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XXVIII
LES CLARISSES
LA RÈGLE, LE TESTAMENT
L'Ordre fondé par François et Claire dans l'humble maison de
Saint-Damien s'est considérablement étendu. La " petite plante " est devenue un
arbre puissant. Les Clarisses
occupent en Italie deux cent vingt-sept couvents, plus
trente-quatre habités par des Clarisses capucines. Il y a cinquante-neuf
couvents en France ; trente en Belgique ; cent soixante-quatre en Espagne ; neuf
en Angleterre ; dix en Irlande et Ecosse ; cinq en Autriche; dix en Allemagne;
six en Hollande ; sept aux Etats-Unis ; trois en Colombie ; deux au Mexique ; un
en Argentine ; un au Brésil ; un au Pérou ; un dans la république de l'Equateur
; un au Chili ; un en Bolivie ; un à Cuba ; un aux îles Philippines ; un en
Australie; deux en Palestine, à Jérusalem et à Nazareth. Plus de six cents
maisons et de treize mille Clarisses : tel était du moins le résultat du
recensement fait en 1912, à l'occasion du septième centenaire de la consécration
de Claire à Dieu, célébré par les Franciscains; et, depuis, le nombre a
probablement augmenté, bien que la vérification rigoureuse en soit assez
difficile dans les pays d'outre-Océan.
On possède cinq lettres de Claire : l'une, assez brève,
adressée à sainte Ermentrude; les quatre autres, longues et importantes,
adressées à Agnès, fille du roi de Bohême, devenue sainte Agnès. Leur style
alerte, énergique, ardent donne bien l'idée de l'intelligence élevée et de la
ferveur spirituelle de celle qui les a écrites. Je regrette de ne pouvoir les
reproduire ici. Mais j'ai jugé utile de transcrire pour le lecteur le texte
intégral de la règle des Clarisses, telle que Claire la rédigea sur les conseils
de François, et le texte de son admirable testament, où elle fait revivre avec
tant de grâce et de pudeur le souvenir de l'être qui, en la détournant du monde,
la voua à l'immortalité.
RÈGLE DES CLARISSES
CHAPITRE PREMIER
Au nom du Seigneur. Ainsi soit-il.
Ici commence la règle et forme de l'Ordre des Pauvres Dames,
à savoir : observer le saint Évangile de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, vivant en
obéissance sans propre et en chasteté.
Claire, indigne servante du Christ, promet obéissance et
révérence au seigneur Pape Innocent IV et à ses successeurs canoniquement élus
et à l'Église Romaine. Et de même qu'au commencement de sa conversion elle a,
ainsi que ses Sœurs, promis obéissance au Frère François, ainsi elle promet une
même soumission inviolable à ses successeurs. Et que les autres Sœurs soient
tenues d'obéir aux successeurs du Frère François et à Sœur Claire et aux autres
Abbesses canoniquement élues qui lui succéderont.
CHAPITRE II
COMMENT LES NOVICES DOIVENT ÊTRE REÇUES
Si quelque personne, par inspiration divine, vient aux Sœurs
et veut embrasser cette vie, que l'Abbesse soit tenue de prendre l'avis de
toutes les Sœurs à ce sujet. Et si la majorité est favorable, qu'on puisse la
recevoir avec la permission du seigneur Cardinal protecteur. Et s'il voit la
récipiendaire, qu'il l'examine avec soin ou qu'il la fasse examiner sur la foi
catholique et sur les sacrements de l'Église. Et si elle croit toutes ces choses
et veut les confesser fidèlement et les observer fermement jusqu'à la fin ; si
elle n'est pas mariée, ou si elle l'est et que son époux soit entré en religion
avec l'autorisation de l'évêque diocésain après avoir fait le vœu de continence
; si enfin son âge avancé, des infirmités ou des défauts de caractère ne
l'empêchent pas d'observer cette règle, qu'on lui expose avec soin les
obligations de cette vie. Et si elle est capable, qu'on lui dise la parole du
saint Évangile, qu'elle aille et vende tous ses biens et s'efforce de les
distribuer aux pauvres. Que si elle ne peut le faire, la bonne volonté lui
suffit. Et que l'Abbesse et ses Sœurs prennent garde de se soucier des biens
temporels de la novice et que cette dernière agisse librement avec sa fortune
comme le Seigneur le lui inspirera. Pourtant, si un conseil est requis, qu'elles
l'envoient à des hommes discrets et craignant Dieu, et que par leur conseil les
biens soient distribués aux pauvres.
Qu'on lui coupe ensuite les cheveux en rond et, l'habit
séculier mis de côté, qu'on lui concède trois tuniques et un manteau. Dès lors,
qu'il ne lui soit plus permis de sortir du monastère sans un motif utile,
manifeste et plausible. L'année de probation étant finie, qu'elle soit reçue à
l'obéissance, promettant d'observer toujours cette vie et cette forme de
pauvreté. Qu'aucune ne reçoive le voile pendant le temps de probation. Que les
Sœurs puissent avoir de petites serviettes pour faciliter leur travail et
entretenir la propreté. Que l'Abbesse fournisse ses religieuses de vêtements
avec discernement, selon le tempérament de chacune, les lieux, les temps et les
froides régions, comme il paraîtra nécessaire.
Que les jeunes filles reçues au monastère avant d'avoir l'âge
légitime se fassent couper les cheveux en rond, et, après avoir déposé l'habit
séculier, qu'elles revêtent un habit religieux, comme le jugera bon l'Abbesse.
Mais, parvenues à l'âge légitime, qu'on les habille comme les autres et qu'elles
fassent profession. Et que l'Abbesse leur donne ainsi qu'aux autres novices une
maîtresse choisie parmi les plus discrètes de tout le monastère pour les former
avec soin à une vie sainte, à des mœurs pures, conformément à la vie professée
par les Sœurs.
Dans l'examen et la réception des Sœurs qui servent au dehors
du monastère, qu'on observe les mêmes règles ; ces dernières peuvent porter des
chaussures. Qu'aucune femme ne réside au monastère, si elle n'a pas été reçue
suivant la forme de cette profession. Et par l'amour du très saint et du très
cher Enfant Jésus enveloppé de pauvres langes et couché dans la crèche, par
l'amour de sa Très Sainte Mère, je prie, j'exhorte et j'engage mes Sœurs à
porter toujours des vêtements grossiers.
CHAPITRE III
DE L'OFFICE DIVIN, DU JEÛNE ET DE LA COMMUNION
Que les Sœurs qui savent lire récitent, suivant la coutume
des Frères Mineurs, l'office divin dès qu'elles pourront avoir des bréviaires.
Elles réciteront sans chanter. Et que celles qui, pour un motif raisonnable, ne
pourraient quelquefois réciter leurs Heures, puissent dire le Pater noster comme
les autres Sœurs. Que celles qui ne savent pas les lettres disent vingt-quatre
"Pater noster" pour Matines, pour Laudes cinq ; pour Prime, Tierce, Sexte et
None, pour chacune de ces Heures, sept ; pour Vêpres douze, et pour Compiles
sept "Pater noster" avec le "Requiem œternam", et à Matines douze. Que les Sœurs
qui savent lire soient tenues de dire l'Office des Morts. Quand l'une des Sœurs
viendra à mourir, que les autres disent pour elle cinquante "Pater noster".
Que les Sœurs jeûnent continuellement. A la Nativité du
Seigneur, quelque jour qu'elle tombe, elles peuvent faire deux repas. Que l'on
puisse accorder miséricordieusement des dispenses aux jeunes Sœurs qui sont
faibles, et à celles qui servent au dehors du monastère, suivant le jugement de
l'Abbesse. Mais, en temps de manifeste nécessité, que les Sœurs ne soient pas
tenues au jeûne corporel. Qu'elles se confessent au moins douze fois l'année,
avec la permission de l'Abbesse. Et elles doivent prendre garde de ne parler que
de ce qui touche la confession et le salut de leur âme. Qu'elles communient six
fois l'année, à savoir à la Nativité du Seigneur, le jeudi de la grande Semaine,
à Pâques, à la Pentecôte, à l'Assomption de la Bienheureuse Vierge et à la fête
de tous les Saints. Pour donner la communion aux Sœurs malades, que les
chapelains puissent entrer dans la clôture.
CHAPITRE IV
DE L'ÉLECTION DE L'ABBESSE
Dans l'élection de l'Abbesse, que les Sœurs soient tenues
d'observer les règles canoniques. Qu'elles tâchent d'avoir pour la circonstance
le Ministre Général ou le Provincial de l'Ordre des Frères Mineurs, qui les
engagera par une instruction à la concorde parfaite et à la recherche du bien
commun dans la tenue de l'élection. Et qu'on n'élise qu'une professe. Et s'il
arrivait qu'une Sœur non professe fût élue ou choisie, qu'on ne lui obéisse
qu'après qu'elle ait promis d'observer cette règle de pauvreté. Si l'Abbesse
vient à mourir, qu'on en élise une autre. Et si en quelque temps l'universalité
des Sœurs jugeait qu'elle ne suffit plus au service et à l'utilité commune, que
lesdites Sœurs soient tenues, en suivant les formes indiquées ci-dessus, de s'en
élire une autre pour l'Abbesse, le plus vite qu'elles pourront, et de s'en
choisir une pour Mère. Mais que l'élue pense au fardeau qu'elle a accepté, et au
Juge à qui elle devra rendre compte du troupeau qui lui est confié. Qu'elle
s'applique à être la première plutôt par ses vertus et ses saintes mœurs que par
sa charge, à faire en sorte que ses Sœurs, mues par ses exemples, lui obéissent
plus par amour que par crainte. Qu'elle écarte les amitiés particulières, de
peur qu'en aimant davantage quelqu'une, elle ne scandalise toutes les autres.
Qu'elle console les affligées, qu'elle soit la suprême consolation de celles qui
sont dans la peine, de peur que si elles ne trouvent pas en leur Supérieure de
consolations, le désespoir ne vienne à l'emporter dans ces âmes malades. Qu'elle
fasse régner la vie commune partout, surtout à l'église, au dortoir, au
réfectoire, à l'infirmerie et dans les vêtements. Et que sa vicaire ait les
mêmes obligations.
Une fois par semaine au moins, que l'Abbesse soit tenue de
convoquer ses Sœurs au chapitre, où l'Abbesse elle-même et les Sœurs devront
humblement confesser toutes leurs fautes et négligences publiques. Et qu'elle y
traite aussi avec toutes ses Sœurs de ce qui touche le bien et l'utilité du
monastère. Souvent, en effet, le Seigneur révèle aux plus petits ses desseins
les meilleurs. Qu'elle ne contracte aucune dette importante, si ce n'est du
consentement commun des Sœurs et en cas de manifeste nécessité, et que ce soit
par procureur. Que l'Abbesse et ses Sœurs prennent garde de recevoir aucun dépôt
dans le monastère ; c'est souvent, en effet, la cause de troubles et de
scandales.
Pour conserver l'union, la charité fraternelle et la paix,
que toutes les officières du monastère soient choisies du commun consentement de
toutes les Sœurs. Qu'on choisisse de même au moins huit Sœurs d'entre les plus
discrètes dont l'Abbesse sera tenue de prendre l'avis en ce qui regarde la forme
de vie des Sœurs. Que les Sœurs puissent aussi - et si cela leur paraît
expédient et utile, elles le doivent - retirer à l'occasion leurs fonctions aux
officières et aux discrètes pour les confier à d'autres.
CHAPITRE V
DU SILENCE ET DE LA MANIÈRE DE PARLER
AU PARLOIR ET A LA GRILLE
Depuis l'heure des Complies jusqu'à Tierce, que les Sœurs
gardent le silence, excepté celles qui servent en dehors du monastère. Qu'elles
gardent aussi continuellement le silence à l'église, au dortoir, au réfectoire
pendant le repas, mais non à l'infirmerie où, pour distraire et servir les
malades, il sera toujours permis aux Sœurs de se parler avec discrétion.
Qu'elles puissent aussi toujours et partout se communiquer à voix basse ce qui
est nécessaire. Qu'il ne soit pas permis aux Sœurs d'aller au parloir ou à la
grille sans la permission de l'Abbesse ou de sa vicaire. Et que celles qui ont
cette permission d'aller au parloir ne le fassent qu'accompagnées de deux Sœurs
pour les voir et les écouter. Qu'elles ne prennent la liberté d'aller à la
grille qu'avec au moins trois des Sœurs désignées par l'Abbesse ou sa vicaire
parmi les discrètes choisies par toutes les Sœurs pour le conseil de l'Abbesse.
Que l'Abbesse et sa vicaire soient tenues d'observer, autant que possible, ces
règles du parloir, et qu'on aille très rarement à la grille et jamais à la
porte. A la grille, qu'il y ait intérieurement un voile qui ne soit jamais ôté,
si ce n'est lorsqu'on annonce la parole de Dieu, ou lorsqu'on y parle. Qu'on ait
une porte de bois bien fermée avec deux serrures différentes de fer, avec
verrous et gonds, et que cette porte soit fermée, la nuit surtout, avec deux
clefs dont l'Abbesse en détienne une et la sacristine l'autre. Et qu'elle
demeure toujours fermée, si ce n'est pendant l'audition de l'office divin et
pour les causes ci-dessus mentionnées. Qu'aucune Sœur ne parle jamais à la
grille avant le lever ou après le coucher du soleil. Au parloir, qu'il y ait
toujours à l'intérieur un voile qu'on n'écartera jamais. Pendant le carême de la
Saint-Martin et le grand carême, qu'aucune n'aille au parloir si ce n'est pour
se confesser au prêtre ou pour une autre nécessité manifeste, suivant le
jugement et la prudence de l'Abbesse ou de sa vicaire.
CHAPITRE VI
QUE LES SŒURS NE REÇOIVENT AUCUN BIEN NI PROPRIÉTÉ
PAR ELLES-MÊMES OU PAR PERSONNE INTERPOSÉE
Que l'Abbesse et toutes ses Sœurs soient jalouses de garder
la sainte pauvreté qu'elles ont promise au Seigneur Dieu, et que les Abbesses
futures et toutes les Sœurs soient tenues jusqu'à la fin d'observer la même
pauvreté, c'est-à-dire de ne recevoir et n'avoir aucun bien ni propriété, ni par
elles-mêmes, ni par personnes interposées, de ne faire aucun acte qui puisse
être vraiment considéré comme un acte de propriété, de n'avoir enfin que le peu
de terre nécessairement acquis pour la convenance et l'entretien du monastère.
Et encore qu'on ne cultive pas cette terre, si ce n'est pour avoir dans le
jardin ce qui est nécessaire aux Sœurs.
CHAPITRE VII
DE LA MANIÈRE DE TRAVAILLER
Que les Sœurs à qui le Seigneur a donné la grâce de
travailler travaillent après Tierce d'un travail qui soit conforme à l'honnêteté
et utile à tous, fidèlement et dévotement, de telle sorte qu'en excluant
l'oisiveté, ennemie de l'âme, elles n'éteignent point en elles l'esprit
d'oraison et de dévotion auquel les autres choses temporelles doivent servir. Et
que les Abbesses ou leurs vicaires soient tenues d'assigner au chapitre devant
toutes le travail manuel à chacune. Qu'on fasse dire aussi par des prêtres, sur
les aumônes du monastère, quelques messes pour les nécessités des Sœurs et qu'on
les recommande toutes en commun. Et que tout cela soit réparti pour l'utilité
commune par l'Abbesse ou sa vicaire, sur l'avis des discrètes.
CHAPITRE VIII
QUE LES SŒURS NE S'APPROPRIENT RIEN
ET DES SŒURS MALADES
Que les Sœurs ne s'approprient rien, ni maison, ni lieu, ni
aucune chose; mais, comme pèlerines et étrangères en ce siècle, servant le
Seigneur dans la pauvreté et l'humilité, qu'elles aillent avec confiance
demander l'aumône. Et il ne faut pas qu'elles en rougissent, parce que le
Seigneur s'est fait pauvre pour nous en ce monde. C'est là l'excellence de la
très haute pauvreté qui vous a instituées, mes très chères Sœurs, héritières et
reines du royaume des Cieux, vous a faites pauvres de biens, mais vous a élevées
en vertus. Qu'elle soit votre héritage, elle qui conduit à la terre des vivants.
Attachez-vous-y totalement, bien-aimées Sœurs, et pour le nom de Nôtre-Seigneur
Jésus-Christ ne veuillez jamais posséder autre chose sous le ciel.
Qu'il ne soit permis à aucune Sœur d'envoyer des lettres,
recevoir quelque chose ou donner hors du monastère sans la permission de
l'Abbesse. Et que l'on n'ait rien que l'Abbesse ne l'ait donné ou permis. Et si
des parents ou d'autres personnes envoient quelque présent, que l'Abbesse le
fasse donner à la Sœur à laquelle il est destiné, ou qu'elle en dispose pour
elle-même, si c'est nécessaire, ou qu'elle en fasse charitablement part à une
Sœur dans le besoin. Si l'on donne de l'argent, que l'Abbesse, de l'avis des
discrètes, en dispose pour celles qui manquent de quelque chose.
Quant aux Sœurs malades, que l'Abbesse soit fermement tenue
de s'inquiéter avec soin, par elle-même ou par d'autres, de ce qui est
nécessaire pendant le temps de sa maladie : conseils, aliments et autres choses
semblables, et qu'elle le procure charitablement et avec miséricorde, suivant
les possibilités du pays. Et toutes sont tenues de veiller et de servir leurs
malades, comme elles voudraient elles-mêmes être servies, si elles étaient
malades. Et qu'elles se manifestent réciproquement leurs nécessités en toute
liberté, car si une mère aime et nourrit sa fille selon la chair, avec combien
plus d'affection chaque Sœur doit-elle aimer et nourrir sa sœur selon l'esprit !
Que les malades couchent sur des paillasses et qu'elles aient sous la tête un
oreiller de plume. Et que celles qui ont besoin de sandales de laine ou de
matelas puissent en avoir. Quand des étrangers visitent le monastère, que
lesdites malades puissent répondre brièvement si on leur adresse quelques bonnes
paroles. Mais que les autres Sœurs qui en ont la permission n'osent parler aux
visiteurs du monastère qu'en présence de deux Sœurs discrètes placées de façon à
les entendre et désignées par l'Abbesse ou sa vicaire. Que l'Abbesse ou sa
vicaire soient également tenues d'observer cette façon de parler.
CHAPITRE IX
DE LA PÉNITENCE A IMPOSER AUX SŒURS
Si quelque Sœur, à l'instigation de l'ennemi, pèche
mortellement contre la forme de notre profession, et si, avertie deux ou trois
fois par l'Abbesse ou par les autres Sœurs, elle ne s'amende point : autant de
jours qu'elle aura été contumace, qu'elle mange pain et eau devant toutes les
Sœurs au réfectoire et qu'elle fasse même une plus grave pénitence si l'Abbesse
le juge bon. Pendant le temps de sa résistance, qu'on prie le Seigneur
d'illuminer son cœur pour l'amener à la pénitence. Mais l'Abbesse et toutes ses
Sœurs doivent prendre garde de s'irriter contre le péché d'aucune d'elles, car
le trouble et la colère empêchent la charité en soi et dans les autres.
S'il arrivait, ce qu'à Dieu ne plaise ! qu'entre deux Sœurs
une parole ou un geste donnât une occasion de trouble ou de scandale, que celle
qui a suscité la cause de ce trouble s'en aille aussitôt, avant d'offrir à Dieu
le présent de ses prières, se prosterner humblement aux pieds de sa compagne,
lui demander pardon, et plus encore, la supplier humblement d'intercéder pour
elle auprès du Seigneur afin d'obtenir la rémission de sa faute. Quant à
l'offensée, qu'elle se souvienne de la parole du Seigneur : " Si vous ne
pardonnez pas du fond du cœur, le Père céleste ne vous pardonnera pas non plus
", et qu'elle pardonne libéralement à sa sœur toute l'injure qu'elle a reçue.
Que les Sœurs qui servent en dehors du monastère n'y fassent
pas de longs séjours, à moins qu'une manifeste nécessité ne l'exige. Et qu'elles
marchent honnêtement et parlent peu afin d'édifier toujours les spectateurs. Et
qu'elles prennent bien garde à n'avoir de consorts ou de rapports suspects avec
personne et qu'elles ne se fassent pas commères d'hommes ni de femmes, de peur
que par cette occasion ne naisse du trouble ou du murmure. Et qu'elles n'osent
jamais rapporter au monastère les bruits du siècle, et qu'elles soient fermement
tenues à ne pas faire savoir au dehors du monastère rien de ce qui se fait ou se
dit à l'intérieur qui soit de nature à causer quelque scandale. Et si une Sœur,
par simplicité, venait à manquer à l'un de ces deux points, que l'Abbesse, dans
sa prudente miséricorde, lui inflige une pénitence. Mais si elle avait contracté
la vicieuse habitude de cette faute, que l'Abbesse, de l'avis des discrètes, lui
impose une pénitence proportionnée à la gravité de la faute.
CHAPITRE X
DE LA VISITE DES SŒURS PAR L'ABBESSE
Que l'Abbesse avertisse et visite ses Sœurs et les corrige
avec humilité et charité, ne leur commandant rien qui soit contre leur âme et la
forme de cette profession. Et que les Sœurs qui sont sujettes se souviennent que
pour Dieu elles ont renoncé à leur propre volonté. Et qu'elles soient fermement
tenues d'obéir à leur Abbesse en toutes les choses qu'elles ont promis
d'observer et qui ne sont pas contraires à leur âme et à leur profession. Et
qu'elles aient une si grande familiarité avec leur Abbesse, qu'elles puissent
parler et agir à son égard comme des maîtresses avec leurs servantes, car ainsi
doit être que l'Abbesse soit la servante de toutes les Sœurs.
J'avertis et j'exhorte, dans le Seigneur Jésus-Christ, toutes
les Sœurs de se préserver de tout orgueil, de la vaine gloire, de l'envie, de
l'avarice, des soins et des sollicitudes de ce siècle, de la médisance et du
murmure. Et qu'elles aient toujours soin de garder entre elles l'union de la
mutuelle charité qui est le lien de la perfection. Et que celles qui ne savent
pas les lettres ne se soucient pas de les apprendre, mais qu'elles considèrent
que par-dessus toutes choses elles doivent désirer de posséder l'esprit du
Seigneur et sa sainte opération, de prier toujours avec un cœur pur et d'avoir
l'humilité et la patience dans l'épreuve et l'infirmité, et d'aimer ceux qui
nous reprennent et nous blâment, car le Seigneur a dit : " Bien heureux ceux qui
souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume des cieux est à eux,
et celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé ".
CHAPITRE XI
DE LA PORTIÈRE
Que la portière soit de mœurs graves, et discrète et d'un âge
convenable, qu'elle demeure à son poste pendant le jour dans une cellule ouverte
et sans porte.
Qu'on lui adjoigne une compagne, capable, lorsque ce sera
nécessaire, de la suppléer dans tout son office. Que la porte soit parfaitement
fermée, avec deux serrures différentes en fer, avec verrous et gonds, et qu'elle
soit fermée, la nuit surtout, avec deux clefs dont la sacristine ait l'une, et
l'Abbesse l'autre. Qu'on ne la laisse jamais sans garde le jour et qu'elle soit
solidement fermée par une clef. Qu'on prenne bien soin et qu'on fasse attention
à ne jamais ouvrir la porte plus qu'il n'est utile. Et qu'on n'ouvre jamais à
celui qui demande à entrer, s'il n'en a la permission du Souverain Pontife ou du
seigneur Cardinal. Et qu'on ne laisse pas entrer dans le monastère avant le
lever du soleil, et qu'après le coucher les Sœurs ne permettent à personne de
demeurer à l'intérieur, à moins d'un cas raisonnable de nécessité manifeste et
inévitable.
Si pour la bénédiction d'une Abbesse ou pour la consécration
d'une moniale, ou pour toute autre cause, un évêque avait la permission de
célébrer la messe à l'intérieur, qu'il se contente du plus petit nombre possible
de compagnons et de ministres choisis parmi les plus vertueux. Lorsqu'il sera
nécessaire de laisser entrer dans le monastère des ouvriers pour faire quelque
ouvrage, que l'Abbesse choisisse avec soin une personne convenable qui se tienne
à la porte et laisse entrer les personnes nécessaires à cet ouvrage, à
l'exclusion des autres. Que toutes les Sœurs fassent grande attention à ne pas
être vues par ceux qui entrent.
CHAPITRE XII
DE LA VISITE
Que le visiteur des Sœurs soit toujours de l'Ordre des Frères
Mineurs, suivant la volonté et l'ordre du seigneur Cardinal, et qu'il soit tel
que sa vertu et ses mœurs procurent une grande édification. Son office sera de
corriger, dans le chef aussi bien que dans les autres membres, les fautes
commises contre la forme de cette profession. Placé dans un endroit public de
façon à être vu des autres, qu'il puisse parler avec toutes et chacune de tout
ce qui regarde le but de la visite, suivant qu'elles le jugeront plus expédient.
Qu'elles demandent aussi à l'Ordre des Mineurs un chapelain
avec un compagnon clerc de bonne réputation, de discrétion éprouvée, et deux
Frères laïques de sainte vie et de bonnes mœurs, ainsi qu'elles en ont eu
miséricordieusement jusqu'à présent de ce même Ordre, pour les aider dans leur
pauvreté. Et que le chapelain ne puisse pas entrer au monastère sans son
compagnon. Et quand ils entrent, qu'ils se tiennent dans un endroit public de
façon à se voir et à être vus. Qu'il leur soit permis d'entrer pour la
confession des malades qui ne peuvent pas venir au parloir, pour leur donner la
communion, pour l'extrême-onction et la recommandation de l'âme. Pour les
funérailles et les messes solennelles des Sœurs défuntes, pour creuser, ouvrir
et disposer la sépulture, que les personnes nécessaires puissent entrer avec le
consentement de l'Abbesse.
De plus, que les Sœurs soient toujours tenues d'avoir pour
gouverneur, protecteur et correcteur le Cardinal de la sainte Église Romaine qui
sera désigné par le seigneur Pape pour les Frères Mineurs, afin que toujours
soumises et assujetties aux pieds de cette même sainte Église, stables en la foi
catholique, nous observions toujours la pauvreté et l'humilité de Nôtre-Seigneur
Jésus-Christ et de sa Très Sainte Mère.
TESTAMENT DE SAINTE CLAIRE
Au nom de Nôtre-Seigneur. Amen.
Entre autres bienfaits que nous avons déjà reçus et que
chaque jour nous recevons encore de la libéralité du Père des miséricordes, et
pour lesquels nous devons Le glorifier par de vives actions de grâces : entre
tous ces bienfaits, le principal est notre vocation, dont nous Lui sommes
d'autant plus redevables qu'elle est plus grande et plus parfaite.
Aussi l'Apôtre dit-il : "Voyez quelle est votre vocation ".
Le Fils de Dieu s'est fait lui-même notre voie, celle que
notre Bienheureux Père François nous a montrée et nous a enseignée par la parole
et par l'exemple.
Nous devons donc, très chères Sœurs, considérer les immenses
bienfaits dont Dieu nous a comblées, et ceux-là surtout qu'il a daigné opérer
par son serviteur bien-aimé, notre Bienheureux Père François, ces biens qu'il
nous a faits non seulement après notre conversion, mais déjà lorsque nous étions
dans les vanités du siècle.
Le Saint lui-même n'avait pas encore de Frères ni de
compagnons : c'était presque aussitôt après sa conversion, quand il construisit
l'église de Saint-Damien, où, visité par le Seigneur et rempli de ses
consolations, il fut poussé à abandonner tout à fait le siècle : c'est alors
que, dans le transport d'une sainte allégresse et dans la lumière de
l'Esprit-Saint, il fit sur nous cette prophétie que le Seigneur a ensuite
accomplie.
Car, étant monté sur le mur de cette église, et s'adressant à
quelques pauvres du voisinage, il leur dit à haute voix en langue française : "
Venez, aidez-moi, pour le monastère de Saint-Damien ; parce qu'il y aura là des
Dames dont la renommée et la sainte vie feront glorifier le Père céleste dans
toute son Église. "
Nous pouvons donc admirer en cela l'immense bonté de Dieu sur
nous, puisque c'est par la surabondance de sa miséricorde et de sa charité qu'il
a fait parler ainsi son Saint sur notre vocation et notre élection. Et ce
n'était pas de nous seules que notre Bienheureux Père prophétisait ces choses,
mais encore de toutes les autres qui devaient nous suivre dans cette vocation
sainte à laquelle le Seigneur nous a appelées.
Aussi que de sollicitude, que d'application d'esprit et de
corps nous devons avoir pour accomplir les commandements de Dieu et de notre
Père, afin de lui rendre après l'avoir multiplié le talent que nous avons reçu !
Le Seigneur, en effet, nous a placées nous-mêmes pour
l'exemple, comme des modèles et des miroirs, aux yeux non seulement des autres
fidèles, mais encore de nos Sœurs qu'il a appelées à la même vocation : afin
qu'elles soient à leur tour les miroirs et les modèles de ceux qui vivent dans
ce monde.
Le Seigneur nous a donc appelées à de si grandes choses, que
notre sainteté doit servir de modèle et comme de miroir où puissent se mirer
celles-là mêmes qui sont les modèles et les miroirs des autres. Par conséquent,
nous sommes extrêmement tenues de bénir et louer le Seigneur, et de nous
fortifier de plus en plus en Lui pour faire le bien.
C'est pourquoi, en vivant selon la précédente règle, nous
laisserons aux autres un noble exemple, et par un travail de courte durée nous
gagnerons le prix de l'éternelle béatitude.
Après que le Très-Haut Père céleste eut daigné, par sa
miséricorde et sa grâce, illuminer mon cœur et m'inspirer de faire pénitence, à
l'exemple et suivant la doctrine de notre Bienheureux Père François, qui depuis
peu s'était converti, de concert avec les quelques Sœurs que Dieu m'avait
données presque aussitôt après ma conversion, je fis volontairement le vœu
d'obéissance entre ses mains, selon la lumière et la grâce que le Seigneur nous
avait accordées par la vie sainte et la doctrine de son serviteur.
Le Bienheureux François vit bien que nous étions faibles et
fragiles de corps, et que pourtant ni la privation et la pauvreté, ni le travail
et la tribulation et l'ignominie, ni le mépris du siècle, enfin que rien de tout
cela ne nous faisait reculer, mais qu'au contraire toutes ces choses nous
semblaient d'ineffaçables délices, à l'exemple de ses Frères et des saints : ce
que lui-même et ses Frères ont remarqué souvent, et il s'en réjouissait beaucoup
dans le Seigneur.
C'est pourquoi, poussé par un mouvement d'affection
paternelle envers nous, il s'engagea et promit que lui-même et par son Ordre il
aurait de nous, aussi bien que de ses Frères, un soin attentif et une
sollicitude toute spéciale.
Ainsi, par la volonté de Dieu et de notre Bienheureux Père
François, nous vînmes demeurer à l'église de Saint-Damien, où en peu de temps le
Seigneur, par sa grâce et sa miséricorde, nous a multipliées pour accomplir ce
qu'il avait prédit par son saint serviteur. Auparavant nous avions fait un
séjour, mais court, dans un autre endroit.
Saint François nous écrivit depuis une forme de vie, surtout
afin de nous faire persévérer toujours dans la sainte pauvreté.
Il ne s'est pas contenté, durant sa vie, de nous exhorter
souvent de vive voix et par l'exemple à aimer et à observer la très sainte
pauvreté ; mais en outre il nous laissa plusieurs écrits, afin qu'après sa mort
nous ne la quittions jamais en aucune façon ; de même. que le Fils de Dieu, tant
qu'il vécut dans ce monde, n'a jamais voulu s'écarter de cette sainte pauvreté.
Notre Bienheureux Père François, ayant suivi ses traces, et
choisi la sainte pauvreté pour lui-même et pour ses Frères, n'a jamais voulu
s'écarter d'elle en aucune manière, ni dans la doctrine, ni dans les actions.
Et moi, Claire, qui suis, quoique indigne, la servante du
Christ et des Sœurs pauvres du monastère de Saint-Damien, et la petite plante du
saint Patriarche, j'ai considéré avec mes Sœurs notre très haute profession et
le commandement d'un tel père, et aussi la fragilité des autres, la craignant
pour nous-mêmes après le trépas de notre Père Saint François, qui était notre
colonne, notre unique consolation, notre appui après Dieu.
En conséquence, nous avons renouvelé plusieurs fois
volontairement notre engagement à notre Dame la très sainte Pauvreté ; afin
qu'après ma mort les Sœurs qui sont à présent et qui viendront ensuite ne
puissent aucunement la délaisser.
Et comme j'ai toujours eu beaucoup de soin et de sollicitude
pour observer moi-même et faire observer aux autres la sainte pauvreté, que nous
avons promise au Seigneur et à notre Père Saint François : pareillement que les
autres Abbesses qui me succéderont dans mon office soient tenues de l'observer
elles-mêmes et de la faire observer par leurs Sœurs, jusqu'à la fin.
En outre, pour plus de sûreté, m'empressant de recourir
d'abord au pape Innocent III, dont le pontificat vit commencer notre Institut,
et ensuite à ses successeurs, je fis confirmer et fortifier par leur privilège
pontifical notre profession de la très sainte pauvreté.
C'est pourquoi, fléchissant les genoux, et prosternée
d'esprit et de corps aux pieds de notre Mère la sainte Église Romaine et du
Souverain Pontife, et spécialement du seigneur le Cardinal, celui qui est
assigné à l'Ordre des Frères Mineurs et à nous-mêmes, je recommande toutes mes
Sœurs, celles qui sont à présent et les autres qui viendront dans la suite ; et
pour l'amour de Jésus, si pauvre dans sa crèche, si pauvre durant sa vie, et nu
sur la croix, pour l'amour de Lui, je prie le Cardinal de protéger ce petit
troupeau, que le Très-Haut Père céleste a engendré dans sa sainte Église par la
parole et l'exemple du Bienheureux Père François, imitateur de la pauvreté et de
l'humilité du Fils de Dieu et de la glorieuse Vierge sa Mère ; je prie le
Cardinal de le conserver et de l'encourager toujours, et de lui faire observer
la sainte pauvreté que nous avons promise à Dieu et à notre Bienheureux Père
François.
Et puisque le Seigneur nous avait donné notre Bienheureux
Père François pour fondateur, pour père et pour soutien au service du Christ et
dans les choses que nous avons promises à Dieu et à ce bienheureux Père, qui a
mis tant de soin, par ses paroles et par ses œuvres, pour nous cultiver et nous
faire croître, nous sa petite plantation ; maintenant à mon tour je recommande
mes Sœurs, celles qui sont à présent et celles qui viendront dans la suite, je
les recommande au successeur de notre Bienheureux Père François, et aux Frères
de tout son Ordre, afin qu'ils nous soient en aide pour nous faire avancer
toujours dans le bien, et mieux servir Dieu, et surtout mieux observer la très
sainte pauvreté.
Et si en quelque temps il arrive à mes Sœurs d'abandonner ce
lieu et d'être transférées ailleurs, qu'elles soient tenues néanmoins, partout
où elles seront après ma mort, d'observer la même forme de pauvreté comme nous
l'avons promise à Dieu et à notre Bienheureux Père François.
Mais que celle qui sera dans mon office et que les autres
Sœurs aient toujours la sollicitude et la prévoyance de n'acquérir ou de
n'accepter de terrain autour de leur demeure qu'autant que l'exigera l'extrême
nécessité pour un jardin potager.
Et si en quelque temps, pour l'honnête convenance et
l'isolement du monastère, il faut avoir encore du terrain hors de l'enceinte du
jardin, qu'elles ne permettent pas d'en acquérir plus que l'extrême nécessité ne
le demande ; et que cette terre ne soit point labourée ni semée, mais qu'elle
reste toujours inculte et en friche.
J'avertis toutes mes Sœurs, présentes et futures, et je les
exhorte en Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, à s'étudier toujours à suivre la voie de
la sainte simplicité, de l'humilité et de la pauvreté, et l'honnêteté religieuse
d'une sainte conversation : ainsi que, dès le principe, en commençant à nous
convertir à Jésus-Christ, nous avons été formées par notre Bienheureux Père
François. Et avec ces vertus, non par nos mérites, mais par la seule miséricorde
et grâce de notre bienfaiteur le Père des miséricordes, que les Sœurs répandent
le parfum d'une bonne renommée, pour toutes les autres, pour celles qui sont
loin et celles qui sont près.
Et dans la charité du Christ aimez-vous les unes les autres ;
et cet amour que vous avez au dedans, démontrez-le au dehors par vos œuvres ;
afin qu'un tel exemple excite les Sœurs à croître toujours dans l'amour de Dieu
et dans la charité mutuelle.
Je prie aussi celle qui aura la charge de conduire les Sœurs
de s'étudier à les précéder par les vertus et la sainteté de vie, plus que par
la dignité, de telle sorte que les Sœurs, animées par son exemple, lui obéissent
non seulement par devoir, mais plus encore par amour.
En outre, qu'elle ait pour ses Sœurs la discrétion et la
prévoyance d'une bonne Mère pour ses filles, et surtout qu'avec les aumônes
données par le Seigneur elle les pourvoie toutes, chacune selon sa nécessité.
Qu'elle ait, de plus, une telle bienveillance et un abord si
accessible pour toutes, qu'elles puissent avec sécurité lui manifester leurs
nécessités, et recourir à elle à toute heure avec confiance, comme il leur
semblera convenable, tant pour elles-mêmes que pour leurs Sœurs.
Mais que, de leur côté, les Sœurs qui lui sont soumises se
souviennent que pour le Seigneur elles ont renoncé à leur propre volonté.
D'où je veux qu'elles obéissent à leur Mère, comme elles
l'ont promis au Seigneur, d'une volonté spontanée : afin que cette Mère, voyant
la charité, l'humilité et l'unité qui règnent entre elles, trouve plus léger le
fardeau de sa charge, et que leur sainte vie lui change en douceur ce qui est
pénible et amer.
Mais qu'il est étroit le sentier qui mène à la vie ! Et
pareillement qu'elle est étroite la porte qui y fait entrer ! Aussi qu'il y en a
peu qui marchent par ce sentier, et qui passent par cette porte ! Et s'il en est
quelques-uns qui suivent un moment la voie, oh ! qu'ils sont rares ceux qui
savent y persévérer !
Mais bienheureux ceux à qui il est donné d'y marcher et d'y
persévérer jusqu'à la fin!
Et nous, après être entrées dans la voie du Seigneur, prenons
bien garde de ne jamais nous en écarter d'aucune manière par notre faute, par
négligence et ignorance; ce qui serait faire injure à un si grand Seigneur, à la
Vierge sa Mère, à notre Bienheureux Père François, et à l'Église triomphante,
enfin à toute l'Église militante.
Or il est écrit : " Maudits soient ceux qui s'éloignent de
vos commandements! "
C'est pourquoi je fléchis les genoux devant le Père de
Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, afin que par les suffrages et les mérites de la
glorieuse Vierge Sainte Marie sa Mère, de notre Bienheureux Père François et de
tous les Saints, le Seigneur lui-même qui a donné de bien commencer donne encore
l'accroissement, et aussi pour toujours la persévérance finale. Ainsi soit-il.
C'est à vous, mes Sœurs très chères et bien-aimées, présentes
et futures, que je laisse cet écrit, afin qu'il soit mieux observé ; et qu'il
soit un signe de la bénédiction du Seigneur et de notre Bienheureux Père
François et de la bénédiction que je vous donne, moi votre Mère et votre
servante.
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