LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

À la découverte des principaux acteurs
de l’École Française de spiritualité

 

Madame Acarie
1566-1618

Barbe Avrillot est née le 1er février 1566. Son père, Nicolas Avrillot,  appartenait à la noblesse de robe ainsi que la famille de sa mère, Marguerite Lottin. Quelques jours avant d’accoucher de Barbe, Marguerite fit à la Vierge Marie, si l’enfant était vivant, le vœu de l’habiller de blanc jusqu’à l’âge de sept ans. Barbe vint au monde; elle était bien vivante; on l’habilla de blanc.

En 1577, Barbe, âgée de onze ans fut mise en pension chez les clarisses de Longchamp. À l’àge de quatorze ans, elle dut quitter le monastère, ses parents ayant décidé de la marier. Barbe voulait être religieuse, mais bientôt elle sera mariée, malgré elle, à Pierre Acarie, qui aurait voulu devenir prêtre... Barbe avait seize ans, et Pierre, vingt et un. Le couple s’installa dans l’hôtel Acarie, à Paris, et Barbe dut se soumettre à la vie mondaine et opulente de son milieu. Huit enfants naquirent.

Nous sommes en 1588. La lecture d’une  sentence: “Trop est avare à qui Dieu ne suffit”, bouleversa Barbe Acarie. Ce fut la lumière qui transforma toute sa vie.  Bientôt les épreuves vont s’abattre sur sa famille exemplaire. En 1594 une nouvelle guerre de religion éclate, et Pierre Acarie, ligueur, est exilé à Soissons puis à Luzarches. Un jour, en allant le visiter à chaval, Barbe se cassa le fémur. Elle demeura handicapée jusqu’à la fin de ses jours.

17 novembre 1613, Pierre Acarie décède. Barbe Acarie était très malade, elle pouvait à peine marcher, et souffrait un véritable martyre... Elle régla la succession de Pierre et, le 15 février 1614, arrivait au carmel d’Amiens et recevait le nom de sœur Marie de L’Incarnation. Là, elle fut affectée à la cuisine en qualité d’aide de la sœur laie chargée de ce secteur. Après beaucoup de souffrances, Sœur Marie de l’Incarnation s’en fut vers Celui qu’elle avait tant aimé, le 18 avril 1618.

Barbe avait reçu de nombreuses grâces extraordinaires. Ses extases furent nombreuses. Après sa mort en 1618, le Père Coton, supérieur des jésuites pour la France et confesseur de Henri IV, découvrit ses stigmates. Personne ne s’était aperçu de rien, sauf peut-être Bérulle, son cousin, à qui elle se confiait parfois. Barbe Acarie semble avoir porté ces stigmates pendant vingt ans.

Barbe Acarie avait plusieurs importantes missions à remplir. D’abord, travailler à restaurer la piété en France. Barbe eut aussi une grande part dans l’introduction du Carmel réformé en France, ce qui fut réalisé par Bérulle. Enfin, Barbe installera à Paris, une petite congrégation d’Ursulines.

Immédiatement après la mort de Sœur Marie de l’Incarnation, le 18 avril 1618, une suave odeur se répandit dans tout le couvent. Dehors, la foule se pressait en criant: “La sainte est morte!” Le dimanche 5 juin 1791, Sœur Marie de l’Incarnation, Barbe Acarie-Avrillot, était déclarée bienheureuse.

Saint François de Sales
(21 août 1567 - 28 décembre 1622)

Saint François de Sales, est issu d’une famille noble de Savoie.  Aîné de treize enfants, il naquit le 21 août 1567 à Thorens, petite ville située à une vingtaine de kilomètres d’Annecy, pays profondément touché par le protestantisme.

François de Sales deviendra l’un des plus grands écrivains français de la période préclassique. Il sera ordonné prêtre le 18 décembre 1593 et commencera immédiatement sa difficile mission d’évangélisation de la province calviniste du Chablais. La tâche est immense, mais François dispose des meilleures armes qui soient: l’oraison, l’aumône et le jeûne...

Homme d’action, ardent missionnaire, écrivain de génie, François de Sales est aussi un véritable mystique qui prêche une religion d’amour et d’union à Dieu. Il sera sacré évêque de Genève le 8 décembre 1602. Pendant 20 ans, François de Sales se consacra corps et âme à son apostolat et s’efforça d’appliquer les décisions du Concile de Trente. Le 5 mars 1604, il rencontrait pour la première fois celle qui devait devenir Sainte Jeanne de Chantal, cofondatrice avec lui de l’Ordre de la Visitation.

François de Sales publia l’Introduction à la Vie dévote  en 1608, et le Traité de l’Amour de Dieu  en 1616. Il mourut saintement le 28 décembre 1622.

Canonisé en 1665, et nommé Docteur de l’Église en 1877, Saint François de Sales est considéré comme le “Docteur de l’amour”. Ce titre le définit parfaitement. En effet, sa vie mouvementée fut constamment illuminée par une charité débordante qui transparaît dans cette phrase adressée à Jeanne de Chantal:

“Quand sera-ce que nous serons tous détrempés en douceur et charité envers notre prochain? Quand verrons-nous les âmes de nos prochains dans la sacrée poitrine du Sauveur?

Pierre de Bérulle
(4 février 1575 - 2 octobre 1629)

Aîné d’une famille de quatre enfants, Pierre de Bérulle naquit près de Troyes, le 4 février 1575, l'année même où le pape Pie V reconnaissait officiellement la Congrégation de l'Oratoire fondée, à Rome, par le prêtre Philippe Néri. En 1594, une cousine de sa mère, Madame Acarie, était accueillie à l’hôtel de Bérulle.

Madame Acarie réunissait autour d’elle un groupe de religieux et de laïcs qui cherchaient à redonner vie à l’Église de France. Bérulle participa à ce groupe, cotoyant ainsi le milieu du renouveau catholique. Il fut ordonné prêtre en 1599.

On parlait beaucoup, dans le groupe Acarie, des congrégations réformées de carmélites et de Thérèse d’Avila. Bérulle réussit à introduire le Carmel réformé en France et devint l'un des supérieurs et le visiteur de l'Ordre. Cette tâche le passionna mais lui attira aussi bien des tracas qui seront à la source d’un important ouvrage: Les Grandeurs de Jésus (1623). C’est au contact des carmélites espagnoles que Bérulle  découvrit la place essentielle du mystère de l’Incarnation dans la vie spirituelle. 

L’abnégation, le renoncement à soi, la pauvreté intérieure sont des marques essentielles de la spiritualité bérullienne. Heureusement, ces tendances seront comme submergées par l’élan mystique qui l’emportera bien souvent. En effet, Bérulle fut un grand mystique. Tous ceux qui ont étudié sa vie ont constaté sa conviction profonde d’avoir été chargé par Dieu d’initier à la vie mystique ceux qui lui avaient été confiés.

Bérulle est également connu pour être le fondateur d'une société de prêtres, "l'Oratoire de Jésus". Philippe Néri avait établi, en Italie, la Congrégation de l'Oratoire. Pierre de Bérulle se proposa de l'imiter et de fonder aussi un Oratoire en France.

Malgré ses répugnances, Pierre de Bérulle fut contraint, par le roi Louis XIII et par Richelieu, de se mêler des événements du siècle. En 1627, à la demande de Louis XIII, le pape Urbain VIII, envoya à Pierre de Bérulle un chapeau de cardinal. Le 2 octobre 1629 alors qu'il célébrait la messe, il expira dans les bras de ses disciples. Il avait 54 ans.

Parmi les principales œuvres de Bérulle, on doit citer, outre une volumineuse correspondance, Le Mémorial de direction, L'élévation sur Sainte Madeleine en 1625 et La vie de Jésus, son dernier ouvrage, en 1629, année de sa mort.

Charles de Condren
(15 décembre 1588 - 7 janvier 1641)

Quand naît Charles de Condren en 1588, il y a déjà un quart de siècle que le Concile de Trente a publié ses conclusions sur la nécessité de réaliser dans  l’Église, des réformes profondes. L’Italie, avec Philippe Néri et Charles Borromée, et l’Espagne avec Jean de la Croix, ont déjà entrepris cet immense travail. Puis, c’est la France, avec François de Sales et Bérulle qui s’attelle à ce gigantesque chantier.

Dès sa naissance, à Vaubuin, près de Soissons, le 15 décembre 1588, Charles de Condren fut un enfant très fragile, ce qui ne l’empêcha pas de faire des études très brillantes. Le Cardinal de Bérulle avait d’ailleurs remarqué ce jeune prêtre intelligent et dévoué.

Le 17 juin 1617, Charles de Condren âgé de vingt neuf ans, entra au noviciat de l’Oratoire et prit l’habit de la congrégation le 25 novembre suivant. Il fut rapidement chargé de missions délicates: fondations à Nevers, à Langres, à Poitiers, et à Paris. Il devint également le confesseur de Gaston d’Orléans!...

Le 20 octobre 1629, après le décès de Pierre de Bérulle, Charles de Condren fut  élu supérieur général de l’Oratoire. Il s’attacha à recueillir ce qui pouvait rester des enseignements et des exemples du fondateur. C’est lui qui eut la charge de la rédaction des constitutions de l’Oratoire. M. Olier, son disciple, a écrit de lui “qu’il était vraiment l'intérieur de Jésus-Christ en sa vie cachée; en sorte que c'était plutôt Jésus-Christ vivant dans le Père de Condren que le Père de Condren vivant en lui même.” Le 7 janvier 1641, après une courte maladie, la mort le faisait passer “à la gloire du nouveau sacrifice.”

Marie des Vallées
(15 février 1590-25 février 1656)

Pour entrer dans la vie de Marie des Vallées sans répugnance, sans dégoût, et surtout sans à-priori, il faut se faire humble, très humble. Humble et tout petit... Car, si la vie de Marie des Vallées, ponctuée d’évènements mystiques extraordinaires, surprend, elle ne laisse jamais indifférents ceux qui ont été, ou sont encore conduits à l’approcher. Pour comprendre l’action de Dieu dans Marie des Vallées, il faut oublier tous ses préjugés, absolument tous, et l’aborder sans aucune idée préconçue.

Le 15 février 1590, Marie des Vallées naissait à Saint-Sauveur-Lendelin, près de Coutances, en Normandie, de Julien des Vallées et de Jacqueline Germain. Elle était la troisième enfant du couple. Les parents de Marie étaient croyants, mais peu pratiquants.

La jeunesse de Marie fut un calvaire, et cependant, partout où elle dut passer, elle fut comme un signe de Dieu par sa patience, son courage, sa foi et sa pureté. Un prétendant éconduit eut recours à une sorcière, et Marie, durant trois ans, violemment tourmentée, souffrit de vraies tortures physiques. 

Bientôt Marie réclama à Jésus la grâce de vivre totalement la folie de la Croix. Immédiatement, Marie, croix vivante, fut, par amour, configurée au Christ. De 1609 à 1614, Marie fut l’objet d’attaques constantes de la part des sorciers qui multipliaient charmes et maléfices. En 1614 sa chambre fut envahie par des démons hurleurs et vociférants. Peu à peu les charmes décrurent, mais la “possession” demeura malgré les exorcismes réguliers.

En 1615, ou 1616, Marie s’offrit encore à Dieu: “Je renonce de tout mon cœur à ma propre volonté et me donne à la très adorable volonté de mon Dieu afin qu’elle me possède si parfaitement que je ne l’offense jamais.” Marie se livrait à Dieu pour l’Église et la Gloire du Christ. Car le cœur de Marie de Vallées ne faisait plus qu’un avec le cœur de la Mère de Jésus...

Le 24 février 1656, Marie des Vallées tomba malade et le Père Jean Eudes resta près d’elle. Le lendemain, 25 février, après avoir suivi la récitation du Rosaire avec ceux qui l’assistaient, après quarante sept ans de souffrances terribles et inexplicables, Marie s’en allait vers Celui qu’elle avait tant aimé. L‘hostilité à son encontre ne cessa pas: même après sa mort Marie des Vallées demeurait un sujet de contestations.

Saint Jean Eudes, son Directeur spirituel, témoigna de la profonde humilité de Marie, et sa ”très candide simplicité”. Et pourtant elle possédait comme une sorte de puissant magnétisme naturel et elle exerçait, peut-être sans même le savoir, un grand ascendant sur tous ceux qui l’approchaient.

Alain de Solminihac
(1593-1651)-Béatifié le 4 octobre 1981

Alain de Solminihac naquit le 25 novembre 1593 non loin de Périgueux. Sa famille, d’une bonne noblesse sarladaise, était restée fidèle au catholicisme, dans une région très infiltrée par le protestantisme et dévastée par les Guerres de religion. Alain, numéro 3 des garçons de la famille fut initié à toutes les disciplines mondaines de son rang: équitation, escrime, danse, chasse, et bien sûr, les belles manières. Alain avait tout pour être un parfait gentihomme, mais Dieu en avait décidé autrement.

Alain avait un oncle, Arnaud, qui était Abbé de Chancelade. Afin que le bénéfice de l’abbaye restât dans sa famille, Arnaud proposa sa charge à Alain qui accepta: il avait 17 ans. Les bulles d’intronisation furent signées par le pape Paul V. Quand Alain les reçut, il revêtit l’habit blanc des chanoines réguliers de Saint-Augustin... et commença son noviciat! Il avait 20 ans: il dut rapidement parfaire sa formation, et le 15 juin 1615, devenait officiellement Abbé de Chancelade; le 19 mars 1616, il recevait les ordres mineurs, et le 28 juillet se consacrait à Dieu.

Dès lors Alain commença à réformer son abbaye. Toutefois, il dut encore poursuivre son éducation théologique à Paris où il suivit les sermons de François de Sales et où il rencontra Monsieur Vincent. Après un séjour de quatre ans à Paris, Alain rentra à Chancelade. (Septembre 1622) Il poursuivit la réforme de son abbaye conformément aux directives du Concile de Trente.

La spiritualité de Chancelade, avec Alain de Solminihac, était celle de la “sainteté cachée”, celle de la “petite voie, des exercices communs de la religion,” et non les choses particulières ou les records de pénitences et d’oraisons. “Il ne faut pas amaigrir le corps pour engraisser l’amour-propre.” disait-il. Cependant, Alain estimait qu’il “était tout à fait nécessaire pour planter et maintenir les réformes, d’avoir un grand amour de la Croix... Si cet amour vient à manquer, les réformes seront bientôt à bas.” L’esprit de la réforme de l’abbé de Chancelade était, en effet, un “esprit d’amour...”  

En avril 1636, Alain de Solminihac apprit qu’il était nommé évêque de Lavaur. Consterné, il écrivit à Richelieu pour lui signaler son refus. “Abbé il était, abbé il voulait rester: telle était sa vocation.”  Mais le Roi refusa son refus et le choisit pour l’évêché de Cahors... Alain finit par s’incliner: c’était la volonté de Dieu.

Le diocèse de Cahors avait alors grand besoin d’être réformé: la violence règnait partout, les ruines s’étaient accumulées, et l’ignorance religieuse était totale... Alain se mit rapidement à la tâche, mais il n’oublia jamais qu’il était d’abord religieux; aussi son épiscopat fut-il un des plus prestigieux de l’époque. À l’étonnement de beaucoup, et malgré de nombreuses résistances, l’évêque de Cahors continua à mener une vie simple et monacale. Évêque et religieux, Mgr de Cahors sut allier les deux styles de vie, et sa résidence épiscopale habituelle fut ordonnée comme dans un monastère. 

Le matin du 31 décembre 1659, vers 10 heures, Mgr Alain sortit de son oraison et annonça: “À midi, je serai consommé.” À tous ceux qui l’approchaient il murmurait: “J’achève mon sacrifice.” Quand l’horloge du château sonna les douze coups de midi, Alain  s’en retourna vers Dieu: il avait 58 ans.

Saint Jean EUDES
Le Cœur de Jésus-Marie
(1601-1680)

Jean Eudes, aîné de sept enfants, contemporain de Louis XIII et de Richelieu, puis de Mazarin et de Louis XIV, naquit en Normandie, le 14 novembre 1601, d’une famille de paysans. Vers l’âge de treize ou quatorze ans, il se consacra à Dieu par le voeu de chasteté. Il fut reçu, le 19 mars 1623, dans la Congrégation de l’Oratoire, par le Père de Bérulle lui-même. Jean Eudes sera ordonné prêtre le 20 décembre 1625, mais auparavant, le 20 mai 1624, il avait prononcé, à l’invitation de Bérulle, le “voeu de servitude à Jésus”. 

Dès 1632, Jean Eudes fut envoyé en mission dans le diocèse de Coutances, et il se révéla vite un missionnaire remarquable et un prédicateur de génie. Nommé supérieur de l’Oratoire de Caen en octobre 1640, il fut présenté, en août 1641 à la mystique Marie des Vallées.

Pour des raisons connues de lui seul, Jean Eudes quitta, sans crier gare et clandestinement, la maison dont il était le supérieur, et rejoignit les prêtres qui l’attendaient et qui seront, avec lui, les fondateurs de la  Congrégation de Jésus et Marie. C’était le 23 mars 1643. Dès le début les nouveaux frères prirent l’habitude de réciter en commun une prière composée par Jean Eudes, et adressée “au Coeur très aimant de Jésus et de Marie.”  Jean Eudes mourut, le 19 août 1680.  Il fut béatifié en 1909 par le pape Pie X, et canonisé en 1925 par le pape Pie XI.

L’oeuvre de Saint Jean Eudes est considérable. Outre l’organisation de nombreuses missions et la fondation de la Compagnie de Jésus et Marie (les Eudistes), Saint Jean Eudes créa, en 1641, la Maison de Notre-Dame du Refuge pour les femmes repenties. Il institua la fête du Coeur de Marie et la fête du Coeur de Jésus et rédigea les Offices de ces deux fêtes. Saint Jean Eudes rédigea aussi, outre de nombreux autres ouvrages, dont les douze Livres consacrés au Coeur Admirable de la Très Sacrée Mère de Dieu. Le douzième volume de ce dernier ouvrage, achevé le 25 juillet 1680, soit quelques jours seulement avant sa mort, est entièrement consacré au Coeur de Jésus.

Saint Jean Eudes a été le premier théologien de la dévotion au Sacré Coeur, s’appuyant, pour ce faire, sur la pensée de Saint Bernardin de Sienne qui, comme le fit également Sainte Gertrude d’Helfta, comparait le Coeur de Jésus à une fournaise d’amour très ardente pour enflammer et embraser tout l’univers.

Relations de Saint Jean Eudes avec Marie des Vallées

C’est à la demande expresse de l’évêque de Coutances que Jean Eudes devint le directeur spirituel de Marie des Vallées. Peu à peu, Jean Eudes, appréciant la sainteté de Marie, et donnant foi aux révélations qu’elle recevait, prit l’habitude de la consulter très fréquemment.

Saint Jean Eudes, tout à la fois Père, frère et ami spirituel de Marie des Vallées, le demeurera même après la mort de cette dernière, en dépit des attaques de plus en plus virulentes lancées contre la mémoire de Marie et contre lui-même, et particulièrement de la part des jansénistes, qui se sentaient évidemment menacés par la mission de Marie des Vallées et de Saint Jean Eudes.

Agnès de Langeac
(17 novembre 1602-19 octobre 1634)

Agnès Galland, plus connue sous le nom d’Agnès de Langeac, naquit en 1602, sous le Règne du roi Henri IV. Il semble que l’exceptionnelle vie mystique d’Agnès ait commencé très tôt, peut-être vers l’âge de sept ans. On a prétendu qu’à l’âge de douze ans elle avait guéri, par attouchement, les plaies d’un moissonneur mortellement blessé. C’est à cette époque qu’elle aurait reçu les stigmates invisibles, en méditant la Passion du Christ.

Le 28 septembre 1624, Agnès devenait sœur de chœur chez les dominicaines de Langeac. En 1625 Agnès a vingt trois ans. Son état est toujours maladif, ses extases nombreuses. Elle fait pourtant sa profession le 2 février. Dès lors, les calomnies dont Agnès sera souvent victime commencent... et les  miracles se multiplient. Malgré les calomnies dont elle est victime, Agnès est nommée maîtresse des novices puis sous-prieure de son couvent.

En mars 1633, Jean-Jacques Olier faisait une retraite, à Paris, chez les Lazaristes de Vincent de Paul. Le 10 mars, alors qu’il était seul dans son bureau, Agnès lui apparut pour la première fois. Plus tard, il se rendit un jour à Langeac, au couvent des dominicaines. Au parloir, il reconnut Agnès qui lui révèla sa mission: fonder, en France, des séminaires. Agnès prit Jean-Jacques Olier pour directeur de conscience; mais qui, devant Dieu, était le directeur de l’autre?

Le 19 octobre 1634, Agnès mourut. Son visage et son corps rayonnaient de lumière. À partir du 1er novembre 1634, Agnès apparaîtra plusieurs fois à J.J. Olier. 

Jean-Jacques Olier
(1608-1657)

Jean-Jacques Olier naquit à Paris le 20 septembre 1608. C’était le 4ème enfant (sur huit) d’une famille aisée de magistrats parisiens. Comme toutes les familles mondaines et bien en cours de l’époque, la famille Olier était très pratiquante, et Jean-Jacques fut baptisé le jour même de sa naissance. Soucieux d’assurer l’avenir matériel de ce garçon, les parents décidèrent de le faire “d’Église”, et le firent tonsurer à l’âge de douze ans. Il pourrait ainsi jouir des bénéfices de plusieurs prieurés dont ils avaient obtenu, de la faveur royale, que la “commende” lui soit assurée. Et Jean-Jacques devint l’un des nombreux abbés mondains de la capitale, menant joyeuse vie dans les tavernes du faubourg Saint-Germain qu’il fréquentait autant que les cours de la Sorbonne.

En février 1629 Jean-Jacques est interpellé dans la rue par une femme, Marie Rousseau, qui lui reproche sa vanité et son amour des plaisirs du monde. En 1630, au cours d’un voyage à Rome, il est atteint d’une grave maladie ophtalmologique qui le menace de cécité. Il se rend à pied jusqu’à Notre-Dame de Lorette, et là, la Vierge Marie guérit non seulement les yeux de son corps, mais aussi, les yeux de son âme... Il a 22 ans.  J.J.Olier est ordonné prêtre le 21 mai 1633 après avoir suivi régulièrement les ”Conférences du Mardi”, de Saint Vincent de Paul, devenu son directeur spirituel. À partir de 1634, il participe à de nombreuses missions populaires et rurales, en Auvergne notamment, où  il  rencontre Mère Agnès, qu’il avait déjà, mystérieusement, vue dans son bureau parisien, et qui, sans dire un mot, lui avait donné sa croix et son chapelet. 

En 1635, Charles de Condren, le successeur de Bérulle à la tête de l'Oratoire devient son directeur spirituel. Mais dès l’automne 1639, une grande épreuve commence. Elle durera jusqu’à Pâques 1641. Jean-Jacques va rester pendant deux ans dans un état de prostration et de profond dégoût de lui-même. C’est l’impuissance la plus totale. Dieu le prépare pour son service.

Au fil du temps, Jean-Jacques Olier constate que les missions populaires ne sont pas suffisantes pour réévangéliser le peuple de France: des prêtres doivent prendre la relève des missionnaires. Hélas! les prêtres locaux, très nombreux, n’ont reçu aucune formation, et Jean-Jacques Olier comprend la nécessité d’ouvrir des séminaires répondant aux orientations données par le Concile de Trente. En septembre 1641, avec deux autres prêtres, J.J. Olier inaugure une vie communautaire d’où naîtra, le 28 décembre 1641, un premier séminaire, à Vaugirard.

Au printemps 1642, Jean-Jacques Olier est nommé curé de la paroisse Saint Sulpice, à Paris. Il accepte cette charge, et la communauté de Vaugirard déménage: le séminaire  Saint Sulpice est né.  

Jean-Jacques Olier envoya des Sulpiciens à Nantes, Viviers, Saint-Flour, au Puy, à Clermont, à Amiens, et jusqu’au Canada: le 29 juillet 1657, quatre prêtres de Saint Sulpice abordaient en Nouvelle-France, à Ville-Marie (Montréal). Le 2 avril de la même année, J.J. Olier mourait, épuisé: il n’avait que 49 ans.

Gaston de Renty
(1611-1649)

Qui, aujourd’hui, connaît encore Gaston de Renty? Qui oserait soutenir la Compagnie du Saint-Sacrement, si décriée en son temps? Qui oserait prétendre que Gaston de Renty, grand ami de Saint Jean Eudes, rencontrait fréquemment Marie des Vallées?... Pourtant Gaston de Renty fut pendant longtemps le supérieur de la Compagnie du Saint-Sacrement, et un grand ami de Marie des Vallées. 

Simple laïc et père de famille, Gaston de Renty qui s’était donné totalement à Dieu, fut un grand mystique. Il était né en 1611, au château du Bény-Bocage, dans le Calvados, d’une famille proche de la couronne. À l’âge de dix-sept ans il fréquenta l’Académie militaire de Paris, et participa, aux côtés de son père, à plusieurs campagnes militaires. Dès la mort de son père tué au combat en 1638, Gaston de Renty se retira de la cour et de l’armée, et s’engagea dans la Compagnie du Saint-Sacrement.

Jeune noble, intellectuellement doué, très intégré dans son milieu social, passionné de mathématiques, Gaston de Renty était aussi très désireux d’imiter Jésus-Christ: en 1631, la peste sévissant dans la région de Caen, il assista Jean Eudes pour soigner les malades. La vue de ces misères le bouleversa profondément.

Gaston épousa en 1633, à l’âge de vingt deux ans, Isabelle de Balsac, issue, elle aussi, d’une noble famille, proche de la couronne. Le couple eut cinq enfants dont quatre survécurent. Gaston de Renty avait voulu, dans sa jeunesse, devenir chartreux. Ses parents, et Dieu, en avaient disposé autrement et Gaston avait accepté de fonder une famille... Peu à peu il comprit que la condition fondamentale est la condition de baptisé, le reste est affaire de discernement et volonté de Dieu. Gaston de Renty était donc sûr de n’avoir pas failli à sa vocation.

En 1639, Gaston de Renty rencontra le Père de Condren, qui deviendra son directeur spirituel pendant deux ans. C’est à ce moment qu’il est admis dans la Compagnie du Saint-Sacrement. C’est lui qui sera le fondateur de la Compagnie de Caen en 1640. À la demande de Saint Jean Eudes il entra en relation avec Marie des Vallées en novembre 1641, et dès 1642, entreprit la rédactions d’un Mémoire sur ses révélations..

En juin et juillet 1646, Saint Jean Eudes prêcha une mission sur les propres domaines de Gaston de Renty qui y assista, entouré de son épouse et de ses enfants. Renouveler l’esprit du christianisme étant la grande préoccupation de Gaston de Renty, inévitablement, de grandes épreuves allaient accabler.

La Compagnie du Saint-Sacrement avait fondé la Société de Notre-Dame de Montréal. Gaston de Renty, appuyé par la Reine régente, le chancelier et le Parlement, participa à la fondation de Montréal et des bâtisseurs du Canada français.

Gaston de Renty vivait en la continuelle présence de Dieu tout en étant extraordinairement actif. Il mourut jeune, en 1649, à trente neuf ans, épuisé par le travail et de très dures mortifications.

Catherine de Bar
(Mère Mechtilde du Saint-Sacrement)
(1614-1698)

Toute la vie, incroyablement mouvementée de Catherine de Bar, qui deviendra Mère Mechtilde du Saint-Sacrement, se déroula au XVIIème siècle, époque succédant à un siècle de tourmentes de toutes sortes. L’Europe était encore très agitée, les misères étaient grandes: guerre de Trente ans, pauvreté extrême du peuple des campagnes, peste, famines, etc... La sorcellerie et la magie noire régnaient dans plusieurs provinces de France.

C’est dans ce contexte historique que Catherine de Bar naquit à Saint Dié, le 31 décembre 1614, d’une ancienne famille de robe. Elle reçut une solide formation profane et religieuse. Elle avait dix-sept ans quand elle reçut l’habit chez les Annonciades de Bruyères. En 1635 la Guerre de Trente ans éclata. En mai 1635, devant l’approche des troupes suédoises particulièrement redoutées à cause de leur férocité, le monastère dut être évacué. Quatre heures après le départ des sœurs, les bâtiments étaient incendiés et détruits. Au début de 1636, les religieuses, purent être reçues à Commercy, chez le marquis des Armoises, mais bientôt la peste ravageait le pays. Vers la fin de l’année 1637, Catherine et ses sœurs furent reçues à Rambervillers, chez les bénédictines. Le 11 juillet 1639, Catherine prononçait ses vœux de bénédictine. Elle avait vingt cinq ans.

Les guerres continuelles avaient entraîné des misères effroyables. Les sœurs durent se séparer. Catherine de Sainte Mechtilde, sa maîtresse des novices et une autre moniale trouvèrent refuge à Saint-Mihiel, ville également ruinée par les combats. La vie itinérante de Catherine se poursuivait: 1641, l’abbaye de Montmartre, à Paris les reçoit; puis, c’est l’arrivée à Caen le 14 août 1642, et Saint-Maur-des-Fossés près de Paris, en août 1643. Nous sommes en Juin 1647. Mère Mechtilde est envoyée à Caen, mais elle dut au bout d’un an, retourner à Rambervillers. On était en pleine guerre et la misère était extrême. De nouveau la communauté dut se disperser: en Allemagne, en Bourgogne...

Le 6 mars 1651, Mère Mechtilde quittait l’enfer de Rambervillers pour retrouver un Paris à feu et à sang: c’était la Fronde... En août 1651, Mère Mechtilde rencontrait la Comtesse de Châteauvieux qui désirait fonder un monastère bénédictin consacré à l’adoration perpétuelle du Saint Sacrement. Cela se fit le 25 mars 1653, rue du Bac. Mais il fallut quitter la rue du Bac et s’installer rue Férou, le 12 mars 1654, et déménager encore pour aller rue Cassette. Dès lors la vie de Mère Mechtilde se partagea entre la direction de ses religieuses et de nombreuses fondations, en France, et même en Pologne.

Les dernières années de Mère Mechtilde furent, elles aussi, marquées par la souffrance. Elle fut attaquée dans sa réputation, blamée dans sa conduite, accablée par les infirmités, sans compter les épreuves intérieures. Le 6 avril 1698, Mère Mechtilde décédait après une longue et douloureuse maladie: elle avait 83 ans.

Le 15 juin 1704, la communauté recevait le décret d’approbation, confirmé par le pape Clément XI le 1er août 1705: l’œuvre de Mère Mechtilde était définitivement approuvée.

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