LA VOIE MYSTIQUE
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Douzième LETTRE Si Dieu est pour nous…
R., le 23 février
2004 Mon frère bien-aimé, tu me demandes de commenter un texte de saint Paul... J'espère que l'Esprit Saint voudra bien m'y aider, car je ne suis que faiblesse et misère. Mais je souhaite ardemment faire la volonté du Seigneur et te donner la nourriture spirituelle que tu me demandes. Voici donc le texte: « Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui se lèvera contre nous ? Lui qui n’a même pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnerait-il pas aussi tout avec lui ? Qui accusera encore les élus de Dieu ? Dieu lui-même les déclare justes. Qui les condamnera ? Le Christ est mort, bien plus : il est ressuscité ! Il est à la droite de Dieu et il intercède pour nous. Qu’est-ce qui pourra nous arracher à l’amour du Christ ? La détresse ou l’angoisse, la persécution, la faim, la misère, le danger ou l’épée ? Car il nous arrive ce que dit l’Écriture :
“A cause de
toi, Seigneur,
nous sommes exposés à la mort
à longueur de jour. Mais dans tout cela nous sommes bien plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’absolue certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous arracher à l’amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ notre Seigneur » (Rm. 8, 31-39). ***Ce texte de saint Paul est d’une clarté absolue en ce qui concerne notre foi et notre vie en Dieu ! En effet, si nous adorons Dieu “par l’Esprit et en vérité” (Jn. 4, 23), si nous l’aimons “de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre pensée (Dt. 6, 5), “qui se lèvera contre nous” ? “qui sera contre nous” ? La foi est une armure invincible dont Dieu nous revêt, une armure qui ne craint rien, car elle est imperméabilisée par le Sang du Christ mort pour nous, mais aussi ressuscité pour nous, afin qu’avec lui nous ressuscitions nous aussi et avec lui ― qui “est à la droite de Dieu et intercède pour nous” ― nous soyons vainqueurs, “bien plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés”. Habillés de cette cuirasse impénétrable, et de la certitude “que Dieu fait concourir toutes choses au bien de ceux qui l’aiment, de ceux qui ont été appelés conformément au plan divin” (Rm. 8, 28), nous ne pouvons qu’aller de l’avant, et crier, nous aussi, vers nous ennemis, vers nos détracteurs : “Qu’est-ce qui pourra nous arracher à l’amour du Christ ?” et encore : “Si Dieu est pour nous, qui se lèvera contre nous ?” Il ne faut pas chercher la souffrance pour la souffrance, car cela s’appellerait masochisme ; mais il ne faut en aucun cas oublier non plus qu’il n’y a pas d’amour sans souffrance. Or, la souffrance librement acceptée et offerte est aussi une preuve d’amour ― comme celle se donner sa vie ―, une manière de participer à “ce qui manquait à la Passion du Christ” (Col. 1, 24), c’est participer à la rédemption de nos frères et à notre propre rédemption. C’est peut-être en pensant à cet aspect de l’amour-souffrance que saint Paul interroge, après avoir affirmé que nul ne peut “nous arracher à l’amour du Christ” : “La détresse ou l’angoisse, la persécution, la faim, la misère, le danger ou l’épée ?” Dans un autre passage de la même lettre aux Romains, saint Paul écrit ceci : “En effet, ceux que Dieu a connus d’avance, il les a aussi destinés d’avance à devenir conformes à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit l’aîné de nombreux frères. Ceux qu’il a ainsi destinés, il les a aussi appelés à lui ; ceux qu’il a ainsi appelés, il les a aussi déclarés justes, et ceux qu’il a déclarés justes, il les a aussi conduits à la gloire” (Rm. 8, 29-30). Cela voudrait-il dire que Dieu fait un “choix” de personnes ? Aucunement, car tous nous sommes appelés à la sainteté, à la béatitude éternelle, là où il n’y a “ni de pleurs ni de grincements de dents” (Mt. 8, 12), car toujours le Christ “intercède pour nous”. Le but de notre vie ici-bas, la raison de notre foi en Dieu est le salut éternel. Pour y parvenir, Dieu nous demande de “devenir conformes à l’image de son Fils”, de faire disparaître en nous le “vieil homme”, de nous revêtir de la cuirasse de notre foi inébranlable afin que nous soyons “bien plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés”, que nous ayons de cela “l’absolue certitude”, car alors, comme nous le dit saint Paul, “ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous arracher à l’amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ notre Seigneur”. Des témoins, certains de nos frères, dans un passé encore bien proche de nous ― pour ne pas aller fouiller dans les premiers temps de l’Église et parler des premiers martyrs ― ont compris et vécu cet amour-souffrance à un degré très élevé, avec un héroïsme, que nous ne pouvons pas mettre en doute, car strictement contrôlé par la médecine moderne. Nous pourrions citer ici saint Pio de Pietrelcina (+ 1968), Marthe Robin (+ 1981) que certains d’entre nous ont connue personnellement, et encore la bienheureuse Alexandrina de Balasar (+ 1955), que le Pape Jean-Paul II béatifia le 25 avril 2004. Cette dernière, dans son journal spirituel a écrit au sujet de cet amour-souffrance : « Aujourd’hui, je n’échangerais pas la souffrance contre tout l’or du monde. Aimant la douleur, je me sentais heureuse d’offrir à Jésus mes peines. Consoler Jésus et lui sauver des âmes, voilà ce qui me préoccupait ». “Je me sentais heureuse d’offrir à Jésus mes peines”, dit-elle. Est-ce du masochisme ? Certainement pas, car son amour à Jésus était plus fort que sa souffrance et, le but que par amour elle s’était fixé ― “lui sauver des âmes” ― surpassait les douleurs terribles dont elle souffrait continuellement… douleurs physiques et morales, il faut le préciser… C’est paradoxal ? Oui, c’est vrai, mais l’amour lui-même n’est-il pas paradoxal ? Si dans la vie de chaque jour nous ne sommes pas capables de faire des sacrifices, de faire des concessions envers ceux que nous disons aimer, c’est qu’en vérité nous ne les aimons pas vraiment, voila pourquoi même notre foi en souffre, car “l’amour, lui, fait grandir dans la foi” (1Co. 8, 1). Qui mieux que l’apôtre Paul a “chanté” l’amour ? Écoutons-le une fois encore nous dire : “L’amour est patient, il est plein de bonté, l’amour. Il n’est pas envieux, il ne cherche pas à se faire valoir, il ne s’enfle pas d’orgueil. Il ne fait rien d’inconvenant. Il ne cherche pas son propre intérêt, il ne s’aigrit pas contre les autres, il ne trame pas le mal. L’injustice l’attriste, la vérité le réjouit” (1Co. 13, 4-6). Et encore : “En toute occasion, il pardonne, il fait confiance, il espère, il persévère” (1Co. 13, 7). Et il termine son chant à l’amour par cette certitude : “L’amour n’aura pas de fin” (1Co. 13, 8), avant d’ajouter, martelant à notre intention cette idée maîtresse qui est une vérité évangélique : “En somme, trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour, mais la plus grande d’entre elles, c’est l’amour” (1Co. 13, 13). Et, si “l’amour n’aura pas de fin”, “qu’est-ce qui pourra nous arracher à l’amour du Christ ?” Amen. Ton ami dévoué.
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