

Jean Crasset
(Jésuite
français, 1618-1692)
Né à Dieppe le 3 janvier
1.618, Jean Crasset entre noviciat de la rue du Pot-de-Fer à Paris le 28 août
1638.
Le
maître des novices qui l'y accueille est Julien Hayneufve, nommé l'année
suivante recteur du collège de Clermont. Peu s'en fallut que Crasset ne
retrouvât Hayneufve à Rouen en 1652 comme Instructeur durant son « troisième an
de probation ». Hayneufve, cette même année, cédait sa charge à Honorat Niquet
arrivé de Rome où il avait été neuf ans théologien du général de la Compagnie de
Jésus. Ces deux religieux ont eu leur part dans la formation spirituelle de
Crasset, Hayneufve surtout, « spirituel insigne » (H. Bremond), dont nous
verrons combien fut profonde l'influence sur son disciple. Il faut. leur
adjoindre un autre jésuite plus effacé, Simon de Lessau, dont l'intervention fut
décisive dans la yie spirituelle de Crasst.
Prédicateur apprécié, Crasset
se fit entendre avec succès à Amiens et à Rouen. Le 8 septembre 1656, un sermon
prononcé dans la chapelle du collège d'Orléans lui valut une censure épiscopale
dont Godefroi Hermant fait état contre les jésuites (Mémoires, éd. A.
Gazier, t. 3, Paris, 1906, liv. 15, p. 167-168). R. Rapin rejette la
responsabilité de cet acte officiel sur le grand vicaire Musnier : ce
jansénisant hostile aux Jésuites avait profité de la condamnation de Jansénius
(1653) pour prendre contre ceux-ci une mesure vexatoire en interdisant au nom de
l'évêque malade toute allusion publique à la bulle d'Innocent X et aux erreurs
qu'elle visait (Mémoires, éd. L. Aubineau, t. 2, Paris, 1865, liv. 9, p.
165-166). Crasset aurait enfreint la consigne. La sentence qui lui interdisait
de parler dans le diocèse ne fut rapportée que cinq mois plus tard, après amende
honorable. L'enquête qui suivit l'incident avait pourtant disculpé entièrement
l'orateur (Jean Crasset, Méthode d’oraison, ed. Roupain). Si nous en
croyons Hermant, Crasset n'en continua pas moins à prêcher contre le Jansénisme.
Le mémorialiste favorable à Port-Royal signale avec aigreur ses sermons à Paris,
en 1663, dans la chaire de Saint-Barlhélemy (Mémoires, t. 6, p. 138)
A partir de 1669, Crasset est
chargé de la congréga des Messieurs à la résidence de la rue Saint-Antoine.
C'est là qu'il donne sa mesure d'homme spirituel : il prêche, il catéchise, il
dirige des âmes. Lui-me a fait connaître la vie intime d'un ménage mystique dont
il fut le directeur. Sa Vie de Madame Helyot, la publication des (Œuvres
spirituelles de M. Helyot, conseiller du Roi, sont des documents révélateurs du
mysticisme de certains laïques à la fin du grand Siècle. Crasset met, au service
des chrétiens vivant dans le monde un talent littéraire et une expérience
surnaturelle que peu de prêtres ou de religieux de son temps ont égalés. Ses
fonctions auprès des laïques lui inspirent une forme attrayante et simple pour
exposer les principes de la vie spirituelle, défendre la foi contre les attaques
des libertins, éclairer les âmes sue le vrai sens des principales dévotions,
consoler les malades et les moribonds. Les vingt-trois années qu'il fut
directeur de la congrégation des Messieurs marquent une ère florissante pour
cette institution : il avait organisé une maison de retraites dans les locaux de
la résidence (aujourd'hui Lycée Charlemagne). Sa vie privée fut mêlée à celle
d'un Bourdaloue, d'un Jacques Nouet, d’un Louis Maimbourg qui avaient leur
célébrité. La maison professe de Paris était un centre ou se rencontraient non
seulement la noblesse et la bourgeoisie, mais une clientèle fervente de tous les
milieux : les enfants y avaient leurs catéchismes, les laquais leur
congrégation, fondée par Crasset, et bientôt les ouvriers eurent la leur E. de
Ménorval, Les Jésuites de la rue Saint-Antoine… et le Lycée Charlemagne,
Paris, 1872, p. 130).
L. Jobert, collaborateur, pus
successeur de Crasset, a laissé une biographie de celui-ci composée en partie
d’après des notes intimes qu’on aimerait posséder in extenso. De naturel
timoré, longtemps soumis aux peines intérieures, Crasset attribiait à sa vie
d’oraison la grâce de paix qui lui fut accordée « après la fête de l’Ascension »
en 1649. Simon de Lessau, son directeur de conscience au collège d’Amiens,
dénoue la douloureuse crise d’âme et lui révèle la spiritualité de l’abandon (Méthode
d’oraison, p. 18-19). Crasset n’en resta pas moins sujet à l’inquiétude,
subissant mille appréhensions pour sa santé, son emploi, ses obligations
apostoliques. Il obtint enfin de posséder la calme lucidité ardemment désirée.
Il mourut à Paris, le 4
janvier 1692.
Michel OLPHE-GALLARD.
Dictionnaire de spiritualité, tome II – 2e partie – 1953.
Nous tenons à remercier ici l'archiviste de la Compagnie de Jésus qui nous a
fourni le texte ci-dessus.


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