LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Sainte Gemma Galgani[1]
12 mars 1878-11 avril 1903)

 La Passion de Jésus continuée

 

 

 

 Sa vie

Gemma Galgani naquit le 12 mars 1878 près de Lucques, en Toscane. Elle mourut à Lucques, à l’âge de 25 ans. Elle fut béatifiée en 1933 par Pie XI, et canonisée en 1940, par Pie XII. Gemma est un témoin précieux[2] pour tous ceux qui sont appelés à la sainteté, dans le monde, et quel que soit leur état de vie. 

Gemma Galgani, mystique et stigmatisée, appartient à la lignée des âmes que le Seigneur se choisit, au cours des siècles, pour achever sa Passion et son œuvre rédemptrice. On peut citer, par exemple, St Ignace d’Antioche, Ste Agnès, au 4ème siècle, Ste Catherine de Sienne, au 14ème siècle, Marthe Robin au 20ème siècle. 

Gemma fut une mystique comme le furent St Augustin, Thérèse d’Avila, St Jean de la Croix, et de nombreux autres. Comme St Paul, Gemma pouvait dire: “J’achève en ma chair ce qui manque aux souffrances du Christ.” Ou encore: “Je porte visiblement les marques de la Passion du Christ.” Vraiment, en Gemma, c’était le Christ qui vivait. 

Gemma, fille de la Passion du Christ, ne fut pas ce que l’on a coutume d’appeler une sainte de l’Eucharistie. Mais, l’Eucharistie était toute sa vie et sa force. Même pendant les périodes les plus douloureuses de sa courte existence, elle continua à aller tous les jours à la Messe et à communier: Jésus présent dans l’Eucharistie était vraiment le pôle de toute sa vie spirituelle. Gemma connut aussi devant le Saint-Sacrement, des expériences spirituelles très fortes, voire étonnantes. 

Enfin, il convient d’ajouter que lorsqu’Il institua l’Eucharistie Jésus vivait déjà le Sacrifice de sa Croix. Chaque Eucharistie continue et renouvelle le Sacrifice de Jésus; c’est pourquoi l’Eucharistie et la Passion sont inséparables. Tous ceux qui vivent vraiment l’Eucharistie, vivent le chemin de la Passion, et inversement. 

1 - Les grandes dates
de la vie de Gemma Galgani
 

12 mars 1878 - Naissance de Gemma Galgani, au Borgho Nuovo de Camigliano, près de Lucques, en Toscane. Son père est pharmacien-chimiste. Gemma est la cinquième de huit enfants, dont plusieurs moururent jeunes. 

13 mars 1878 - Baptême de Gemma. Un mois plus tard, la famille s’installe à Lucques. 

26 mai 1885 - Confirmation. Gemma, âgée de sept ans, avait été préparée par sa mère qui mourut de tuberculose, le 17 septembre suivant. 

19 juin 1887 - Première communion. Après sa première communion, Gemma retrouva le rythme de sa vie d’écolière à l’Institution Sainte Zita. Ses maîtresses furent toujours frappées par son intelligence hors du commun. Sœur Julie Sestini rapporte: “Par son intelligence, elle se tenait au-dessus des autres... et elle aurait pu enseigner toutes ses compagnes.” Outre sa langue maternelle, elle maîtrisait parfaitement le français et était douée en mathématiques. 

Dès l’âge de 13 ans Gemma fut assoiffée de Dieu. Elle obtint de l’Abbé Volpi, qui deviendra et restera son confesseur, l’autorisation de se confesser souvent et de communier trois fois par semaine, privilège rare à cette époque. 

11 septembre 1894 - Décès de son frère Gino, séminariste, emporté à l’âge de 18 ans par la tuberculose. 

25 décembre 1896 - Vœu de chasteté. 

1897 - Mort de Henri Galgani, son père, atteint d’un cancer à la gorge. La famille, ruinée, fut réduite à une grande misère. Gemma, âgée de 17 ans, fut accueillie par un oncle et une tante qui tenaient une petite quincaillerie à Camaiore, et Gemma fut chargée de servir les clients du magasin. 

Gemma exceptionnellement belle fut demandée en mariage à plusieurs reprises. Mais, déjà donnée à Dieu, elle refusa ces offres et revint vivre à Lucques, dans une extrême pauvreté. 

En 1898, Gemma tomba très malade: paralysie des jambes, mal de Pott (tuberculose osseuse), tumeur au cerveau et otite purulente. Son état était désespéré quand elle fut miraculeusement guérie, le vendredi 3 mars 1899, à la fin d’une neuvaine à Ste Marguerite-Marie Alacoque et au Sacré-Cœur de Jésus. Le Vénérable Gabriel Dell’Addolorata, jeune passionniste mort à 24 ans, que Gemma ne connaissait pas, devint son protecteur. Gemma avait 21 ans. 

Gemma put reprendre un vie normale. Une véritable faim eucharistique la dévorait: Jésus présent dans l’Eucharistie était le pôle de toute sa vie spirituelle. Un matin, alors que Gemma était encore dans sa chambre, la voix de Gabriel se fit doucement entendre: “Gemma, réjouis-toi, le Cœur de Jésus te veut toute entière à Lui... Laisse-lui faire ce qui lui plaira le plus de faire en toi.” Après la communion, c’est Jésus qui lui dit: “Viens, pauvre petite fille, viens que je t’embrasse. Il y a si longtemps que je t’attends; j’ai eu tellement de patience et j’ai tellement souffert pour toi... Moi seul, je veux être le Maître de ton cœur et de ses affections.” 

Du 1er au 21 mai 1899, Gemma fait une retraite chez les religieuses  Visitandines. Elle espérait être admise au postulat, mais son évêque s’y opposa. Le Seigneur avait d‘autres projets pour elle. Gemma, déconcertée, retourna dans sa famille. 

8 juin 1899 - Impression des stigmates, grâce redoutable. Gemma voit s’imprimer dans son corps les marques sacrées de la Passion de Jésus. La stigmatisation se reproduisit pendant deux ans, chaque semaine, du jeudi vers 20 heures, jusqu’au vendredi 15 heures où elle disparaissait. C’est vers cette époque que Gemma rencontra Madame Cecilia Giannini. Mgr Volpi, son confesseur, souhaitant que Gemma fut cachée et entourée le plus possible, la famille Giannini, qui comptait déjà onze enfants, accueillit Gemma. 

Juin 1899 - Gemma rencontre les religieux Passionnistes. Jésus lui dit: “Tu seras une fille de ma Passion, et une fille préférée. Un de ceux-ci sera ton Père.” 

Début de l’année 1900, Gemma est définitivement installée dans la demeure de la famille Giannini. 

Septembre 1900-Rencontre avec le Père Germano, qui deviendra son directeur spirituel. 

1902-1903 - La santé de Gemma se détériore rapidement. Tuberculeuse et devenue contagieuse, elle dut être séparée des Giannini et logée dans une petite maison toute proche, le 24 janvier 1903. 

Semaine Sainte 1903 - L’agonie. 

11 avril 1903, Samedi-Saint, Gemma meurt à 25 ans. On a dit qu’elle était morte d’amour. 

14 mai 1933 - Béatification. 

2 mai 1940 - Fête de l’Ascension-Gemma est canonisée par le pape Pie XII. 

2 - Les stigmates

2-1-Les faits  

C’est le 8 juin 1899, que Gemma fut stigmatisée pour la première fois. La stigmatisation se renouvela pendant deux ans, chaque semaine, du jeudi soir vers 20 heures, pour disparaître le vendredi vers 15 heures. 

Dans son autobiographie, rédigée sur l’ordre de son directeur, religieux passionniste, le Père Germano qu’elle rencontra en septembre 1900, Gemma raconte: “C’était le soir: soudain, plus rapidement qu’à l’accoutumée, je ressentis intérieurement une douleur de mes péchés plus vive que jamais. Cette douleur me rendit pour ainsi dire comme morte. 

Après cela, je sentis toutes les puissances de mon âme se rassembler: mon intelligence ne connaissait plus que mes péchés et l’offense faite à Dieu; ma mémoire me les rappelait tous et me faisait voir tous les tourments que Jésus avait soufferts pour me sauver; ma volonté me les faisait détester pour les expier. Une foule de pensées m’assaillit l’esprit: pensées de douleur, d’amour, de crainte, d’espérance et de réconfort. 

À ce recueillement intérieur succéda bientôt le ravissement des sens. Je me trouvai devant ma Maman du ciel qui avait à sa droite mon ange gardien. Il m’ordonna tout d’abord de réciter l’acte de contrition. Lorsque je l’eus terminé, ma Maman m’adressa ces paroles: 

 Ma fille, au nom de Jésus tous tes péchés te sont remis. Puis elle ajouta:

 Jésus, mon fils, t’aime tant et veut te faire une grâce; sauras-tu t’en rendre digne?

Ma misère ne savait que répondre. Elle ajouta encore:

 Je serai pour toi une mère, te montreras-tu ma vraie fille?

Elle ouvrit son manteau et m’en recouvrit. 

À cet instant Jésus apparut avec toutes ses plaies ouvertes. De ces plaies ne sortait plus du sang, mais comme des flammes de feu qui en un instant vinrent me toucher les mains, les pieds et le cœur. Je me sentis mourir, je serais tombée par terre. Mais ma Maman me souriait et me recouvrait toujours de son manteau. Je dus rester dans cette position plusieurs heures. Puis ma Maman me baisa au front; tout disparut, et je me retrouvai à genoux par terre. Mais je sentais encore une forte douleur aux mains, aux pieds, au cœur. 

Je me levai pour me mettre au lit et m’aperçus qu’il sortait du sang aux endroits où j’avais mal. Je les recouvris le mieux possible,  puis, aidée par mon Ange, je pus monter sur le lit. Ces souffrances et ces peines, au lieu de m’affliger, m’apportaient une paix parfaite. Le matin, je pus aller communier avec peine et je mis une paire de gants pour me cacher les mains. Je ne pouvais tenir debout, à chaque instant je croyais mourir. Ces douleurs durèrent jusqu’à trois heures le vendredi, fête solennelle du Sacré-Cœur de Jésus.” 

Désormais, toutes les semaines, du jeudi soir aux environs de vingt heures, jusqu’au vendredi quinze heures, le même phénomène se reproduisait. Il faut ajouter à cela que Jésus lui-même, le jeudi, enfonçait sa couronne d’épines sur la tête de Gemma, ce qui lui causait de violentes douleurs de tête. 

2-2-L’entourage 

L’entourage familial trouvait le comportement de Gemma quelque peu étrange. Elle quittait rarement sa chambre et portait toujours des gants. Mais assez vite la vérité fut connue et Gemma devint la proie de la curiosité des gens. Rapidement les médecins et les neurologues voulurent examiner le cas Gemma Galgani... L’un deux, le docteur Pfanner prétendit qu’il s’agissait d’hystérie. Toutefois, la plupart des témoins étaient d’accord pour reconnaître la bonne santé physique et psychologique de Gemma. Et le remarquable équilibre ainsi que le calme et la paix qu’elle conservait malgré ces événements déconcertants. 

Sur le plan spirituel, Gemma continua à être suivie par son  confesseur habituel: Mgr Volpi, évêque auxiliaire de Lucques. Plus tard, Gemma correspondit très fréquemment avec le Père Germano, prêtre passionniste, éloigné géographiquement. Jésus exigeait que ces deux prêtres fussent tenus régulièrement informés de ce qui se passait chez Gemma. 

Mais la vie de Gemma dans sa famille était devenue intolérable. Elle rencontra providentiellement la famille Gianini qui l’accueillit avec amour. La famille Giannini comptait déjà 11 enfants. Gemma pourrait s’occuper d‘eux. La tante, Cécilia Giannini, qui vivait également au sein de cette grande famille, sera non seulement la confidente de Gemma, mais son appui le plus sûr. C’est à elle que le Père Germano demandera de noter soigneusement chaque incident qui pourrait survenir et de lui en faire part, afin qu’il puisse donner à Gemma les directives indispensables pour suivre vraiment les appels du Seigneur. 

3 - La Passion de Gemma 

La “Pauvre” Gemma, comme elle se nommait elle-même, s’inquiétait beaucoup de son avenir. Voici quelques paroles qu’elle adressa à Jésus pendant une de ses extases et qui ont été relevées rapidement par ceux qui y assistaient: 

“ô Seigneur, n’as-tu pas dit que le paradis est pour ceux qui vivent dans le monde sans être du monde?... Ne m’as-tu pas dit que le paradis est pour les innocents?... Et moi?... Mais que vas-tu faire de moi, que feras-tu de moi, ô Seigneur?... Ô Seigneur, peut-être es-tu le seul à savoir la raison pour laquelle tu me gardes dans le monde?... Pourquoi ne daignes-tu le révéler à personne?...” 

En fait la “pauvre” Gemma fut “choisie”  pour contempler et vivre la Passion de Jésus. Le problème de la souffrance ne peut se comprendre que par rapport à la Passion de Jésus. L’on peut s’étonner quand des saints demandent au Seigneur toujours davantage de souffrances. Une telle attitude n’est pas du masochisme mais seulement la réalisation d’un fait qui ne peut trouver d’explication que dans la contemplation du Corps mystique du Christ douloureusement blessé par le péché des hommes. 

Quand un corps vivant est gravement blessé, une opération est souvent indispensable. Cette opération est douloureuse, et la cicatrisation l’est parfois encore davantage. Pourtant le malade accepte cette souffrance de guérison avec joie, ainsi que les soins et les pansements obligatoires, souvent éprouvants... Il en est de même pour le Corps mystique. 

Le Corps mystique du Christ est gravement blessé et il faut souvent opérer. Le Christ a pris sur lui la presque totalité des douleurs de l’opération en vue de la guérison. Mais, les péchés se multiplient dans le temps, et il y a toujours des plaies à panser. Alors Jésus se choisit des membres de son Corps sur lesquels les opérations seront effectuées. Les soins et les cicatrisations sont pénibles, mais les âmes qui acceptent de participer à la Passion de Jésus savent toute la valeur de leurs peines et en demandent parfois davantage en vue d’accélérer la guérison de tout le Corps. Dès lors on n’est plus étonné quand Jésus dit à Gemma: “Vois, ma fille: le plus beau présent que je puisse faire à une âme qui m’est bien chère, c’est de lui procurer la souffrance.”  

C’est ce que Gemma appelle les cadeaux du Seigneur, et il ne faut pas s’étonner à la vue de Gemma suant du sang, subissant la flagellation, recevant la couronne d’épines ou portant la Croix. Car Gemma allait tout connaître de la Passion du Christ. Elle écrira: “Jésus connaît bien le désir que j’ai de tout soufrir et de tout faire pour réparer les péchés commis contre Lui...” 

Le 30 octobre 1900, Gemma écrit au Père Germano: ”Depuis qu’il m’arrive ces histoires bêtes au cœur, à tel point que j’ai l’impression de mourir à tout instant, je ne peux plus rester une minute sans ma tante.” (Mme Cecilia) Il s’agissait, en fait, d’étreintes amoureuses que ressentait son cœur et qui la faisait beaucoup souffrir. À ce sujet, Mme Cecilia écrit au Père Germano: “Gemma souffre d’une façon horrible, il lui semble que son âme se déchire à chaque instant. Sous l’effet de ces étreintes, trois de ses côtes se sont déplacées... C’est une vraie torture.”  

Treize jours après la mort de Gemma, on procéda à l’autopsie. Le cadavre commençait seulement à se décomposer... Les poumons avaient été minés par la tuberculose, mais le cœur apparut plein de vie et d’une forme anormale: plus large que haut. Trop à l’étroit dans sa cavité, il avait soulevé les côtes en les incurvant. On fendit le cœur et il en sortit du sang frais comme celui d’un être vivant. 

3-1-La sueur de sang 

“On avait l’impression dit l’un des membres de la famille Giannini (Mateo) que Gemma avait une goutte de sang à chaque cheveu: elle était tout en sang. J’ai vu la tache sur le mouchoir dont se servait ma sœur (Cecilia) pour l’essuyer... D’abord le sang sortait abondamment de la peau près des cheveux. Ensuite, il se répandait sur le front, formant comme une couronne de gouttelettes rouges qui s’écoulaient sur le visage. Et cette sueur de sang, au front, je ne l’ai pas vue qu’une seule fois!...” 

Cecilia Giannini précise qu’il coulait aussi du sang de la plaie gauche et des mains que Gemma enveloppait d’un mouchoir. Joseph Giannini ajoute: “On avait vraiment l’impression que les gouttes de sang suintaient de la peau.” 

3-2-La flagellation 

C’est le jeudi et le vendredi que Gemma endurait les tourments de la flagellation, ce qu’elle appelait les faveurs que lui fait Jésus. Certains des médecins chargés d’examiner la stigmatisée prétendirent que ces faits relevaient de l’hystérie. Matteo Giannini déclara: “Je ne crois pas que Gemma ait pu se donner elle-même ces coups... Je considère comme absolument certain qu’ils ont une origine surnaturelle...” 

“Tante” Cecilia écrit au Père Germano: “Elle a souffert comme d’habitude et même davantage. Comme à l’ordinaire, c’est la flagellation. Si vous aviez vu les jambes, les genoux, en un mot toute la personne. On peut dire qu’elle n’était plus qu’une plaie, et ruisselante de sang. Tout cela a duré jusqu’au vendredi trois heures.” Euphémia Giannini constate “que les jambes, jusqu’aux genoux, étaient entièrement recouvertes de grandes raies rouges, larges de deux centimètres et longues de cinq à vingt centimètres.’ 

Gemma vécut la Passion de Jésus avec Lui. Pendant certaines extases, Gemma contemplait Jésus, le condamné du Calvaire comme celui qui avait été transpercé à cause de nos fautes, broyé par nos péchés, mais qui, par ses blessures, nous apporte la guérison. 

Écoutons Gemma: ”Jésus me fait voir ses plaies, ses mains ruisselantes du sang de la Rédemption, ainsi que son Cœur embrasé du feu de la charité, et ses bras ouverts pour nous étreindre. Alors il me dit qu’il est totalement victime de son immense amour pour nous.” 

3-3-Le couronnement d’épines 

C’est Gemma qui écrit: “Comme les autres fois, au recueillement a succédé l’extase, et je me suis retrouvée avec Jésus qui endurait des souffrances terribles... J’éprouvai alors un intense désir de souffrir... Jésus me contenta aussitôt et il fit comme il faisait les autres fois: il s’est approché de moi, il a retiré de sa tête la couronne d’épines et l’a posée sur la mienne... de ses mains il me l’enfonça dans les tempes.” 

Tante Cecilia raconte: “Jeudi soir, Jésus lui a donné la couronne d’épines, et, en l’enfonçant un peu, le sang a jailli comme une fontaine. Il s’est répandu sur tout le visage, tachant l’oreiller. elle a souffert ainsi pendant une heure; ensuite, Jésus l’a bénie.” Les douleurs sont si fortes que durant tout le temps de l’extase, Gemma laisse échapper des plaintes déchirantes. 

Ceux qui assistaient à ces scènes ne pouvaient plus douter. Joseph Giannini écrit: “Durant une extase, le Vendredi-Saint, me semble-t-il, je l’ai vue avec le sang qui, de toutes parts, lui coulait du front. Au front, elle avait des marques plutôt longues d’où se répandait le sang. Je compris bien que tout cela ne venait pas d’elle... Au matin, toutes ces marques avaient disparu sans laisser de cicatrice.”  

3-4-Les plaintes de Gemma couronnée d’épines[3]  

Ô Jésus, apaise un peu la douleur de ma tête... Apaise-la, Jésus. Jésus... Jésus, bénis-moi encore une fois. Ta bénédiction me fait tant de bien. C’est trop fort, Jésus... Jésus... Oui, je souffre tant... J’ai souffert toute la journée... Aujourd’hui, Jésus, j’ai peur. Jésus... Ma tête! C’est trop fort... Je n’en peux plus, je n’en peux plus, Jésus... Aide-moi, Jésus... Jésus, que personne ne s’aperçoive de rien... Mon Dieu! Ô Jésus, ma tête!... Ô Jésus! 

C’est cela souffrir... Jésus, je suis si heureuse... Je t’en supplie, soulage-moi un peu: je ne peux plus... Je ne veux pas que quelqu’un s’en aperçoive. Je me trouve mal. Jésus, que ce soit entre toi et moi seulement... 

Ô Jésus, toutes ces peines je les souffre bien volontiers... Mais celle de la tête, si tu ne m’aides pas, m’est un supplice. 

Aujourd’hui j’ai pensé aux douleurs de ma tête. Je te le dis franchement: j’y pense tellement quand ce jour arrive. L’esprit est prompt, c’est mon corps qui se plaint. Oui, mon esprit est prompt, mais mon corps est épuisé. 

Ô Jésus!... Ô mon Jésus!... Jésus, toi seul peux comprendre cette peine... Ô Dieu!... Oui, Jésus, toi seul... Toi seul, Jésus... Ô Dieu!... Jésus, ma tête!... Jésus, pardonne à tous ceux qui t’ont couronné... Ô Dieu!... Jé...sus... Jésus, je meurs... Jésus, je meurs... Mon Dieu!... 

Mais souffrance et amour sont inséparables. Le vendredi 17 août 1900, Gemma, stigmatisée, écrit dans son journal: “Il est absolument impossible, oui, impossible de ne pas aimer Jésus... Mon Dieu, comment faire pour me rendre digne de tant de grâces? Si je n’y parviens pas, mon cher ange gardien y suppléera...”  

Gemma souffre beaucoup, mais Jésus est auprès d’elle. Il vient de retirer la couronne d’épines qui était sur la tête de Gemma. Elle raconte: “Jésus la tenait (la couronne) dans ses mains; toutes ses plaies étaient ouvertes, mais ne saignaient pas comme à l’accoutumée; elles étaient belles... Il a levé sa main droite, et alors, de cette main, j’ai vu sortir une lumière beaucoup plus forte que la lumière d’une lampe... J’aurais aimé savoir ce que signifiait cette lumière qui provenait des plaies, particulièrement de la main droite qui m’avait bénie. Mon ange gardien me dit: Ma fille, en ce jour, la bénédiction de Jésus a répandu sur toi une abondance de grâces.”

3-5-Pourquoi la Croix? 

Gemma pensait: “Oh! Mon Jésus, je voudrais tant vous aimer, mais je ne sais pas!La voix habituelle lui répondit: “Tu veux aimer Jésus toujours? N’arrête pas un instant de souffrir pour lui. La croix est le trône des vrais amants de Jésus. La croix est l’héritage des élus en cette vie.” 

Gemma confia un jour au Père Germano: “La Croix de Jésus est l’arbre de l’amour qu’il a planté dans mon cœur.” Les profondeurs de l’Amour divin sont joie et douleur. Tous les grands mystiques l’ont dit. 

Germma écrit aussi: “Jésus m’a dit ensuite: “Sais-tu, ma fille, pourquoi je me plais à envoyer des croix aux âmes qui me sont chères? Je désire posséder leur âme, mais entièrement. C’est pourquoi je les entoure de croix et les enveloppe de tribulations afin qu’elles ne m’échappent pas. C’est pour cela que je sème leur route d’épines afin qu’elles ne s’attachent à personne et ne trouvent toute leur satisfaction qu’en moi. Ma fille, me disait Jésus, si tu ne sentais pas la croix, on ne pourrait pas l’appeler une croix. Sois donc sûre que sous la croix, tu ne saurais te perdre. Le démon n’a aucun pouvoir contre les âmes qui, pour mon amour, gémissent sous la croix. Ô ma fille, combien m’auraient abandonné, si je ne les avais crucifiés! La croix est un don très précieux, c’est l’école de bien des vertus.” (Lettre à Mg Volpi, du 12 septembre 1899) 

“J’ai déclaré à Jésus que je voulais l’aimer beaucoup, mais que j’avais le cœur trop petit et ne savais comment faire. Alors, il s’est montré à moi tout couvert de plaies en disant: ‘Regarde-moi, ma fille, et apprends comment l’on aime: ne sais-tu pas que moi, c’est l’amour qui m’a tué? Tu vois ces plaies, ce sang, ces contusions, cette croix, tout cela est l’œuvre de l’amour. Regarde-moi, ma fille, et apprends comment l’on aime...’ Le signe le plus évident qu’il puisse donner à une âme qui lui est chère, c’est de la faire souffrir et marcher sur le chemin du Calvaire... La croix est l’échelle du paradis, elle est l’héritage de tous les élus en cette vie.” (Lettre à Mg Volpi, d’octobre 1899) 

3-6-La Croix et l’amour[4]  

“C’est bien l’amour qui t’a tué! Jésus, moi aussi fais-moi mourir d’amour... La vie est une torture: personne au monde que toi ne peut satisfaire mon amour. Les épines, la croix, les clous, tout est œuvre d’amour. 

La croix, Jésus, tu la donnes à celui que tu aimes. Tu me traites comme le Père t’a traité. Jésus, fais-moi boire ta Passion jusqu’à la dernière goutte. 

Oui, Jésus, tu sais à quel point l’on souffre lorsque l’on aime quelqu’un et qu’on ne peut rester toujours ensemble. Là où je souffre le plus, c’est lorsque tu es loin de moi. Mais, m’aimes-tu réellement, Jésus? J’ai tellement péché, j’ai tant de défauts: dis-moi si je ne fais pas pitié. 

Oh! Oui, Jésus! Celui qui aime vraiment souffre de bon cœur. 

3-7-Réponse de Gemma à la Croix et à l’amour 

          3-7-1-Pour le salut des  pécheurs 

Voici quelques paroles de Gemma, relevées pendant ses extases: 

“Jésus n’abandonne jamais les pauvres pécheurs... Ils sont tous tes fils. S’ils sont tous tes fils, ne les abandonne pas. Moi, Jésus, je veux les sauver tous. Si toi, Jésus, tu les abandonnes, alors il n’y a plus d’espérance. Je veillerai jusqu’à ce que tu m’aies dit que tu veux les sauver tous... N’est-ce pas moi qui dois souffrir pour eux? Donc, prends-t’en à moi. Des pécheurs, tu en as beaucoup, mais des victimes, bien peu. Des victimes, tu les veux innocentes, et moi je ne le suis pas du tout. Sauve-les, Jésus, sauve-les! 

Moi, Jésus, je veux être victime pour tous ces pécheurs. 

Ô sainte Croix, avec toi je veux vivre, et avec toi je veux mourir. Oui, j’aime la croix, parce que je sais que c’est Jésus qui la porte. 

Ta croix, Jésus, oui je la veux... Bien sûr que je la veux, Jésus... Oui Jésus, je te l’ai dit que désormais tout mon amour est pour ta croix. Je l’aime parce que je sais que tu l’as aimée le premier.” 

          3-7-2-Un acte d’offrande sans cesse renouvelé 

“Alors, Jésus, voici de nouveau mes mains et mes pieds: tout ce que voudra mon confesseur... Fais donc ce que tu veux, Jésus: je suis toute à toi. Pour toi, Jésus, je sacrifie tout... Je te donne tout, ô Jésus... mon âme, mon corps, mon esprit, tout... Jésus, je te donne mon cœur avec toutes ses affections... Jésus, je te donne mon corps avec toute sa faiblesse... Je te donne mon âme, mais comment?... Elle n’est plus à moi, elle est à toi.” 

Elle écrira au Père Germano: “...Ce que je désire, ce que je veux, je ne le sais pas moi-même... Je cherche et ne trouve pas, mais je ne sais pas ce que je cherche... J’aime Jésus, je voudrais aimer beaucoup plus mon...[5] Je sens que j’aime, mais celui que j’aime, je ne le comprends pas et ne le saisis pas... Malgré ma grande ignorance, je sens que c’est un Bien immense, un grand Bien, c’est Jésus... Je ne sais rien lui dire, ni lui donner. Mais puisque je ne sais rien faire, aujourd’hui même je me consacre à lui telle que je suis, sans réserve aucune. (Lettre au Père Germano du 22 mai 1901) 

4 - Les relations privilégiées
de Gemma avec Jésus

4-1-Comment Gemma voit et entend Jésus

Méditons ce que Gemma écrit à son Père spirituel: “Je vois Jésus non point avec les yeux du corps, mais je le connais clairement parce qu’il me fait tomber en un doux abandon et je le reconnais dans cet abandon. Sa voix se fait entendre si fort que, plusieurs fois, j’ai dit que la voix de Jésus me blesse plus qu’une épée à plusieurs tranchants, tant ele me pénètre l’âme: ses paroles sont paroles de vie éternelle. 

Lorsque je vois Jésus, lorsque je l’entends, il ne me semble pas voir la beauté du corps, ni du visage, ni entendre un doux son, un chant suave. Mais lorsque je vois Jésus et que je l’entends, je vois (jamais avec les yeux) une lumière, un bien immense, une lumière infinie qu’aucun regard mortel ne saurait voir, une voix que personne ne saurait entendre; ce n’est pas une voix articulée, mais mon esprit l’entend mieux et plus fort que si l’on prononçait des paroles.” 

4-2-Ce que Gemma ressent lorsqu’elle est avec Jésus. 

Gemma continue sa relation au Père Germano: “Je me sens comme hors de moi, je ne distingue pas où je me trouve, si je suis hors de mes sens ou bien... dans une paix, un calme que je n’ai encore jamais connus. Je me sens comme attirée par une force; non pas une force fatigante, mais douce. Puis, lorsque je me trouve dans la plénitude de la douceur de posséder Jésus, j’oublie complètement le monde; je sens mon esprit comblé, il ne peut rien désirer, mon cœur ne cherche plus rien, il y a en lui un bien immense, un bien infini, incomparable, sans mesure, parfait. C’est Jésus qui m’emplit. Ni avant, ni après, je ne saurais volontairement rechercher ou désirer quoi que ce soit, si grande est la douceur que Jésus me fait goûter dans sa bonté et sa charité infinies. Mais il ne s’agit pas toujours

d’un amour de douceur: je suis parfois saisie d’une telle douleur de mes péchés qu’il me semble que je vais en mourir.” 

Et devant le Saint-Sacrement 

Il y a une chose dont je ne sais que penser: samedi, je me trouvais à l’église devant le Saint Sacrement exposé. J’ai voulu m’en approcher le plus possible, Papa[6], mais si je ne m’étais vivement échappée, je serais... Je me suis sentie brûler entièrement, jusqu’à la tête, c’est-à-dire au visage... Papa, je ne comprends pas comment tous ceux qui s’approchent de Jésus ne sont pas réduits en cendres. Moi, j’ai l’impression que si je restais, ne serait-ce qu’un quart d’heure, je ne serais plus qu’un tas de cendres. (10 mai 1991)

4-3-Demandes de Jésus après la communion

“Viens pauvre petite fille... Cela fait si longtemps que j’attendais, j’ai été si patient, j’ai tant souffert pour toi. Tu es revenue, cela suffit. Comme je suis heureux! Je te retrouve après si longtemps, mais désormais je deviens le Maître absolu de ton cœur. Je veux moi-même en faire ce qu’il me plaira, ne me résiste pas comme par le passé, sinon je t’en ferai repentir. Sois mienne. Moi seul veux être le Maître de ton cœur et de ses affections. J’aime ton cœur, le sais-tu? Je l’ai toujours aimé, je l’ai désiré, mais toi? Mais je te pardonne parce que tu ne me connaissais pas.”

4-4-Les exigences de Jésus

          4-4-1-Le Cœur de Jésus veut tout, ou rien [7] 

Un jour, après l’Heure Sainte du jeudi, Gemma entend la voix familière lui dire: “Dis-moi, de quoi as-tu peur pour refuser le sacrifice de ton cœur à Jésus? N’est-ce donc pas Jésus lui-même qui le veut? Allez, courage, oublie tout, abandonne-toi à lui sans réserve. Aime beaucoup Jésus. N’oppose jamais aucun obstacle à ses desseins et tu verras bientôt quel chemin il t’aura fait parcourir sans que tu t‘en aperçoives. Ne crains rien, car le Cœur de Jésus est le trône de la miséricorde où les misérables sont les mieux accueillis, pourvu que par amour, ils se présentent dans l’abîme de leurs misères. 

Mais souviens-toi que Jésus veut l’amour pur et que l’amour pur veut tout ou rien. Ton cœur est si petit qu’il ne pourrait contenir deux amours. Or comme il n’est fait que pour l’amour divin, il n’aura pas de repos tant qu’un autre amour y est mêlé.” 

Comme à Thérèse d’Avila, Jésus reproche à Gemma ses bavardages. Elle raconte: Un jour que je bavardais à la maison avec les autres... j’entendis la voix habituelle: “Plus tu t’entretiens avec les tiens et plus Jésus s’éloigne de toi avec ses anges.”  

Un autre jour, j’avais beaucoup de peine. Je disais à Jésus que j’aurais voulu beaucoup l’aimer, mais la voix dit: “Tu es une de ces âmes qui aiment Jésus tant qu’il leur apporte des consolations. Mais lorsqu’elles rencontrent au contraire l’adversité, elles ont vite fait de s’attrister! Toi, une chose t’est nécessaire: tu dois écarter complètement l’amour-propre de ton cœur, parce que tu empêches Jésus de venir y habiter. 

Vaincs-toi toi-même et deviens chaque jour plus forte.” (Ecrit par Gemma entre mars et décembre 1899) 

4-5-Gemma et l’Eucharistie 

          4-5-1-L’union à Dieu dans la communion [8]  

Ce matin, j’ai reçu Jésus, et maintenant je le possède tout-à-fait dans mon âme misérable. À ces moments-là, mon cœur et celui de Jésus ne font qu’un. Oh! Si je pouvais l’y garder toujours! Il faudrait que je ne commette plus de péché. Oh! Combien ils sont précieux ces moments de communion! Il me semble que la communion est un bonheur qui ne peut être comparé qu’à la béatitude des saints et des anges. Ils contemplent Jésus face à face, certains de ne pas pécher et de ne plus le perdre. (22 avril 1901) 

Jésus est un amant bien-aimé auquel on ne peut résister!... Sa miséricorde me ravit entièrement! Comment ne pas aimer Jésus de toute mon âme, de tout mon cœur? Comment ne pas désirer me laisser absorber totalement par lui et consumer au feu de son saint amour? (4 juillet 1901) 

Laissez-moi vous parler de la communion... Y aurait-il des âmes qui ne comprennent pas ce qu’est l’Eucharistie? Il est absolument impossible qu’il se trouve des âmes insensibles aux étreintes divines, à la mystérieuse et ardente effusion du Cœur Sacré de mon Jésus! Ô Jésus! Comment ne pas vous consacrer tous les battements de nos cœurs, tout le sang de nos veines? Cœur de Jésus, Cœur d’Amour!” (18 juillet 1901) [9] 

          4-5-2-Grandeur de Jésus 

“Je voudrais vous dire tant de choses sur Jésus. Je voudrais vous parler de sa bonté si grande qui chaque jour m’invite à la fête de l’Amour et nourrit de sa chair très sainte la vile créature que je suis... Je voudrais dire qu’il est si bon, si affectueux, si aimable, si délicat qu’un seul mot de lui nous fait éclater le cœur, une parole de lui suffit à captiver notre amour, un regard de lui met la douceur en notre âme. (Lettre du 5 octobre 1901, à Mère Giuseppa du Sacré-Cœur)


[1] La vie de Gemma Galgani est peu connue et elle est exceptionnelle. Pourtant sa sainteté est réelle, et pour s’en convaincre, il peut être utile de rapporter ici ce que Saint Maximilien Kolbe écrivait à sa mère, le 1er mars 1921: “Voilà déjà trois fois que j’ai lu la vie de Gemma Galgani, et cela m’a plu énormément: cette lecture m’a fait plus de bien qu’une série d’exercices spirituels.”

[2] Le prénom Gemma signifie Perle ou Pierre précieuse

[3] La plupart des textes écrits en italique, sont extraits, soit de l’autobiographie, soit des lettres de Gemma. Il y a aussi quelques paroles de Gemma qui ont été relevées par des proches pendant les nombreuses extases de Gemma.

[4] Phrases relevées par quelques témoins des extases de Gemma

[5] Phrase inachevée

[6] C’est ainsi que Gemma appelle son directeur, le Père Germano

[7] Tous les textes écrits en italique, sont extraits, soit de l’Autobiographie, soit des lettres de Gemma. Il y a aussi quelques paroles de Gemma qui ont été relevées par des proches pendant les nombreuses extases de Gemma.

[8] Lettres au Père Germano

[9] Il est curieux de constater que Padre Pio, écrira presque la même chose

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