LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

Marie des Vallées
(15 février 1590-25 février 1656)
(suite)

* * *

 

2-3-5-Le Mal de cœur

En 1654, Marie connut le mal du cœur, du cœur de l’âme. Elle souffrit dès lors, de quatre maux:

– les péchés d’autrui,

– les flèches de la divine Charité que la Justice lui plantait dans le cœur,

– la colère de Dieu,

– le combat entre la Toute Puissance et l’ire de Dieu.

Durant six semaines, Marie vit la Mère de Dieu pleurer sur la nature humaine, épouse de son Fils, lui disant que la Toute Puissance seule pouvait s’opposer à son anéantissement par la Colère divine. Mais la Miséricorde veille et apaise la Justice.

Après les paroles de la Vierge Marie, Marie des Vallées perdit l’usage de son bras droit. Le 12 avril 1654, Marie eut une vision du Christ en Croix; sa tête était hérissée d’un églantier, ce qui, d’après saint Jean Eudes, signifierait qu’il y a encore beaucoup de mystères cachés qui nous serons révélés en leur temps. 

Gaston de Renty nous révèle: “Le corps de Marie en toutes ses parties est tout en douleur... Mais l’œuvre de Dieu se fait bien en secret du monde en elle.” Les œuvres de Dieu en Marie des Vallées ne furent connues que de seulement sept personnes, celles que Dieu avait désignées à Marie.

2-4-Les dernières années et la mort de Marie des Vallées

Marie des Vallées a souffert toute sa vie, en union avec le Christ, pour le salut des âmes. Ce que l’on appelait sa possession, a cessé en 1655, et Marie se sent bien. Puis, curieusement, des premières vêpres du premier dimanche de l’Avent 1655, au 2 février 1656, soit tout le cycle de Noêl, à cette époque, Marie fut plongée dans un état d’enfance, privée de l’usage de son esprit, et de ses membres. Mais quand on lui parlait de Dieu, ses réponses étaient toujours sensées. Puis Marie redevint comme à son ordinaire, moins la souffrance. Marie a 66 ans et elle sait qu’elle va bientôt mourir.  Elle ne cesse de répéter: “Je veux aller en ma maison,... Je veux aller en ma maison, il y a gloire et délices à ma maison.”

Huit jours avant sa mort, elle répétait continuellement: “Je m’en vais, je m’en vais.” Et à quelqu’un qui lui demandait où elle allait, elle répondit: “À ma maison, il y a gloire et délices à ma maison.”  Pourtant Marie se portait bien...

Le 24 février 1656, elle tomba malade et le Père Jean Eudes resta près d’elle. Le lendemain, 25 février, après avoir suivi la récitation du Rosaire avec ceux qui l’assistaient, après quarante sept ans de souffrances terribles et inexplicables, Marie s’en allait vers Celui qu’elle avait tant aimé.

Durant sa vie, Marie avait constamment dû subir des attaques de toutes sortes. Cela continua, et immédiatement après sa mort, chanoines, dominicains, missionnaires eudistes, etc, se disputèrent la possession de son corps. Finalement, Marie des Vallées fut enterrée dans la chapelle Saint Joseph de l’Église Saint Nicolas de Coutances.

Après l’enterrement de Marie, les disputes reprirent. Finalement, dix mois plus tard, avec l’accord du Parlement, le corps de Marie fut enlevé de l’Église Saint Nicolas, et placé, selon le désir de Saint Jean Eudes, dans la chapelle du séminaire des missionnaires eudistes. Le corps de Marie était intact et dégageait une odeur très suave... Cependant, on continuera à se battre et à ester en justice, pour la possession du corps de Marie, la sainte de Coutances.

Mais cela ne suffisait pas; d’autres procès allaient bientôt se développer autour de la pensée de Marie des Vallées, et de ceux qui lui restaient fidèles.

3
Marie des Vallées, prophète

3-1-Les visions de Marie des Vallées [1] 

Les visions de Marie ne sont jamais extérieures, mais toujours intérieures. Ses visions sont, soit intellectuelles, lumière surnaturelle infuse en son esprit; soit en partie imaginaires et en partie intellectuelles. Les images qui se présentent à elle ne sont pas forgées par son imagination, mais lui sont envoyées comme un reflet de l’invisible et éternelle réalité venue se fixer sur la plaque sensible de la conscience en éveil. Les représentations imaginaires sont fugitives; les visions divines sont permanentes: elle ne sont pas reléguées par la mémoire. Cependant comme il est difficile aux hommes de faire la part des choses, Marie doutait souvent de ses visions, ce qui pour le Père Jean Eudes, était un signe de leur crédibilité.

Le 21 septembre 1654, durant le mal de cœur, Marie a la vision de la nature humaine pécheresse, représentée sous la forme d’une créature monstrueuse, spectacle insoutenable qui fut de brève durée quoique d’une grande intensité. Marie se vit couverte de bêtes immondes représentant le péché. Ces bêtes immondes vinrent se promener sur son corps et y élire domicile en telle quantité qu’elle se sentit comme entièrement convertie en ces bêtes répugnantes. Mais le 26 septembre, tous ces cauchemars furent anéantis.

3-2-Marie des Vallées prophète

Marie fut chargée, pour son temps, de missions particulièrement difficiles, notamment la lutte contre la sorcellerie et ses conséquences. Il semble que Marie fût également investie d’une tâche plus délicate: faire prendre conscience au corps ecclésiastique et aux consacrés de leurs graves défaillances. Enfin, la situation de l’Église et l’abandon du peuple chrétien, au XVIIè siècle, étant très comparables à ce qui se passe de nos jours, on est en droit de se demander si Marie des Vallées n’avait pas été aussi un prophète pour notre temps.

3-2-1-À l’attention du clergé

Les défaillances du corps ecclésiastique sont les plus grandes douleurs que connaissent Jésus et le monde, même si le monde n’en a pas conscience. Les mystiques sont souvent choisis par Dieu pour mettre le doigt sur les plaies ainsi mises en évidence, afin qu’il pût y être porté remède: tâche éminemment difficile et redoutable! Pour ce faire, Marie regrettait les négligences des personnes consacrées et les abus dont, à l’époque, elles étaient bénéficiaires: accumulation des bénéfices, enrichissement personnel avec les biens de l’Église, courses aux charges lucratives, manquements aux règles religieuses...

Par la voix de Marie, Jésus a parfois des mots très durs: “Ils seront jugés plus sévèrement que les autres. Ceux qui manquent à leur mission seront punis pour tous, pour le peuple, pour les nobles et les magistrats (ou officiers de justice); les nobles et les hommes de justice seront punis pour le peuple, les gens du peuple ne le seront que pour eux-mêmes. Des malheurs sont prêts à tomber sur l’Église, car il y a plus de justice parmi les soldats qu’entre les prêtres, et de toutes les conditions du monde, ce sont eux qui peuplent mieux les enfers. Les évêques devront répondre de toutes leurs ouailles d’une manière prodigieusement exacte.” [2] 

Marie prie beaucoup pour les ecclésiastiques et les évêques. Jésus lui fait parfois des remarques presque insoutenables. Un jour, alors qu’elle priait pour un évêque et un prêtre, Jésus les lui montra “sous la figure d’une poire molle et d’une pomme à demi-pourrie. Lui ayant demandé si elle digérerait bien cette poire, elle lui dit que oui.

– C’est que vous avez l’estomac bon!” lui répondit Jésus.

Jésus montre souvent aussi la blessure qui afflige profondément son Cœur. Le 14 janvier 1645, Jésus dit à Marie: “J’ai un anneau au doigt qui me blesse, je le jetterai au feu.” Peu après Jésus précisa: “Cet anneau, c’étaient les ordres religieux qui seront purifiés au feu de la tribulation...”

3-2-2-Quel est le chemin pour aller à Dieu ?

Quel est le chemin le plus court pour aller à Dieu? Jésus répond à Marie des Vallées: c’est “demander, donner, recevoir, c’est-à-dire donner sa vie humaine, recevoir la vie divine, et demander hardiment et toujours le salut du prochain.” Car pour les âmes totalement données à Dieu, seul le salut des âmes doit compter. Ce sont aussi les préceptes que la Vierge Marie lui donnait: “Avoir pour Dieu un cœur d’enfant, pour le prochain un cœur de mère, et spécialement pour ses plus grands ennemis (les sorciers), et pour elle-même un cœur de juge sévère.” La sainte Vierge disait aussi “que le plus grand témoignage d’amour qu’on pouvait donner à son Fils était d’aider au salut des âmes.”

Quant à la lumière que reçoivent certains docteurss, “il faut la mettre comme un flambeau qu’on voudrait garantir du vent, dans la lanterne de la vraie humilité, qui a son siège dans la mémoire, afin que, se souvenant de son néant, elle s’y préserve de la vanité. La charité, voyant cela, viendra dans la volonté et l’embrasera de son amour...”

3-2-3-Marie des Vallées, prophète des temps futurs

On a vu ci-dessus qu’au XVIIe siècle toutes les prophéties anciennes étaient rééditées et remises en honneur. Ces prophéties exprimaient, dans leur ensemble l’aspect de la justice de Dieu vengeresse. La prophétie d’Olivarius le prouve qui déclare: “Il y aura un moment si affreux que l’on se croira à la fin du monde. Les éléments seront soulevés. Ce sera comme un petit jugement... Ce bouleversement sera général, et pas seulement pour la France... Paris sera détruit... À la suite de ces événements, la révolution sera consommée. Alors le triomphe de l’Église sera tel qu’il n’y en a jamais eu de semblable.”

Sous la dureté apparente de ces paroles, Marie des Vallées laisse poindre la joie de la communion universelle. Ainsi, Marie annonce un déluge de feu”, mais il s’agit du feu du Saint-Esprit: “Le troisième déluge, c’est le déluge du Saint-Esprit qui sera un déluge de feu, mais il sera triste parce qu’il trouvera beaucoup de résistance et quantité de bois vert qui sera difficile à brûler.[3]Ou encore, d’après le moine de Barbery[4]: “Notre Seigneur lui a dit (à Marie des Vallées) qu’un temps viendra auquel Il fera pleuvoir un déluge de grâces sur toute la terre, etc... et qu’Il donnera de très beaux vases d’or à l’Église, ce qui est la figure des bons pasteurs dont elle sera ornée et enrichie pour lors. Pour la conversion générale, tous les amis de Dieu à la fois se répandront sur la terre pour faire le siège des âmes.”

Qui sont-ils ces amis de Dieu? Gaston de Renty rapportant les paroles de Marie, précise: “Ce seront de grands martyrs quoique les bourreaux ne les touchent point, mais ils seront martyrs de l’Amour divin. Ce sera le divin Amour qui les martyrisera. Ils seront brûlés dans la fournaise de l’Amour et ils seront plus grands martyrs que quantité d’autres des premiers martyrs qui souffrirent le martyre par l’espérance des couronnes et de la gloire, mais ceux-ci ne regardent point la récompense mais la seule gloire de Dieu.” Et c’est la Sainte Vierge qui soutiendra les forces de ces fidèles en ces terribles combats.

Certains commentateurs ont dit que Louis-Marie Grignion de Montfort avait repris les prophéties de Marie des Vallées, comme le prouvent d’ailleurs aisément les lignes suivantes du Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge: “J’ai dit que cela arriverait particulièrement à la fin du monde, et bientôt, parce que le Très-Haut avec sa Sainte Mère, doivent se former de grands saints qui surpasseront autant en sainteté la plupart des autres saints que les cèdres du Liban surpassent les petits arbrisseaux, comme il a été révélé à une sainte âme, (Marie des Vallées) dont la vie a été écrite par Mr de Renty.”

3-3-Les mimes de Marie des Vallées

Les grands prophètes, comme Jérémie, ont parfois été conduits par l’Esprit à mimer leurs prophéties. À Marie des Vallées aussi, le Seigneur a demandé de mimer certaines scènes pour faciliter la compréhension de ses enseignements. Ainsi, un jour, le Christ demanda à Marie de porter une chemise et de la garder durant treize semaines, jusqu’à ce qu’elle soit pleine de crasse et infestée de vermine. Cette chemise sale, c’est l’état dans lequel se trouvent les hommes pécheurs. Ensuite, le Christ ordonna à Marie de brûler cette chemise souillée: les flammes la détruiront comme sera détruit le péché du monde lors de la grande tribulation, par le feu du Ciel.

3-3-1-Que sera ce déluge de feu ?

Les visions de Marie nous le révèlent, car ces visions sont toujours expliquées, au moins en partie, pour ce qui est des choses qu’elle doit connaître immédiatement. Ainsi, un jour, elle vit de nombreuses étincelles venant d’un feu. Ces étincelles “s’éparpillaient et tombaient en terre... puis se ramassèrent comme en forme de plusieurs essaims d’abeilles, qui donnaient de la terre au ciel...” Voici l’explication de ce mystère: “ Le feu, c’est le feu de la haine du péché... qui attaque le péché pour l’anéantir. Le bois dont il se nourrit, c’est la charité divine, la fumée, les prières qu’elle (Marie) fait pour sa destruction... L’éparpillement des flammèches se fera, quand Dieu sait, pour aller exciter les âmes particulièrement à la haine du péché.”

Nous devons donc nous préparer aux grandes tribulations: “Notre Seigneur et la Sainte vierge lui ont dit plusieurs fois qu’il viendra une grande et horrible affliction par laquelle ils anéantiront tous les péchés de la terre, en comparaison de laquelle toutes les afflictions de ce temps ne sont rien.” [5] 

3-3-2-Mais la Miséricorde de Dieu est à l’œuvre

L’épuration par le feu est nécessaire. Dieu veut rénover sa création; c’est l’Œuvre de sa Miséricorde: “Ce sera ma Miséricorde qui exercera tous les châtiments qui arriveront alors, mais on ne la connaîtra point pour telle, car elle sera revêtue de justice.” [6] 

Les âmes sont le Cœur de Notre Seigneur. Il les veut toutes. Et au cours d’une vision, Jésus déclara à Marie “qu’Il en (de l’abîme du péché) retirerait toutes les âmes au temps de la conversion générale.”  Et l’un des démons dont elle était encore possédée en 1651, cria avec rage: “La délivrance est prochaine et quand nous en sortirons, nous ferons un grand signe.”

Personne ne connaît ce signe, car c’est un arrêt du ciel, excepté l’exorciste à qui Marie fut contrainte de le confier. Gaston de Renty écrit, à ce propos: “Notre Seigneur lui dit que cet arrêt portait que les magiciens et les sorciers étaient condamnés à être possédés des diables dès lors qu’elle (Marie des Vallées) serait délivrée... Peu après, elle le dit en secret (la teneur du signe) à l’un des exorcistes, et tout aussitôt elle eut liberté de communier.” Cet exorciste, c’était Saint Jean Eudes. 

Oui, la Miséricorde de Dieu est à l’œuvre: en 1645 la Vierge Marie annonce à Marie des vallées: “La divine volonté a prononcé l’arrêt de mort contre le péché. Il ne reste plus qu’à l’exécuter.” En avril 1650, Jésus lui dit encore : “Ce qui afflige et fait trembler vos démons (ceux dont Marie était possédée) c’est qu’on leur demande de détruire leur ouvrage.” La conversion générale est proche ; un feu de joie universel comblera l’univers entier sous l’égide de l’homme réconcilié dans l’embrasement des cœurs au Feu de l’Amour divin. Et la terre sera peuplée de saints. Cette régénération sera l’œuvre des martyrs et de toutes les victimes de l’Amour. Après la grande tribulation, la terre sera peuplée de saints !!! Ce sera le Règne du Christ-Roi, le Règne de Dieu

4
Les lieux de la vie quotidienne
de Marie des Vallées

4-1-Les lieux de sa vie quotidienne

Dès que commencèrent les exorcismes, Marie fut recueillie par Mgr de Briroy, évêque de Coutances, afin de la protéger. Elle passait la nuit seule, dans une chambre de l’évêché, et, dans la journée, elle était employée comme domestique à gages: elle tenait le ménage de deux prêtres, les Pères Potier et Lerouge, qui logeaient dans une petite maison proche de l’évêché. Le Père Lelièvre, s’inspirant des manuscrits en sa possession, fait de Marie des Vallées, à cette époque, le portrait suivant:

”C’était une femme d’une trentaine d’années, grande, forte, digne, majestueuse même, plutôt sévère. Son costume est simple et très  net: une collerette blanche en son couvre-chef de toile fine, un corset et un cotillon de droguet solide tirant sur le violet sombre, un tablier vert foncé, des souliers plats. Son maintien est énergique, le fond de ses traits très doux révèle à l’observateur des traces de souffrances intimes peu ordinaires.

De son regard vif et pénétrant, elle a vite fait de sonder le visiteur et de connaître le motif qui l’amène. Il semble même qu’elle lise jusqu’au fond de l’âme ses dispositions. Le simple curieux est éconduit. Celui qui vient au Nom de Dieu apporter un sujet d’édification ou demander un conseil est accueilli avec la plus extrême bienveillance.”

Quand Marie a terminé son service, elle se tient dans la petite pièce qui lui sert de cuisine, et elle file ou elle tisse. Elle compose également, sur des airs populaires, des cantiques et des complaintes. C’est dans ces lieux paisibles que s’accomplit l’action salvatrice de Marie. Les deux prêtres, les Pères Lerouge et Potier seront les seuls témoins de certains phénomènes spirituels, notamment de la flamme bleue qui descendit sur la tête de Marie quand Dieu lui fit savoir que sa requête pour les pécheurs était acceptée, et que le cycle de son mal de douze ans allait commencer.

4-2-L’entourage de Marie des Vallées

Marie n’était pas isolée; elle voyait venir à elle de nombreux ecclésiastiques, des contemplatifs, des personnalités du royaume de France, et des gens du peuple. Toutes les couches de la société venaient à elle, afin de recevoir ses avis et ses conseils. Beaucoup d’ecclésiastiques et d’évêques soutinrent Marie dans sa mission, dont Mgr Nicolas de Briroy, ou Mgr Léonor de Matignon qui avait été nommé évêque de Saint Lô à l’âge de 21 ans. Mgr de Matignon, qui œuvra vigoureusement pour la formation des prêtres et la rénovation de l’esprit chrétien dans le peuple, consultait fréquemment Marie au sujet des problèmes épineux qu’il rencontrait dans sa charge, car il lui faisait pleinement confiance.

Des Capucins, des Jacobins, des Augustins, au moins un Père jésuite, le Père de Saint Jure, sollicitèrent ses conseils: “Des religieux pénitents du Tiers-Ordre régulier viennent de Paris... De leurs entretiens et du résultat de leurs visites nous savons quelque chose par les lettres de Mère Mechtilde du Saint Sacrement, de Frère Luc, et plus tard de Monsieur Boudon, archidiacre d’Évreux.[7]

Le Père de Saint Jure, exorciste, suivra Marie et confiera à Saint Jean Eudes et à Gaston de Renty, qu’il avait eu des preuves de la sainteté de Marie. Le Père Cotton, qui fut le confesseur des rois Henri IV et Louis XVIII, et dont le discernement était très apprécié, tint des propos comparables.

4-3-Qui était vraiment Marie des Vallées ?

4-3-1-L’énigme Marie des Vallées

Marie des Vallées, illettrée, apprit à lire par obéissance, avec une rapidité déconcertante... Peut-être son Seigneur désirait-Il qu’elle lise les ouvrages qu’Il lui indiquerait, comme, par exemple, ceux de Benoît de Canfeld [8], franciscain anglais venu en France, et qui eut une large audience dans les milieux spirituels de son siècle, ou encore l’ouvrage du dominicain, Thomas Deschamps, Le jardin des Contemplatifs parsemé de fleurs d’amour divin. Thomas Deschamps vouait un véritable culte à la Volonté de Dieu, ce qui ne pouvait que plaire à Marie.

Saint Jean Eudes qui connaissait bien Marie des Vallées et qui était imprégné de son esprit, la décrit ainsi: “Elle avait des dons étonnants, un esprit clair, prompt à la synthèse, une imagination vive et colorée, des tournures frappantes, un rythme sûr...”

On a dit que l’œuvre monumentale de Saint Jean Eudes, Le Cœur admirable, était imprégnée des paroles et du style de Marie des Vallées. Ce qui est certain c’est qu’elle fit des prophéties dont beaucoup se réalisèrent de son vivant. Elle connaissait les pensées secrètes d’autrui et l’état des consciences, voyait à distance, et prévoyait même les fautes de ses proches, et les avertissait.

4-3-2-La mystique

Marie des Vallées fut une grande mystique, “victime” de l’Amour du Seigneur qui s’exprimait à travers elle. Cela faisait dire à Saint Jean Eudes que Marie était “une personne dont les paroles sont des charbons ardents qui embrasent le cœur de ceux qui les entendent et qui leur font dire: ’Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous quand il nous parlait?’(Luc 24, 32).”  Selon Marikka Devoucoux [9], les visions de Marie étaient “comme les gravures successives d’une Histoire dont nous devons reconstituer les légendes... Elles nous renvoient au travail d’amour et de contemplation... auquel l’esprit s’applique comme à une tâche sacrée qui nous plonge dans l’infini et dans l’éternelle activité de la divinité.”  

Marie ne supportait pas la tiédeur de ceux qui l’approchaient. Leur inconscience suscitait en elle des réactions parfois violentes. Axée uniquement sur Dieu, Marie s’élevait contre les modes du temps et l’attitude des prêtres ou des fidèles qui célébraient ou suivaient la Messe sans s’y intéresser vraiment. Sa pensée spirituelle était très simple, essentiellement orientée vers la liturgie, dont elle vivait le temps avec une grande intensité. Notons enfin que Marie avait deux grandes dévotions: le Rosaire, et le Psautier.

Pour ses contemporains, amis ou ennemis, Marie des Vallées fut une énigme. On venait auprès de Marie pour trouver du réconfort, des conseils. Ses ennemis ne pouvant la combattre ouvertement tant sa vie était inattaquable, multipliaient les insinuations méprisantes ou calomnieuses. C’est que Jésus souhaitait que la mission de Marie restât cachée comme le fut sa mission à Lui, Jésus, quand Il subissait sa Passion et mourait sur la Croix. Devait-elle être ignorée, pendant trois siècles, comme Jésus “ le fut pendant trois jours, au sépulcre ?” On peut se le demander, car il semble que parfois, le voile qui la cachait commence maintenant, quoique discrètement, à se soulever.

Trois siècles ont passé... Jésus avait dit à Marie qu’Il “se servirait d’elle comme d’un linge pour essuyer les péchés du monde.”

Aujourd’hui, alors qu’on commence à redécouvrir Marie des Vallées, on se demande toujours: mais qui était Marie des Vallées ?

Saint Jean Eudes, son Directeur spirituel, témoigne de la profonde humilité de Marie, et sa ”très candide simplicité”. Et pourtant elle possédait comme une sorte de puissant magnétisme naturel et elle exerçait, peut-être sans même le savoir, un grand ascendant sur tous ceux qui l’approchaient.

Marie portait, avec le Christ, la souffrance du monde: pourtant elle n’était pas triste dans sa vie de tous les jours. Affrontée aux plus profondes ténèbres, elle restait sereine et pacifique. Sa lucidité était exceptionnelle, elle avait une grande connaissance du mal, et elle ne cessait de réconcilier ceux qui ne voulaient plus se connaître. Sa patience était immense, sa loyauté implacable: cela lui vaudra de très nombreux ennemis. Illettrée, elle se révélait étonnamment cultivée: un de ses biographes, Émile Dermenghem, écrivit en 1926 : “Cette illettrée a un sentiment étonnant de la métaphysique et de la déduction, un esprit de synthèse unie à la plus colorée des imaginations... Elle va, comme toujours, droit au centre.” 

4-3-3-L’humilité de Marie des Vallées

Gaston de Renty écrit au sujet de Marie des Vallées: “Le mystère dont elle porte l’impression [10] la tire d’avec nous présentement, elle nous sera une Idée de notre Jésus avec lequel, ayant vécu si souffrante, elle sera vivante et rayonnante! Il y a des personnes que Dieu veut tenir dans l’obscurité, c’est pourquoi son état ne fait point de peine, puisque sa vie a été consommée en vertu parmi les peines. Il faut des créatures qui honorent tous les états de Jésus, sa mort (celle de Jésus) n’a pas été reconnue sainte de beaucoup.”  Cette lettre est une confirmation de la stigmatisation de Marie

5
Les enseignements de Jésus

Marie restait toujours d’une humilité profonde, car l’humilité ouvre à l’obéissance. Un jour le Seigneur lui dit que “l’obéissance était un bon orfèvre qui connaissait bien l’or, et que ceux qui la prenaient avec eux... ne se tromperaient jamais au choix de la monnaie, mais bien seulement les propres volontaires.”

L’humilité donne aussi la patience, et la patience aide à supporter les cinq degrés de la pauvreté :

          1-Se dépouiller des richesse,

          2-des honneurs,

          3-de tous les dons et grâces sensibles et tous ses mérites propres adonnés aux bonnes œuvres pour cette vie et l’autre,

          4-Se dépouiller de soi-même et ne posséder que l’amour de Dieu et du prochain.

          5-Le 5e est fait par Dieu même qui est ineffable.

Il existe aussi trois sortes de silence que Jésus expose à Marie en 1646. Le silence :

          1-De la langue, ni bon ni mauvais en soi ;

          2-Des passions et des désirs, qui est très bon et qui conduit à la haute perfection;

          3-De l’amour divin, c’est-à-dire quand il règne dans l’âme.

Quand elle est établie dans les vertus, l’âme peut accéder par quatre degrés, à la parfaite union avec le Christ: la communion, l’union, la transformation, la déification.

          1-La communion est la parfaite conformité à la Volonté de Dieu... C’est quand on est en la grâce de Dieu

          2-L’union est l’agonie de l’âme, laquelle cause la retraite de l’entendement et de la mémoire dans le néant. Mais la volonté vit encore. Union est plus que communion, car c’est alors qu’on est uni à Dieu plus fortement.

          3-Dieu explique à Marie cet état: elle est comme un roi mort qui n’est non plus touché de se voir dans son cloaque que dans un trône... Transformation est lorsqu’on est tellement uni à Dieu, qu’il est très difficile d’en être séparé, comme il serait très difficile de séparer l’eau qui est mêlée dans le vin.

          4-C’est en cela que gît la perfection la plus sublime, car l’âme n’a plus de choix et est morte. C’est ici la mort mystique et le vrai anéantissement. Déification, c’est lorsqu’on est tellement anéanti et lorsqu’il n’y a plus que Dieu et nous, ce qui ne s’accomplit point parfaitement que dans le ciel.

Dieu veut que nous n’ayons d’autre volonté que la sienne.

Ces paroles peuvent sembler dures, voire redoutables, mais il convient de les resituer dans les mentalités de l’époque où elles ont été dites puis écrites. Il faut aussi se référer aux exigences que Jésus impose à certains grands mystiques. D’ailleurs Marie précise: “Nous ne pouvons bien coopérer avec Dieu que si nous sommes entièrement anéantis, et s’il n’y a plus que Dieu en nous: c’est un ouvrage qui n’appartient qu’à l’Amour divin tout seul.”

Au sujet de la souffrance

Dieu nous veut dans sa Lumière, et la souffrance est le nécessaire crucifiement par lequel Il nous ramène au centre de son rayonnement : La chose la plus précieuse et la plus belle, c’est la Croix. La souffrance multiplie la force d’amour de celui qui aime, pratiquement à l’infini.

Cependant, la lente transformation de la souffrance en amour et en lumière, ne se réalise pas dans les transports extatiques, mais dans l’imperceptible déchirement de la nature humaine qui sent ses forces se diluer dans une étrange lassitude physique, laquelle désole le corps. Et s’il est donné à quelqu’un de vivre un tel état, c’est à la condition de s’abandonner totalement à l’action de Dieu, souvent déconcertante.

Aucune souffrance ne fut épargnée à Marie des Vallées, pas même l’épreuve du doute : “Elle était toujours dans l’incertitude et dans la crainte d’être trompée car, lorsque Notre Seigneur lui parlait, elle voyait clairement et assurément que c’était Lui, néanmoins, sitôt que cela était passé, elle demeurait dans la crainte et l’incertitude et elle n’avait point de créance assurée à toutes les choses qui lui étaient dites.”

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[1] D’après Marikka Devoucoux

[2] Rapporté par Gaston de Renty

[3] D’après Gaston de Renty

[4] On ne connait pas son nom, mais il fut un grand ennemi de Marie des Vallées.

[5] D’après Gaston de Renty

[6] Ibid

[7] D’après le Père Lelièvre

[8] Benoît de Canfeld contribua à la très solide formation de trois générations de mystiques spirituels,

[9] Auteur du livre L’œuvre de Dieu en Marie des Vallées, publié chez F.X. de Guibert.

[10] La stigmatisation de Marie des Vallées

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