LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Le « Miroir » La « Nuée »
Deux manières de voir Dieu
D’après S. Grégoire de Nysse

Gabriel HORN

Introduction

La joie des aveugles est proverbiale.

Une autre lumière, semble-t-il, plus légère et plus apaisante que la nôtre, les inonde : ils y découvrent sans cesse des pays inconnus, de nouvelles splendeurs ; ces yeux grands ouverts qui, dit-on, ne voient rien, en vérité s’étonnent de tout ce qui leur apparaît, s’attendent à d’autres révélations, toujours plus belles et plus inattendues : leur vie est un ravissement sans fin.

La joie des contemplatifs n’est pas moins étrange.

Eux aussi sont aveugles ; eux non plus ne voient pas ce que voit la foule : les sensations claires et grossières qu’elle cherche et qui la satisfont leur sont inconnues ; et ils n’en sont pas curieux.

C’est qu’ils voient autre chose ; on plutôt, vivant en eux-mêmes, entrés dans la Nuit (des sens ou de l’esprit), ils savent qu’elle leur cache des réalités ineffables ; attirés, et comme ensorcelés par cet inconnu, ils l’aiment, ils le désirent, ils courent vers lui comme des fous et, souffrant de ne pouvoir jamais l’atteindre, ils se plaignent de ce mirage qui ne cesse de s’évanouir ; ... pourtant ils sont heureux, comme les aveugles.

Saint Grégoire de Nysse a chanté cette cécité clairvoyante de ceux qui ne voient que Dieu, cette perpétuelle « distraction » de ceux qui n’attendent que Dieu :

« Celui dont les yeux ne se fixent que sur Dieu est aveugle pour tous les objets que regarde la foule ; ... il a une vue perçante, un regard pénétrant, celui qui attache l’unique regard de son âme sur l’unique Bien ». Les autres sont les aveugles, eux « dont les regards s’attardent sur les choses vaines » [1].

C’est dans le « Commentaire du Cantique » [2] ou dans la « Vie de Moïse » [3], ou les homélies sur les Béatitudes [4], que l’on glane de ces pensées, perdues dans une broussaille d’images et de symboles à la manière de Philon et des Alexandrins : qui a le courage de s’y enfoncer, sans crainte de s’égarer ou de s’y ennuyer, en peut revenir avec une lourde gerbe de couleurs et de parfums ; il y trouvera aussi des sentiers pour mener à la contemplation de Dieu.

I

Car c’est bien elle que cherche ce néoplatonicien, cet évêque qui, au jugement de Tillemont [5], « autant... qu’on peut juger de lui par ses écrits... aimait plus le repos que l’action, et le travail du cabinet que le tumulte des affaires... », surtout si on le compare à son frère saint Basile, cet administrateur d’églises, cet homme énergique et pratique, ce fondateur d’hospices et de monastères, qui savait se retrouver, lui, dans le « tumulte des affaires » ! Grégoire était un homme doux, rêveur, distrait ; sa parole souvent se laisse entraîner à des digressions, elle s’en va à vau-l’eau ; mais soudain, le penseur s’arrête et se demande où il est arrivé ; par exemple, dans la 6e homélie sur les Béatitudes, après avoir répété la parole de Jésus : « Bienheureux les cœurs purs,, car ils verront Dieu », il décrit la sensation de « vertige » qu’il éprouve au bord de « l’abîme insondable de pensées » qu’elle lui suggère : ainsi, malgré la sentence de saint Jean (Jean I, 18) ; « Personne n’a jamais vu Dieu », de saint Paul (1 Timothée VI, 16) : « Lui qu’aucun homme n’a jamais vu ni ne peut voir », de Moïse (Exode XXXIII, 20) : « Nul ne pourra vivre qui aura vu le Seigneur », malgré les cris désespérés de tous les contemplatifs, les « cœurs purs » pourront donc voir Dieu ? Est-ce vrai ? Est-ce possible ? Notre-Seigneur n’a-t-il pas voulu dire, comme Moïse, mais sous une autre forme : On ne peut voir Dieu qu’après avoir été purifié, c’est-à-dire, débarrassé de son corps, après la mort ? [6]

Non ; il s’agit bien de voir Dieu en cette vie. Il faut donc le chercher

ce que peut bien être cette lumière qui n’éclaire pas encore la caverne obscure de la vie humaine. Ne serait-ce pas vers de l’infini, vers de l’inintelligible que tendrait notre désir ?... Quel nom, quel vocable arriverait à créer en nous une pensée digne de la Lumière suprême ? Comment « réaliser » l’Immaté-riel ?... Ce qu’on ne trouve ni dans l’espace, ni dans le temps, ce qui est hors de toute limite, de tout fantasme, qui le pourrait définir ?... [7]

Dieu me dépasse ; aucun langage humain ne peut l’exprimer :

L’Écriture détaille les grandeurs de la Nature souveraine ; mais qu’est cela auprès de la Nature elle-même ? Le texte ne parle qu’à ma mesure, autant que je puis l’entendre, et non pas à la mesure de celui qu’il décrit... [8]

Ces développements ne sont pas que de la « rhétorique » : vraiment, c’est bien Dieu que Grégoire cherche à comprendre et à exprimer, et qu’il souffre de ne pouvoir atteindre.

II

Pureté, miroir de Dieu

Enfin il a trouvé comme le vestige d’une route, une « trace de Dieu » : où va-t-elle le conduire ?

depuis toujours, bien avant Pythagore et Platon, l’âme s’était persuadée que, pour atteindre Dieu, il fallait se purifier, être pur comme Il est pur et si Platon proclamait : « A l’impur il est absolument impossible d’atteindre le Pur » [9], il ne faisait que résumer les sentences antiques. Cette vérité était devenue, comme le montre le P. R. Arnou [10], un dogme pour les néoplatoniciens, pour Plotin en particulier ; la libération de l’âme, la fuite du monde charnel, sa « conversion », son éveil au monde spirituel, quand elle a pu arriver à la bienheureuse « apathie », au silence des passions : tel était le but que se proposaient alors quelques philosophes. Les Pères du IIIe et du IVe siècle ne pouvaient les ignorer ; plusieurs professaient une doctrine semblable et recherchaient cette même « apathie » : On va voir que saint Grégoire de Nysse n’eut pas grand-peine à interpréter l’Écriture en ce sens.

Ces philosophes croyaient la pureté un condition nécessaire pour approcher du Pur, de l’Un, du Divin : c’est pour cette raison, dit Grégoire, que Dieu a ordonné à Moïse de se déchausser avant d’approcher du Buisson ardent, c’est pour nous apprendre « ce qu’il faut faire pour entrer dans les rayons de la Vérité : il n’est pas possible d’atteindre ces hauteurs où l’on voit la lumière de la Vérité... si on ne dépouille son âme du vêtement terrestre et mortel de la chair, que nous avons revêtu par la désobéissance... ; nous obtiendrons la connaissance de la Vérité par le dépouillement (litt. Par la purification, caqcrsion) des fausses croyances... » [11]

« S’évader véritablement, c’est se séparer complètement des corps », avait dit Plotin [12]. En expliquant cette parole de l’Épouse : « Je dors, mais mon cœur veille » (Cantique I, 2), Grégoire se souvient du précepte de Notre-Seigneur : « Ayez les reins ceints... » (Luc XII, 35) et le commente ainsi :

Il faut que ceux qui regardent la vie de Là-Haut dominent le sommeil, que sans cesse leur pensée soit éveillée,  qu’elle chasse de leurs yeux l’assoupisse-ment, ce séducteur des âmes, ce piège où tombe la vérité. Je veux parler de cet assoupissement, de ce sommeil où se forment... les fantômes de rêve : puissances, richesses... ensorcellement des plaisirs, vanité, et jouissance, et gloriole... toutes ces choses qui s’écoulent avec le temps, qui n’ont d’être que leur apparence, qui ne sont pas ce qu’elles paraissent, qui même ne restent pas toujours ce qu’elles paraissent (ou : ce qu’on les pense)... A peine nées, elles meurent... écume des flots, elles montent un instant à la crête des vagues, et s’évanouissent... Loin de ces rêves, notre pensée doit débarrasser les yeux de notre âme de ce sommeil pesant, de peur que, poursuivant le néant, nous ne perdions la réalité... [13]

Nous verrons que le soupir de l’Épouse suggère à Grégoire un autre commentaire, et qu’il recommande à l’âme un autre « sommeil ».

Mais comment l’âme deviendra-t-elle pure ?

Lui suffira-t-il, comme le pensent les philosophes, de « se séparer », de « s’éloigner », de « s’enfuir » [14], de « tout quitter » [15] ? Le chrétien croit au contraire que seule elle le peut et que, pour recouvrer la pureté, il lui faut être aidée.

Car l’homme a été fait par Dieu à son image et ressemblance, or « celui qui a été créé à l’image de Dieu, et n’a jamais perdu la marque divine (le « caractère » divin) en porte sur lui les signes, et reproduit en tout la similitude de son archétype : il embellit son âme de traits incorruptibles, inaltérables, sans mélange avec le mal... » [16].

Ici, Grégoire est intarissable : sous toutes les formes, à tous les détours de son Explication du Cantique (et Dieu sait si c’est un labyrinthe !), il revient à ce dogme qui lui est cher ; parfois il lui donne une formule rigoureuse et métaphysique, le plus souvent c’est une protestation d’amour humble et confiant : l’âme n’est qu’une image, un miroir des vertus de Dieu ; toutes ses vertus, cette pureté même dont elle a tant besoin pour voir Dieu, ne sont qu’un reflet de l’éternelle Sainteté, de la Pureté sans tache : elle seule peut les lui donner.

L’Époux dit à l’Épouse : « Lève-toi, viens, mon ami (les Septante disent : ma proche), ma belle, ma colombe... » (Cantique, II, 13)

Le philosophe est surpris :

Comment les mots se suivent-ils ? Quel ordre y a-t-il en cette pensée ? elle entend l’invitation... elle se lève... elle avance ; elle s’approche ; et elle devient belle ! Elle n’est donc devenue belle qu’après s’être avancée, elle n’était donc pas belle quand elle s’est levée !... C’est que le miroir de la nature humaine n’est devenu beau que quand il s’est approché du Beau, quand il s’est conformé à la Beauté de Dieu... elle regarde la Beauté Archétype..., s’approchant de la Lumière, elle devient lumière... [17] « Je suis noire, mais je suis belle, dit encore l’Épouse » (Cantique I, 4). Elle semble dire : Si la Beauté m’illumine... je sais bien pourtant que je n’étais pas brillante d’abord, mais noire. Cette forme qui m’enveloppait, obscure et ténébreuse, c’était ma vie passée qui l’avait faite. Et cependant, bien que j’aie été telle, je suis ce que vous me voyez...

La nuit, tout s’assombrit dans les ténèbres qui règnent : même les objets brillants sont noirs ; quand la lumière reparaît, ce fantôme ténébreux s’évanouit avec la nuit autour de ce qu’il enveloppait : ainsi, quand l’âme a passé de l’erreur à la vérité, la forme de sa vie se transfigure ; elle était ténébreuse : elle devient lumineuse [18].

L’âme est donc un miroir, non pas seulement des biens futurs, vers lesquels Dieu a voulu la diriger et qu’elle reflète dans sa pureté quand elle a rejeté le vice : immoralité, spiritualité, « apathie » [19] ; elle est encore et surtout un miroir de Dieu même, qui la veut voir tout près de Lui, s’admirer en elle et la transformer en Lui.

Toute la douceur, toute la tendresse de l’Épitha-lame divin inspire encore ces mots que l’Époux dit à l’Épouse (Dieu à l’âme) :

En te séparant de la participation... au mal, tu t’es approchée de moi ; et, en t’approchant de l’inaccessible Beauté, tu es devenue belle, toi aussi ; comme un miroir, tu as pris l’empreinte de mes traits... Tu est devenue belle en t’approchant de ma lumière, tu as retiré de ma présence une participation à ma beauté... [20] Tes yeux sont des yeux de colombe (Cantique I, 15) ; comme eux ils sont purs et reflètent le visage de celui qui les regarde : ils peuvent contempler la beauté de l’Époux [21].

Et maintenant, puisqu’« en elle-même, comme en un miroir, elle voit le soleil [22] », qu’elle se contemple donc elle-même : là, elle verra Dieu et toutes les vertus de Dieu, mieux que partout ailleurs.

Prends garde à toi-même, dit le Cantique [23] : c’est le moyen sûr de garder tes biens ; regarde combien celui qui t »a créée t’a honorée au-dessus de toute création : le ciel n’est pas une image de Dieu, ni la lune, ni le soleil, ni la splendeur des nuits : rien de tout ce qui paraît dans la création. Toi seule es un portrait de la Nature qui transcende toute intelligence..., une empreinte de la véritable Lumière : en La regardant, tu deviens ce qu’Elle est... [24] Celui qui renferme le terre et la création dans la paume de sa main, tu le contiens tout entier, il habite en toi, et il ne se trouve pas à l’étroit quand il parcourt ta nature.

L’Épouse devient contemplative, et donc, comme nous disions au début, distraite, aveugle :

« Si tu te connais, ô la plus belle des femmes, tu mépriseras le monde entier et, le regard fixé sur le Bien immatériel, tu ne daigneras même plus avoir les traces de ceux qui errent en cette vie » [25].

Cette perfection semble facile à attendre : s’exposer au soleil divin et, sans s’imposer aucun effort..., attendre n’être, comme le conseillait à sainte Marguerite-Marie sa Maîtresse des novices, qu’une « toile d’attente » sous le regard et la main du Peintre : passif, ne lui opposer résistance... serait-ce du quiétisme ?

Que l’on relise saint Grégoire : il recommande de « gratter la rouille » qui « offusque en nous la beauté de l’image divine » [26], d’« unifier nos vies multiples »,de « nous séparer du mal », ou encore, avec saint Paul, pour qui « vivre était le Christ » (Philippiens I, 21) d’ « effacer (litt. De « gratter ») en soi tout ce qui n’est pas dans la nature du Christ... pour n’avoir plus rien en soi qui ne soit en Lui ».

Tout cela n’est sans doute que se préparer, s’adapter à l’action divine ; mais Dieu exige cette préparation, et si l’Épouse peut dire : « Mon Bien-aimé est à moi et je suis à Lui » (Cantique VI, 1), c’est qu’il exige que

l’âme purifiée ne regarde plus rien d’autre que Dieu, qu’elle se dégage tellement de tout objet, de toute pensée matérielle, qu’elle... se soit transformée en une image limpide de la Beauté primordiale,

Et comme, quand

le miroir est façonné avec art et  disposé avec soin, la pure image qu’il reflète reproduit parfaitement le visage qui s’y mire, — ainsi l’âme qui s’est adaptée avec soin, qui a effacé en elle toute souillure matérielle, reflète la pure image de la Beauté sans tache. Ce miroir vivant et libre semble dire : Quand je vois se mirer dans mon disque le visage de mon Bien-Aimé, toute la beauté de ses traits se peut contempler en moi [27].

L’âme qui aime Dieu et veut le voir sera donc satisfaite : qu’elle rentre en elle-même, non pas pour se retrouver elle-même, — elle ne rencontrerait qu’une idole, matérielle et glacée, — mais pour découvrir ce que Dieu a voulu déposer en elle, ce que le Christ y a aimé : son image à Lui, le reflet de ses attributs, sa Pensée, sa Lumière. En d’autres termes, qu’elle rentre en elle-même pour en sortir, pour s’élever au-dessus d’elle-même et vivre en Dieu.

III

Nuée, Nuit

Quand ils parlent de la vision de Dieu, les maîtres de la contemplation sont désespérants : ils ont commencé par inviter l’âme à se dépouiller de ses passions, de ses affections charnelles et orgueilleuses, à sortir d’elle-même ; quand elle s’est découragée, ils lui ont promis que Dieu se montrerait à elle, qu’il la guiderait, et la récompenserait de son sacrifice ; mais quand la pauvre âme croit avoir tout quitté, quand elle se croit purifiée, prête à recevoir la lumière qu’ils annoncent... ils se retirent, ils semblent rétracter leurs promesses, ils n’ont plus qu’une réponse : Le Seigneur est un Dieu caché, invisible, on ne le voit que dans la nuit, on ne le voit que quand on ne voit plus rien, que quand on ne sait plus qu’on le voit ; ils ne connaissent plus que le « théologie négative », c’est-à-dire une seule vérité qu’ils ne cessent de répéter sous toutes les formes : Dieu est le Tout, mais il n’est rien de ce que nous pouvons penser ; pour le voir, il faut renoncer à nos images, à nos concepts, à notre intelligence, à tout nous-mêmes enfin ; et nous ne le comprendrons jamais : c’est le refrain de saint Jean de la croix, de Ruysbroeck, du Pseudo-Aréopagite, de saint Grégoire de Nysse... et de combien d’autres !

C’est pourquoi notre auteur, après avoir exalté l’image de Dieu en nous pour ramener l’âme dissipée à la vie intérieur, quand elle s’est « purifiée » de toutes ses pensées terrestres, l’arrête et lui dit : Ne crois pas que tu es arrivée à Dieu ; tu n’as même pas commencé à te mettre en marche : tu t’es simplement préparée au voyage ; aussi ne t’étonne pas que ton désir reste inassouvi : tu n’as de Celui que tu cherches qu’une image.

Car l’âme n’est qu’une image de Dieu : or elle veut la Réalité même. On aurait pu, dans les passages cités, souligner ce caractère, et Grégoire n’y a pas manqué : pour ce platonicien, c’est la tare de tout ce que notre intelligence peut atteindre. La question reste donc sans réponse : Dieu se montre-t-il à nous ? comment le contempler ?

« L’amant passionné de la Beauté, ne voyant dans les beautés qui paraissent que des images de Celui qu’il désire, a soif de contempler l’Archétype en personne... ne plus voir en des miroirs ou des images, mais jouir face à face de la Beauté » [28] . C’est l’Amour, insatiable.

Comment notre saint explique-t-il — ou plutôt comment décrit-il cette poursuite infatigable ?

Revenons à Moïse : purifié, séparé de tout, il gravit à grands pas les pentes du Sinaï, il ne peut s’arrêter ; longtemps, il ne voit rien. C’est que « la contemplation de l’Inintelligible » exige que « nous transcendions la connaissance des sens... elle n’est saisie ni par la vue, ni par l’ouïe, ni par aucune de nos pensées coutumières » [29]. Dans la solitude de son âme, rien ne l’arrête : « il a abandonné tout ce qui paraît, non pas seulement ce que perçoivent les sens, mais même tout ce que la pensée croit voir ; il pénètre de plus en plus à l’intérieur, jusqu’à ce qu’il arrive, par l’activité de sa pensée... à l’incompréhen-sible... et que là il voie Dieu » [30].

Oui, « l’activité de la pensée » peut et doit l’y amener : c’est tout ce à quoi elle peut et doit servir ; l’âme se laisse attirer :

Les corps pesants, lancés sur une pente, même si personne n’aide leur course, se précipitent d’un mouvement toujours plus impétueux, tant que la descente continue... ; ainsi l’âme, délivrée des passions..., s’élève, d’un mouvement toujours grandissant, s’en-vole des bas-fonds vers les cimes ; et, comme rien d’en-haut n’arrête son élan (la nature du Bien attirant à elle ceux qui la contemplent), elle s’élève toujours au-dessus d’elle-même [31].

L’âme est encore comme une bulle d’air cachée dans la boue d’un marais : soudain

elle lève les yeux vers l’Être divin à qui elle est apparentée... elle scrute, elle cherche le principe des êtres, la source de leur beauté, de leur puissance, de la sagesse qui transparaît en eux.

C’est le travail de la raison, la dialectique platonicienne qui monte du sensible à l’intelligence :

La bulle d’air monte vers l’élément qui lui est familier, arrive à la surface de l’eau et la traverse ; alors, elle cesse de monter ; ainsi l’âme cherche Dieu, quand elle s’est tendue [32] des bas-fonds vers la connaissance des êtres supérieurs, ne peut plus progresser en exerçant son activité : elle admire et adore (litt., elle révère : sbetai) Celui dont l’action ne révèle que l’existence [33].

La marche de la raison naturellement s’arrête : ce qui ne veut pas dire que la course de l’âme soit arrêtée, que l’âme peut se reposer : au contraire, elle est d’autant plus active qu’elle est moins gênée par les « pensées coutumières » : « elle peut voir, maintenant (ou : dans le fait) qu’elle ne voit pas » [34] ; elle est libre.

L’Épouse peut appeler cette phase de sa vie un « sommeil », disons : une quiétude :

Je dors, mais mon cœur veille (Cantique V, 2). Le sommeil ressemble à la mort : en lui se dissout toute activité sensible du corps : ni la vue, ni l’ouïe... tant que le sommeil dure, ne se peuvent exercer. Mieux encore : il relâche la tension du corps, il amène l’oubli des soucis humains, il apaise la crainte... Ainsi, laissant tomber (les bagatelles de la terre), absorbée par la vision des vrais biens, tandis que les yeux du corps languissent, l’âme parfaite ne se laisse attirer par rien de ce qu’on lui présente : sa pensée ne voit que ce qui transcende le visible [35].

Elle n’est éveillée à aucun plaisir sensible, elle a endormi tout mouvement du corps, et la pensée, pure et dépouillée, en sa veille divine, reçoit la vision de Dieu [36].

Comme la plupart des mystiques, quand ils veulent exprimer ce que leur doctrine a de plus élevé, Grégoire ne se sert plus guère d’une langue se symboles et d’images : comme eux, il sent que les formules abstraites de la raison pure ne peuvent suffire à ce qu’ils veulent exprimer : l’anéantissement de l’esprit quand il s’approche de Dieu. Mais on se tromperait si l’on ne voyait en ces pages que des effusions de poète, des envolées littéraires ; si pourtant l’on trouvait ce langage trop brillant, on pourrait le traduire à peu près comme ceci : l’âme humaine, créée par Dieu dans la pureté et la justice, naturellement serait retournée à Dieu ; mais le péché l’en éloigne, et, comme elle est unie à un corps matériel, elle s’y est attachée, et a oublié son origine et sa fin. Dieu ne l’a pourtant pas abandonnée et, si elle est fidèle à sa grâce, elle peut encore monter vers lui pourvu qu’elle abandonne ce corps qui l’a trompée, et tout ce qui l’attache au corps : imagination, passions... Et comme Dieu est pur esprit, comme il la dépasse infiniment, elle doit être prête, dès qu’il lui demande ce sacrifice, à abandonner même sa raison, c’est-à-dire à ne pas vouloir le comprendre, à croire même que « Dieu se trouve là où ne peut arriver sa compréhension » [37].

C’est ce que Grégoire appelle « entrer dans la nuée », ou « dans la nuit ». Qu’est-ce que cette nuée, et d’où vient ce symbole ?

Quand Moïse arriva au sommet du Sinaï, tandis que le peuple restait tremblant au bas de la montagne, le prophète osa s’approcher des éclairs et de l’incendie où Dieu l’appelait, « il entra dans la nuée où était Dieu » : eishlqen eiz ton jnojon, ou hn o qeoz (Exode XX, 21).

Cette « nuée » eut une fortune : c’est elle qui semble avoir servi de symbole dans la mystique judéo-alexandrine et chrétienne, à cet abandon de l’intelligence que Dieu demande à l’âme quand il se montre à elle : l’auteur de l’Épître aux Hébreux, après avoir recommandé à ses fidèles « la sainteté, sans laquelle personne ne verra le Seigneur » (XII, 14) semble voir encore « le feu palpable et brûlant » de la montagne, « la fumée, la nuée, l’ouragan, le fracas des trompettes... » et trembler encore à l’approche du Dieu vivant. Depuis Denys l’Aréopa-gite, la « nuée (gndjoz) où est Dieu » est devenue la « lumière divine, qui dépasse l’intelligence » [38], « la nuée plus que lumineuse du silence mystérieux » [39], et les contemplatifs sont invités à l’invoquer [40].

Deux fois [41], Grégoire se demande pourquoi Dieu semble se contredire en ses « théophanies » : d’abord, il s’était montré à Moïse dans une grande lumière ; et maintenant c’est dans la nuée que Moïse le verra. C’est que

« la connaissance de la religion est lumière pour ceux en qui elle entre une première fois ; la pensée contraire à la religion est obscurité ; on la chasse en participant à la lumière ».

Alors l’esprit « s’avance, et s’appliquant à la méditation, plus il approche de la contemplation, plus il voit que la Nature divine ne peut être contemplée » [42].

« La réflexion, s’attachant à pénétrer le mystère, conduit l’âme à travers ce qui paraît, jusqu’à la Nature invisible ; c’est comme une nuée qui rejette dans l’ombre tout ce qui paraît : ainsi... elle habitue l’âme à la vision du Secret... Cheminant ainsi vers les hauteurs... l’âme entre dans les abîmes de la connaissance de Dieu ; et, de toutes parts, sa marche est arrêtée par la Nuée divine ; alors, elle laisse tomber tout ce qui paraît et tout ce qui se comprend ; il ne lui reste plus à contempler que l’invisible et l’incompré-hensible où se trouve Dieu, selon ce qui est dit de Moïse, qu’il entra dans la nuée... » [43].

La course angoissée de l’Épouse, ses nuits de recherches sans répit et sans succès, offraient encore à Grégoire l’occasion de décrire la « nuit » de la contemplation :

Sur ma couche, pendant la nuit,
j’ai cherché Celui qu’aime mon âme,
je l’ai cherché et ne l’ai point trouvé... (Cantique III, 1-4)

... par ce nom de nuit, elle veut dire la contemplation de l’invisible, la nuée où était Dieu, et où Moïse entra. Quand elle y est arrivée, on lui apprend qu’elle est aussi loin d’avoir atteint la perfection que si elle n’avait pas commencé à monter !

J’ai été honorée de dons parfaits (dit l’Épouse) ; je me suis reposée comme sur un lit dans ce que mon intelligence pouvait comprendre : mais quand je fus entrée dans l’invisible et que, abandonnant les sens, je fus enveloppée par la nuit divine, cherchant celui qui se cachait dans la nuée, alors, j’avais bien l’amour, mais lui, il échappait à la prise de mes pensées ; je le cherchais sur ma couche durant la nuit, j’aurais voulu savoir ce qu’est son essence... où elle est... mais lui, je ne l’ai pas trouvé. Je l’appelais par son nom, — autant que je pouvais donner un nom à l’Innommable — mais aucun nom n’arrivait jusqu’à lui [44].

Et ailleurs :

Quand elle a dépassé sa nature, quand rien de familier ne l’empêche plus de connaître l’Invisible, l’âme ne s’arrête pas de rechercher Celui qu’elle ne trouve pas... Je l’ai cherché et ne l’ai point trouvé... Et comment aurait-elle pu trouver Celui que rien de connu ne peut indiquer ? Celui qu’elle trouve toujours loin de toute connaissance, comment l’exprimerait-elle par un vocable, par un nom ? Elle invente tous les noms qui peuvent signifier la Béatitude ineffable : Tu es Dieu, plein de miséricorde, de pitié ; tu es véritable, force, soutien, refuge... l’âme appelle le Verbe comme elle peut, mais elle ne peut pas comme elle veut, car elle veut plus qu’elle ne peut, et elle ne voudra jamais autant qu’Il est [45].

Car la raison de cette poursuite qui toujours recommence, et sans cesse échoue : elle est interminable, parce que Celui qui l’attire est infini : « Toute notion qui prétend l’envelopper devient un obstacle à le trouver ». Aussi « les gardes » — c’est-à-dire la création spirituelle et matérielle — « se taisent-ils quand elle les interroge : L’avez-vous vu, Celui que mon cœur aime ? (Cantique III, 2). Leur silence montre bien que, pour eux aussi, Il est insaisissable ».

Aussi ne faut-il jamais se reposer, ne jamais croire qu’on l’a saisi : c’est même « la seule manière de le saisir : ne jamais s’arrêter à ce que l’on a saisi... ne jamais cesser de sortir de soi-même..., de tous lieux (= de toutes les notions) que l’on a pu atteindre » [46].

Dans le Cantique, l’Époux semble apparaître plusieurs fois à l’Épouse : elle n’est jamais contente ; après chacune des apparitions, quand elle l’a vu descendre les collines à grands pas, quand elle l’a deviné derrière les grilles de sa fenêtre, quand elle a pu le saisir enfin et se reposer dans son embrassement, elle recommence à chercher et à se plaindre de ne jamais le trouver.

Dieu, dans l’Ancien Testament, s’était manifesté de toutes manières, sous toutes les formes, multifariam multisque modis, aux âmes saintes, et jamais elles n’avaient été satisfaites. La grande « Théophanie » que fut l’Incarnation n’a pu qu’exci-ter encore cette soif inextinguible de Dieu : l’Épouse ne cesse de courir, elle croit toujours qu’il lui échappe, et que ce qu’elle ignore de Lui est plus beau que ce qu’elle en sait :

Dans ses premières démarches, l’âme l’avait connu autant qu’elle en était capable. Mais comme ce qu’elle n’a pas saisi dépasse infiniment ce qu’elle a saisi, l’Époux apparaît plusieurs fois à l’âme... Supposons quelqu’un s’approchant de la source dont l’Écriture dit qu’elle jaillissait de la terre, si abondante qu’elle l’inondait toute... (Genèse II, 6) Il aurait admiré ces nappes immenses, ces eaux se répandant et s’épanchant à l’infini ; mais il n’aurait pas dit qu’il voyait toutes les eaux... comment aurait-il vu les eaux cachées sous terre ? Même s’il était resté longtemps près de la source jaillissante, il n’aurait fait que commencer à contempler les eaux...

De la même manière, celui qui regarde la Beauté divine illimitée, voyant que toujours il découvre de nouvelles splendeurs..., admire cet éternel jaillissement et ne se lasse pas de le désirer voir encore : ce qu’il pressent est toujours plus grandiose, plus divin que ce qu’il a déjà vu [47].

Et c’est tout ce que l’Épouse peut obtenir dans la Nuit : « un sentiment de présence ».

Si l’on trouve cette doctrine exagérée, par trop agnostique, et humiliante pour l’intelligence humaine, on relira certaines pages de saint Jean de la Croix. Connaissait-il Grégoire ? Les expressions dont il se sert ressemblent étrangement à celles que nous venons de citer, par exemple, dans l’Explica-tion du Cantique (strophe 1) :

« Tu fais bien, ô âme, de le chercher toujours caché, car tu glorifies beaucoup Dieu et t’approches beaucoup de lui, en l’estimant plus élevé et plus profond que tout ce que tu peux atteindre. C’est pourquoi ne t’arrête ni en partie ni totalement à ce que tes puissances peuvent embrasser ; je veux que tu ne veuilles jamais te satisfaire de ce que tu comprendras de Dieu, mais de ce que tu ne comprendras point de lui ; ne t’arrête jamais à aimer et à te délecter en ce que tu comprendrais ou sentirais de Dieu, mais aime et te délecte en ce que tu ne peux comprendre ou sentir de lui ; comme nous l’avons dit, c’est là le chercher dans la foi. Puisque Dieu est inaccessible et caché, comme nous l’avons également dit, quoi qu’il te paraisse le trouver, le sentir et le comprendre davantage, tu dois le regarder toujours comme caché et le savoir caché dans le secret » [48].

       Quand la théologie dit : « Dieu est infini, il dépasse toute intelligence créée... », dit-elle autre chose ? Les contemplatifs n’ont fait qu’éprouver cette vérité abstraite, et l’ont exprimé comme elle leur était apparue : une « flamme obscure », qui brûlait tout en eux,

... en la noche serena
con llama que consume y no da pena
[49]


[1] Commentaire du Cantique, Homélie VIII. Migne, PG. 44. 952 a.

[2] Commentaire du Cantique des cantiques. Ibidem, col. 755-1119.

[3] Vie de Moïse. Ibidem, col. 298-434.

[4] Homélies sur les Béatitudes. Ibidem, col. 1194-1303.

[5] LE NAIN DE TILLEMONT. Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique... Paris, 1703, t. 9, p. 600.

[6] Homélies sur les Béatitudes. VI, 1264 b. sq.

[7] Homélies sur les Béatitudes. III. 1225 b. c.

[8] Homélies sur les Béatitudes. VIII. 1274 d. 1277.

[9] Phædon, 67 b.

[10] R. ARNOU, Le désir de Dieu... Alcan, 1921, p. 198 sq.

[11] Vie de Moïse 332 d., 333 a. Cf. Commentaire du Cantique I. 769 d.

[12] Ennéade III, 6, 6, cité par R. ARNOU, ouvrage cité.

[13] Commentaire du Cantique. XI, 996 a. b.

[14] PLATON. Théétète, 176 a. b.

[15] R. ARNOU, ibidem, pp. 199-201.

[16] Vie de Moïse. 429 a. Cf. Commentaire du Cantique, I, 772 d - 773 a. ; IX, 901 b. c. « Ta parure de vertus, ô Épouse..., par sa pureté et son « apathie », est semblable à la Nature inaccessible ».

[17] Commentaire du Cantique. V. 868 c. d.

[18] Commentaire du Cantique. II, 789 d. - 792 a. b.

[19] Vie de Moïse 340 a. b. Dans la 2e homélie sur les Béatitudes, Grégoire explique à son auditoire (qu’il semble croire moins avancé que d’autres dans la doctrine des parfaits) comment il comprend cette fameuse « apathie » : « Tant que nous vivons sur terre, il n’est pas possible de réaliser une vie pleinement immatérielle et sans passion... ; non : c’est la « douceur » que Notre-Seigneur nous prescrit ; nous imposer l’« apathie », c’eût été comme vouloir acclimater des oiseaux aquatiques à la vie en plein air (et réciproquement) ; il faut que la loi soit proportionnée à la nature de chacun. » (Homélies sur les Béatitudes II, 1216 a. b.)

[20]  Quand tu me regardais,

  Tes yeux imprimaient en moi ta grâce...

  (Cantique de saint Jean de la Croix, strophe XXXII).

[21] Commentaire du Cantique. IV. 833 a. c., 836 a. Cf. 824 a. VIII 952 b. c. : vies multiples de l’âme unifiées par le regard unique vers l’Un.

[22] Commentaire du Cantique. IV, 824 c.

[23] Version des Septante : ce n’est pas le sens du texte hébreu.

[24] Commentaire du Cantique. II. C. 808 b. Cf. III. 829 b. c.

[25] Commentaire du Cantique.

[26] Homélies sur les Béatitudes; VI, 1269 c. - 1272 c.

[27] Commentaire du Cantique. XV. 1093 c. - 1096 d. Cf. Commentaire du Cantique. VIII, 949 a. b. : l’Église, corps du Christ, image du Christ, façonnée par le Christ, reflet limpide du Soleil de justice.

[28] Vie de Moïse 401 d. Cf. Note sur le mot Éros dans saint Grégoire de Nysse. RAM, octobre 1925, p. 382 sqq.

[29] Vie de Moïse. 373 c. d.

[30] Vie de Moïse. 376 c. 377 a. 405 a. b. : le « Lieu » de Dieu.

[31] Vie de Moïse. 399 d. - 401 a. b.

[32] Cette expression néoplatonicienne est fréquente chez notre auteur, et le sera plus encore chez le Pseudo-Aréopagite : elle dépeint bien l’effort de l’âme qui veut monter au-dessus d’elle-même.

[33] Commentaire du Cantique. XI, 1009 a. c.

[34] Vie de Moïse. 377 a.

[35] Commentaire du Cantique. X, 992, c. d.

[36] Commentaire du Cantique. 993 d. Il s’agit bien ici de « passivité », bien que Bossuet affirme, dans l’Instruction sur les États d’oraison, que sur l’« oraison passive », on ne trouve, dans saint Denys, qu’un « petit mot ( !) et rien du tout dans les Pères qui l’ont précédé. » (Ed. LACHAT, t. XVIII, p. 519). Pourtant il ne semble pas ignorer que Denys vivait un siècle environ après notre saint.

[37] Vie de Moïse. 317 a. b.

[38] Théologie Mystique, ch. 3, PG. 3, 1033 b.

[39] Théologie Mystique, ch. 1, 997 b.

[40] Théologie Mystique, ch. 2. 1025 a. Saint Jean de la Croix parle aussi de la « Nuit » et chante le « Rayon de Ténèbre ». Cette « obscurité », cette « ténèbre », sont-elles les mêmes que le scdtoz, le gndjoz de Denys ? M. J. BARUZY (S. J. de la C. et le problème de l’expérience mystique. Alcan, 1924, p. 311 sq. Et p. 463) se pose la question : mais sa réponse ne me semble pas fort claire.

[41] Dans la Vie de Moïse et dans le Commentaire du Cantique.

[42] Vie de Moïse, 376 c. d.

[43] Commentaire du Cantique, XI, 1000 c. d. Cf. Vie de Moïse 317 a. b.

[44] Commentaire du Cantique, VI, 892 c . - 893 c.

[45] Commentaire du Cantique, XII, 1028 a. d.

[46] Commentaire du Cantique, XII, 1924 b. - 1025 a.

[47] Commentaire du Cantique, XI, 997 d. - 1000 c.

[48] Saint Jean de la CROIX, Cantique spirituel, c. 1, déclaration. Édition du P. GÉRARD, Œuvres, t. 2, p. 177.

[49] Saint Jean de la Croix, Cantique spirituel, strophe 39, t. 2, p. 168.

Revue d’ascétique et de mystique N° 30 – avril 1927 – Toulouse.

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