Votre puissance et Votre Amour, Vous pourriez me guérir. Mais, si telle n’est pas Votre Volonté, je veux souffrir par amour pour Vous. Mais puis-je, avec mon penchant au péché, Vous sauver une âme ? »

Et forte et distincte une voix me répondit avec quel amour !

« C’est pour toi et pour beaucoup une bénédiction. »

De joie, de délices, j’en oubliais même mes douleurs. O mon Jésus, qu’il est grand, qu’il est incompréhensible dans Sa profondeur, Votre amour pour ceux que Vous avez sauvés ! Si seulement tous les hommes, tous les malades surtout, voulaient comprendre à quel point Jésus les aime, s’ils ont confiance en Lui, Lui offrent leurs souffrances pour ceux qui, plongés dans leurs péchés et leurs misères, ne trouvent pas le chemin pour aller à Lui. Il changera leurs souffrances en joie. J’ai dormi. Mais Jésus, Lui, veillait par amour pour nous, humains, sous les apparences du pain. O si seulement je pouvais le recevoir ! Il m’a si souvent montré Son amour infini, lors de la fête de Son Sacré-Cœur. Je L’ai prié de bien vouloir venir à moi spirituellement. Mon âme Le vit auprès de mon lit et Il me dit d’un ton très aimable :

« Marche sur les traces de Mes pas et suis-Moi ! »

Je vis, en rêve, Ses traces sanglantes sur le chemin. J’éprouvais d’abord un sentiment de peur et pensai :

« Est-ce le chemin de la croix qui commence pour moi ? »

Puis une joie bienheureuse remplit mon cœur et mon âme. Jésus m’invitait à Le suivre. O si seulement je pouvais vivre de telle manière, que je n’offense plus mon Sauveur !

   

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