LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Quatrième partie

Méditations préparatoires à la Grande Passion du Christ

4
Hérode et Pilate

Un pauvre homme, un pauvre fou !

Le Sanhédrin a donc décidé: cet homme, Jésus, doit mourir. Mais il est tard maintenant, et le procès ne peut plus continuer durant la nuit: c’est la Loi. On laisse donc Jésus entre les mains d’infâmes bourreaux, qui, fatigués après s’être bien amusés aux dépens de Celui qui n’est pas encore un condamné, le jettent dans un ignoble cachot.

Voici les premières lueurs de l’aube du Sabbath solennel: la grande Pâque juive. Jésus est toujours dans le cachot où Il a été enfermé par ses bourreaux, fatigués de Le tourmenter. Il prie et Il pleure. Mais maintenant c’est l’aube et les docteurs de la Loi sont pressés de reprendre le procès, ou plutôt la parodie de procès, et d’en finir avec ce Jésus qui les gêne. Ils pourraient Le lapider tout de suite... Ils ont déjà essayé plusieurs fois, mais une force étrange les en a toujours empêchés: “Jésus passait au milieu d’eux et s’en allait!”

Ce matin ils pourraient facilement Le lapider car l’Homme qui jusque là réussissait à leur échapper est soigneusement ligoté. Pourquoi ne le font-ils pas? Pourquoi aller chez Pilate: “Nous n’avons pas le droit de mettre quelqu’un à mort!” Généralement, pour lapider quelqu’un, l’exemple de la femme adultère est bien connu, ils ne se gênent pas autant!!! C’est que, sans le savoir, les docteurs de la Loi, eux aussi, en ce jour du premier Vendredi Saint, doivent accomplir les paroles des prophètes: le Serviteur de Yahvé doit être élevé de terre, c’est-à-dire crucifié et blessé au cœur: “Ils regarderont Celui qu’ils ont transpercé!”

Les bourreaux retirent donc Jésus de l’ignoble cave et le mènent devant le Sanhédrin, puis chez Pilate. Pilate a vite jugé: Jésus est innocent. Mais la populace gronde. Aussi, apprenant que l’accusé est galiléen, Pilate, trop content de se décharger d’une sale affaire,  envoie-t-il Jésus chez Hérode, cet être abject qu’il méprise profondément...

Jésus avait répondu aux questions de Pilate. Chez Hérode, Il se tait... Il refuse d’entrer dans le jeu cynique de cet odieux personnage. Alors, excédé et méprisant, Hérode hausse les épaules et revêt l’accusé de la robe des fous. Dès lors les humiliations et les outrages pleuvent sur l’Innocent. Tout le monde s’acharne sur Lui: les notables, bien sûr, mais aussi les serviteurs, les gens de la Maison d’Hérode, le peuple sans pitié, c’est-à-dire la populace qui est toujours là quand elle a l’occasion de s’amuser en faisant souffrir quelqu’un. Et il y a même, parmi tous ces gens déchaînés,  quelques individus que Jésus avait guéris, quelques jours plus tôt.  Mon Dieu! Que font-ils là?

Jésus, laissez-nous Vous contempler... Vous restez muet devant les mépris d’Hérode et les cris de la populace. Vous Vous taisez et Vous priez. Votre âme certainement pleure, car ce sont les vôtres, ceux de votre peuple, le peuple de Dieu, ce sont les vôtres qui Vous rejettent, qui Vous méprisent, ne voulant pas comprendre la sublimité de votre mission et l’Amour qui emplit votre Cœur: vraiment Vous n’êtes qu’un fou, un pauvre homme exalté, au cerveau dérangé, un idéaliste déséquilibré. Qui, en effet, maintenant, pourrait Vous écouter, et surtout Vous suivre?

Pourtant, tout dans votre vie est enseignement pour nous, et quel enseignement! Vous voulez nous faire comprendre que rien dans votre vie n’avait été laissé au hasard et que rien non plus dans nos vies ne serait le fait du hasard. Tout a un but dans nos vies: nous conduire à Vous, à Dieu, en réalisant la vocation que Vous avez voulue pour nous.

Jésus, laissez-nous encore Vous contempler chez Hérode... On Vous méprise, on Vous outrage. Tous ceux qui sont là Vous méconnaissent, Vous humilient, Vous bafouent,... et Vous Vous taisez. Vous priez pour ces pauvres hommes qui ne savent pas, et ne comprennent, ni ce qu’ils font, ni ce qu’ils disent.

Mais le temps presse; demain c’est le Grand Sabbath, le Sabbath solennel, et le Sanhédrin s’impatiente: quand va-t-on en finir? Vite, il faut retourner chez Pilate. Alors, sans ménagement on bouscule Jésus et on Lui fait refaire en courant le chemin qui le ramènera devant Pilate.

Nous Vous regardons toujours, Jésus sur ce chemin de votre douleur: Vous portez encore la robe blanche de dérision, la robe des fous, et l’on rit bien autour de Vous: “Il en a sauvé d’autres, Il ne peut se sauver Lui-même...” 

Voilà que Vous arrivez chez Pilate. Il n’est pas stupide, Pilate; il a bien compris le jeu des juifs; il sait que Vous êtes innocent. Vous Vous dites Roi, Jésus, mais “votre Royaume n’est pas de ce monde.” Pilate pense intérieurement que Vous n’êtes guère dangereux. Ce n’est pas Vous qui mettrez Rome en péril! Pilate sait aussi que Vous avez dit: “Rendez à César ce qui est à César.” Pilate a même appris, sa police est bien faite, que vous payiez vos impôts. On ne lui a pas dit comment Vous aviez trouvé la somme dans la bouche d’un poisson. Cela ne le regarde pas pourvu que l’argent rentre, dans ses caisses ou dans celles du Temple...

Pilate sait que Jésus est innocent de tout ce dont on l’accuse aujourd’hui. Ce Jésus qu’il doit juger est seulement venu rendre témoignage à la vérité. Mais qu’est-ce que la vérité, n’est-ce pas? Chacun a la sienne, n’est-il pas vrai? Non vraiment, pour Pilate Jésus n’est pas coupable; c’est juste un pauvre homme, un peu idéaliste, un rêveur irréaliste qui ne cesse de proclamer: “Aimez-vous les uns les autres.” Vous, Pilate, c’est Rome que vous aimez, que vous craignez surtout, mais Rome vous fait vivre, et bien vivre. Rome, c’est votre situation et votre avenir. Et puis il y a aussi les vertus romaines, et ce n’est pas rien, et vous êtes décidé à rester loyal envers Rome: tant pis pour le reste! 

Jésus! Pour Pilate Vous n’êtes qu’un pauvre homme vivant dans l’utopie: n’avez-Vous pas dit: “Heureux les pauvres!” Non vraiment, Vous n’avez rien compris à l’existence! Vous avez dit aussi: “Heureux les coeurs purs!” Alors là, Vous exagérez! Vous ne connaissez donc rien à la vie, ni au plaisir? Et Vous avez ajouté: “Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice!” Décidément Pilate serait sur le point de comprendre les pharisiens et les grands du peuple juif. Eux, au moins, ils ne s’embarrassent pas de scrupules: leurs employés sont à peine plus que des esclaves qui, s’ils veulent manger un peu, doivent travailler dur, malades ou pas. Surtout pas de sensiblerie, ça coûte trop cher! Alors les pauvres, les purs, les veuves et les orphelins, ils n’ont qu’à se débrouiller!...

Il y a bien dans la loi juive une petite phrase qui dit qu’il faut secourir les veuves et les orphelins, mais ce n’est qu’une petite phrase, et elle est si bien cachée qu’elle a été oubliée.

– Non vraiment, cet homme qui est devant moi, doit penser Pilate, cet homme n’est vraiment qu’un doux rêveur, pas dangereux du tout!...

Pilate hausse les épaules, mais il n’a pas compris que quelqu’un qui déclare sans cesse: “Aimez-vous les uns les autres... Aimez votre prochain comme vous-même,” ça peut être bien dangereux. Les juifs l’avaient compris, eux! surtout les riches qui, à quelques exceptions près, traitaient leurs paysans et leurs serviteurs moins bien que du bétail, et avec une rapacité inouïe.   

Jésus, Vous n’êtes qu’un pauvre fou, car la sagesse de Dieu est folie aux yeux des hommes. Car Vous êtes Dieu, le Créateur du monde. Et l’on Vous prend pour fou car Vous êtes toute sagesse, la Sagesse de l’Amour, de l’Amour que Vous êtes. Vous êtes fou Jésus de la folie de Dieu qui aime sa Création, qui aime ses créatures, qui aime ses enfants. Vous êtes fou Jésus de la Sagesse de Dieu, la Sagesse du Dieu-Amour, fou d’Amour pour vos amis...

Vous êtes fou d’Amour, Jésus, fou de votre Sagesse. Et nous, Jésus, nous aimons votre folie car nous aimons votre Sagesse. Nous aimons votre folie, Jésus, votre Amour qui nous a créés, votre Amour qui nous a aimés, votre Amour qui nous aime toujours. Votre Amour que nous aimons, Jésus, car votre Amour, c’est Vous.

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