LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

SES VERTUS SURNATURELLES

          Comme prêtre d'abord, puis en tant qu'évêque, le serviteur de Dieu eut une foi vive, rayonnante et agissante. Elle le conduisit à prendre avec courage et détermination, oralement et par écrit, la défense des droits de Dieu et de l'Église, pendant la persécution qui suivit l'instauration de la république et pendant les premières années du nouveau gouvernement. L'épisode relatif au ministère qui tomba parce que les trois ministres catholiques, dont le professeur Oliveira Salazar, se déclarèrent solidaires de la protestation de l'archevêque d’Évora, monseigneur Manuel Mendes da Conceição Santos, contre l'interdiction de faire sonner les cloches de la cathédrale d'Évora pendant la neuvaine de l'Immaculée Conception, mesure de mauvaise humeur prise par un gouverneur civil, est connu. De nombreuses lettres pastorales, véritables monuments de foi, publiées par l'épiscopat portugais sont de la plume bien taillée et vigoureuse du serviteur de Dieu.

          Sa foi transparaissait dans la majesté avec laquelle il pontifiait lors des cérémonies religieuses, surtout à la messe, auxquelles il prêtait la plus grande attention et qu'il suivait avec ferveur et recueillement Sa foi le conduisit à créer partout des associations de piété, d'apostolat et de charité. Il a été un précurseur de l'action catholique, qui n'a été fondée qu'en 1933 au Portugal, en publiant dès le 24 février 1925 une lettre pastorale où il signalait la haute mission que les laïcs avaient à remplir dans l'Église et invitait les catholiques à une semaine sociale à l'archevêché à l'automne suivant. Après la fondation officielle de l'action catholique au Portugal, il encouragea les sessions de l'action catholique aussi bien pour les assistants que pour les laïcs, et insista dans toutes les retraites données au clergé pour qu'il les prenne très à cœur.

          Sa foi en la maternité spirituelle et en la médiation de la Mère de Dieu, à laquelle il avait été consacré dès son baptême sous le vocable de Notre-Dame de l'Attente ou du O [1], l'amènera : à consacrer son cœur à la très sainte Vierge, le 1er janvier 1897, pendant ses études au séminaire romain comme on peut le lire sur une image de l'époque; à lui consacrer spécialement son épiscopat comme il l'a écrit en 1942 dans ses notes intimes ; et à obtenir de Pie XI un rescrit de la sacrée congrégation des rites étendant la tète de la médiation universelle de Notre-Dame à l'archidiocèse d'Évora, tète qui fut fixée sur le calendrier diocésain au 31 mai et célébrée jusqu'à ce que Pie XII institue ce même jour la tète de Marie Reine. Avec quelle dévotion et quelle onction le serviteur de Dieu prononça chaque année le sermon en l'honneur de Notre-Dame de la Solitude dans la cathédrale d'Évora, après la procession de la mise au tombeau du Seigneur qu'on y faisait, jusqu'à ce que cette procession organisée par la sainte maison de la miséricorde se fit, avec une solennité maintenue jusqu'à nos jours, dans les rues de la ville-musée.

          Ce fut encore sa foi en la maternité spirituelle de Notre-Dame, à laquelle il n'oubliait jamais de faire allusion dans ses sermons, ses homélies et ses instructions, qui le conduisit à Fatima, fit de lui le premier prélat portugais à reconnaître publiquement l'authenticité des apparitions de la très sainte Vierge et à y célébrer la sainte messe pour la première fois en février 1927. Le 13 mai de l'année suivante, à la demande de l'évêque de Leiria, monseigneur José Alves Correira da Silva, il bénit la première pierre de la basilique et présida la consécration solennelle du Portugal au Cœur Immaculé de Marie. Le 13 mai de l'année sainte de la Rédemption (1933), il conduisit à Fatima le premier pèlerinage des fidèles de son archidiocèse, 600 pèlerins au total, et. avec les évêques de Beja et de Faro, il consacra à Notre-Dame la province ecclésiastique d'Évora. La consécration de l'archidiocèse sera ratifiée le 10 décembre de la même année, au sanctuaire national de Notre-Dame de l'Immaculée Conception, à Vila Viçosa, par près de 20 000 pèlerins de tout l'archidiocèse d'Évora. Les pèlerinages diocésains à Fatima continueront à se développer sous son épiscopat. et seule la maladie l'empêchera d'être présent à la Cova da Iria le 13 mai de chaque année. Deux pèlerinages nationaux eurent lieu à Vila Viçosa en 1935 et en 1946 : le premier pour clôturer l'année sainte de la Rédemption, le second pour commémorer le quatrième centenaire de la consécration du Portugal à Notre-Dame de l'Immaculée Conception. Un pèlerinage diocésain avec mille membres de la jeunesse portugaise du sud du pays eut lieu en 1954 en l'honneur du centenaire d la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception. Ces pèlerinages diocésains à Vila Viçosa furent célébrés chaque année par ses successeurs, monseigneur Manuel Trindade Salgueiro et monseigneur David de Sousa. La ferveur et la participation augmentaient d'année en année ainsi que le nombre des confessions et des communions.

          C'est ce même esprit de foi et cette même dévotion mariale qui le firent choisir à partir de 1934 Fatima pour la retraite spirituelle annuelle du clergé de l'archidiocèse, en plus des nombreuses retraites qu'il y prêcha pour les laïcs. Non content de conduire aux pieds de la Vierge qui était apparue l'élite de l'archidiocèse, il n'eut de repos jusqu'à ce qu'il l'ait portée en pèlerinage à travers l'archidiocèse du 14 octobre au 12 décembre 1947 pour semer les grâces et les bénédictions divines qui embrasèrent les âmes des habitants de l'Alentejo, si profondément dévots envers Notre-Dame.

          Cette flamme et cette ardeur furent renouvelées à l'occasion du jubilé marial de 1954 avec les missions de la Vierge pèlerine — une belle statue du Cœur Immaculé de Marie, bénite à Fatima par l'évêque de Leiria, et couronnée solennellement sur la place de Giraldo à Évora par l'archevêque — et avec la consécration rédigée et lue par le maire d'Évora, João Luís Zagalo Vieira da Silva, à l'imitation d'autres maires de l'archidiocèse. Faute d'avoir un évêque auxiliaire, le serviteur de Dieu accompagnait lui-même dans la mesure du possible ou bien faisait accompagner par son infatigable vicaire général ou par monseigneur Francisco Maria da Silva, actuel archevêque primat de Braga, l'image vénérée jusqu'au jour où il acheva son propre pèlerinage terrestre. Il se préparait à aller à sa rencontre dans la ferme des Sesmarias, sur la paroisse de Lavre, quand Notre-Dame s'avança vers lui pour le conduire à la rencontre définitive avec son Fils, et par son Fils au Père.

          Il eut également toute sa vie une dévotion au Cœur Sacré de Jésus ainsi qu'à saint Joseph, l'époux de la bienheureuse Vierge Marie.

          A Évora, il était assidu à la neuvaine préparatoire à la fête de l'Immaculée Conception qui avait lieu à la cathédrale, et au mois de Marie dans l'église de Notre-Dame du Carmel auquel il assistait depuis les tribunes. Quand il quittait Évora, il recommandait aux familiers de ne pas oublier de célébrer le mois du Sacré-Cœur, celui de la Vierge Marie et celui de saint Joseph. Il présidait encore ce dernier la veille de sa mort Il priait le chapelet non seulement pendant les voyages mais aussi dans la chapelle de l'archevêché quand il revenait à une heure où les familiers étaient encore debout. Il recommandait aux employés de ne pas oublier de se préparer spirituellement aux fêtes les plus solennelles.

          Enracinée dans une foi vive et rayonnante, l'espérance du serviteur de Dieu fut une confiance solide et invincible en l'aide du Seigneur et dans le salut promis par le juste Juge. La désolation spirituelle et matérielle dans laquelle il trouva le diocèse que lui confia le Bon Pasteur ne lui fit jamais perdre courage ni se répandre en lamentations stériles, mais en fidèle serviteur et en pasteur zélé il fit tout son possible pour gagner tout le monde. Animé d'un sain et prudent optimisme, il inspirait la confiance et la recommandait à tous ceux qui rapprochaient. Il terminait habituellement ses lettres avec ce leitmotiv : Courage et confiance. A un de ses séminaristes qui fréquentait l'université Grégorienne et lui exprimait ses difficultés à passer l’examen, il écrivait :

          Je comprends ce que tu me dis au sujet de la thèse, et en réponse je te rappelle que le défaitisme n'est pas la bonne voie. Pour vaincre une difficulté, pour triompher, la meilleure disposition est la confiance, la volonté d'arriver au but. Ne dis donc pas que tu ne peux pas, que le temps te manque : mets-toi au travail et aie confiance en Dieu. Lui ne te manquera jamais.

          Mais le serviteur de Dieu ne se contentait pas de donner des conseils. Dans ce cas précis, sachant que le séminariste concerné avait besoin de consulter un manuscrit de la bibliothèque nationale de Lisbonne, il chargea un dominicain allemand qui faisait à ce moment-là des recherches dans les bibliothèques portugaises, de faire faire un microfilm de ce manuscrit et rapporta en personne à l’intéressé, profitant un pèlerinage national qui eut lieu à cette époque. Sa confiance, comme on le voit dans la réponse citée plus haut, était fondée sur l’humilité. Quand on lui racontait que quelqu'un causait du scandale, il disait à ses familiers comme saint Philippe Néri : Que Dieu pose sa main sur notre tête pour que nous ne devenions pas musulmans.

          De sa formation au séminaire romain, il lui était resté une tendre dévotion à Notre-Dame de la Confiance, patronne de ce séminaire, dont il avait une reproduction dans sa chambre à coucher. Des milliers de fois fleurit sur ses lèvres cette pieuse oraison jaculatoire, surtout aux heures d'affliction pour le salut du prochain : Ma Mère, ma confiance.

          La charité sans borne du serviteur de Dieu était pour ainsi dire le fruit le plus pur de sa foi et de l’ardeur de son zèle : une charité envers le prochain fondée sur la charité envers Dieu le Père. Il l'exerçait sans faire acception de personnes avec une prédilection pour la pauvreté cachée. Aucun pauvre ne quittait l'archevêché sans emporter une aumône, parfois doublée ou triplée, contre l'avis des familiers. A Noël, au nouvel an et à Pâques, il faisait asseoir à sa table quatre pauvres choisis par les conférenciers de saint Vincent de Paul dans les quatre paroisses de la ville. Lors des graves crises de chômage, il fonda une cantine économique à Évora et la soupe du pauvre dans diverses localités de l'archidiocèse.

          Parmi les plus grandes et les plus nombreuses preuves de sa charité on peut compter les milliers de demandes de recommandation qui l'assiégeaient continuellement de toutes parts et qu'il transmettait toujours avec la plus grande sollicitude même s'il savait qu'il se rendrait importun. Il s'excusait alors en se nommant l'avocat des pauvres. Il ne demandait rien directement aux ministres du gouvernement mais passait par des intermédiaires sauf s'il s'agissait de questions officielles concernant les diocèses qui lui furent confiés. Alors il n'hésita jamais à gravir les escaliers des ministères et à frapper, à temps et à contretemps, aux portes des ministres qui le recevaient toujours avec déférence et parfois lui épargnaient quelques pas en venant à sa rencontre.

          Ses visites régulières aux malades à domicile ou dans les hôpitaux, aussi bien du diocèse que de Lisbonne, et ses fréquentes demandes de nouvelles de leur santé ne sont pas moins édifiantes et émouvantes. Et quand l'ange de la mort venait chercher l'un d'eux, si c'était un bienfaiteur de l'Église ou du séminaire il accourait pour célébrer une messe en présence du corps dans la chapelle ardente, pour répandre le baume de la consolation et essuyer les larmes des familles en deuil, alors qu'il n'acceptait pas les invitations à des repas dans des maisons particulières à Évora afin de ménager les susceptibilités. Ses lettres de condoléances aux prêtres, aux séminaristes, aux religieux, aux laïcs croyants ou non, sont des monuments d'humanité, de réconfort, de confiance, d'abandon à la volonté du Seigneur. A l'image et à la ressemblance du Bon Pasteur il alla de lieux en lieux, faisant le bien et guérissant tous ceux qui étaient opprimés par le démon. (Actes 10,38)


[1] Du premier mot des antiennes solennelles qui se chantent au Magnificat du 17 au 23 décembre.

Pour toute suggestion, toute observation ou renseignement sur ce site,
adressez vos messages à :

 voiemystique@free.fr