|
Sainte Gertrude d'Eisleben est la plus célèbre de
plusieurs
Saintes qui portent le même nom, et c'est pour cela que d'anciens auteurs l'ont
appelée Gertrude la Grande. On la mit, dès l'âge de cinq ans, chez les
Bénédictines d'Helfa. Elle y vint comme simple religieuse, sous la direction
d'une abbesse du même nom qu'elle, dont la soeur était sainte Mechtilde d'Hackeborn,
qui fut la maîtresse et l'amie de notre sainte Gertrude.
Gertrude apprit le latin dans sa jeunesse, ce que faisaient
alors des personnes de son sexe qui se consacraient à Dieu dans la retraite.
Elle avait aussi une connaissance peu commune de l'Écriture et de toutes les
sciences qui ont la religion pour objet; mais la prière et la contemplation
furent toujours son principal exercice, et elle y consacrait la plus grande
partie de son temps. Elle aimait particulièrement à méditer sur la Passion et
sur l'Eucharistie, et elle ne pouvait alors retenir les larmes qui, malgré elle,
coulaient de ses yeux en abondance. Lorsqu'elle parlait de Jésus-Christ et de
Ses mystères, elle ravissait ceux qui l'entendaient. Un jour qu'on chantait à
l'Église ces paroles: "J'ai vu le Seigneur face à face," elle vit une face
divine d'une éclatante beauté, dont les yeux perçaient son coeur et remplirent
son âme et son corps de délices inexprimables.
L'amour divin était l'unique principe de ses affections et de
ses actions. De là ce crucifiement entier au monde et à toutes ses vanités. Elle
fut l'objet d'un grand nombre de grâces extraordinaires; Jésus-Christ grava Ses
plaies dans le coeur de Sa sainte épouse, lui mit des anneaux au doigt, Se
présenta devant elle en compagnie de Sa Mère et agit en elle comme s'Il avait
changé de coeur avec elle. Toutes ces grâces étonnantes ne firent que développer
son amour de la souffrance. Il lui était impossible de vivre sans ressentir
quelque douleur; le temps qu'elle passait sans souffrir lui paraissait perdu. Le
zèle pour le salut des âmes était ardeur au coeur de Gertrude. Pensant aux âmes
des pécheurs, elle répandait pour elles des torrents de larmes au pied de la
Croix et devant le Saint-Sacrement.
Pendant la longue maladie de cinq mois dont elle devait
mourir, elle ne donna pas le moindre signe d'impatience ou de tristesse; sa
joie, au contraire augmentait avec ses douleurs. Le jour de sa mort étant venu,
elle vit la Très Sainte Vierge descendre du Ciel pour l'assister; une de ses
soeurs aperçut son âme allant droit au Coeur de Jésus, qui S'ouvrit pour la
recevoir. Sainte Gertrude est une des grandes mystiques de l'Église. Le livre de
ses Révélations est demeuré célèbre.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de
l'année, Tours, Mame, 1950.
|