LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Troisième partie

Méditations sur la Passion de Jésus pendant sa vie publique
La Cène et l’Agonie

11-2
La terre de l’Agonie

Méditation 2

Il est des jours où le Jardin des Oliviers, le Jardin de l’Agonie du Seigneur semble s’étendre à la terre entière. Devant notre regard épouvanté défilent toutes les horreurs qui ont jalonné tous les siècles de l’histoire des hommes, et qui semblent avoir atteint de nos jours, un paroxysme inimaginable, véritablement insupportable, intenable.

C’est alors que nous comprenons mieux le cri du Seigneur : “S’il est possible, que cette coupe passe loin de moi...” C’est quand nous sommes plongés dans l’horreur de la souffrance humaine que nous pouvons appréhender l’inhumaine et immense douleur de Jésus, et que, souvent nous sommes infiniment dépassés par l’obéissance de Jésus : “Père, que ta volonté soit faite.” L’obéissance de Jésus à son oeuvre de notre Rédemption a, en effet, quelque chose de si atroce et tellement lié aux détresses humaines, que c’est nous qui avons envie de crier : “Assez !... Père, nous n’en pouvons plus !... Seigneur, faites quelque chose, Seigneur, sauvez-nous de cette heure, éloignez de nous ce calice !...”

Il y a aussi la multiplication des sacrilèges contre l’Eucharistie, sacrilèges devenus tellement banals qu’ils ne nous préoccupent même plus. Pourtant ces sacrilèges, ces froideurs envers le Sacrement de l’Amour, sont aussi une inconcevable blessure envers le Cœur de Jésus qui s’en plaint amèrement, comme le rapporte Padre Pio à son Père spirituel :

“Écoutez, mon Père, les justes lamentations de notre très doux Jésus : ils me laissent seul de nuit et de jour dans les églises. Ils ne s’occupent plus du sacrement de l’autel ; on ne parle jamais de ce sacrement d’amour ; et même ceux qui en parlent, hélas ! c’est avec quelle indifférence, avec quelle froideur.” Quand on pense que Padre Pio a écrit ceci avant 1922, on ne peut s’empêcher de frémir ! Mais Padre Pio continue :

“Mon Cœur, dit Jésus, est oublié. Personne ne s’occupe plus de mon amour. Je suis toujours attristé. Ma maison est devenue pour beaucoup un théâtre de divertissement; mes ministres eux-mêmes, que j’ai toujours regardés avec prédilection, que j’ai aimés comme la pupille de mes yeux, devraient réconforter mon cœur plein d’amertume, ils devraient m’aider dans la rédemption des âmes; au contraire, qui le croirait ? je dois recevoir d’eux ingratitude et méconnaissance. Je vois, mon fils, beaucoup de ceux qui... (ici il se tut, les sanglots lui serrèrent la gorge, il pleura en secret) qui sous une apparence hypocrite me trahissent par des communions sacrilèges, foulant aux pieds les lumières et les forces que je leur donne continuellement...”

Il est impossible de ne pas voir que ces blessures contre son Cœur Eucharistique, répondant par l’indifférence à son Amour brûlant, ont participé aux angoisses de l’Agonie de Jésus à Gethsémani. Impossible également, de ne pas penser que les pires ignominies qui se commettent de nos jours aient été présentes au jardin des Oliviers. L’Ennemi se faisait triomphant en étalant devant Lui tout ce qui détruisait son œuvre.

Oui, Jésus, Vous avez supporté à Gethsémani, le poids énorme de nos péchés, de nos laideurs, de nos infirmités ? Et nous avons parfois l’impression que votre Agonie a prit une ampleur infinie, insoutenable, même pour nous qui ne sommes que des contemplatifs de votre Agonie. C’est comme si votre Agonie avait couvert le monde entier et que votre Jardin, celui des Oliviers, était devenu la terre entière. Jésus ! c’est Vous qui souffrez, et c’est nous qui défaillons, c’est nous qui n’en pouvons plus, et c’est nous qui nous écrions : “Assez ! Cela suffit !”

Contemplons Jésus dans son Agonie si difficile à comprendre. L’infini de sa souffrance nous dépasse, l’horreur de sa détresse nous épouvante, l’abandon et le dégoût du Père pour Celui qui répare nos erreurs et tous nos péchés  dont Il est innocent, l’abandon et le dégoût du Père nous terrifient, nous épouvantent. Soudain  nous étouffons. Jésus ! Nous Vous contemplons, muets, sans pensée, sans sentiment. Avec Vous nous devenons douleur, une douleur inexprimable qui nous envahit, nous submerge, et pourtant ne nous empêche pas de vivre...

Et cependant Jésus, il n’y a pas de révolte en Vous, juste un acquiescement extraordinaire à la volonté du Père et à votre désir de réaliser la Rédemption de tous les hommes. Même là, dans votre terrible Agonie Vous êtes toujours Amour. Jésus ! Il nous faut garder le silence. Tout cela nous dépasse, nous écrase...

Jésus ! Vous auriez pu, au moins, Vous éviter l’angoisse mortelle de la vision des siècles apostats, des civilisations de mort. Vous auriez ainsi allégé quelque peu l’horreur de votre Agonie qui n’aurait plus été qu’une agonie à taille humaine... Non, il Vous fallait aller jusqu’au bout de l’horrible et constater l’apparente inutilité de votre Sacrifice. Inutilité seulement apparente car nous ignorons tout de ce qui se passe au fond des coeurs et nous ignorons encore bien davantage ce qui remplissait votre Cœur à Gethsémani. Et peut-être que, comme nous, sur votre chemin de la Croix durant lequel le Père se cachait, semblait Vous abandonner, et ne Vous révélait pas l’immense efficacité de votre Sacrifice, Vous, comme nous, Vous pensiez peut-être à l’inutilité de votre Passion.

Mais le Père Vous envoya la Coupe de consolation...


[1] Les Agonies du Christ : celle au Jardin des Oliviers, et celle au moment de la mort de Jésus sur la Croix

Pour toute suggestion, toute observation ou renseignement sur ce site,
adressez vos messages à :

 voiemystique@free.fr