

BIENHEUREUSE
Catherine de
Ricci
Religieuse
dominicaine du Couvent de Prato,
près Florence
(1522-1589)
13 février
I - II
- III - IV - V - VI
- VII - VIII - IX
- X - XI - XII - XIII
- XIV - XV
I
La B. Catherine vit le jour à Florence, le 23 du
mois d'avril 1522. Elle appartenait à l'illustre famille patricienne des
Ricci, qui n'a cessé, jusqu'à nos jours, de produire des personnages
recommandables par la sainteté, par les hautes dignités exercées dans l'Église,
et par les charges publiques, ou la célébrité dans les lettres.
Le père de Catherine, Pierre-François de Ricci, était un
homme fort distingué, remplissant les plus hauts emplois de son pays, la noble
cité de Florence ; sa mère se nommait Catherine et sortait de la famille célèbre
de Panzano, branche de la maison Ricasoli.
Au baptême, on donna à l'enfant prédestinée le nom
d'Alexandrine Lucrèce Romola ; et comme Notre-Seigneur voulait déjà l'admettre
au nombre de ses épouses, il commença de bonne heure à l'enrichir de ses
grâces ; c'est pourquoi, dès ses plus tendres années, elle eut des ravissements,
des visions, et put jouir d'entretiens familiers avec son Ange gardien. Cet
esprit céleste fut son maître dans la connaissance des choses divines, et, en
particulier, pour la manière de faire oraison, de réciter le saint Rosaire ; de
telle sorte que, toute petite enfant, Alexandrine ayant perdu sa mère selon la
nature, mérita l'affection et la protection spéciale de la Mère de Celui dont
elle devait être un jour l'Épouse.
Ce fut aussi dès son plus jeune âge qu'elle conçut une
dévotion si grande, une tendresse si vive à l'égard de la Passion du divin
Sauveur. Ayant été placée pour son éducation dans le monastère de Saint-Pierre
de Monticelli, hors la porte de Florence, où une de ses tantes était abbesse, on
la voyait sans cesse en méditation devant une touchante image de Jésus en croix.
Quand les autres pensionnaires allaient en récréation, tout le délassement de
leur jeune compagne était de rester à genoux devant le Crucifix et d'y exhaler
de nombreux soupirs. La pieuse enfant récitait chaque jour devant cette image
trente-cinq Pater, en mémoire des principaux mystères de la Passion de
Notre-Seigneur: l'Oraison du Jardin des Oliviers, l'Arrestation, la
Flagellation, le Couronnement d'épines, le Portement de Croix, le Crucifiement
et la Sépulture. A chaque mystère, elle cherchait à représenter en sa
personne l'attitude du Sauveur souffrant ; c'est pourquoi elle récitait les
mains ferles au ciel cinq Pater en l'honneur de l'Oraison du Jardin
des Oliviers ; elle récitait cinq autres Pater en l'honneur de
l'Arrestation de Jésus, se tenant alors les mains comme liées sur la poitrine ;
pour rappeler la flagellation elle prenait la position et les traits du divin
Supplicié, attaché à la colonne. Le spectacle de cette petite fille s'efforçant
de reproduire à sa manière tous les états de victime par où l'Homme-Dieu avait
passé, faisait fondre en larmes ceux qui en étaient les témoins ; et l'on
rapporte que l'image du Christ s'anima plus d'une fois pour s'entretenir avec
l'enfant. Le bruit du prodige se répandit bientôt dans le monastère et perça au
dehors. A partir de ce moment, l'image ne fut plus connue que sous le nom de
Crucifix d'Alexandrine ; pour satisfaire la piété des fidèles les Sœurs durent
la transférer dans un endroit plus en évidence : à la mort de la Sainte, on la
plaça dans la chapelle de saint Antonin, où on la vénère encore aujourd'hui.
II
Ainsi favorisée, la jeune enfant aurait pu
paraître au comble de ses vœux ; il
n'en était rien pourtant. Dieu qui lui
mettait au cœur la ferme volonté de ne se consacrer à lui que dans une maison
d'exacte observance, lui inspira de quitter le monastère de Monticelli où l'on
menait une vie un peu relâchée. La pieuse enfant s'éloigna donc de ces pauvres
religieuses qui auraient voulu la garder au milieu d'elles, et porta ses vues
ailleurs. Ayant fait providentiellement connaissance des Sœurs de Saint-Vincent
de Prato, du Tiers-Ordre de saint Dominique, qui formaient pour lors une réunion
de vierges très pieuses, elle demanda à son père la permission d'aller
s'enfermer avec ces chastes épouses de Jésus crucifié. Son père répondit d'abord
par un refus inexorable ; il fut néanmoins vaincu par la fervente prière de sa
chère Alexandrine, et consentit à son entrée au monastère, mais pour dix jours
seulement. Ces dix jours suffirent pour inspirer à l'enfant un si vif
attachement à cette sainte retraité, que son père étant venu pour l'emmener
après le délai convenu, elle ne voulut jamais consentira le suivre, nonobstant
prières et menaces ; elle ne céda à la fin, qu'après avoir obtenu l'assurance,
donnée avec serment, qu'on l'y ramènerait bientôt. Elle fit paraître à cette
occasion une portée d'esprit et une force d'âme supérieures à son âge, et on
pouvait déjà admirer la puissance souveraine de la grâce qui possédait son cœur.
Après être sortie du couvent, la douleur d'en être éloignée
causa à Alexandrine une grave maladie. Comme elle craignait que par là sa
rentrée ne fût trop retardée, elle s'en affligeait grandement et portait sa
plainte jusqu'aux pieds de Jésus. Pour la consoler, le Sauveur lui apparut une
nuit, accompagné de sa très sainte Mère, de sainte Cécile et de sainte Thècle.
Il portait à la main un précieux et resplendissant anneau, et lui faisant un
signe de croix sur le front, il la guérit et lui donna l'assurance que, dans peu
de temps, elle serait ramenée au monastère. Il ajouta qu'elle devait se préparer
à souffrir un grand nombre d'infirmités et d'angoisses ; mais, lui montrant
l'anneau qu'il avait à la main, il lui promit de la rendre un jour une de ses
épouses chéries ; cette assurance lui fut confirmée par la Bienheureuse Vierge.
Quand elle eut relevé de maladie, son père, fidèle à sa
promesse et surmontant sa douleur, la reconduisit dans le monastère, où
commençaient à affluer de nombreux sujets, attirés par la sainteté des
religieuses. La nouvelle venue se prépara à la réception du saint habit par des
oraisons assidues et de grandes mortifications. La cérémonie de vêture eut lieu
le 18 mai 1535. Elle fut faite par le R. P. Timothée de Ricci, son oncle,
religieux d'une vie exemplaire et confesseur du couvent. Son nom d'Alexandrine
fut remplacé par celui de Sœur Catherine : elle avait atteint depuis peu la
treizième année de son âge.
La nouvelle fiancée de Jésus-Christ, pendant qu'on donnait
l'habit à une autre postulante, demeura à genoux, abîmée en Dieu ; ravie hors
d'elle-même, elle fut conduite dans un jardin délicieux où elle trouva le
Seigneur Jésus et sa sainte Mère qui lui firent mille caresses. Pendant l'année
de son noviciat elle eut beaucoup d'extases de ce genre. Les Sœurs qui ne
connaissaient de la jeune novice que ce qui paraissait au dehors, et qui
ignoraient les grâces exceptionnelles et les visions dont le Seigneur la
favorisait depuis son premier âge, crurent d'abord à des évanouissements
produits par certaines indispositions. Mais bientôt les avis furent partagés ;
sa conduite parut si extraordinaire qu'on ne semblait voir en elle
qu'infidélités et désobéissances. Si la règle l'appelait à un exercice, elle
n'en avait pas conscience, perdue qu'elle était dans ses visions célestes.
Avait-elle à répondre à ses Supérieures, elle ressemblait à une personne qui
parle à moitié endormie, car à force de converser intérieurement avec
Jésus-Christ, son âme s'était tellement concentrée au dedans d'elle-même qu'elle
semblait tout à fait étrangère aux choses extérieures. Son goût pour la prière
semblait aux yeux de ses Maîtresses entaché d'esprit personnel, de volonté
propre. Toutes ces choses avaient fini par lui ôter toute considération dans le
monastère ; on la regarda bientôt comme un sujet moins que médiocre qui allait
être un embarras. La pauvre novice ainsi méprisée se vit menacée d'être renvoyée
définitivement. Ce fut l'épreuve la plus pénible de sa vie : alors on la vit se
jeter aux genoux des religieuses, se prosterner à leurs pieds. Ses larmes et ses
sanglots provoquèrent leur compassion ; et en dépit de tout signe d'incapacité,
elle fut reçue à la profession.
Quand elle eut accompli ce grand acte, Sœur Catherine eut des
extases encore plus fréquentes ; elle s'efforçait de tenir ces faveurs cachées,
afin que les religieuses ne fissent aucune attention à elle. Toutefois, malgré
ses précautions, on soupçonna la vérité, et elle reçut ordre du confesseur,
Frère Timothée de Ricci, son oncle, de lui faire connaître ainsi qu'à la Mère
Marie Madeleine Strozzi tout ce qui lui arriverait d'extraordinaire. Sœur
Catherine obéit simplement.
C'est à cette époque de sa vie qu'on doit placer une des plus
grandes et plus rudes épreuves que le Seigneur lui envoya ; ce fut un martyr
secret qui dura deux années entières. On dit que pour soutenir la douce victime,
la Sainte Vierge lui révéla le cantique de la Passion, formé exclusivement des
paroles de la Sainte Ecriture, cantique qui est entré depuis dans les pratiques
de dévotion particulières à l'Ordre de Saint Dominique.
Sœur Catherine fut donc accablée par une maladie des plus
graves, que les médecins déclarèrent incurable. Et, chose admirable, au milieu
des plus vives souffrances, notre Sœur était si douce, si patiente, que le
moindre murmure ne venait trahir son courage. Les religieuses voyant
l'impuissance des secours humains, songèrent aux moyens surnaturels. Une date
célèbre dans leur monastère leur donna la pensée de faire un vœu à certains
Bienheureux de l'Ordre : c'était l'anniversaire delà mort de Jérôme Savonarole
et de ses compagnons.
Ce grand homme, vénéré par un bon nombre comme un saint
pendant sa vie, l'était davantage depuis sa mort tragique. Sa mémoire était
toujours l'objet d'un culte pieux et enthousiaste, mais nulle part elle ne
l'était davantage que parmi les Sœurs de Saint-Vincent. Savonarole était pour
elles un ancêtre, ayant prophétisé l'érection de leur monastère, et indiqué de
la main le lieu prédestiné. Sa parole apostolique avait semé les germes de
vocation dans l'âme de ses fondatrices. Avec sa mémoire, celles-ci gardaient
avec le plus grand soin des objets qui lui avaient appartenu. Catherine fit, de
concert avec ses Sœurs, un vœu au Frère Jérôme et à ses compagnons pour obtenir
sa guérison avant sa fête, qui arrivait dans trois jours. Or, le 23 mai, veille
du dernier jour, elle avait demandé à rester seule dans sa cellule pour prier
avec plus de ferveur ceux dont elle avait sur l'autel les reliques. Vers quatre
heures du matin, appuyée sur le petit autel elle s'endormit ; alors trois Frères
revêtus de l'habit de saint Dominique lui apparurent, environnés d'une grande
splendeur ; celui du milieu était porté sur un nuage éclatant.
« — Qui êtes-vous ? s'écria Catherine — Quoi, répondit le
Frère, tu ne me connais pas ?
— Non, Père, dit-elle — A qui demandes-tu ta guérison ? — Au
Frère Jérôme, répartit la Bienheureuse. — C'est moi qui suis Frère Jérôme, et je
viens te guérir. » Il lui recommande l'obéissance, fait sur elle un grand signe
de croix, et Catherine se trouve instantanément guérie. Six mois après cette
guérison, vers la fin d'octobre 1540, elle fût atteinte de la petite vérole, qui
la conduisit encore aux portes du tombeau. Elle était dans les angoisses de
l'agonie, lorsque le premier jour de novembre, vers deux heures du matin, elle
sentit une main la secouer et entendit une voix qui l'appelait. Elle vit devant
elle les trois mêmes Saints qui l'avaient guérie une première fois. Elle veut
appeler la Sœur qui reposait près d'elle, mais Frère Jérôme lui fait signe de la
main de se tenir en repos, et lui demande ce qu'elle désire : « Père, la santé,
si c'est le bon plaisir de Dieu ! — La santé te sera rendue, » dit le Saint. Et
faisant alors sur elle plusieurs fois le signe de la croix, ses douleurs
disparurent entièrement. Le Bienheureux Jérôme lui ordonna pour pratique
d'obéissance de ne pas sortir sans la permission de la Sœur infirmière.
Ce nouveau miracle excita une plus grande admiration et la
Sainte, pour traduire sa reconnaissance, composa un Lauda ou chant
d'action de grâces aux martyrs, les BB. Jérôme, Dominique et Sylvestre. Il se
trouve dans ses écrits.
En éprouvant sa fidèle servante par la maladie et la douleur,
Dieu d'un autre côté ne cessait de la récréer par des visions plus fréquentes
que jamais. Après les deux guérisons que nous venons de mentionner, la pieuse
novice eut la consolation de voir se multiplier en sa faveur, pendant près d'une
année entière, d'autres apparitions du même B. Père Jérôme, de la Très Sainte
Vierge et du saint Enfant Jésus. Par moment, Dieu usait à son égard de
prévenances vraiment singulières. Un jour que la Sœur désirait se confesser et
se tenait à l'église, elle aperçut le P. Timothée Ricci au confessionnal ; elle
lui fit sa confession ordinaire et vint ensuite avertir une autre religieuse
désireuse, elle aussi, de s'approcher du saint tribunal. A sa grande surprise,
elle apprit que le Père confesseur était parti le matin même pour Florence et
Dieu lui révéla aussitôt qu'il lui avait envoyé le V. Père Jérôme pour
satisfaire son désir. D'autres fois, c'était pour lui donner certains
avertissements que ces apparitions avaient lieu. Le bon Maître semblait prendre
plaisir à lui prouver qu'il se plaisait à faire la volonté de ceux qui le
craignent. Mais au milieu de ces visions merveilleuses, Sœur Catherine avait à
essuyer les plus grandes douleurs. Ce fut durant trois années une alternative
continue de souffrances sans nom et de consolations célestes. Il eut pourtant
manqué quelque chose à ces épreuves, si les persécutions du démon n'y eussent
apporté leurs angoisses. L'obéissance l'avait toujours rassurée dans ces
apparitions extraordinaires qui la laissaient toujours en pleine santé, sans la
moindre trace des horribles douleurs qu'elle avait endurées; mais l'ennemi de
tout bien ne pouvait voir sans dépit celle qui devait servir si puissamment à
détruire son empire. Alors commença une lutte à outrance. Sœur Catherine
cherchait-elle un lieu propice pour y faire oraison, le démon lui fermait le
passage par mille obstacles qui l'empêchaient d'y entrer ; ces obstacles
vaincus, il lui en suscitait de nouveaux pour l'empêcher de se mettre à genoux,
et si elle y parvenait, il la jetait à terre, la poussait de côté et d'autre, la
tirait par son voile, ou bien encore il lui apparaissait sous les formes les
plus menaçantes, poussait des cris horribles; puis changeant de tactique, il se
transformait en ange de lumière pour lui faire perdre sa paix et son
recueillement. Catherine, simple et douce, supporta tous ces assauts avec une
force héroïque, et le Seigneur, touché de ses prières, l'assura pour la
réconforter que jamais elle ne serait la victime des illusions de Satan.
III
Aimable envers tout le monde, de la plus grande
douceur et affabilité, c'était surtout à l'égard des malades que sainte
Catherine montrait une charité attentive. Elle demeurait toujours à leurs côtés
pour les consoler, leur venir en aide, se mettre à leur disposition pour les
services les plus abjects et les plus rebutants. Si le mal allait s'aggravant
et, qu'on dût garder la malade jour et nuit, elle se levait deux ou trois heures
avant Matines, allait à l'infirmerie pour envoyer se reposer les Sœurs qui
avaient veillé jusqu'à ce moment. Dès que le mal présentait un caractère
désespérant, elle multipliait encore ses visites, et, avec une grande
sollicitude, elle allait et venait si souvent, que les religieuses, voyant son
assiduité, en concluaient que la mort de là malade était proche. Le moment de
l'agonie venu, elle ne se retirait plus, et bientôt ravie en extase, elle ne
revenait à elle qu'après que la moribonde avait expiré, l'accompagnant,
disait-on, dans le lieu du repos éternel. Son réveil après l'extase était la
preuve manifeste que la malade avait rendu le dernier soupir.
Durant les nombreuses et très cruelles infirmités dont elle
fut atteinte elle-même, elle montra une force si héroïque, une patience telle,
qu'elle remplissait de stupeur les médecins. Elle ne prononçait aucun mot, ne
donnait aucun signe, ne faisait le moindre mouvement qui pût dénoter la moindre
impatience. C'était une conviction bien arrêtée dans l'esprit des religieuses,
qu'elle demandait au Seigneur de souffrir toutes ces peines, à l'effet d'obtenir
la conversion de certains pécheurs qu'elle connaissait, ou bien celle d'autres
âmes qu'on avait recommandées à ses prières. Elle supporta avec une égale
résignation les reproches, que lui adressèrent pendant longtemps plusieurs
personnes qui l'accusaient d'être une sorcière, une hypocrite. La Bienheureuse
ne se plaignait alors de rien et n'éprouvait qu'une peine, celle devoir à son
occasion quelque trouble dans le monastère.
Très fidèle elle-même à l'observance de la Règle, sans cesse
elle y exhortait ses Sœurs ; quand elle s'apercevait que quelqu'une venait à y
manquer elle en éprouvait une vive douleur et avertissait la délinquante avec la
plus grande charité.
Cette Bienheureuse pénitente avait un grand nombre
d'industries pour châtier son corps. Chaque nuit, elle prenait très peu de
sommeil, employant de longues heures à la prière ; elle portait un rude cilice
et une chaîne qui la meurtrissait cruellement, se flagellait très souvent avec
une discipline de fer, jeûnait bien des fois au pain et à l'eau, gardait
l'abstinence de viande et d'œufs, abstinence qu'elle observa l'espace de
quarante huit ans, c'est-à-dire de 1542 où elle reçut cet ordre du Sauveur
Jésus, jusqu'à sa mort. Elle se nourrissait seulement d'herbes, de légumes, et
acceptait quelquefois un peu de laitage ; elle suivait ce régime même en temps
de maladie, et si alors on lui donnait à manger delà viande ou des œufs, ou même
si on lui faisait prendre du bouillon gras, elle ressentait aussitôt de cruelles
douleurs d'estomac.
Notre Sainte montrait une obéissance très exacte et très
prompte, et quoique l'ordre donné fût parfois de nature à découvrir ses extases,
ses visions où autres grades extraordinaires qu'elle recevait de la bonté de
Dieu, elle obéissait toujours fidèlement, malgré là répugnance qu'elle
ressentait à cause de sa grande humilité. Durant le temps qu'elle s'abstenait de
viande, quoique malade, ayant reçu ordre de prendre un bouillon gras, elle fit
sur-le-champ, bien qu'il dût en résulter pour elle de vives souffrances.
Quand elle était élue Prieure ou Sous-Prieure de son couvent,
ce n'était que par obéissance qu'elle consentait à accepter cette charge. Elle
excellait dans la pratique de cette vertu, et Dieu se plut à l'en récompenser
par le don du -miracle. Un jour on s'aperçut de la fermentation de toute la
provision de blé de la communauté. La supérieure commanda, à Catherine de
marcher pieds nus sur le grain ; l'humble Sœur obéit sans hésiter, et le blé
reprit sa qualité première sous les pas de cette vierge obéissante.
On peut déjà conclure de tout ce qui a été dit, et de ce que
nous dirons dans la suite, combien fut grande l'humilité de notre Sainte.
Or, qui ne sait que cette vertu est la pierre de touche de
toutes les autres et la conservatrice des faveurs célestes. Sa compagne, Sœur
Marie-Magdeleine Strozzi, qui resta toujours près d'elle, attestait qu'au milieu
des dons extraordinaires dont le Ciel la favorisait, elle n'avait jamais pu
découvrir dans sa personne la plus petite marque, l'ombre même de l'orgueil.
Sœur Catherine redoutait à un si haut point d'être estimée et d'être considérée
comme une sainte, qu'un jour ayant eu l'occasion de dire quelques mots qui
pouvaient tourner à sa louange ou à celle de sa conduite, elle en conçut un si
grand chagrin, qu'elle fuyait les regards et se cachait quand des personnes
venaient au couvent lui rendre visite. Elle se regardait, suivant une expression
qu'elle employa souvent, comme la plus grande pécheresse du monde, le scandale
et le désordre du monastère. Aussi, comme à diverses époques, des religieuses de
ce couvent, sur l'ordre des supérieures, avaient écrit une foule de relations
qui renfermaient le détail de sa vie, ses extases, les miracles qu'elle avait
opérés, elle eut soin pendant son Priorat de faire recueillir ces écrits épars
pour les brûler, rie voulant pas qu'on pût conserver d'elle aucun souvenir. Une
Sœur nommée Timothée Bonciani, en ayant retrouvé quelques fragments, les tenait
soigneusement cachés. La Bienheureuse Catherine se rendit une nuit dans sa
cellule, et bien que ces papiers fussent très habilement enfouis, elle les
découvrit et s'en empara, disant à Sœur Timothée qu'en échange elle lui
donnerait quelque chose de mieux: elle lui offrit un Traité spirituel de
saint Bernard.
Enfin, la pureté virginale de notre Sainte fut tellement
extraordinaire et merveilleuse, que celui qui la dirigeait a affirmé qu'elle
n'avait jamais eu, d'aucune façon, la moindre tentation contre la sainte vertu.
Comment s'étonner, après cela, des faveurs singulières du Sauveur Jésus qui se
plaît parmi les lis ? Aussi avait-elle souvent à la bouche ces paroles de l'Epouse
des cantiques : Dilectus meus mihi et ego illi qui pascitur inter lilia.
« Mon Bien-Aimé est à moi, et moi je suis à Lui, à Lui qui se plaît parmi les
lis. »
IV
Pendant que la Bienheureuse Catherine faisait de
jour en jour de plus grands progrès dans la pratique des vertus, ayant atteint
sa dix-neuvième année, elle commença à recevoir de Dieu des grâces spéciales et
beaucoup plus extraordinaires.
S'adressant à la Très Sainte Vierge, elle la suppliait
instamment de lui obtenir de son Fils Jésus un cœur nouveau, tout divin et tout
céleste; cette faveur devait lui être accordée le jour de la fête du Saint
Sacrement. Le matin de ce jour, après avoir communié, elle fut ravie en esprit
dans le Ciel, et il lui semblait que la glorieuse Reine des Anges priait
Notre-Seigneur en la lui présentant, de lui accorder la grâce de changer son
cœur. Le Fils de Dieu s'empressa d'exaucer la prière de son auguste Mère.
Catherine sentit alors Quelque chose de mystérieux s'accomplir en elle ; le
divin Rédempteur venait de lui ôter son cœur et de lui en donner un nouveau,
formé sur le modèle de celui de sa très sainte Mère. Cette faveur si
extraordinaire était une préparation à une autre grâce plus étonnante encore.
Au mois de février de l'année 1542, huit mois après la
transformation de son cœur, Catherine eut pour la première fois cette mémorable
extase qui devait se renouveler toutes les semaines jusqu'en l'année 1554.
Commencée le jeudi, à midi; elle se prolongeait jusqu'au vendredi à quatre
heures du soir, et durait ainsi vingt-huit heures. Dans ce ravissement, elle
contemplait les mystères de la Passion, et elle expérimentait dans sa propre
personne les mêmes douleurs qui faisaient l'objet de ses méditations. Mais
tandis que, dans les extases ordinaires, elle demeurait privée de l'usage de ses
sens, le corps immobile, les yeux fixes, ne trahissant ses émotions que par la
couleur de son visage; dans l'extase de la Passion, au contraire, son corps
sortait de son immobilité pour se conformer aux gestes, aux attitudes, aux
mouvements divers du corps de Jésus-Christ, dans le cours de ses douleurs. Elle
présentait ses mains comme lui quand on le chargeait de liens, se tenait
majestueusement debout comme lui quand on l'attachait à la colonne. Pendant le
couronnement d'épines, elle portait doucement sa tête, tantôt sur une épaule et
tantôt sur l'autre, selon que les exécuteurs poussaient celle de Jésus ; à la
scène dit crucifiement, elle présentait ses mains et ses pieds comme le Sauveur
au moment où on le clouait à la croix.
Quand l'extase était terminée, elle en sortait le corps
couvert des blessures qu'elle avait reçues dans ce combat tout d'amour et de
souffrance; chacun pouvait contempler en sa personne les traits sanglants de sa
ressemblance avec le divin Crucifié, les marques sensibles de sa flagellation,
de son crucifiement, et jusqu'à celles qu'avaient imprimées sur son corps les
cordes avec lesquelles on l'avait descendu de la Croix.
Pendant ce même ravissement de la Passion, on entendait la
Sainte s'entretenir de temps en temps avec le Sauveur Jésus, et tenir aux
religieuses des discours vraiment célestes, dans lesquels elle les exhortait à
la pratique des vertus et à l'obéissance aux saintes Règles. Durant cet espace
de vingt-huit heures que se prolongeait d’ordinaire son extase, elle ne se
réveillait jamais que dans le cas où le Seigneur lui accordait la grâce de
pouvoir faire là sainte communion.
Elle continua de jouir de cette faveur chaque semaine, aux
jours indiqués, pendant douze années consécutives, et elle n!en fut privée
qu'après l'avoir demandé avec instance au Seigneur Jésus. Elle avait fait prier
à la même intention les religieuses de son couvent, où elle croyait porter le
désordre, à cause des foules, qui accouraient de tout pays pour être témoins de
ce prodige.
Pour les autres extases, qu'elle éprouvait aussi fort
souvent, elle priait Dieu d'en faire disparaître toute apparence extérieure,
afin qu'elle pût cacher, ensevelir au dedans d'elle-même tant de grâces si
exceptionnelles.
V
Ce ravissement, que la Bienheureuse Catherine
commença d'éprouver au mois de février 1541 ou 1542, et dans lequel elle voyait
et souffrait les douleurs de la Passion de Notre-Seigneur, fut le prélude d'une
autre faveur que Jésus lui accorda, le 9 du mois d'avril de cette même année, au
matin du jour de Pâques. Il lui apparut tout glorieux, accompagné de la Sainte
Vierge et de saint Thomas, et lui mit à l'index de la main gauche que tenait la
Bienheureuse Vierge, un anneau très précieux, lui déclarant qu'il relevait ainsi
à la dignité d'épouse; Sœur Catherine achevait alors la dix-neuvième année de
son âge.
Cet anneau était de l'or le plus pur, émaillé de rouge, avec
un diamant d'un vif éclat. On le voyait parfois répandre une splendeur si grande
que les yeux en étaient éblouis; il s'en exhalait aussi une odeur très suave.
Comme Philippe Salviati, riche habitant de Florence et fils spirituel de la
Sainte,
doutait de l'existence de cet anneau, Catherine lui apparut et, le lui ayant
montré, elle lui dit qu'elle allait lui donner une preuve de sa réalité : lui
touchant alors la lèvre supérieure avec la pointe du diamant, elle fit éprouver
à Philippe une vive douleur et lui imprima une marque que tout le monde put voir
dans la suite.
Notre-Seigneur ayant déjà donné à notre Bienheureuse le titre
d'épouse; voulut, peu de jours après, la rendre encore participante de ses
plaies sacrées, et ce fut le quatorzième jour de ce même mois d'avril,
c'est-à-dire le vendredi suivant, qu'il imprima en elle les sacrés stigmates.
Ceux des mains et des pieds, qu'elle avait coutume de sentir
auparavant tous les vendredis dans le ravissement de la Passion, furent dès ce
moment toujours visibles ; le fait fut constaté bien des fois par les
religieuses du couvent, par des prélats et des religieux de son Ordre et
d'autres personnes. Les stigmates des mains paraissaient à certaines heures
répandre des rayons de lumière si éclatants qu'ils éblouissaient tous ceux qui
en étaient témoins. La plaie du côté lui causait une telle douleur, que la
Sainte semblait parfois sur le point de rendre le dernier soupir; elle fut
aperçue au moins dix fois par Sœur Marie-Magdeleine Strozzi, qui restait près
d'elle pour la soigner dans ses diverses maladies, et cette plaie était alors
d'une ravissante beauté, tout environnée de rayons.
Outre les sacrés stigmates. Sœur Catherine reçut encore la
couronne d'épines : ses compagnes ont vu plusieurs fois des épines fort longues
lui percer la tête et faire jaillir le sang; elles ont remarqué aussi comme Un
cercle de pointes qui lui environnait le front où ruisselait un sang vermeil.
La religieuse qui la soignait a pu voir encore sur son épaule
gauche une cavité d'une largeur de trois doigts environ, comme si réellement
elle eût porté la croix, à l'exemple de son divin Maître, sur la route du
Calvaire.
VI
Le 24 août de cette même année 1542, le Sauveur
Jésus voulut donnera la B. Catherine une attestation toute
spéciale de son amour
pour elle. La Sainte avait dans sa cellule un petit autel où se trouvait un
crucifix de bois ; le Christ, qui était en relief et de la hauteur d'une coudée,
se détacha de la croix au moment où elle entrait dans sa cellule et vint
l'embrasser en l'appelant son épouse. Notre-Seigneur lui donna en même temps
l'assurance que ses oraisons lui étaient agréables, et lui dit de prier avec ses
Sœurs pour la conversion des pécheurs, ajoutant qu'on devrait faire dans le
couvent trois processions à cet effet : les deux premières pendant les deux
jours qui précèdent la fête de saint Barthélemy, et la dernière le jour même de
la fête.
La Sainte, voyant ce Christ s'approcher, lui ouvre aussitôt
les bras, et, le pressant sur son cœur, elle est prise d'un ravissement qui dure
une heure.
Sur ces entrefaites, sa compagne étant survenue, appelle toutes les religieuses
qui sentent une odeur des plus suaves, et, à l'envie, s'empressent de baiser ce
Christ merveilleux.
Ce jour-là, fête de saint Barthélemy, on fit la première
procession ordonnée par le Sauveur Jésus, pendant laquelle la B. Catherine,
toujours en extase, marchait en tête, portant le crucifix. Or, chose admirable,
bien que la procession fût assez longue et qu'on dût aller .dans les endroits
principaux du monastère, la Sainte, bien que privée de ses sens, ne fit aucun
faux pas, ne dévia nullement de sa route ; on l'aurait crue guidée et même
portée par la main des Anges. Il fut réglé que chaque année on ferait les trois
processions mentionnées, et depuis cette époque elles se sont continuées jusqu'à
nos jours.
Mais un prodige qui dépasse tous les autres, c'est le
témoignage que le Sauveur voulut donner du séjour qu'il faisait en sainte
Catherine et de la vérité de tout ce qu'on lui voyait opérer en elle.
Sœur Marie Gabrielle Mascalzoni se trouvait étrangement
préoccupée par la pensée de savoir si les choses extraordinaires qui se
passaient en la B. Catherine étaient véritablement des faveurs célestes.
Continuellement, elle suppliait le Seigneur de vouloir bien dissiper ses doutes
à cet égard. Or, un jour, en passant près de l'oratoire où se trouvait
Catherine, elle y entre et la trouve en extase. S'étant elle-même mise à genoux,
elle reste à l'observer, quand tout à coup elle voit le visage de notre Sainte
se transfigurer en celui du Sauveur Jésus, et la Bienheureuse se tourner de son
côté, l'attirer à elle et la presser sur son cœur, lui demandant par trois fois
si elle croyait être près de Catherine ou de Jésus. La Sœur, saisie de stupeur,
lui répond d'une voix assez haute pour être entendue de la plus grande partie de
la communauté, que c'était bien Jésus qui lui parlait. En racontant ce fait dans
la suite, elle affirmait avoir réellement vu, sous le voile de Catherine, la
face auguste du Sauveur Jésus, mais avec une beauté si ravissante qu'elle ne
pouvait plus même la reproduire dans son imagination, bien loin de pouvoir en
donner une idée à personne au monde. En parlant d'un phénomène si merveilleux,
Benoît XIV s'exprime ainsi dans la bulle de canonisation de la Sainte :
« Jésus-Christ voulant montrer à quel point il y avait unité de pensées et de
volontés entre lui et Catherine, en plaça un signe éclatant sur son visage, en
le transformant en une vive image et une parfaite ressemblance de son propre
visage, de telle sorte que quiconque eût vu Catherine, eût pensé qu'il voyait le
Fils de Dieu et en même temps le Fils de l'homme. »
VII
Le doute qui avait préoccupé Sœur Marie
Gabrielle Mascalzoni avait aussi pénétré dans l'esprit des supérieurs ou prélats
de l'Ordre de saint Dominique ; c'est pourquoi ils voulurent, chacun de leur
Côté, en faire l'examen le plus rigoureux.
Le premier fut le P. François Roméo de Castiglione, alors
Provincial de la Province romaine, et en même temps Vicaire général de tout
l'Ordre, dont il devint ensuite Maître général. Homme distingué par sa rare
piété et sa science, il avait assisté au Concile de Trente où il se fit
remarquer .par un traité contre Luther, intitulé : De la liberté des œuvres.
Ayant été appelé par son ministère à visiter le couvent, et sachant tout ce
qu'on racontait au sujet de Catherine qui atteignait alors sa vingt-septième
année, il se montra fortement contrarié et adressa des réprimandes au Prieur du
couvent de Prato qui gouvernait ce monastère, au Père confesseur et à toutes les
Sœurs, pour avoir beaucoup trop répandu ce qu'il appelait des sornettes de
communauté.
Il fit ensuite venir la Bienheureuse et lui reprocha
sévèrement de mettre le désordre dans tout le couvent avec ses scènes nombreuses
d'extase, qui n'étaient que singeries ou opérations diaboliques ; il la menaça
si elle ne cessait aussitôt, de la faire punir rigoureusement.
Catherine répondit qu'elle méritait sans doute les plus dures
peines, mais que pour les choses qu'elle éprouvait, n'étant pas maîtresse
d'elle-même, elle ne pouvait promettre de s'en abstenir. Le Père répliqua
qu'elle devait supplier le Seigneur et qu'il la délivrerait. L'humble vierge
ajouta que déjà elle le priait tous les jours de ne pas permettre ces états
extraordinaires, s'ils venaient du démon ; si, au contraire, ils venaient du
ciel, de vouloir bien les lui continuer, ne croyant pas devoir rejeter ce qui
lui était accordé pour le salut de son âme ; mais je demande, dit la Sainte, que
ces dons ne paraissent pas à l'extérieur, parce qu'il ne convient pas qu'on
remarque, dans une créature vile comme moi, la manifestation de si grandes
grâces.
Le Provincial, sans se départir de sa sévérité, posa encore à
la Bienheureuse nombre de questions auxquelles celle-ci répondit avec tant
d'humilité, que le Père, désarmé, lui parla ensuite avec bienveillance, et
l'exhorta à continuer tous ses exercices spirituels avec humilité, obéissant
toujours à ses supérieurs, et ayant soin de redire fidèlement à son confesseur
tout ce qui lui arrivait. Avant son départ de Prato, il eut l'avantage d'être
plusieurs fois témoin des extases de la Bienheureuse, soit après la sainte
communion, soit le jeudi et le vendredi pour le ravissement de la Passion, et il
en exprima toute son admiration. Arrivé à Rome, il parla de Catherine avec tant
d'éloges au Maître général de l'Ordre, le P. Fr. Albert de Las Casas, que
celui-ci conçut le projet d'aller visiter cette même année le couvent de Prato.
Il y arriva précisément un vendredi, au moment de l'extase ordinaire, et vit la
représentation du mystère de la Passion. Quand la Sainte eut repris ses sens, le
Général lui parla longuement et se retira pleinement satisfait de son entretien.
Le P. Ange Diaceti, qui fut cinq fois Provincial de la
Province romaine, devint Vicaire général de tout l'Ordre de saint Dominique, et
fut dans la suite nommé par S. Pie V, évêque de Fiesole, vint à son tour visiter
le couvent de Saint-Vincent de Prato : il était bien éloigné d'ajouter foi à la
prétendue sainteté de Catherine, dont cependant il était le parent. Mais à peine
fut-il arrivé, qu'il changea d'avis, ayant vu les stigmates des pieds et des
mains.
Le P. Nicolas Michelozzi fit aussi la visite du couvent en
qualité de Provincial, et ayant appris que la B. Catherine était en extase, il
ordonna à Sœur Euphrasie Mascalzoni d'aller voir dans quel état la Sainte se
trouvait à ce moment même, et de revenir au plus vite l'en informer. Cette
religieuse étant allée dans l'oratoire de Catherine, se place à genoux devant
elle ; celle-ci lui fait trois signes de croix sur le front, l'embrasse autant
de fois, en lui donnant une triple bénédiction. Sœur Euphrasie retourne aussitôt
vers le Provincial et lui raconte ce qui lui est arrivé. Celui-ci demeure
stupéfait, et dit que c'est justement là le témoignage qu'il avait lui-même
demandé à Dieu, pour être assuré de la sainteté de Catherine.
Le P. François Gratien de Sermoneta, devant, comme Vicaire
général, faire à son tour la visite du monastère, méditait tout ce qu'il se
proposait de faire pour connaître d'une manière indubitable, si tout ce qu'on
racontait d'extraordinaire touchant Catherine était vrai ou faux. En
franchissant le seuil du couvent, il s'en voit ouvrir la porte par la Sainte
elle-même qu'il trouve environnée d'une lumière éblouissante. Il reste tellement
saisi, qu'il a seulement la force de tomber à ses pieds en lui demandant pardon.
Les supérieurs de l'Ordre qui visitèrent successivement le
monastère, voulurent ainsi tous expérimenter quel esprit animait l'âme de
Catherine. Plusieurs prélats, distingués par leur sagesse et leur doctrine,
firent de même. Signalons Monseigneur Jacques Nachianti, évêque de Chioggia, de
l'Ordre de saint Dominique, homme célèbre par les savants ouvrages qu'il a
publiés et par la rare prudence qu'il a fait paraître dans plusieurs
négociations qu'il dut poursuivre par ordre du Souverain Pontife Paul III.
Entendant un jour parler des choses extraordinaires qui arrivaient à Catherine,
il dit que c'était quelque démon qui agissait en elle ; mais que, s'il avait
l'occasion de lui parler, il se faisait fort de démontrer l'erreur. Comme il
était étroitement lié de parenté avec le Père Julien Mazzei, alors Prieur du
couvent de Prato, il conçut le projet d'aller le voir et de profiter de cette
circonstance pour parler avec la Bienheureuse.
Il vint donc, causa longuement avec elle, et protesta en
présence d'un grand nombre de personnes, que non seulement il était demeuré
satisfait de son entrevue, mais encore qu'il avait entendu des choses que, seul,
le Saint-Esprit pouvait révéler; aussi, plus tard, quand il parlait de
Catherine, la nommait-il toujours: un vase choisi du Saint-Esprit.
Le Souverain Pontife Paul III voulut lui-même acquérir la
certitude des faits qu'on racontait, et aussi connaître la conduite du Père qui
dirigeait la Sainte et celles des religieuses qui se trouvaient autour d'elle,
afin de découvrir si l'ostentation ou le désir du gain n'auraient pas contribué
à attirer ce concours de peuple. C'est pourquoi, il donna commission au cardinal
Robert Pucci de profiter de son titre d'évêque de Pistoie, pour faire en
apparence la visite du monastère, mais, en réalité, pour observer avec le plus
grand soin tout ce qui avait lieu à Prato, afin que les hérétiques ne puissent
trouver là un motif plausible de tourner en ridicule l'excessive crédulité des
catholiques.
Le cardinal vint au couvent avec les évêques de Vasona, de
Pandolfini, suivis de quelques autres prélats. Ayant fait une perquisition des
plus minutieuses, il trouva que le Père et les religieuses étaient fort en
règle, et que tous agissaient avec beaucoup de prudence et de circonspection, ne
permettant qu'à peu de monde de voir Catherine et de lui parler; que pour elle,
quand elle apprenait l'arrivée de quelque personnage qui désirait une entrevue.,
elle avait soin de se cacher, et que la faveur de son entretien n'était accordée
qu'aux Princes, auxquels on ne pouvait refuser, ou aux Supérieurs de l'Ordre.
VIII
Parmi les preuves nombreuses au véritable
esprit et de la réelle sainteté de la Bienheureuse Catherine, le trait suivant
n'est pas le moins remarquable. Saint Philippe de Néri, doué d'une lumière
spéciale pour le discernement des esprits, lui écrivit de Rome pour se
recommander à ses prières et, comme le rapportent le procès et la bulle de sa
canonisation, pendant que le saint demeurait à Rome et Catherine à Prato, ils se
virent et eurent ensemble une longue conversation. Or, ce qu'attesta saint
Philippe lui-même, c'est que, de son vivant, il l'avait réellement vue quoiqu'il
n'eût fait aucune visite à Prato et que Catherine ne fût allée à Rome dans
aucune occasion. Saint Philippe, après la .mort de la Sainte, affirma de nouveau
le fait, décrivant avec beaucoup de précision les traits de son visage; et,
comme on venait de reproduire une gravure qui avait la prétention d'être le
portrait de Catherine, il dit que cette gravure n'était point ressemblante et
que la physionomie de la Sainte était tout autre.
Notre Bienheureuse entretenait aussi une correspondance
suivie avec sainte Marie-Magdeleine de Pazzi. Vincent Puzzini, l'auteur de la
vie de cette dernière, parle d'une lettre qu'elle dicta étant en extase pour
l'envoyer à Catherine, et de la réponse que celle-ci lui adressa.
Bientôt le flot des visiteurs ne s'arrêta plus. Parmi les
personnes distinguées qui affluèrent, on vit arriver au couvent Marie Salviati,
mère du grand-duc Cosme Ier, qui trouva Catherine dans son
ravissement de la Passion. Cette dame pria la Sainte, revenue à elle-même, de
vouloir bien lui écrire de sa propre main quelques prières sur un petit livre
qu'elle conserva précieusement; à l'heure de sa mort, arrivée quelque temps
après, cette dame recommanda qu'on gardât avec beaucoup de soins ce petit livre,
ajoutant qu'un jour le Seigneur ferait des miracles par son moyen, à cause des
lignes tracées par la main de la Bienheureuse.
Un autre jour, ce fut la femme du grand-duc Cosme, Eléonore
de Tolède, qui se présenta au monastère. Elle trouva la Sainte en extase et,
voulant se rendre compte de cet état extraordinaire, elle lui serra les mains et
lui pressa fortement le cou, sans que Catherine laissât paraître la moindre
impression: ce ne fut qu'après avoir repris ses sens qu'elle éprouva au cou une
vive douleur.
Elle reçut aussi la visite de Jeanne d'Autriche, épouse du
grand-duc François Ier. Elle vint accompagnée de ses deux filles,
Marie et Eléonore, dont l'une fut plus tard femme d'Henri IV, roi de France, et
l'autre de Vincent de Gonzague, duc de Mantoue.
Plusieurs cardinaux voulurent aussi la voir, parmi lesquels
on peut citer Hippolyte Aldobrandini, Alexandre de Médicis et Marcel Cervini,
qui furent tous les trois, dans la suite, revêtus du souverain Pontificat. Le
cardinal Michel Bonelli, dit cardinal Alexandrin, et neveu de S. Pie V, ne
voulut pas aller en Espagne remplir l'emploi de Légat du Saint-Siège que son
oncle lui confiait, avant d'avoir été près de Catherine recevoir plusieurs bons
conseils, et obtenir la promesse qu'elle l'aiderait du secours de ses prières
pour ce voyage ; à son retour il la revit encore.
Le couvent de Catherine vit pareillement les ducs de Mantoue,
de Ferrare, l'ambassadeur d'Espagne, le fils du duc de Bavière. Tous ces princes
se retirèrent remplis d'étonnement et pleinement édifiés. Quand le fils du duc
de Bavière entra au monastère, ce fut juste par la Bienheureuse elle-même qu'il
fut reçu ; on le mena visiter la Crèche et autres endroits que la piété savait
rendre chers au couvent ; pour la Sainte, sa pensée était tellement fixée dans
la méditation de l'Adoration des mages (on se trouvait à la fête de l'Epiphanie),
qu'après le départ du jeune comte, elle n'eut aucun souvenir de l'entretien
qu'elle avait eu avec lui.
IX
La Bienheureuse montrait assez que ces
continuelles visites lui causaient une très vive peine ; bien souvent il lui
arrivait de fuir, de se cacher, afin qu'on ne pût la découvrir. C'est pourquoi
il vint à l'idée de ses supérieurs de la nommer Sous-Prieure, quoiqu'elle n'eût
atteint que la vingt-sixième année de son âge ; car alors, devant par son emploi
servir de compagne à la Mère Prieure, quand des étrangers viendraient à la
grille, elle pourrait tout naturellement satisfaire au désir et à la piété de
ceux qui se présenteraient. Ayant donc été élevée à cette charge, Catherine s'en
acquitta avec tant et de si grands avantages spirituels pour toutes les
religieuses, que, dès lors, elle dut longtemps remplir l'emploi ou de Prieure ou
de Sous-Prieure, nonobstant sa répugnance extrême. Après s'être plainte et
lamentée longtemps, elle finit par obtenir des supérieurs la faculté de pouvoir
ne pas accepter ces charges.
Pendant qu'elle était Sous-Prieure, on ne saurait dire le bon
exemple qu'elle donnait à toute la communauté, pour la stricte observance de la
Règle, étant toujours la plus exacte à se rendre aux divers exercices. Pourtant,
elle ne pouvait assister à la table commune, par la raison qu'à peine
commençait-on la lecture, elle était subitement ravie en extase. On avait cru
devoir pour ce motif la dispenser d'y assister ; mais Sœur Catherine supplia si
ardemment le Seigneur de pouvoir encore observer ce point de la Règle, qu'elle
fut privée de ces ravissements, comme elle l'avait été de celui de la Passion.
Admirables étaient le zèle en même temps que la douceur
qu'elle mettait à amener à la fidèle observance toutes les religieuses.
Lorsqu'elle les reprenait, elle avait coutume de leur dire qu'en agissant ainsi
elle voulait leur faire éviter les expiations terribles du purgatoire. Le soir,
elle n'allait jamais se reposer sans avoir auparavant calmé par quelques paroles
de consolation celles qui, durant la journée, avaient pu être reprises ou
avaient subi quelques pénitences.
Une chose qui contribuait beaucoup, quand elle agissait de la
sorte, à rendre prompte l'obéissance de toutes les Sœurs, c'était le privilège
dont elle jouissait de lire dans l'intérieur des consciences. Etant à l'église
pour dire l'Office ou faire ses prières, si quelques religieuses venaient à se
distraire pour penser à des choses étrangères, Catherine se levait de sa place,
allait vers elles, les reprenait d'avoir ces pensées, qu'elle leur spécifiait.
C'est ainsi qu'elle fit un jour à l'égard de Sœur Marie-Vincent Pollini, de Sœur
Marie-Constance Riva, de Sœur Marie Séraphine Baroncini et de Sœur
Marie-Perpétue Cini. Elle agissait encore de même en d'autres circonstances.
Sœur Marie Modesta Giacchinotti, se trouvant un soir au dortoir, s'arrêtait à
une pensée amère, Catherine l'aborde et lui dit : « Une religieuse ne devrait
jamais avoir de telles pensées », et elle lui découvre la sienne. Sœur Euphémie
Lépattini, encore novice, vit entrer la Bienheureuse au noviciat pour lui parler
d'une action très secrète, mais avec une telle précision qu'on eût pu supposer
qu'elle l'avait vue réellement. Sœur Foi-Victoire Salviati étant à prendre son
repas avec sa mère qui était venue lui rendre visite au monastère, Catherine
survint tout à coup, et, après quelques mots échangés, s'approchant de la Sœur,
elle lui dit à voix basse que telles ou telles pensées qu'elle avait en ce
moment n'étaient pas convenables. Tous ces faits rendaient les Sœurs de plus en
plus vigilantes et attentives, ayant bien la certitude que telles pensées ou
tels faits quelle venait leur découvrir, ne pouvaient lui être révélés que par
Dieu seul.
Sœur Raphaël Cini, trouvant la Bienheureuse en extase, se
plaça devant elle à genoux, et la pria en secret de vouloir bien lui obtenir la
grâce qu'elle avait en vue à ce moment. Catherine, ayant connu ses intentions,
lui dit, à la fin de son extase, qu'elle avait prié pour elle, et elle lui fit
connaître quels étaient ses devoirs. Trois religieux, également de son Ordre :
le P. Matthieu Strozzi, le P. Nicolas Michelozzi, le P. Santo Cini, l'ayant un
jour trouvée en extase, demandèrent au Seigneur quelques grâces par son
intervention. Or, sans sortir de son ravissement, la Sainte fit connaître qu'ils
étaient exaucés ; elle donna au P. Strozzi et au P. Michelozzi une bénédiction
parce qu'ils avaient demandé chacun une grâce seulement ; mais elle en donna
deux au P. Cini parce qu'il avait demandé deux grâces.
X
Au don de pénétrer le secret des cœurs, la B.
Catherine joignait encore celui de prophétie. Elle annonça au P. Sixte Fabri,
Maître général de l'Ordre de saint Dominique, que s'il s'ingérait dans une
certaine affaire, il aurait à souffrir bien des ennuis: ce qui se réalisa, car
les épreuves arrivèrent, et le P. Fabri finit par être déposé de sa charge de
Général.
La Sainte avait aussi donné à une jeune fille le conseil de
se faire religieuse, lui disant qu'en se mariant elle serait la plus malheureuse
des femmes ; mais celle-ci n'écouta point Catherine. Or, le jour qui suivit ses
noces, son mari fut arrêté, mis en prison pour huit mois, dut vendre tout ce
qu'il possédait et souffrit beaucoup d'infirmités.
Marc-Antoine Ubaldini avait résolu d'épouser une femme de
Rome, contrairement à la volonté de sa mère qui désirait le faire marier à
Florence avec la fille du comte Hugues de Gherardesca ; or, la Bienheureuse lui
prédit qu'il ne quitterait pas Florence sans avoir donné cette consolation à sa
mère ; et, en effet, au moment où il allait monter à cheval pour se rendre à
Rome, il fut saisi par une maladie très grave qui l'obligea à se mettre au lit ;
il n'en sortit qu'après s'être déterminé, suivant la prédiction de Catherine, à
faire la volonté de sa mère.
Elle prédit encore à Magdeleine Ridolphi, épouse de Robert
Ubaldini, et à Marguerite Strozzi, femme de Ristori Serristori, qu'elles
deviendraient veuves, que l'une d'elles se ferait religieuse dans son couvent,
et que plus tard l'autre à son tour s'y retirerait pour y finir ses jours. Elle
annonça à Philippe Salviati que parmi ses nombreuses filles trois seulement se
feraient religieuses et qu'elles choisiraient son monastère Tout s'accomplit de
la manière la plus exacte.
Elle prophétisa à son frère le sénateur Vincent de Ricci,
qu'il' éprouverait de grandes infortunes, mais qu'il s'en relèverait plus
puissant que jamais ; ce qui se vérifia de point en point. Comme elle prévoyait
qu'une des religieuses gravement malade — Sœur Marie-Beniqua dont on attendait à
chaque instant le dernier soupir — causerait par sa mort un grand trouble dans
le couvent où ce jour même on devait donner l'habit de religieuse à Sœur
Marie-Félicie Ricasoli et à Sœur Marie-Gratienne Capponi, elle lui ordonna de ne
pas mourir encore et d'attendre la fin de la cérémonie. Quand tout fut terminé,
elle lui dit qu'elle avait la permission d'expirer, ce que la moribonde fit à
l'heure même.
Catherine prédit aussi à Marie Barducci qu'elle se ferait
religieuse dans son monastère, ce qui eut lieu effectivement, bien qu'à ce
moment-là elle eût une volonté contraire et que son père fût loin de donner son
consentement ; du reste, elle avait déjà fait des démarches pour son entrée dans
un autre couvent. La même chose arriva à Sœur Marie-Perpétue Cini.
Une autre fois, Sœur Dominique Poccetti se désolait, sachant
que sa mère était sur le point de mourir. La Bienheureuse en ce moment malade
elle-même et en danger, fit dire à Sœur Dominique que ni elle ni sa mère ne
mourraient de cette maladie, et la prédiction se vérifia.
Sœur Marguerite Ricasoli l'ayant priée de lui enseigner ce
qu'était l'amour de Dieu, avait eu pour réponse d'aller en paix et que bientôt
elle l'éprouverait. Peu de jours après, cette dernière sentit son âme s'embraser
pour Dieu, au point qu'elle aurait voulu tout souffrir sans croire encore avoir
rien fait. Cet état de ferveur lui dura quelques semaines. De même un certain
Frère Dominique Bigio Reomito qui était très lié avec elle, lui avait bien
souvent demandé des conseils à l'occasion d'une affaire importante et n'avait
jamais obtenu d'autre réponse, sinon qu'il serait éclairé en temps opportun. Or,
en partant de Prato, il fut en effet saisi d'une lumière soudaine qui donna à
son esprit les plus vives clartés et lui fit comprendre la conduite qu'il devait
tenir.
A l'esprit de prophétie s'unissait en Catherine celui de voir
les choses éloignées comme si elles eussent été sous ses yeux. Le Père Timothée
Ricci, son oncle, qui avait été son confesseur et celui de la communauté en même
temps que Prieur du couvent de Prato, mourut à Pérouse ; sans avoir reçu aucun
avis, la Bienheureuse à l'instant même de cette mort, l'annonça à toutes ses
religieuses, afin que, le plus promptement possible, elles priassent pour le
repos de l'âme du défunt. Un jour elle vit venir à elle des hommes de Prato
appelés Frères de la Miséricorde, parce qu'ils assistent ceux que la justice a
condamnés ; ces Frères la supplièrent de prier pour un malheureux qui ne voulait
pas se disposer à la mort, refusant avec obstination de se convertir. Après
avoir fait pour lui une courte prière, elle leur dit de partir, que la
conversion du condamné était déjà opérée, et qu'à leur arrivée ils le
trouveraient dans les meilleures dispositions : ce qui fut vrai.
XI
Indépendamment des dons particuliers que nous
avons déjà mentionnés, la B. Catherine avait un regard si gracieux, empreint
d'une si vive piété et exprimant je ne sais quoi de si divin que, sans dire un
mot, elle touchait le cœur de tous ceux qui la voyaient, et quand ils auraient
été profondément plongés dans le vice, elles les amenaient à changer de vie.
C'est ce qui eut lieu pour Ludovic Capponi, Baccio Lanfredini et Nicolas
Altoviti, qui devint évêque. Un autre prélat, venant au monastère pour y donner
la Confirmation à Catherine et à plusieurs religieuses, fut si touché à son seul
aspect que la plus vive componction pénétra son cœur. Devant célébrer la sainte
Messe avant la cérémonie, il ne fît durant tout ce temps que pleurer ses péchés
; et étant venu à mourir quelque temps après, la Sainte sut par révélation qu'il
avait échappé aux flammes éternelles.
Un certain Baccio, cribleur de grains, homme déjà avancé en
âge et pourtant de mœurs déréglées, se trouvant au couvent à l'heure où les
religieuses faisaient une procession, eut à peine fixé les yeux sur le visage de
Catherine, qu'il se sentit couvert d'une grande confusion et éprouva une vive
douleur de ses péchés. Dès ce moment, il les pleura amèrement et résolut de
changer de vie.
Un jeune libertin au service de Biagio Menochini Luchesi
l'ayant vue seulement de loin, pendant qu'elle était à la grille, fut tellement
captivé par je ne sais quel charme surnaturel, qu'il sentit s'opérer en lui un
changement profond, et ce changement fut si réel et si durable, qu'étant de
retour à Lucques où il avait été jadis une cause de scandale, il devint un
modèle d'édification.
François Maringhi de Florence menait une vie très licencieuse
et se faisait gloire dé ses désordres. Dès qu'il eut vu Catherine et qu'il lui
eut parlé, il se sentit tellement enflammé de l'amour de Dieu que, dès ce
moment, il se livra aux exercices de piété et devint exemplaire, se rendant
chaque jour aux Matines de la cathédrale de Florence, et demeurant après
l'Office pour continuer son oraison.
Une personne noble et lettrée, pour avoir entretenue la
Sainte une seule fois, avait jour et nuit présent à son esprit le souvenir de
Notre-Seigneur et partout où elle allait il lui semblait voir le Sauveur attaché
à la croix.
Les conversions de très grands pécheurs furent encore opérées
par les prières de Catherine, qui demandait à Dieu, pour obtenir leur salut, de
supporter les douleurs les plus atroces et les infirmités les plus graves.
Ainsi, pour le voleur condamné à mort dont nous avons parlé, elle accepta de la
part de Dieu et souffrit pendant longtemps de violents maux de tête.
Elle supporta également de cruelles douleurs de côté pour la
Sœur Louise Nicolini, affaiblie par une longue maladie, sans qu'on pût trouver
aucun moyen d'améliorer son état. Cette pauvre malade s'était livrée au
découragement le plus profond et ne voulait plus rien entendre, renvoyant toutes
les Sœurs qui la venaient voir et jusqu'à Catherine elle-même. Mais, dès que
celle-ci eut fait sur la malade un signe dé croix avec l'anneau que lui avait
donné le Sauveur Jésus, elle se remit aussitôt, reprit son calme et demanda
pardon à toutes les religieuses du scandale qu'elle leur avait donné ; puis, se
recommandant à leurs prières, elle reçut avec une grande piété la sainte
Communion et se disposa à la mort avec une résignation admirable. Peu de jours
après elle expira, et la Bienheureuse vit son âme, après quatre jours de
purgatoire, portée dans le Ciel par la main des Anges.
Dans plusieurs autres circonstances, Catherine endura pour le
prochain d'inexprimables souffrances ; une fois, entre autres, elle offrit grand
nombre de prières et de pénitences pour un personnage important. Après qu'il fut
mort, ayant obtenu de faire une partie -de son purgatoire, elle eut une maladie
que tous les médecins regardèrent comme extraordinaire. Ses chairs
s'embrasèrent, et, en se tuméfiant, devinrent rouges et blanches ; des
étincelles s'en échappaient, de sorte qu'il semblait à Catherine comme à tous
ceux qui l'approchaient qu'elle brûlait. Sa langue était devenue noire comme un
charbon. Pas une religieuse ne pouvait lui tenir la main. Sa cellule même était
si échauffée de son haleine brûlante qu'on n'osait presque y entrer. Cet état de
combustion lui dura quarante jours consécutifs.
XII
L'ardente charité que la B. Catherine faisait
paraître pour obtenir la conversion des pécheurs, elle la montra pareillement en
se procurant, par tous les moyens possibles, des aumônes considérables qu'elle
savait fort bien employer, soit au soulagement des pauvres, soit à doter des
jeunes personnes qui voulaient se marier ou entrer au couvent, et qui, sans
cette aide, auraient couru de vrais dangers dans le monde. Elle avait de la
sorte fait prendre l'habit à plusieurs religieuses de son monastère, avec les
secours dus à la libéralité du sénateur Frédéric de Ricci, son oncle, d'Albert
de Bardi, des comtes de Vernio et de plusieurs autres gentilshommes florentins,
qui rivalisaient de zèle dans l'exercice de la charité et lui donnaient toute
latitude pour employer à son gré leurs aumônes. Toutefois, pour recevoir comme
pour donner, en tout ou en partie, ce qu'on lui offrait, elle se mettait
toujours sous la dépendance des supérieurs.
Catherine obtint par ses prières des grâces nombreuses et
signalées, non seulement pour l'âme, mais aussi pour le corps; c'est ainsi que
grand nombre de personnes l'ayant invoquée dans le péril ou la maladie, se
virent exaucées par sa puissante intercession.
Une grave maladie venait d'atteindre Marie Gualterotti,
épouse de Philippe Salviati ; celui-ci eut soin de recommander sa femme à la
Bienheureuse. La malade s'étant endormie, il lui sembla être au couvent de
Prato, dans la cellule même de Catherine. Or, à son réveil, elle sentit un mieux
sensible et se trouva guérie. Etant ensuite allée faire une visite au monastère,
à peine eut-elle aperçu la Sainte qu'elle la reconnut, bien qu'elle la vît pour
là première fois ; elle lui dit que c'était elle qui l'avait guérie et lui en
témoigna toute sa reconnaissance.
Le chevalier Bernard Ricasoli, venant d'être nommé
ambassadeur du grand duc de Toscane auprès du duc de Bavière, se fit recommander
par sa mère à la B. Catherine, afin que Dieu lui accordât par ses prières un
heureux voyage pour aller comme pour revenir. En sortant de la porte de
Florence, il vit marcher devant lui une religieuse vêtue de blanc comme les
Sœurs du couvent de Saint-Vincent de Prato ; cette religieuse l'accompagna
jusqu'aux portes de Monaco, d'où il partit pour aller remplir sa mission
diplomatique ; il la retrouva au retour pour parcourir le même trajet de Monaco
à Florence. Le chevalier voulut ensuite se rendre à Prato et, bien qu'il n'eût
jamais vu Catherine auparavant, il la reconnut au milieu d'une foule de Sœurs,
et dit avec assurance que c'était elle-même qui lui était apparue durant son
voyage.
Une jeune personne ayant eu le malheur de tomber dans un
précipice, s'empressa d'invoquer le secours de la Sainte qu'elle connaissait, et
il lui parut qu'elle la retirait du fond de l'abîme. Elle en sortit, en effet,
sans aucun mal ; ses habits déchirés et quelques marques à la joue droite
restèrent les seules preuves de sa chute.
Une jeune villageoise, atteinte d'hydropisie, était allée au
couvent demander la sainte religieuse, Catherine qui gardait la porte ne
daignant pas la regarder et, lui fermant le guichet, se contenta de dire : « Ici
on ne parle pas de sainte ou non sainte : les saints ne sont qu'au Ciel ! »
Cependant, à la prière de quelques Sœurs, témoins du fait, elle consentit à
ouvrir la porte de nouveau pour consoler cette malheureuse, fit sur elle le
signe de la Croix et la guérison de la malade fut complète.
XIII
Les grands sentiments d'humilité et de
dévotion à l'égard de la Passion de Notre Seigneur qui brillaient dans la vie de
la B. Catherine, se manifestèrent jusqu'à sa mort. Après avoir vécu en religion
cinquante quatre ans, ayant rempli la charge de Prieure ou de Sous-Prieure
l'espace de quarante-deux ans, donnant des exemples éclatants de sainteté, elle
fut assaillie du mal qui devait l'emporter au bout de neuf jours. Quand elle en
ressentit les premières atteintes elle s'empressa de demander pardon à toutes
les religieuses, leur assurant qu'elle n'était pas celle que l'on pensait, mais
plutôt une pécheresse, le fardeau et l'ennui du couvent ; puis, s'étant fait
administrer le très saint Viatique, elle continua ses méditations jusqu'au
dernier soupir, exprimant dans son corps les divers mystères de la Passion du
Sauveur Jésus, son Epoux, comme elle avait coutume de le faire quand elle était
en santé. Elle plaça les mains et les pieds comme les avait le Sauveur
crucifié ; après avoir demandé à boire, elle prit une potion amère que le
médecin avait ordonnée. Elle pria ensuite le Seigneur de hâter sa mort, non à
cause des souffrances qu'elle endurait, mais pour ne pas accabler davantage ses
pauvres religieuses qui demeuraient constamment autour d'elle, sans qu'une seule
voulût aller se reposer. C'est ainsi qu'elle rendit paisiblement son âme à Dieu
vers les huit heures du soir, la veille de la fête de la Purification de la Très
Sainte Vierge, le 1er février, l'an 1590. Elle avait atteint sa
soixantième année.
Avant comme après sa mort, des concerts et des mélodies
angéliques furent entendus par un grand nombre de religieuses, et si la plupart
ne pouvaient pas bien distinguer les paroles de ces chants, quelques-unes
pourtant crurent saisir ces mots : Veni, sponsa Christi, accipe coronam,
etc. — Veni, electa mea, etc. Du reste, elles s'accordaient toutes pour
affirmer que ces voix étaient surhumaines, d'autant qu'à cette heure les Sœurs
ne chantaient pas, étant toutes plongées dans la douleur, et qu'en outre, ces
chants ne venaient pas du dehors, mais qu'on les entendait dans les airs,
au-dessus du couvent.
A peine morte, et avant même de rendre le dernier soupir, la
Sainte resplendit d'un tel éclat qu'on ne pouvait fixer sur elle les regards. La
beauté de son visage surpassait toute beauté humaine et paraissait vraiment
angélique. Son corps répandait une odeur très embaumée, odeur que l'on sentit
longtemps autour de son tombeau. Ce parfum était si agréable, si extraordinaire,
qu'on ne pouvait rien lui comparer ; il s'exhalait des petites feuilles sur
lesquelles, avec son sang, quand on fit l'ouverture du corps, plusieurs
Religieuses avaient gravé des croix, des cœurs ou le saint Nom de Jésus.
Pendant que ces précieuses dépouilles étaient au chœur, on
observa que la main qui était posée sur l'autre parut, à un moment donné,
brillante comme un rayon de soleil. Le corps de la Bienheureuse resta ainsi
exposé dans l'église pendant deux jours, pour donner satisfaction à la piété des
fidèles qui venaient en très grand nombre à Prato, de Florence et de tous les
lieux circonvoisins. Ce même concours continua longtemps au tombeau de
Catherine, tant à cause de la renommée de sa sainteté que par l'espoir que
chacun nourrissait d'obtenir de nombreuses grâces par son intercession.
On sait aussi qu'au moment de sa mort, comme plus tard en
plusieurs autres occasions, la Bienheureuse apparut à un grand nombre de
personnes, toute environnée de gloire. Au moment de son trépas, une pieuse
personne de Prato vit une procession composée de saints et de saintes, dans la
compagnie desquels était le Sauveur Jésus qui conduisait son épouse au Ciel ;
comme elle entendit bientôt après sonner au couvent de Saint-Vincent la mort
d'une Sœur, elle comprit que cette épouse placée près du Sauveur était la B.
Catherine.
C'est également à Prato que Baccio Verzoni, au moment même où
la Sainte expirait, commença à se désoler et à gémir; comme on lui demandait la
cause de ses cris douloureux, il répondit que la B. Catherine venait de mourir,
et qu'il l'avait vue environnée d'une grande lumière; peu après on entendit le
son de la cloche qui annonçait sa mort.
Sœur Philippine Dardinelli, priant une nuit près de son
tombeau sentit tout à coup une odeur très suave, et, se tournant, elle vit la
Bienheureuse toute resplendissante ; c'est ce qui arriva encore cette même nuit
à Sœur Anastasie Marchi. Sœur Foy-Victoire Salviati se rendant un jour au chœur,
l'aperçut dans une nuée, vêtue de blanc, et comme elle voulait s'approcher, la
Sainte disparut.
La Marquise Euridice Malespina était allée quelque temps
après la mort de la B. Catherine à Prato, pour y visiter quelques religieuses ;
ayant entendu que parfois la Sainte faisait des apparitions, elle manifesta le
désir de la voir. Or, durant une nuit où elle était éveillée, Catherine lui
apparut resplendissante.
Sœur Catherine, filleule de cette marquise, assistant à une
procession que les religieuses font de la chapelle au jardin, vit la
bienheureuse à une fenêtre du dortoir qui donnait sur ce jardin ; elle était
avec son habit ordinaire, mais avait autour de la tête une brillante auréole en
guise de diadème et elle bénissait les Sœurs.
La Bienheureuse apparut encore à d'autres religieuses de
différents couvents, mais la vision que nous signalons par dessus toutes les
autres, est celle de sainte Marie-Madeleine de Pazzi qui, ravie en extase,
aperçut Catherine au milieu des élus dans toute l'ivresse du triomphe.
XIV
Outre les miracles que la B. Catherine avait
obtenus du Seigneur pendant sa vie, on en compte plusieurs autres après sa mort.
Il arriva à une époque que le vin du couvent de Saint-Vincent
qui devait servir pour les religieuses vint à se gâter entièrement. Comme
celles-ci, du vivant de Catherine, se recommandaient à elles pour tous leurs
besoins, et en obtenaient ce qui leur était nécessaire, en cette circonstance
elles eurent encore recours à son intercession : on fit une procession
solennelle où était porté en tête le manteau de la Sainte ; on entra dans la
cave pour y bénir toutes les barriques, et, subitement, il se répandit de tous
côtés une odeur des plus suaves, semblable à celle qu'on avait sentie à la
sépulture. Dès ce moment, le vin qui s'était gâté reprit toute sa vertu, et on
trouva même qu'il était de meilleure qualité qu'avant son altération.
Sœur Véronique de Ricci, nièce de la B. Catherine, se
trouvait atteinte d'une fièvre aiguë très intense, qui l'avait déjà fait
condamner par tous les médecins ; la mère Prieure voulut employer comme déjeuner
remède la protection de la Sainte, qu'elle fit implorer en portant en
procession, à la malade, le manteau de sa vénérable tante. L'effet fut
immédiat ; car, après avoir touché ce manteau, la moribonde tomba dans un
profond, mais très paisible sommeil, et, s'étant réveillée, elle se trouva fort
soulagée et le lendemain, dès l'aube, elle était entièrement guérie.
Pareille grâce fut accordée à Bernard Céparelli, chirurgien
de Prato ; étant dans un état désespéré, on alla chercher un bandeau de la B.
Catherine qu'on lui appliqua dans la soirée et qu'on laissa sous son chevet : il
s'endormit aussitôt, et, vers minuit, se réveillant, il se trouva mieux; le jour
suivant il n'avait plus de mal.
Catherine Blasini, jeune enfant de sept ans, était obsédée
par le démon et on avait employé à son égard, sans aucun succès, tous les
exorcismes ordinaires de l'Eglise ; mais à peine sa mère eut-elle apporté
quelques-unes des reliques de la B. Catherine, que l'enfant se vit entièrement
délivrée.
Sœur Catherine-Alexandra Bonzi, religieuse de Saint-Vincent
de Prato, fut guérie trois fois par notre Sainte d'une manière miraculeuse. La
première fois, sa guérison fut instantanée. Une inflammation de l'artère qui
l'avait fait souffrir pendant plusieurs années d'une manière notable, en était
venue à la réduire à l'extrémité, au point qu'on ne cessait de la veiller, et
son confesseur dans les moments de crise était là pour l'administrer, tant était
périlleux son état. Or, sa guérison eut lieu le 4 du mois de mai 1726, par la
seule application du bâton dont se servait la B. Catherine. La seconde fois,
elle fut encore guérie instantanément; car reprise de la même maladie, elle
avait déjà reçu le Viatique et on était sur le point de lui faire les onctions
de l'huile sainte, quand le même remède produisit une nouvelle guérison. La
troisième fois elle fut délivrée d'une hydropisie qui la tourmenta pendant deux
mois ; elle avait les jambes et les mains enflées, mais en peu de jours
l'enflure disparut, car, s'étant recommandée de nouveau à l'intercession de la
B. Catherine, elle obtint une parfaite santé sans l'aide d'aucun médicament. Les
deux premiers miracles opérés sur la personne de cette religieuse ont reçu la
haute approbation de la Congrégation des Rites.
Sœur Elisabeth Chérubina, religieuse converse du couvent de
Sainte-Claire de Prato, ayant été tourmentée pendant cinq ans et plus d'une
forte sciatique, se trouvait depuis quatre mois clouée sur son lit sans pouvoir
se remuer. Quand elle apprit la grâce obtenue par Sœur Catherine Bonsi, au moyen
du bâton dont se servait la B. Catherine, elle demanda ce même bâton ; l'ayant
obtenu, elle l'appliqua dévotement sur l'endroit malade. S'étant endormie, après
deux heures, elle reposa tranquillement toute la nuit, ne s'éveillant que deux
ou trois fois, et sentant chaque fois un soulagement progressif ; elle voulut
ensuite se tourner commodément dans son lit et le fit sans difficulté. Peu de
jours après, elle était en complète santé. Ce miracle porte le n° 11 dans la
série mentionnée des douze, soumis à l'examen de la Congrégation générale des
Rites, et y reçut, à son tour, la même approbation.
Si l'on ne craignait de dépasser les limités d'un simple
aperçu, on pourrait citer encore un grand nombre de grâces obtenues de Dieu par
notre B. Catherine de Ricci. Même de nos jours, la Sainte continue à exaucer
ceux qui ont recours à elle, et invoquent son intercession avec cette foi vive
dont parle l'Apôtre, foi qui opère par la charité, et qui est unie à un vrai et
sincère désir de plaire à Dieu et de le servir avec fidélité.
XV
Comme on vient de le voir, les, miracles opérés
par sainte Catherine après sa mort allaient se multipliant et tout se préparait
pour faire entrer sa cause dans la voie qui devait la conduire aux honneurs
suprêmes de l'Eglise. La première procédure eut lieu tout de suite après la mort
de la Sainte, et quand cette instruction du procès fut terminée devant le
tribunal de l'Evêque, le Pape Urbain VIII appela la cause en Cour de Rome. En
1624, furent nommés des juges commissaires, dont la procédure arriva au tribunal
de la Rote. .Là commission nommée pour l'examen des vertus, des extases et des
miracles de la servante de Dieu, concluait, par le vœu présenté au
Souverain Pontife, qu'on pouvait procéder en sûreté à la Béatification.
Sur ces entrefaites, Urbain VIII ayant publié les nouveaux
décrets qui modifiaient la procédure pour la canonisation des Saints, tout ce
qui avait été fait pour la cause de Catherine fut annulé de plein droit, et l'on
dut remettre à plus tard les nouvelles instructions. Après un jugement
favorable, obtenu selon les règles d'Urbain VIII, soit au tribunal de
l'ordinaire en 1675, soit à celui de la Congrégation des Rites en 1679, on vint
au troisième et dernier examen des vertus de la Servante de Dieu.
Le premier décret en faveur de l'héroïcité des vertus de la
Vénérable, eut lieu sous le Pape Benoît XIII, le 7 mai 1727 ; le second, en
faveur de l'authenticité des miracles, sous le Souverain Pontife Clément XlI, le
30 avril 1732. Enfin la Béatification solennelle fut célébrée à Saint-Pierre par
le même Pape, le 23 novembre suivant.
A Florence la joie fut immense et remplit toute la ville, où
de brillantes fêtes furent célébrées, dans les couvents dominicains de
Saint-Marc et de Santa-Maria-Novella. L'illustre famille de Ricci s'entendit
avec les religieux de l'Ordre pour déployer une grande pompe à l'occasion du
Triduum, célébré au milieu d'un grand concours de peuple. Les membres de la
famille Ducale et les magistrats de la ville voulurent rendre hommage à leur
illustre compatriote, devenue au ciel leur puissante protectrice.
L'année suivante, 1733, eurent lieu les fêtes spéciales du
monastère de Saint-Vincent de Prato ; l'on terminait la construction d'une
église splendide. C'est le 26 du mois de septembre qu'on ouvrit le tombeau de la
Bienheureuse, en présence d'une foule de personnages appelés comme témoins.
Après 142 ans de sépulture, les restes sacrés de celle qui fut l'épouse de Jésus
Crucifié, apparurent aux yeux des générations nouvelles. Au premier aspect, on
fut étonné de voir qu'une partie de son corps eût conservé ses chairs, tandis
que les autres ne présentaient plus que des ossements desséchés. Mais on fut
surtout saisi d'admiration quand on -put constater que les parties respectées
par la mort étaient celles qui portaient les marques du crucifiement mystérieux
de la Sainte avec Jésus-Christ. Tous les ornements funèbres étaient tombés en
poussière, excepté la petite croix de bois qu'on place dans la main de chaque
religieuse partant pour l'éternité.
Tout était prêt pour que ce corps sacré fût désormais en
spectacle au monde. Retiré de sa tombe par des mains sacerdotales, il fut
religieusement déposé dans une belle châsse dorée, ouverte et protégée par des
glaces des quatre côtés. Quand les fêtes triomphales s'ouvrirent et qu'on put
voir la Sainte apparaître sur une estrade élevée, il y eut dans cette immense
assemblée un tressaillement universel de joie, d'amour et de vénération. Pendant
ces trois jours, on ne se lassait pas de contempler ces reliques vénérées.
Aussitôt après la béatification, de nouveaux miracles non
moins éclatants que les autres, provoquèrent la reprise delà procédure,
autorisée en 1734 par Clément XII. L'examen de ces miracles soumis à la
Congrégation des Rites, ne fut terminé que dix ans après.
Le Pape Benoît XIV pour leur donner sa solennelle
approbation, en 1744, choisit le jour de la fête de saint Philippe de Néri ;
enfin, deux ans après, le 29 juin 1746, à la grande solennité de saint Pierre et
de saint Paul, il inscrivait le nom de la B. Catherine de Ricci dans le
Catalogue des Saints, la proclamant. sainte à la face de l'Eglise universelle.
La bulle de canonisation est le plus admirable résumé de cette vie merveilleuse.
Dans : Année dominicaine ou vies des saints, des
bienheureux, des martyrs et autres personnes illustres ou recommandables par
leur piété de l’un ou l’autre sexe de l’Ordre des Frères-Prêcheurs distibuées
suivant les jours de l’année. Nouvelle édition revue et annotée par des
religieux du même Ordre, Février t. II, Lyon,Jevaix imprimeur-éditeur, 1884.
Abrégé de la vie de la B. Catherine de Ricci, d'après les pièces du
procès de béatification, par le P. Virginio Valsechi (Florence, 1738);
Vie de Sainte Catherine de Ricci par le P. Ceslas Bayonne (Paris 1873).
Actuellement sainte Catherine de Ricci est fêtée le 4 février.
Catherine, par
l'ascendant de sa sainteté, avait attiré et conduisait à Jésus-Christ
non seulement une multitude de filles ou de femmes pieuses vivant dans
le monde mais encore bon nombre de prêtres, séculiers ou religieux,
plusieurs nobles citoyens, de Florence, qui gardaient pour la mémoire de
Savonarole un culte ; enthousiaste, culte que la Sainte pratiquait
elle-même.
Ce Christ est encore aujourd'hui conservé et vénéré au monastère de
Prato, dans la cellule de la Sainte.
NOTA :
Nous remercions soeur Ancilla Marie pour
l'envoi de cet extrait biographique de Sainte Catherine de Ricci.


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