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Jésus, il y a presque quarante jours, Tu as rencontré Le
Baptiste, et Tu as voulu être baptisé par lui dans le Jourdain, car il fallait
qu’il en fût ainsi. Tu as entendu la grande Voix du Père qui disait:
“Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui Je Me complais. Écoutez-Le!” Puis
Tu as accueilli Jean et André, tes futurs apôtres, qui appelaient l’Agneau de
Dieu, et Tu les emmenas avec Toi, pour qu’ils voient où Tu demeurais. Ensuite
Tu fus poussé, par l’Esprit, au désert, nous dit l’Évangile, pour y être
tenté par le diable.
Maintenant, Jésus, Tu dois commencer ta prédication, Tu es
venu pour cela: annoncer au monde la venue du Royaume de Dieu. C’est aujourd’hui
que Tu dois prendre les grandes orientations qui guideront toute ta vie
publique, jusqu’à la Croix. Aujourd’hui Tu dois choisir ton Chemin, et tes
armes. Et déjà Tu pressens la venue du démon et les trois grandes tentations
qu’il osera Te présenter.
Oui, il Te faut rencontrer Satan. Jésus, Tu dois aujourd’hui
être tenté par le diable, car Tu es un homme, et Tu dois prendre sur Toi toutes
les souffrances des hommes, toutes leurs angoisses et connaître aussi toutes
leurs tentations pour leur enseigner comment y résister.
Jésus, Tu viens de jeûner, quarante longs jours. Tu as faim,
la faim atroce qui précède la mort. Il Te serait facile de changer les pierres
en pain... Mais Tu sais que l’homme ne vit pas seulement de pain, c’est évident.
Pourtant, le pain c’est bien utile, et Tu dois être en bonne santé pour
commencer ta mission...
Comment vas-Tu commencer ta prédication? Comment feras-Tu
pour attirer au moins les premières foules? Quelle manifestation grandiose
pourrait les attirer? Les foules ont besoin de grands effets spectaculaires...
Mais Tu sais aussi que les grands événements extraordinaires n’apportent rien de
vraiment convaincant: des terreurs ou, au contraire, des enthousiasmes passagers
bientôt remplacés par des doutes, des explications fallacieuses... Et souvent
par la faute des responsables qui, hélas! se croient savants: ils savent
expliquer ces grands événements extraordinaires ou les nier, les contester,
raisonner, et enfin les combattre, et vite les oublier. Que faire?
Il reste les situations très haut placées politiquement: les
rois, les empereurs imposent leurs opinions à leurs peuples. Oui, mais que de
compromissions il faut accepter pour arriver à ces postes-là. Toi, Jésus, Tu
sais que Dieu seul doit être adoré: Tu es Roi, Tu le sais, mais pas un roi de ce
monde...
Il y a aussi l’argent, l’argent qui donne tout, qui donne
accès à tout. Quand on a l’argent, on peut faire n’importe quoi, même réussir en
religion... Mais “l’homme ne peut servir deux maîtres.”
Jésus, Tu continues à réfléchir, longuement, douloureusement.
Aujourd’hui Tu achèves ta longue retraite, et avant de retourner chez les
hommes, Tu dois maintenant vivre une station de ton Chemin vers la Croix, une
halte dramatique, la halte du combat avec Lucifer, la halte de la tentation.
Jésus, Tu n’as rien mangé depuis quarante jours, et Tu as
faim, une faim terrible, une faim primitive car vitale. Si Tu ne manges pas tout
de suite, Tu mourras; cela Tu le sais, c’est une des lois de la nature, de la
vie sur la terre. Tu le sais d’autant mieux que c’est Toi le Créateur. Mais pour
l’instant, Tu es un homme comme tous les autres, et Tu as faim. Et Tu dois
manger, impérativement... Déjà Tu sens que la tête Te tourne...
Alors, Satan arrive, cauteleux :
– Change ces pierres en pain ! Change ces pierres en petits
pains moelleux, et mange. Tu as besoin de forces pour mener à bien ta mission.
Mange, c’est ton devoir. Mange donc et vite, avant que Tu ne Te trouves mal...
D’ailleurs, pour Toi, changer quelques pierres en pain, ce n’est pas bien
difficile! Tu sais faire !
Oui, Jésus, cela Tu sais faire; d’ailleurs Tu le feras plus
tard, en multipliant les pains pour nourrir une foule... Mais aujourd’hui, dans
ce désert, Tu es seul, et ce n’est pas le moment, ce n’est pas l’heure; et Tu ne
fais pas de miracle pour Toi-même...
Alors le diable Te conduisit sur le pinacle du Temple et dit:
– Si Tu es le Fils de Dieu, jette-Toi en bas; car il est
écrit que Dieu ordonnera à ses anges de Te porter dans leurs mains pour que ton
pied ne heurte la pierre. Ainsi, Tu attireras les foules, Tu leur feras
comprendre, à tous ces hommes à la tête dure et au coeur encore plus dur, Tu
leur feras comprendre que le Messie de Dieu, ce Messie qu’ils attendent depuis
des siècles, c’est Toi... Ce serait une scène magnifique; des anges Te
porteraient sur leurs ailes, ce serait vraiment bien, stupéfiant! Là au moins,
il y aurait du monde pour assister au spectacle...
Jésus, Tu s’insurges. Et après ? Après, Tu sais que toutes
les passions enfouies dans les coeurs grâce à une éducation rigoureuse se
réveilleraient sans pitié. Non, le spectaculaire inutile ne sera pas pour Toi,
Toi qui es doux et humble de coeur, et qui ne saisis les âmes que par l’Amour.
Alors, Jésus, Tu éloignes la tentation, Tu ne sauveras pas les hommes avec des
prodiges. Satan ne tentera pas davantage le Seigneur son Dieu. Tu ne Te jetteras
pas du haut d’une falaise, cela ne servirait à rien.
Mais Satan avait plus subtil... Car Tu dois prêcher, attirer
les foules qui recevront la parole de Dieu. Mais comment attirer et surtout
retenir ces foules? Alors Satan Te montre les gouvernements et ceux qui
conduisent les peuples. Les grands hommes, les petits rois, les empereurs
glorieux imposent leurs lois. Ce sont des maîtres absolus que l’on adore, des
idoles adulées...
Mais, Dieu seul peut être adoré...
– Arrière, Satan ! C’est le Seigneur seul que tu
adoreras !”
Jésus, Tu es doux et humble de Cœur. Tu ne feras pas de
prodige, Tu ne régneras pas sur la terre: ton Royaume n’est pas de ce monde...
Alors Jésus, Tu es parti vers ta mission, Tu as accueilli
tous ceux qui cherchaient Dieu et qui savaient ouvrir leur cœur. Tu as travaillé
doucement, Tu as préparé les coeurs avant de les changer, et, quand ce fut
l’Heure, Tu es allé sur le chemin de ton Calvaire...
Jésus, Tu as commencé par ouvrir le cœur des hommes malades
du péché et Tu nous as demandé de nous aimer les uns les autres. Tu nous as
demandé de prier sans cesse, de prier pour ne pas entrer en tentation... Toi
aussi Tu as pleuré sur la souffrance des hommes et Tu as eu pitié d’eux... Mais
Tu les as avertis, très souvent, de se garder d’abord du mauvais et de ses
mirages.
Jésus, cette station vers ton Chemin vers la Croix fut
terrible. Mais ton Cœur doux et humble fut plus fort que Satan. Seigneur, en cet
instant nous Te le demandons: rends nos coeurs humbles et doux comme le tien...
Cela Jésus, Tu sais le faire aussi, et... ce n’est pas du spectaculaire...
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