LA VOIE MYSTIQUE

adveniat regnum tuum

BIENHEUREUSE
Catherine de Ricci
Religieuse dominicaine du Couvent de Prato,
près Florence
[1] (1522-1589)
13 février
[2]

 

I - II - III - IV - V - VI - VII - VIII - IX - X - XI - XII - XIII - XIV - XV

I

La B. Catherine vit le jour à Florence, le 23 du mois d'avril 1522. Elle appartenait à l'illustre famille patricienne des Ricci, qui n'a cessé, jusqu'à nos jours, de produire des personnages recommandables par la sainteté, par  les hautes dignités exercées dans l'Église, et par les charges publiques, ou la célébrité dans les lettres.

Le père de Catherine, Pierre-François de Ricci, était un homme fort distingué, remplissant les plus hauts emplois de son pays, la noble cité de Florence ; sa mère se nommait Catherine et sortait de la famille célèbre de Panzano, branche de la maison Ricasoli.

Au baptême, on donna à l'enfant prédestinée le nom d'Alexandrine Lucrèce Romola ; et comme Notre-Seigneur voulait déjà l'admettre au nombre de ses épouses, il commença de bonne heure à l'enrichir de ses grâces ; c'est pourquoi, dès ses plus tendres années, elle eut des ravissements, des visions, et put jouir d'entretiens familiers avec son Ange gardien. Cet esprit céleste fut son maître dans la connaissance des choses divines, et, en particulier, pour la manière de faire oraison, de réciter le saint Rosaire ; de telle sorte que, toute petite enfant, Alexandrine ayant perdu sa mère selon la nature, mérita l'affection et la protection spéciale de la Mère de Celui dont elle devait être un jour l'Épouse.

Ce fut aussi dès son plus jeune âge qu'elle conçut une dévotion si grande, une tendresse si vive à l'égard de la Passion du divin Sauveur. Ayant été placée pour son éducation dans le monastère de Saint-Pierre de Monticelli, hors la porte de Florence, où une de ses tantes était abbesse, on la voyait sans cesse en méditation devant une touchante image de Jésus en croix. Quand les autres pensionnaires allaient en récréation, tout le délassement de leur jeune compagne était de rester à genoux devant le Crucifix et d'y exhaler de nombreux soupirs. La pieuse enfant récitait chaque jour devant cette image trente-cinq Pater, en mémoire des principaux mystères de la Passion de Notre-Seigneur: l'Oraison du Jardin des Oliviers, l'Arrestation, la Flagellation, le Couronnement d'épines, le Portement de Croix, le Crucifiement et la Sépulture. A chaque mystère, elle cherchait à représenter en sa personne l'attitude du Sauveur souffrant ; c'est pourquoi elle récitait les mains ferles au ciel cinq Pater en l'honneur de l'Oraison du Jardin des Oliviers ; elle récitait cinq autres Pater en l'honneur de l'Arrestation de Jésus, se tenant alors les mains comme liées sur la poitrine ; pour rappeler la flagellation elle prenait la position et les traits du divin Supplicié, attaché à la colonne. Le spectacle de cette petite fille s'efforçant de reproduire à sa manière tous les états de victime par où l'Homme-Dieu avait passé, faisait fondre en larmes ceux qui en étaient les témoins ; et l'on rapporte que l'image du Christ s'anima plus d'une fois pour s'entretenir avec l'enfant. Le bruit du prodige se répandit bientôt dans le monastère et perça au dehors. A partir de ce moment, l'image ne fut plus connue que sous le nom de Crucifix d'Alexandrine ; pour satisfaire la piété des fidèles les Sœurs durent la transférer dans un endroit plus en évidence : à la mort de la Sainte, on la plaça dans la chapelle de saint Antonin, où on la vénère encore aujourd'hui.

II

Ainsi favorisée, la jeune enfant aurait pu paraître au comble de ses vœux ; il n'en était rien pourtant. Dieu qui lui mettait au cœur la ferme volonté de ne se consacrer à lui que dans une maison d'exacte observance, lui inspira de quitter le monastère de Monticelli où l'on menait une vie un peu relâchée. La pieuse enfant s'éloigna donc de ces pauvres religieuses qui auraient voulu la garder au milieu d'elles, et porta ses vues ailleurs. Ayant fait providentiellement connaissance des Sœurs de Saint-Vincent de Prato, du Tiers-Ordre de saint Dominique, qui formaient pour lors une réunion de vierges très pieuses, elle demanda à son père la permission d'aller s'enfermer avec ces chastes épouses de Jésus crucifié. Son père répondit d'abord par un refus inexorable ; il fut néanmoins vaincu par la fervente prière de sa chère Alexandrine, et consentit à son entrée au monastère, mais pour dix jours seulement. Ces dix jours suffirent pour inspirer à l'enfant un si vif attachement à cette sainte retraité, que son père étant venu pour l'emmener après le délai convenu, elle ne voulut jamais consentira le suivre, nonobstant prières et menaces ; elle ne céda à la fin, qu'après avoir obtenu l'assurance, donnée avec serment, qu'on l'y ramènerait bientôt. Elle fit paraître à cette occasion une portée d'esprit et une force d'âme supérieures à son âge, et on pouvait déjà admirer la puissance souveraine de la grâce qui possédait son cœur.

Après être sortie du couvent, la douleur d'en être éloignée causa à Alexandrine une grave maladie. Comme elle craignait que par là sa rentrée ne fût trop retardée, elle s'en affligeait grandement et portait sa plainte jusqu'aux pieds de Jésus. Pour la consoler, le Sauveur lui apparut une nuit, accompagné de sa très sainte Mère, de sainte Cécile et de sainte Thècle. Il portait à la main un précieux et resplendissant anneau, et lui faisant un signe de croix sur le front, il la guérit et lui donna l'assurance que, dans peu de temps, elle serait ramenée au monastère. Il ajouta qu'elle devait se préparer à souffrir un grand nombre d'infirmités et d'angoisses ; mais, lui montrant l'anneau qu'il avait à la main, il lui promit de la rendre un jour une de ses épouses chéries ; cette assurance lui fut confirmée par la Bienheureuse Vierge.

Quand elle eut relevé de maladie, son père, fidèle à sa promesse et surmontant sa douleur, la reconduisit dans le monastère, où commençaient à affluer de nombreux sujets, attirés par la sainteté des religieuses. La nouvelle venue se prépara à la réception du saint habit par des oraisons assidues et de grandes mortifications. La cérémonie de vêture eut lieu le 18 mai 1535. Elle fut faite par le R. P. Timothée de Ricci, son oncle, religieux d'une vie exemplaire et confesseur du couvent. Son nom d'Alexandrine fut remplacé par celui de Sœur Catherine : elle avait atteint depuis peu la treizième année de son âge.

La nouvelle fiancée de Jésus-Christ, pendant qu'on donnait l'habit à une autre postulante, demeura à genoux, abîmée en Dieu ; ravie hors d'elle-même, elle fut conduite dans un jardin délicieux où elle trouva le Seigneur Jésus et sa sainte Mère qui lui firent mille caresses. Pendant l'année de son noviciat elle eut beaucoup d'extases de ce genre. Les Sœurs qui ne connaissaient de la jeune novice que ce qui paraissait au dehors, et qui ignoraient les grâces exceptionnelles et les visions dont le Seigneur la favorisait depuis son premier âge, crurent d'abord à des évanouissements produits par certaines indispositions. Mais bientôt les avis furent partagés ; sa conduite parut si extraordinaire qu'on ne semblait voir en elle qu'infidélités et désobéissances. Si la règle l'appelait à un exercice, elle n'en avait pas conscience, perdue qu'elle était dans ses visions célestes. Avait-elle à répondre à ses Supérieures, elle ressemblait à une personne qui parle à moitié endormie, car à force de converser intérieurement avec Jésus-Christ, son âme s'était tellement concentrée au dedans d'elle-même qu'elle semblait tout à fait étrangère aux choses extérieures. Son goût pour la prière semblait aux yeux de ses Maîtresses entaché d'esprit personnel, de volonté propre. Toutes ces choses avaient fini par lui ôter toute considération dans le monastère ; on la regarda bientôt comme un sujet moins que médiocre qui allait être un embarras. La pauvre novice ainsi méprisée se vit menacée d'être renvoyée définitivement. Ce fut l'épreuve la plus pénible de sa vie : alors on la vit se jeter aux genoux des religieuses, se prosterner à leurs pieds. Ses larmes et ses sanglots provoquèrent leur compassion ; et en dépit de tout signe d'incapacité, elle fut reçue à la profession.

Quand elle eut accompli ce grand acte, Sœur Catherine eut des extases encore plus fréquentes ; elle s'efforçait de tenir ces faveurs cachées, afin que les religieuses ne fissent aucune attention à elle. Toutefois, malgré ses précautions, on soupçonna la vérité, et elle reçut ordre du confesseur, Frère Timothée de Ricci, son oncle, de lui faire connaître ainsi qu'à la Mère Marie Madeleine Strozzi tout ce qui lui arriverait d'extraordinaire. Sœur Catherine obéit simplement.

C'est à cette époque de sa vie qu'on doit placer une des plus grandes et plus rudes épreuves que le Seigneur lui envoya ; ce fut un martyr secret qui dura deux années entières. On dit que pour soutenir la douce victime, la Sainte Vierge lui révéla le cantique de la Passion, formé exclusivement des paroles de la Sainte Ecriture, cantique qui est entré depuis dans les pratiques de dévotion particulières à l'Ordre de Saint Dominique.

Sœur Catherine fut donc accablée par une maladie des plus graves, que les médecins déclarèrent incurable. Et, chose admirable, au milieu des plus vives souffrances, notre Sœur était si douce, si patiente, que le moindre murmure ne venait trahir son courage. Les religieuses voyant l'impuissance des secours humains, songèrent aux moyens surnaturels. Une date célèbre dans leur monastère leur donna la pensée de faire un vœu à certains Bienheureux de l'Ordre : c'était l'anniversaire delà mort de Jérôme Savonarole et de ses compagnons.

Ce grand homme, vénéré par un bon nombre comme un saint pendant sa vie, l'était davantage depuis sa mort tragique. Sa mémoire était toujours l'objet d'un culte pieux et enthousiaste, mais nulle part elle ne l'était davantage que parmi les Sœurs de Saint-Vincent. Savonarole était pour elles un ancêtre, ayant prophétisé l'érection de leur monastère, et indiqué de la main le lieu prédestiné. Sa parole apostolique avait semé les germes de vocation dans l'âme de ses fondatrices. Avec sa mémoire, celles-ci gardaient avec le plus grand soin des objets qui lui avaient appartenu. Catherine fit, de concert avec ses Sœurs, un vœu au Frère Jérôme et à ses compagnons pour obtenir sa guérison avant sa fête, qui arrivait dans trois jours. Or, le 23 mai, veille du dernier jour, elle avait demandé à rester seule dans sa cellule pour prier avec plus de ferveur ceux dont elle avait sur l'autel les reliques. Vers quatre heures du matin, appuyée sur le petit autel elle s'endormit ; alors trois Frères revêtus de l'habit de saint Dominique lui apparurent, environnés d'une grande splendeur ; celui du milieu était porté sur un nuage éclatant.

« — Qui êtes-vous ? s'écria Catherine — Quoi, répondit le Frère, tu ne me connais pas ?

— Non, Père, dit-elle — A qui demandes-tu ta guérison ? — Au Frère Jérôme, répartit la Bienheureuse. — C'est moi qui suis Frère Jérôme, et je viens te guérir. » Il lui recommande l'obéissance, fait sur elle un grand signe de croix, et Catherine se trouve instantanément guérie. Six mois après cette guérison, vers la fin d'octobre 1540, elle fût atteinte de la petite vérole, qui la conduisit encore aux portes du tombeau. Elle était dans les angoisses de l'agonie, lorsque le premier jour de novembre, vers deux heures du matin, elle sentit une main la secouer et entendit une voix qui l'appelait. Elle vit devant elle les trois mêmes Saints qui l'avaient guérie une première fois. Elle veut appeler la Sœur qui reposait près d'elle, mais Frère Jérôme lui fait signe de la main de se tenir en repos, et lui demande ce qu'elle désire : « Père, la santé, si c'est le bon plaisir de Dieu ! — La santé te sera rendue, » dit le Saint. Et faisant alors sur elle plusieurs fois le signe de la croix, ses douleurs disparurent entièrement. Le Bienheureux Jérôme lui ordonna pour pratique d'obéissance de ne pas sortir sans la permission de la Sœur infirmière.

Ce nouveau miracle excita une plus grande admiration et la Sainte, pour traduire sa reconnaissance, composa un Lauda ou chant d'action de grâces aux martyrs, les BB. Jérôme, Dominique et Sylvestre. Il se trouve dans ses écrits.

En éprouvant sa fidèle servante par la maladie et la douleur, Dieu d'un autre côté ne cessait de la récréer par des visions plus fréquentes que jamais. Après les deux guérisons que nous venons de mentionner, la pieuse novice eut la consolation de voir se multiplier en sa faveur, pendant près d'une année entière, d'autres apparitions du même B. Père Jérôme, de la Très Sainte Vierge et du saint Enfant Jésus. Par moment, Dieu usait à son égard de prévenances vraiment singulières. Un jour que la Sœur désirait se confesser et se tenait à l'église, elle aperçut le P. Timothée Ricci au confessionnal ; elle lui fit sa confession ordinaire et vint ensuite avertir une autre religieuse désireuse, elle aussi, de s'approcher du saint tribunal. A sa grande surprise, elle apprit que le Père confesseur était parti le matin même pour Florence et Dieu lui révéla aussitôt qu'il lui avait envoyé le V. Père Jérôme pour satisfaire son désir. D'autres fois, c'était pour lui donner certains avertissements que ces apparitions avaient lieu. Le bon Maître semblait prendre plaisir à lui prouver qu'il se plaisait à faire la volonté de ceux qui le craignent. Mais au milieu de ces visions merveilleuses, Sœur Catherine avait à essuyer les plus grandes douleurs. Ce fut durant trois années une alternative continue de souffrances sans nom et de consolations célestes. Il eut pourtant manqué quelque chose à ces épreuves, si les persécutions du démon n'y eussent apporté leurs angoisses. L'obéissance l'avait toujours rassurée dans ces apparitions extraordinaires qui la laissaient toujours en pleine santé, sans la moindre trace des horribles douleurs qu'elle avait endurées; mais l'ennemi de tout bien ne pouvait voir sans dépit celle qui devait servir si puissamment à détruire son empire. Alors commença une lutte à outrance. Sœur Catherine cherchait-elle un lieu propice pour y faire oraison, le démon lui fermait le passage par mille obstacles qui l'empêchaient d'y entrer ; ces obstacles vaincus, il lui en suscitait de nouveaux pour l'empêcher de se mettre à genoux, et si elle y parvenait, il la jetait à terre, la poussait de côté et d'autre, la tirait par son voile, ou bien encore il lui apparaissait sous les formes les plus menaçantes, poussait des cris horribles; puis changeant de tactique, il se transformait en ange de lumière pour lui faire perdre sa paix et son recueillement. Catherine, simple et douce, supporta tous ces assauts avec une force héroïque, et le Seigneur, touché de ses prières, l'assura pour la réconforter que jamais elle ne serait la victime des illusions de Satan.

III

Aimable envers tout le monde, de la plus grande douceur et affabilité, c'était surtout à l'égard des malades que sainte Catherine montrait une charité attentive. Elle demeurait toujours à leurs côtés pour les consoler, leur venir en aide, se mettre à leur disposition pour les services les plus abjects et les plus rebutants. Si le mal allait s'aggravant et, qu'on dût garder la malade jour et nuit, elle se levait deux ou trois heures avant Matines, allait à l'infirmerie pour envoyer se reposer les Sœurs qui avaient veillé jusqu'à ce moment. Dès que le mal présentait un caractère désespérant, elle multipliait encore ses visites, et, avec une grande sollicitude, elle allait et venait si souvent, que les religieuses, voyant son assiduité, en concluaient que la mort de là malade était proche. Le moment de l'agonie venu, elle ne se retirait plus, et bientôt ravie en extase, elle ne revenait à elle qu'après que la moribonde avait expiré, l'accompagnant, disait-on, dans le lieu du repos éternel. Son réveil après l'extase était la preuve manifeste que la malade avait rendu le dernier soupir.

Durant les nombreuses et très cruelles infirmités dont elle fut atteinte elle-même, elle montra une force si héroïque, une patience telle, qu'elle remplissait de stupeur les médecins. Elle ne prononçait aucun mot, ne donnait aucun signe, ne faisait le moindre mouvement qui pût dénoter la moindre impatience. C'était une conviction bien arrêtée dans l'esprit des religieuses, qu'elle demandait au Seigneur de souffrir toutes ces peines, à l'effet d'obtenir la conversion de certains pécheurs qu'elle connaissait, ou bien celle d'autres âmes qu'on avait recommandées à ses prières. Elle supporta avec une égale résignation les reproches, que lui adressèrent pendant longtemps plusieurs personnes qui l'accusaient d'être une sorcière, une hypocrite. La Bienheureuse ne se plaignait alors de rien et n'éprouvait qu'une peine, celle devoir à son occasion quelque trouble dans le monastère.

Très fidèle elle-même à l'observance de la Règle, sans cesse elle y exhortait ses Sœurs ; quand elle s'apercevait que quelqu'une venait à y manquer elle en éprouvait une vive douleur et avertissait la délinquante avec la plus grande charité.

Cette Bienheureuse pénitente avait un grand nombre d'industries pour châtier son corps. Chaque nuit, elle prenait très peu de sommeil, employant de longues heures à la prière ; elle portait un rude cilice et une chaîne qui la meurtrissait cruellement, se flagellait très souvent avec une discipline de fer, jeûnait bien des fois au pain et à l'eau, gardait l'abstinence de viande et d'œufs, abstinence qu'elle observa l'espace de quarante huit ans, c'est-à-dire de 1542 où elle reçut cet ordre du Sauveur Jésus, jusqu'à sa mort. Elle se nourrissait seulement d'herbes, de légumes, et acceptait quelquefois un peu de laitage ; elle suivait ce régime même en temps de maladie, et si alors on lui donnait à manger delà viande ou des œufs, ou même si on lui faisait prendre du bouillon gras, elle ressentait aussitôt de cruelles douleurs d'estomac.

Notre Sainte montrait une obéissance très exacte et très prompte, et quoique l'ordre donné fût parfois de nature à découvrir ses extases, ses visions où autres grades extraordinaires qu'elle recevait de la bonté de Dieu, elle obéissait toujours fidèlement, malgré là répugnance qu'elle ressentait à cause de sa grande humilité. Durant le temps qu'elle s'abstenait de viande, quoique malade, ayant reçu ordre de prendre un bouillon gras, elle fit sur-le-champ, bien qu'il dût en résulter pour elle de vives souffrances.

Quand elle était élue Prieure ou Sous-Prieure de son couvent, ce n'était que par obéissance qu'elle consentait à accepter cette charge. Elle excellait dans la pratique de cette vertu, et Dieu se plut à l'en récompenser par le don du -miracle. Un jour on s'aperçut de la fermentation de toute la provision de blé de la communauté. La supérieure commanda, à Catherine de marcher pieds nus sur le grain ; l'humble Sœur obéit sans hésiter, et le blé reprit sa qualité première sous les pas de cette vierge obéissante.

On peut déjà conclure de tout ce qui a été dit, et de ce que nous dirons dans la suite, combien fut grande l'humilité de notre Sainte.

Or, qui ne sait que cette vertu est la pierre de touche de toutes les autres et la conservatrice des faveurs célestes. Sa compagne, Sœur Marie-Magdeleine Strozzi, qui resta toujours près d'elle, attestait qu'au milieu des dons extraordinaires dont le Ciel la favorisait, elle n'avait jamais pu découvrir dans sa personne la plus petite marque, l'ombre même de l'orgueil. Sœur Catherine redoutait à un si haut point d'être estimée et d'être considérée comme une sainte, qu'un jour ayant eu l'occasion de dire quelques mots qui pouvaient tourner à sa louange ou à celle de sa conduite, elle en conçut un si grand chagrin, qu'elle fuyait les regards et se cachait quand des personnes venaient au couvent lui rendre visite. Elle se regardait, suivant une expression qu'elle employa souvent, comme la plus grande pécheresse du monde, le scandale et le désordre du monastère. Aussi, comme à diverses époques, des religieuses de ce couvent, sur l'ordre des supérieures, avaient écrit une foule de relations qui renfermaient le détail de sa vie, ses extases, les miracles qu'elle avait opérés, elle eut soin pendant son Priorat de faire recueillir ces écrits épars pour les brûler, rie voulant pas qu'on pût conserver d'elle aucun souvenir. Une Sœur nommée Timothée Bonciani, en ayant retrouvé quelques fragments, les tenait soigneusement cachés. La Bienheureuse Catherine se rendit une nuit dans sa cellule, et bien que ces papiers fussent très habilement enfouis, elle les découvrit et s'en empara, disant à Sœur Timothée qu'en échange elle lui donnerait quelque chose de mieux: elle lui offrit un Traité spirituel de saint Bernard.

Enfin, la pureté virginale de notre Sainte fut tellement extraordinaire et merveilleuse, que celui qui la dirigeait a affirmé qu'elle n'avait jamais eu, d'aucune façon, la moindre tentation contre la sainte vertu. Comment s'étonner, après cela, des faveurs singulières du Sauveur Jésus qui se plaît parmi les lis ? Aussi avait-elle souvent à la bouche ces paroles de l'Epouse des cantiques : Dilectus meus mihi et ego illi qui pascitur inter lilia. « Mon Bien-Aimé est à moi, et moi je suis à Lui, à Lui qui se plaît parmi les lis. »

IV

Pendant que la Bienheureuse Catherine faisait de jour en jour de plus grands progrès dans la pratique des vertus, ayant atteint sa dix-neuvième année, elle commença à recevoir de Dieu des grâces spéciales et beaucoup plus extraordinaires.

S'adressant à la Très Sainte Vierge, elle la suppliait instamment de lui obtenir de son Fils Jésus un cœur nouveau, tout divin et tout céleste; cette faveur devait lui être accordée le jour de la fête du Saint Sacrement. Le matin de ce jour, après avoir communié, elle fut ravie en esprit dans le Ciel, et il lui semblait que la glorieuse Reine des Anges priait Notre-Seigneur en la lui présentant, de lui accorder la grâce de changer son cœur. Le Fils de Dieu s'empressa d'exaucer la prière de son auguste Mère. Catherine sentit alors Quelque chose de mystérieux s'accomplir en elle ; le divin Rédempteur venait de lui ôter son cœur et de lui en donner un nouveau, formé sur le modèle de celui de sa très sainte Mère. Cette faveur si extraordinaire était une préparation à une autre grâce plus étonnante encore.

Au mois de février de l'année 1542, huit mois après la transformation de son cœur, Catherine eut pour la première fois cette mémorable extase qui devait se renouveler toutes les semaines jusqu'en l'année 1554. Commencée le jeudi, à midi; elle se prolongeait jusqu'au vendredi à quatre heures du soir, et durait ainsi vingt-huit heures. Dans ce ravissement, elle contemplait les mystères de la Passion, et elle expérimentait dans sa propre personne les mêmes douleurs qui faisaient l'objet de ses méditations. Mais tandis que, dans les extases ordinaires, elle demeurait privée de l'usage de ses sens, le corps immobile, les yeux fixes, ne trahissant ses émotions que par la couleur de son visage; dans l'extase de la Passion, au contraire, son corps sortait de son immobilité pour se conformer aux gestes, aux attitudes, aux mouvements divers du corps de Jésus-Christ, dans le cours de ses douleurs. Elle présentait ses mains comme lui quand on le chargeait de liens, se tenait majestueusement debout comme lui quand on l'attachait à la colonne. Pendant le couronnement d'épines, elle portait doucement sa tête, tantôt sur une épaule et tantôt sur l'autre, selon que les exécuteurs poussaient celle de Jésus ; à la scène dit crucifiement, elle présentait ses mains et ses pieds comme le Sauveur au moment où on le clouait à la croix.

Quand l'extase était terminée, elle en sortait le corps couvert des blessures qu'elle avait reçues dans ce combat tout d'amour et de souffrance; chacun pouvait contempler en sa personne les traits sanglants de sa ressemblance avec le divin Crucifié, les marques sensibles de sa flagellation, de son crucifiement, et jusqu'à celles qu'avaient imprimées sur son corps les cordes avec lesquelles on l'avait descendu de la Croix.

Pendant ce même ravissement de la Passion, on entendait la Sainte s'entretenir de temps en temps avec le Sauveur Jésus, et tenir aux religieuses des discours vraiment célestes, dans lesquels elle les exhortait à la pratique des vertus et à l'obéissance aux saintes Règles. Durant cet espace de vingt-huit heures que se prolongeait d’ordinaire son extase, elle ne se réveillait jamais que dans le cas où le Seigneur lui accordait la grâce de pouvoir faire là sainte communion.

Elle continua de jouir de cette faveur chaque semaine, aux jours indiqués, pendant douze années consécutives, et elle n!en fut privée qu'après l'avoir demandé avec instance au Seigneur Jésus. Elle avait fait prier à la même intention les religieuses de son couvent, où elle croyait porter le désordre, à cause des foules, qui accouraient de tout pays pour être témoins de ce prodige.

Pour les autres extases, qu'elle éprouvait aussi fort souvent, elle priait Dieu d'en faire disparaître toute apparence extérieure, afin qu'elle pût cacher, ensevelir au dedans d'elle-même tant de grâces si exceptionnelles.

V

Ce ravissement, que la Bienheureuse Catherine commença d'éprouver au mois de février 1541 ou 1542, et dans lequel elle voyait et souffrait les douleurs de la Passion de Notre-Seigneur, fut le prélude d'une autre faveur que Jésus lui accorda, le 9 du mois d'avril de cette même année, au matin du jour de Pâques. Il lui apparut tout glorieux, accompagné de la Sainte Vierge et de saint Thomas, et lui mit à l'index de la main gauche que tenait la Bienheureuse Vierge, un anneau très précieux, lui déclarant qu'il relevait ainsi à la dignité d'épouse; Sœur Catherine achevait alors la dix-neuvième année de son âge.

Cet anneau était de l'or le plus pur, émaillé de rouge, avec un diamant d'un vif éclat. On le voyait parfois répandre une splendeur si grande que les yeux en étaient éblouis; il s'en exhalait aussi une odeur très suave. Comme Philippe Salviati, riche habitant de Florence et fils spirituel de la Sainte[3], doutait de l'existence de cet anneau, Catherine lui apparut et, le lui ayant montré, elle lui dit qu'elle allait lui donner une preuve de sa réalité : lui touchant alors la lèvre supérieure avec la pointe du diamant, elle fit éprouver à Philippe une vive douleur et lui imprima une marque que tout le monde put voir dans la suite.

Notre-Seigneur ayant déjà donné à notre Bienheureuse le titre d'épouse; voulut, peu de jours après, la rendre encore participante de ses plaies sacrées, et ce fut le quatorzième jour de ce même mois d'avril, c'est-à-dire le vendredi suivant, qu'il imprima en elle les sacrés stigmates.

Ceux des mains et des pieds, qu'elle avait coutume de sentir auparavant tous les vendredis dans le ravissement de la Passion, furent dès ce moment toujours visibles ; le fait fut constaté bien des fois par les religieuses du couvent, par des prélats et des religieux de son Ordre et d'autres personnes. Les stigmates des mains paraissaient à certaines heures répandre des rayons de lumière si éclatants qu'ils éblouissaient tous ceux qui en étaient témoins. La plaie du côté lui causait une telle douleur, que la Sainte semblait parfois sur le point de rendre le dernier soupir; elle fut aperçue au moins dix fois par Sœur Marie-Magdeleine Strozzi, qui restait près d'elle pour la soigner dans ses diverses maladies, et cette plaie était alors d'une ravissante beauté, tout environnée de rayons.

Outre les sacrés stigmates. Sœur Catherine reçut encore la couronne d'épines : ses compagnes ont vu plusieurs fois des épines fort longues lui percer la tête et faire jaillir le sang; elles ont remarqué aussi comme Un cercle de pointes qui lui environnait le front où ruisselait un sang vermeil.

La religieuse qui la soignait a pu voir encore sur son épaule gauche une cavité d'une largeur de trois doigts environ, comme si réellement elle eût porté la croix, à l'exemple de son divin Maître, sur la route du Calvaire.

VI

Le 24 août de cette même année 1542, le Sauveur Jésus voulut donnera la B. Catherine une attestation toute spéciale de son amour pour elle. La Sainte avait dans sa cellule un petit autel où se trouvait un crucifix de bois ; le Christ, qui était en relief et de la hauteur d'une coudée, se détacha de la croix au moment où elle entrait dans sa cellule et vint l'embrasser en l'appelant son épouse. Notre-Seigneur lui donna en même temps l'assurance que ses oraisons lui étaient agréables, et lui dit de prier avec ses Sœurs pour la conversion des pécheurs, ajoutant qu'on devrait faire dans le couvent trois processions à cet effet : les deux premières pendant les deux jours qui précèdent la fête de saint Barthélemy, et la dernière le jour même de la fête.

La Sainte, voyant ce Christ s'approcher, lui ouvre aussitôt les bras, et, le pressant sur son cœur, elle est prise d'un ravissement qui dure une heure[4]. Sur ces entrefaites, sa compagne étant survenue, appelle toutes les religieuses qui sentent une odeur des plus suaves, et, à l'envie, s'empressent de baiser ce Christ merveilleux.

Ce jour-là, fête de saint Barthélemy, on fit la première procession ordonnée par le Sauveur Jésus, pendant laquelle la B. Catherine, toujours en extase, marchait en tête, portant le crucifix. Or, chose admirable, bien que la procession fût assez longue et qu'on dût aller .dans les endroits principaux du monastère, la Sainte, bien que privée de ses sens, ne fit aucun faux pas, ne dévia nullement de sa route ; on l'aurait crue guidée et même portée par la main des Anges. Il fut réglé que chaque année on ferait les trois processions mentionnées, et depuis cette époque elles se sont continuées jusqu'à nos jours.

Mais un prodige qui dépasse tous les autres, c'est le témoignage que le Sauveur voulut donner du séjour qu'il faisait en sainte Catherine et de la vérité de tout ce qu'on lui voyait opérer en elle.

Sœur Marie Gabrielle Mascalzoni se trouvait étrangement préoccupée par la pensée de savoir si les choses extraordinaires qui se passaient en la B. Catherine étaient véritablement des faveurs célestes. Continuellement, elle suppliait le Seigneur de vouloir bien dissiper ses doutes à cet égard. Or, un jour, en passant près de l'oratoire où se trouvait Catherine, elle y entre et la trouve en extase. S'étant elle-même mise à genoux, elle reste à l'observer, quand tout à coup elle voit le visage de notre Sainte se transfigurer en celui du Sauveur Jésus, et la Bienheureuse se tourner de son côté, l'attirer à elle et la presser sur son cœur, lui demandant par trois fois si elle croyait être près de Catherine ou de Jésus. La Sœur, saisie de stupeur, lui répond d'une voix assez haute pour être entendue de la plus grande partie de la communauté, que c'était bien Jésus qui lui parlait. En racontant ce fait dans la suite, elle affirmait avoir réellement vu, sous le voile de Catherine, la face auguste du Sauveur Jésus, mais avec une beauté si ravissante qu'elle ne pouvait plus même la reproduire dans son imagination, bien loin de pouvoir en donner une idée à personne au monde. En parlant d'un phénomène si merveilleux, Benoît XIV s'exprime ainsi dans la bulle de canonisation de la Sainte : « Jésus-Christ voulant montrer à quel point il y avait unité de pensées et de volontés entre lui et Catherine, en plaça un signe éclatant sur son visage, en le transformant en une vive image et une parfaite ressemblance de son propre visage, de telle sorte que quiconque eût vu Catherine, eût pensé qu'il voyait le Fils de Dieu et en même temps le Fils de l'homme. »

VII

Le doute qui avait préoccupé Sœur Marie Gabrielle Mascalzoni avait aussi pénétré dans l'esprit des supérieurs ou prélats de l'Ordre de saint Dominique ; c'est pourquoi ils voulurent, chacun de leur Côté, en faire l'examen le plus rigoureux.

Le premier fut le P. François Roméo de Castiglione, alors Provincial de la Province romaine, et en même temps Vicaire général de tout l'Ordre, dont il devint ensuite Maître général. Homme distingué par sa rare piété et sa science, il avait assisté au Concile de Trente où il se fit remarquer .par un traité contre Luther, intitulé : De la liberté des œuvres. Ayant été appelé par son ministère à visiter le couvent, et sachant tout ce qu'on racontait au sujet de Catherine qui atteignait alors sa vingt-septième année, il se montra fortement contrarié et adressa des réprimandes au Prieur du couvent de Prato qui gouvernait ce monastère, au Père confesseur et à toutes les Sœurs, pour avoir beaucoup trop répandu ce qu'il appelait des sornettes de communauté.

Il fit ensuite venir la Bienheureuse et lui reprocha sévèrement de mettre le désordre dans tout le couvent avec ses scènes nombreuses d'extase, qui n'étaient que singeries ou opérations diaboliques ; il la menaça si elle ne cessait aussitôt, de la faire punir rigoureusement.

Catherine répondit qu'elle méritait sans doute les plus dures peines, mais que pour les choses qu'elle éprouvait, n'étant pas maîtresse d'elle-même, elle ne pouvait promettre de s'en abstenir. Le Père répliqua qu'elle devait supplier le Seigneur et qu'il la délivrerait. L'humble vierge ajouta que déjà elle le priait tous les jours de ne pas permettre ces états extraordinaires, s'ils venaient du démon ; si, au contraire, ils venaient du ciel, de vouloir bien les lui continuer, ne croyant pas devoir rejeter ce qui lui était accordé pour le salut de son âme ; mais je demande, dit la Sainte, que ces dons ne paraissent pas à l'extérieur, parce qu'il ne convient pas qu'on remarque, dans une créature vile comme moi, la manifestation de si grandes grâces.

Le Provincial, sans se départir de sa sévérité, posa encore à la Bienheureuse nombre de questions auxquelles celle-ci répondit avec tant d'humilité, que le Père, désarmé, lui parla ensuite avec bienveillance, et l'exhorta à continuer tous ses exercices spirituels avec humilité, obéissant toujours à ses supérieurs, et ayant soin de redire fidèlement à son confesseur tout ce qui lui arrivait. Avant son départ de Prato, il eut l'avantage d'être plusieurs fois témoin des extases de la Bienheureuse, soit après la sainte communion, soit le jeudi et le vendredi pour le ravissement de la Passion, et il en exprima toute son admiration. Arrivé à Rome, il parla de Catherine avec tant d'éloges au Maître général de l'Ordre, le P. Fr. Albert de Las Casas, que celui-ci conçut le projet d'aller visiter cette même année le couvent de Prato. Il y arriva précisément un vendredi, au moment de l'extase ordinaire, et vit la représentation du mystère de la Passion. Quand la Sainte eut repris ses sens, le Général lui parla longuement et se retira pleinement satisfait de son entretien.

Le P. Ange Diaceti, qui fut cinq fois Provincial de la Province romaine, devint Vicaire général de tout l'Ordre de saint Dominique, et fut dans la suite nommé par S. Pie V, évêque de Fiesole, vint à son tour visiter le couvent de Saint-Vincent de Prato : il était bien éloigné d'ajouter foi à la prétendue sainteté de Catherine, dont cependant il était le parent. Mais à peine fut-il arrivé, qu'il changea d'avis, ayant vu les stigmates des pieds et des mains.

Le P. Nicolas Michelozzi fit aussi la visite du couvent en qualité de Provincial, et ayant appris que la B. Catherine était en extase, il ordonna à Sœur Euphrasie Mascalzoni d'aller voir dans quel état la Sainte se trouvait à ce moment même, et de revenir au plus vite l'en informer. Cette religieuse étant allée dans l'oratoire de Catherine, se place à genoux devant elle ; celle-ci lui fait trois signes de croix sur le front, l'embrasse autant de fois, en lui donnant une triple bénédiction. Sœur Euphrasie retourne aussitôt vers le Provincial et lui raconte ce qui lui est arrivé. Celui-ci demeure stupéfait, et dit que c'est justement là le témoignage qu'il avait lui-même demandé à Dieu, pour être assuré de la sainteté de Catherine.

Le P. François Gratien de Sermoneta, devant, comme Vicaire général, faire à son tour la visite du monastère, méditait tout ce qu'il se proposait de faire pour connaître d'une manière indubitable, si tout ce qu'on racontait d'extraordinaire touchant Catherine était vrai ou faux. En franchissant le seuil du couvent, il s'en voit ouvrir la porte par la Sainte elle-même qu'il trouve environnée d'une lumière éblouissante. Il reste tellement saisi, qu'il a seulement la force de tomber à ses pieds en lui demandant pardon.

Les supérieurs de l'Ordre qui visitèrent successivement le monastère, voulurent ainsi tous expérimenter quel esprit animait l'âme de Catherine. Plusieurs prélats, distingués par leur sagesse et leur doctrine, firent de même. Signalons Monseigneur Jacques Nachianti, évêque de Chioggia, de l'Ordre de saint Dominique, homme célèbre par les savants ouvrages qu'il a publiés et par la rare prudence qu'il a fait paraître dans plusieurs négociations qu'il dut poursuivre par ordre du Souverain Pontife Paul III. Entendant un jour parler des choses extraordinaires qui arrivaient à Catherine, il dit que c'était quelque démon qui agissait en elle ; mais que, s'il avait l'occasion de lui parler, il se faisait fort de démontrer l'erreur. Comme il était étroitement lié de parenté avec le Père Julien Mazzei, alors Prieur du couvent de Prato, il conçut le projet d'aller le voir et de profiter de cette circonstance pour parler avec la Bienheureuse.

Il vint donc, causa longuement avec elle, et protesta en présence d'un grand nombre de personnes, que non seulement il était demeuré satisfait de son entrevue, mais encore qu'il avait entendu des choses que, seul, le Saint-Esprit pouvait révéler; aussi, plus tard, quand il parlait de Catherine, la nommait-il toujours: un vase choisi du Saint-Esprit.

Le Souverain Pontife Paul III voulut lui-même acquérir la certitude des faits qu'on racontait, et aussi connaître la conduite du Père qui dirigeait la Sainte et celles des religieuses qui se trouvaient autour d'elle, afin de découvrir si l'ostentation ou le désir du gain n'auraient pas contribué à attirer ce concours de peuple. C'est pourquoi, il donna commission au cardinal Robert Pucci de profiter de son titre d'évêque de Pistoie, pour faire en apparence la visite du monastère, mais, en réalité, pour observer avec le plus grand soin tout ce qui avait lieu à Prato, afin que les hérétiques ne puissent trouver là un motif plausible de tourner en ridicule l'excessive crédulité des catholiques.

Le cardinal vint au couvent avec les évêques de Vasona, de Pandolfini, suivis de quelques autres prélats. Ayant fait une perquisition des plus minutieuses, il trouva que le Père et les religieuses étaient fort en règle, et que tous agissaient avec beaucoup de prudence et de circonspection, ne permettant qu'à peu de monde de voir Catherine et de lui parler; que pour elle, quand elle apprenait l'arrivée de quelque personnage qui désirait une entrevue., elle avait soin de se cacher, et que la faveur de son entretien n'était accordée qu'aux Princes, auxquels on ne pouvait refuser, ou aux Supérieurs de l'Ordre.

VIII

Parmi les preuves nombreuses au véritable esprit et de la réelle sainteté de la Bienheureuse Catherine, le trait suivant n'est pas le moins remarquable. Saint Philippe de Néri, doué d'une lumière spéciale pour le discernement des esprits, lui écrivit de Rome pour se  recommander à ses prières et, comme le rapportent le procès et la bulle de sa canonisation, pendant que le saint demeurait à Rome et Catherine à Prato, ils se virent et eurent ensemble une longue conversation. Or, ce qu'attesta saint Philippe lui-même, c'est que, de son vivant, il l'avait réellement vue quoiqu'il n'eût fait aucune visite à Prato et que Catherine ne fût allée à Rome dans aucune occasion. Saint Philippe, après la .mort de la Sainte, affirma de nouveau le fait, décrivant avec beaucoup de précision les traits de son visage; et, comme on venait de reproduire une gravure qui avait la prétention d'être le portrait de Catherine, il dit que cette gravure n'était point ressemblante et que la physionomie de la Sainte était tout autre.

Notre Bienheureuse entretenait aussi une correspondance suivie avec sainte Marie-Magdeleine de Pazzi. Vincent Puzzini, l'auteur de la vie de cette dernière, parle d'une lettre qu'elle dicta étant en extase pour l'envoyer à Catherine, et de la réponse que celle-ci lui adressa.

Bientôt le flot des visiteurs ne s'arrêta plus. Parmi les personnes distinguées qui affluèrent, on vit arriver au couvent Marie Salviati, mère du grand-duc Cosme Ier, qui trouva Catherine dans son ravissement de la Passion. Cette dame pria la Sainte, revenue à elle-même, de vouloir bien lui écrire de sa propre main quelques prières sur un petit livre qu'elle conserva précieusement; à l'heure de sa mort, arrivée quelque temps après, cette dame recommanda qu'on gardât avec beaucoup de soins ce petit livre, ajoutant qu'un jour le Seigneur ferait des miracles par son moyen, à cause des lignes tracées par la main de la Bienheureuse.

Un autre jour, ce fut la femme du grand-duc Cosme, Eléonore de Tolède, qui se présenta au monastère. Elle trouva la Sainte en extase et, voulant se rendre compte de cet état extraordinaire, elle lui serra les mains et lui pressa fortement le cou, sans que Catherine laissât paraître la moindre impression: ce ne fut qu'après avoir repris ses sens qu'elle éprouva au cou une vive douleur.

Elle reçut aussi la visite de Jeanne d'Autriche, épouse du grand-duc François Ier. Elle vint accompagnée de ses deux filles, Marie et Eléonore, dont l'une fut plus tard femme d'Henri IV, roi de France, et l'autre de Vincent de Gonzague, duc de Mantoue.

Plusieurs cardinaux voulurent aussi la voir, parmi lesquels on peut citer Hippolyte Aldobrandini, Alexandre de Médicis et Marcel Cervini, qui furent tous les trois, dans la suite, revêtus du souverain Pontificat. Le cardinal Michel Bonelli, dit cardinal Alexandrin, et neveu de S. Pie V, ne voulut pas aller en Espagne remplir l'emploi de Légat du Saint-Siège que son oncle lui confiait, avant d'avoir été près de Catherine recevoir plusieurs bons conseils, et obtenir la promesse qu'elle l'aiderait du secours de ses prières pour ce voyage ; à son retour il la revit encore.

Le couvent de Catherine vit pareillement les ducs de Mantoue, de Ferrare, l'ambassadeur d'Espagne, le fils du duc de Bavière. Tous ces princes se retirèrent remplis d'étonnement et pleinement édifiés. Quand le fils du duc de Bavière entra au monastère, ce fut juste par la Bienheureuse elle-même qu'il fut reçu ; on le mena visiter la Crèche et autres endroits que la piété savait rendre chers au couvent ; pour la Sainte, sa pensée était tellement fixée dans la méditation de l'Adoration des mages (on se trouvait à la fête de l'Epiphanie), qu'après le départ du jeune comte, elle n'eut aucun souvenir de l'entretien qu'elle avait eu avec lui.

IX

La Bienheureuse montrait assez que ces continuelles visites lui causaient une très vive peine ; bien souvent il lui arrivait de fuir, de se cacher, afin qu'on ne pût la découvrir. C'est pourquoi il vint à l'idée de ses supérieurs de la nommer Sous-Prieure, quoiqu'elle n'eût atteint que la vingt-sixième année de son âge ; car alors, devant par son emploi servir de compagne à la Mère Prieure, quand des étrangers viendraient à la grille, elle pourrait tout naturellement satisfaire au désir et à la piété de ceux qui se présenteraient. Ayant donc été élevée à cette charge, Catherine s'en acquitta avec tant et de si grands avantages spirituels pour toutes les religieuses, que, dès lors, elle dut longtemps remplir l'emploi ou de Prieure ou de Sous-Prieure, nonobstant sa répugnance extrême. Après s'être plainte et lamentée longtemps, elle finit par obtenir des supérieurs la faculté de pouvoir ne pas accepter ces charges.

Pendant qu'elle était Sous-Prieure, on ne saurait dire le bon exemple qu'elle donnait à toute la communauté, pour la stricte observance de la Règle, étant toujours la plus exacte à se rendre aux divers exercices. Pourtant, elle ne pouvait assister à la table commune, par la raison qu'à peine commençait-on la lecture, elle était subitement ravie en extase. On avait cru devoir pour ce motif la dispenser d'y assister ; mais Sœur Catherine supplia si ardemment le Seigneur de pouvoir encore observer ce point de la Règle, qu'elle fut privée de ces ravissements, comme elle l'avait été de celui de la Passion.

Admirables étaient le zèle en même temps que la douceur qu'elle mettait à amener à la fidèle observance toutes les religieuses. Lorsqu'elle les reprenait, elle avait coutume de leur dire qu'en agissant ainsi elle voulait leur faire éviter les expiations terribles du purgatoire. Le soir, elle n'allait jamais se reposer sans avoir auparavant calmé par quelques paroles de consolation celles qui, durant la journée, avaient pu être reprises ou avaient subi quelques pénitences.

Une chose qui contribuait beaucoup, quand elle agissait de la sorte, à rendre prompte l'obéissance de toutes les Sœurs, c'était le privilège dont elle jouissait de lire dans l'intérieur des consciences. Etant à l'église pour dire l'Office ou faire ses prières, si quelques religieuses venaient à se distraire pour penser à des choses étrangères, Catherine se levait de sa place, allait vers elles, les reprenait d'avoir ces pensées, qu'elle leur spécifiait. C'est ainsi qu'elle fit un jour à l'égard de Sœur Marie-Vincent Pollini, de Sœur Marie-Constance Riva, de Sœur Marie Séraphine Baroncini et de Sœur Marie-Perpétue Cini. Elle agissait encore de même en d'autres circonstances. Sœur Marie Modesta Giacchinotti, se trouvant un soir au dortoir, s'arrêtait à une pensée amère, Catherine l'aborde et lui dit : « Une religieuse ne devrait jamais avoir de telles pensées », et elle lui découvre la sienne. Sœur Euphémie Lépattini, encore novice, vit entrer la Bienheureuse au noviciat pour lui parler d'une action très secrète, mais avec une telle précision qu'on eût pu supposer qu'elle l'avait vue réellement. Sœur Foi-Victoire Salviati étant à prendre son repas avec sa mère qui était venue lui rendre visite au monastère, Catherine survint tout à coup, et, après quelques mots échangés, s'approchant de la Sœur, elle lui dit à voix basse que telles ou telles pensées qu'elle avait en ce moment n'étaient pas convenables. Tous ces faits rendaient les Sœurs de plus en plus vigilantes et attentives, ayant bien la certitude que telles pensées ou tels faits quelle venait leur découvrir, ne pouvaient lui être révélés que par Dieu seul.

Sœur Raphaël Cini, trouvant la Bienheureuse en extase, se plaça devant elle à genoux, et la pria en secret de vouloir bien lui obtenir la grâce qu'elle avait en vue à ce moment. Catherine, ayant connu ses intentions, lui dit, à la fin de son extase, qu'elle avait prié pour elle, et elle lui fit connaître quels étaient ses devoirs. Trois religieux, également de son Ordre : le P. Matthieu Strozzi, le P. Nicolas Michelozzi, le P. Santo Cini, l'ayant un jour trouvée en extase, demandèrent au Seigneur quelques grâces par son intervention. Or, sans sortir de son ravissement, la Sainte fit connaître qu'ils étaient exaucés ; elle donna au P. Strozzi et au P. Michelozzi une bénédiction parce qu'ils avaient demandé chacun une grâce seulement ; mais elle en donna deux au P. Cini parce qu'il avait demandé deux grâces.

X

Au don de pénétrer le secret des cœurs, la B. Catherine joignait encore celui de prophétie. Elle annonça au P. Sixte Fabri, Maître général de l'Ordre de saint Dominique, que s'il s'ingérait dans une certaine affaire, il aurait à souffrir bien des ennuis: ce qui se réalisa, car les épreuves arrivèrent, et le P. Fabri finit par être déposé de sa charge de Général.

La Sainte avait aussi donné à une jeune fille le conseil de se faire religieuse, lui disant qu'en se mariant elle serait la plus malheureuse des femmes ; mais celle-ci n'écouta point Catherine. Or, le jour qui suivit ses noces, son mari fut arrêté, mis en prison pour huit mois, dut vendre tout ce qu'il possédait et souffrit beaucoup d'infirmités.

Marc-Antoine Ubaldini avait résolu d'épouser une femme de Rome, contrairement à la volonté de sa mère qui désirait le faire marier à Florence avec la fille du comte Hugues de Gherardesca ; or, la Bienheureuse lui prédit qu'il ne quitterait pas Florence sans avoir donné cette consolation à sa mère ; et, en effet, au moment où il allait monter à cheval pour se rendre à Rome, il fut saisi par une maladie très grave qui l'obligea à se mettre au lit ; il n'en sortit qu'après s'être déterminé, suivant la prédiction de Catherine, à faire la volonté de sa mère.

Elle prédit encore à Magdeleine Ridolphi, épouse de Robert Ubaldini, et à Marguerite Strozzi, femme de Ristori Serristori, qu'elles deviendraient veuves, que l'une d'elles se ferait religieuse dans son couvent, et que plus tard l'autre à son tour s'y retirerait pour y finir ses jours. Elle annonça à Philippe Salviati que parmi ses nombreuses filles trois seulement se feraient religieuses et qu'elles choisiraient son monastère Tout s'accomplit de la manière la plus exacte.

Elle prophétisa à son frère le sénateur Vincent de Ricci, qu'il' éprouverait de grandes infortunes, mais qu'il s'en relèverait plus puissant que jamais ; ce qui se vérifia de point en point. Comme elle prévoyait qu'une des religieuses gravement malade — Sœur Marie-Beniqua dont on attendait à chaque instant le dernier soupir — causerait par sa mort un grand trouble dans le couvent où ce jour même on devait donner l'habit de religieuse à Sœur Marie-Félicie Ricasoli et à Sœur Marie-Gratienne Capponi, elle lui ordonna de ne pas mourir encore et d'attendre la fin de la cérémonie. Quand tout fut terminé, elle lui dit qu'elle avait la permission d'expirer, ce que la moribonde fit à l'heure même.

Catherine prédit aussi à Marie Barducci qu'elle se ferait religieuse dans son monastère, ce qui eut lieu effectivement, bien qu'à ce moment-là elle eût une volonté contraire et que son père fût loin de donner son consentement ; du reste, elle avait déjà fait des démarches pour son entrée dans un autre couvent. La même chose arriva à Sœur Marie-Perpétue Cini.

Une autre fois, Sœur Dominique Poccetti se désolait, sachant que sa mère était sur le point de mourir. La Bienheureuse en ce moment malade elle-même et en danger, fit dire à Sœur Dominique que ni elle ni sa mère ne mourraient de cette maladie, et la prédiction se vérifia.

Sœur Marguerite Ricasoli l'ayant priée de lui enseigner ce qu'était l'amour de Dieu, avait eu pour réponse d'aller en paix et que bientôt elle l'éprouverait. Peu de jours après, cette dernière sentit son âme s'embraser pour Dieu, au point qu'elle aurait voulu tout souffrir sans croire encore avoir rien fait. Cet état de ferveur lui dura quelques semaines. De même un certain Frère Dominique Bigio Reomito qui était très lié avec elle, lui avait bien souvent demandé des conseils à l'occasion d'une affaire importante et n'avait jamais obtenu d'autre réponse, sinon qu'il serait éclairé en temps opportun. Or, en partant de Prato, il fut en effet saisi d'une lumière soudaine qui donna à son esprit les plus vives clartés et lui fit comprendre la conduite qu'il devait tenir.

A l'esprit de prophétie s'unissait en Catherine celui de voir les choses éloignées comme si elles eussent été sous ses yeux. Le Père Timothée Ricci, son oncle, qui avait été son confesseur et celui de la communauté en même temps que Prieur du couvent de Prato, mourut à Pérouse ; sans avoir reçu aucun avis, la Bienheureuse à l'instant même de cette mort, l'annonça à toutes ses religieuses, afin que, le plus promptement possible, elles priassent pour le repos de l'âme du défunt. Un jour elle vit venir à elle des hommes de Prato appelés Frères de la Miséricorde, parce qu'ils assistent ceux que la justice a condamnés ; ces Frères la supplièrent de prier pour un malheureux qui ne voulait pas se disposer à la mort, refusant avec obstination de se convertir. Après avoir fait pour lui une courte prière, elle leur dit de partir, que la conversion du condamné était déjà opérée, et qu'à leur arrivée ils le trouveraient dans les meilleures dispositions : ce qui fut vrai.

XI

Indépendamment des dons particuliers que nous avons déjà mentionnés, la B. Catherine avait un regard si gracieux, empreint d'une si vive piété et exprimant je ne sais quoi de si divin que, sans dire un mot, elle touchait le cœur de tous ceux qui la voyaient, et quand ils auraient été profondément plongés dans le vice, elles les amenaient à changer de vie. C'est ce qui eut lieu pour Ludovic Capponi, Baccio Lanfredini et Nicolas Altoviti, qui devint évêque. Un autre prélat, venant au monastère pour y donner la Confirmation à Catherine et à plusieurs religieuses, fut si touché à son seul aspect que la plus vive componction pénétra son cœur. Devant célébrer la sainte Messe avant la cérémonie, il ne fît durant tout ce temps que pleurer ses péchés ; et étant venu à mourir quelque temps après, la Sainte sut par révélation qu'il avait échappé aux flammes éternelles.

Un certain Baccio, cribleur de grains, homme déjà avancé en âge et pourtant de mœurs déréglées, se trouvant au couvent à l'heure où les religieuses faisaient une procession, eut à peine fixé les yeux sur le visage de Catherine, qu'il se sentit couvert d'une grande confusion et éprouva une vive douleur de ses péchés. Dès ce moment, il les pleura amèrement et résolut de changer de vie.

Un jeune libertin au service de Biagio Menochini Luchesi l'ayant vue seulement de loin, pendant qu'elle était à la grille, fut tellement captivé par je ne sais quel charme surnaturel, qu'il sentit s'opérer en lui un changement profond, et ce changement fut si réel et si durable, qu'étant de retour à Lucques où il avait été jadis une cause de scandale, il devint un modèle d'édification.

François Maringhi de Florence menait une vie très licencieuse et se faisait gloire dé ses désordres. Dès qu'il eut vu Catherine et qu'il lui eut parlé, il se sentit tellement enflammé de l'amour de Dieu que, dès ce moment, il se livra aux exercices de piété et devint exemplaire, se rendant chaque jour aux Matines de la cathédrale de Florence, et demeurant après l'Office pour continuer son oraison.

Une personne noble et lettrée, pour avoir entretenue la Sainte une seule fois, avait jour et nuit présent à son esprit le souvenir de Notre-Seigneur et partout où elle allait il lui semblait voir le Sauveur attaché à la croix.

Les conversions de très grands pécheurs furent encore opérées par les prières de Catherine, qui demandait à Dieu, pour obtenir leur salut, de supporter les douleurs les plus atroces et les infirmités les plus graves. Ainsi, pour le voleur condamné à mort dont nous avons parlé, elle accepta de la part de Dieu et souffrit pendant longtemps de violents maux de tête.

Elle supporta également de cruelles douleurs de côté pour la Sœur Louise Nicolini, affaiblie par une longue maladie, sans qu'on pût trouver aucun moyen d'améliorer son état. Cette pauvre malade s'était livrée au découragement le plus profond et ne voulait plus rien entendre, renvoyant toutes les Sœurs qui la venaient voir et jusqu'à Catherine elle-même. Mais, dès que celle-ci eut fait sur la malade un signe dé croix avec l'anneau que lui avait donné le Sauveur Jésus, elle se remit aussitôt, reprit son calme et demanda pardon à toutes les religieuses du scandale qu'elle leur avait donné ; puis, se recommandant à leurs prières, elle reçut avec une grande piété la sainte Communion et se disposa à la mort avec une résignation admirable. Peu de jours après elle expira, et la Bienheureuse vit son âme, après quatre jours de purgatoire, portée dans le Ciel par la main des Anges.

Dans plusieurs autres circonstances, Catherine endura pour le prochain d'inexprimables souffrances ; une fois, entre autres, elle offrit grand nombre de prières et de pénitences pour un personnage important. Après qu'il fut mort, ayant obtenu de faire une partie -de son purgatoire, elle eut une maladie que tous les médecins regardèrent comme extraordinaire. Ses chairs s'embrasèrent, et, en se tuméfiant, devinrent rouges et blanches ; des étincelles s'en échappaient, de sorte qu'il semblait à Catherine comme à tous ceux qui l'approchaient qu'elle brûlait. Sa langue était devenue noire comme un charbon. Pas une religieuse ne pouvait lui tenir la main. Sa cellule même était si échauffée de son haleine brûlante qu'on n'osait presque y entrer. Cet état de combustion lui dura quarante jours consécutifs.

XII

L'ardente charité que la B. Catherine faisait paraître pour obtenir la conversion des pécheurs, elle la montra pareillement en se procurant, par tous les moyens possibles, des aumônes considérables qu'elle savait fort bien employer, soit au soulagement des pauvres, soit à doter des jeunes personnes qui voulaient se marier ou entrer au couvent, et qui, sans cette aide, auraient couru de vrais dangers dans le monde. Elle avait de la sorte fait prendre l'habit à plusieurs religieuses de son monastère, avec les secours dus à la libéralité du sénateur Frédéric de Ricci, son oncle, d'Albert de Bardi, des comtes de Vernio et de plusieurs autres gentilshommes florentins, qui rivalisaient de zèle dans l'exercice de la charité et lui donnaient toute latitude pour employer à son gré leurs aumônes. Toutefois, pour recevoir comme pour donner, en tout ou en partie, ce qu'on lui offrait, elle se mettait toujours sous la dépendance des supérieurs.

Catherine obtint par ses prières des grâces nombreuses et signalées, non seulement pour l'âme, mais aussi pour le corps; c'est ainsi que grand nombre de personnes l'ayant invoquée dans le péril ou la maladie, se virent exaucées par sa puissante intercession.

Une grave maladie venait d'atteindre Marie Gualterotti, épouse de Philippe Salviati ; celui-ci eut soin de recommander sa femme à la Bienheureuse. La malade s'étant endormie, il lui sembla être au couvent de Prato, dans la cellule même de Catherine. Or, à son réveil, elle sentit un mieux sensible et se trouva guérie. Etant ensuite allée faire une visite au monastère, à peine eut-elle aperçu la Sainte qu'elle la reconnut, bien qu'elle la vît pour là première fois ; elle lui dit que c'était elle qui l'avait guérie et lui en témoigna toute sa reconnaissance.

Le chevalier Bernard Ricasoli, venant d'être nommé ambassadeur du grand duc de Toscane auprès du duc de Bavière, se fit recommander par sa mère à la B. Catherine, afin que Dieu lui accordât par ses prières un heureux voyage pour aller comme pour revenir. En sortant de la porte de Florence, il vit marcher devant lui une religieuse vêtue de blanc comme les Sœurs du couvent de Saint-Vincent de Prato ; cette religieuse l'accompagna jusqu'aux portes de Monaco, d'où il partit pour aller remplir sa mission diplomatique ; il la retrouva au retour pour parcourir le même trajet de Monaco à Florence. Le chevalier voulut ensuite se rendre à Prato et, bien qu'il n'eût jamais vu Catherine auparavant, il la reconnut au milieu d'une foule de Sœurs, et dit avec assurance que c'était elle-même qui lui était apparue durant son voyage.

Une jeune personne ayant eu le malheur de tomber dans un précipice, s'empressa d'invoquer le secours de la Sainte qu'elle connaissait, et il lui parut qu'elle la retirait du fond de l'abîme. Elle en sortit, en effet, sans aucun mal ; ses habits déchirés et quelques marques à la joue droite restèrent les seules preuves de sa chute.

Une jeune villageoise, atteinte d'hydropisie, était allée au couvent demander la sainte religieuse, Catherine qui gardait la porte ne daignant pas la regarder et, lui fermant le guichet, se contenta de dire : « Ici on ne parle pas de sainte ou non sainte : les saints ne sont qu'au Ciel ! » Cependant, à la prière de quelques Sœurs, témoins du fait, elle consentit à ouvrir la porte de nouveau pour consoler cette malheureuse, fit sur elle le signe de la Croix et la guérison de la malade fut complète.

XIII

Les grands sentiments d'humilité et de dévotion à l'égard de la Passion de Notre Seigneur qui brillaient dans la vie de la B. Catherine, se manifestèrent jusqu'à sa mort. Après avoir vécu en religion cinquante quatre ans, ayant rempli la charge de Prieure ou de Sous-Prieure l'espace de quarante-deux ans, donnant des exemples éclatants de sainteté, elle fut assaillie du mal qui devait l'emporter au bout de neuf jours. Quand elle en ressentit les premières atteintes elle s'empressa de demander pardon à toutes les religieuses, leur assurant qu'elle n'était pas celle que l'on pensait, mais plutôt une pécheresse, le fardeau et l'ennui du couvent ; puis, s'étant fait administrer le très saint Viatique, elle continua ses méditations jusqu'au dernier soupir, exprimant dans son corps les divers mystères de la Passion du Sauveur Jésus, son Epoux, comme elle avait coutume de le faire quand elle était en santé. Elle plaça les mains et les pieds comme les avait le Sauveur crucifié ; après avoir demandé à boire, elle prit une potion amère que le médecin avait ordonnée. Elle pria ensuite le Seigneur de hâter sa mort, non à cause des souffrances qu'elle endurait, mais pour ne pas accabler davantage ses pauvres religieuses qui demeuraient constamment autour d'elle, sans qu'une seule voulût aller se reposer. C'est ainsi qu'elle rendit paisiblement son âme à Dieu vers les huit heures du soir, la veille de la fête de la Purification de la Très Sainte Vierge, le 1er février, l'an 1590. Elle avait atteint sa soixantième année.

Avant comme après sa mort, des concerts et des mélodies angéliques furent entendus par un grand nombre de religieuses, et si la plupart ne pouvaient pas bien distinguer les paroles de ces chants, quelques-unes pourtant crurent saisir ces mots : Veni, sponsa Christi, accipe coronam, etc. — Veni, electa mea, etc. Du reste, elles s'accordaient toutes pour affirmer que ces voix étaient surhumaines, d'autant qu'à cette heure les Sœurs ne chantaient pas, étant toutes plongées dans la douleur, et qu'en outre, ces chants ne venaient pas du dehors, mais qu'on les entendait dans les airs, au-dessus du couvent.

A peine morte, et avant même de rendre le dernier soupir, la Sainte resplendit d'un tel éclat qu'on ne pouvait fixer sur elle les regards. La beauté de son visage surpassait toute beauté humaine et paraissait vraiment angélique. Son corps répandait une odeur très embaumée, odeur que l'on sentit longtemps autour de son tombeau. Ce parfum était si agréable, si extraordinaire, qu'on ne pouvait rien lui comparer ; il s'exhalait des petites feuilles sur lesquelles, avec son sang, quand on fit l'ouverture du corps, plusieurs Religieuses avaient gravé des croix, des cœurs ou le saint Nom de Jésus.

Pendant que ces précieuses dépouilles étaient au chœur, on observa que la main qui était posée sur l'autre parut, à un moment donné, brillante comme un rayon de soleil. Le corps de la Bienheureuse resta ainsi exposé dans l'église pendant deux jours, pour donner satisfaction à la piété des fidèles qui venaient en très grand nombre à Prato, de Florence et de tous les lieux circonvoisins. Ce même concours continua longtemps au tombeau de Catherine, tant à cause de la renommée de sa sainteté que par l'espoir que chacun nourrissait d'obtenir de nombreuses grâces par son intercession.

On sait aussi qu'au moment de sa mort, comme plus tard en plusieurs autres occasions, la Bienheureuse apparut à un grand nombre de personnes, toute environnée de gloire. Au moment de son trépas, une pieuse personne de Prato vit une procession composée de saints et de saintes, dans la compagnie desquels était le Sauveur Jésus qui conduisait son épouse au Ciel ; comme elle entendit bientôt après sonner au couvent de Saint-Vincent la mort d'une Sœur, elle comprit que cette épouse placée près du Sauveur était la B. Catherine.

C'est également à Prato que Baccio Verzoni, au moment même où la Sainte expirait, commença à se désoler et à gémir; comme on lui demandait la cause de ses cris douloureux, il répondit que la B. Catherine venait de mourir, et qu'il l'avait vue environnée d'une grande lumière; peu après on entendit le son de la cloche qui annonçait sa mort.

Sœur Philippine Dardinelli, priant une nuit près de son tombeau sentit tout à coup une odeur très suave, et, se tournant, elle vit la Bienheureuse toute resplendissante ; c'est ce qui arriva encore cette même nuit à Sœur Anastasie Marchi. Sœur Foy-Victoire Salviati se rendant un jour au chœur, l'aperçut dans une nuée, vêtue de blanc, et comme elle voulait s'approcher, la Sainte disparut.

La Marquise Euridice Malespina était allée quelque temps après la mort de la B. Catherine à Prato, pour y visiter quelques religieuses ; ayant entendu que parfois la Sainte faisait des apparitions, elle manifesta le désir de la voir. Or, durant une nuit où elle était éveillée, Catherine lui apparut resplendissante.

Sœur Catherine, filleule de cette marquise, assistant à une procession que les religieuses font de la chapelle au jardin, vit la bienheureuse à une fenêtre du dortoir qui donnait sur ce jardin ; elle était avec son habit ordinaire, mais avait autour de la tête une brillante auréole en guise de diadème et elle bénissait les Sœurs.

La Bienheureuse apparut encore à d'autres religieuses de différents couvents, mais la vision que nous signalons par dessus toutes les autres, est celle de sainte Marie-Madeleine de Pazzi qui, ravie en extase, aperçut Catherine au milieu des élus dans toute l'ivresse du triomphe.

XIV

Outre les miracles que la B. Catherine avait obtenus du Seigneur pendant sa vie, on en compte plusieurs autres après sa mort.

Il arriva à une époque que le vin du couvent de Saint-Vincent qui devait servir pour les religieuses vint à se gâter entièrement. Comme celles-ci, du vivant de Catherine, se recommandaient à elles pour tous leurs besoins, et en obtenaient ce qui leur était nécessaire, en cette circonstance elles eurent encore recours à son intercession : on fit une procession solennelle où était porté en tête le manteau de la Sainte ; on entra dans la cave pour y bénir toutes les barriques, et, subitement, il se répandit de tous côtés une odeur des plus suaves, semblable à celle qu'on avait sentie à la sépulture. Dès ce moment, le vin qui s'était gâté reprit toute sa vertu, et on trouva même qu'il était de meilleure qualité qu'avant son altération.

Sœur Véronique de Ricci, nièce de la B. Catherine, se trouvait atteinte d'une fièvre aiguë très intense, qui l'avait déjà fait condamner par tous les médecins ; la mère Prieure voulut employer comme déjeuner remède la protection de la Sainte, qu'elle fit implorer en portant en procession, à la malade, le manteau de sa vénérable tante. L'effet fut immédiat ; car, après avoir touché ce manteau, la moribonde tomba dans un profond, mais très paisible sommeil, et, s'étant réveillée, elle se trouva fort soulagée et le lendemain, dès l'aube, elle était entièrement guérie.

Pareille grâce fut accordée à Bernard Céparelli, chirurgien de Prato ; étant dans un état désespéré, on alla chercher un bandeau de la B. Catherine qu'on lui appliqua dans la soirée et qu'on laissa sous son chevet : il s'endormit aussitôt, et, vers minuit, se réveillant, il se trouva mieux; le jour suivant il n'avait plus de mal.

Catherine Blasini, jeune enfant de sept ans, était obsédée par le démon et on avait employé à son égard, sans aucun succès, tous les exorcismes ordinaires de l'Eglise ; mais à peine sa mère eut-elle apporté quelques-unes des reliques de la B. Catherine, que l'enfant se vit entièrement délivrée.

Sœur Catherine-Alexandra Bonzi, religieuse de Saint-Vincent de Prato, fut guérie trois fois par notre Sainte d'une manière miraculeuse. La première fois, sa guérison fut instantanée. Une inflammation de l'artère qui l'avait fait souffrir pendant plusieurs années d'une manière notable, en était venue à la réduire à l'extrémité, au point qu'on ne cessait de la veiller, et son confesseur dans les moments de crise était là pour l'administrer, tant était périlleux son état. Or, sa guérison eut lieu le 4 du mois de mai 1726, par la seule application du bâton dont se servait la B. Catherine. La seconde fois, elle fut encore guérie instantanément; car reprise de la même maladie, elle avait déjà reçu le Viatique et on était sur le point de lui faire les onctions de l'huile sainte, quand le même remède produisit une nouvelle guérison. La troisième fois elle fut délivrée d'une hydropisie qui la tourmenta pendant deux mois ; elle avait les jambes et les mains enflées, mais en peu de jours l'enflure disparut, car, s'étant recommandée de nouveau à l'intercession de la B. Catherine, elle obtint une parfaite santé sans l'aide d'aucun médicament. Les deux premiers miracles opérés sur la personne de cette religieuse ont reçu la haute approbation de la Congrégation des Rites.

Sœur Elisabeth Chérubina, religieuse converse du couvent de Sainte-Claire de Prato, ayant été tourmentée pendant cinq ans et plus d'une forte sciatique, se trouvait depuis quatre mois clouée sur son lit sans pouvoir se remuer. Quand elle apprit la grâce obtenue par Sœur Catherine Bonsi, au moyen du bâton dont se servait la B. Catherine, elle demanda ce même bâton ; l'ayant obtenu, elle l'appliqua dévotement sur l'endroit malade. S'étant endormie, après deux heures, elle reposa tranquillement toute la nuit, ne s'éveillant que deux ou trois fois, et sentant chaque fois un soulagement progressif ; elle voulut ensuite se tourner commodément dans son lit et le fit sans difficulté. Peu de jours après, elle était en complète santé. Ce miracle porte le n° 11 dans la série mentionnée des douze, soumis à l'examen de la Congrégation générale des Rites, et y reçut, à son tour, la même approbation.

Si l'on ne craignait de dépasser les limités d'un simple aperçu, on pourrait citer encore un grand nombre de grâces obtenues de Dieu par notre B. Catherine de Ricci. Même de nos jours, la Sainte continue à exaucer ceux qui ont recours à elle, et invoquent son intercession avec cette foi vive dont parle l'Apôtre, foi qui opère par la charité, et qui est unie à un vrai et sincère désir de plaire à Dieu et de le servir avec fidélité.

XV

Comme on vient de le voir, les, miracles opérés par sainte Catherine après sa mort allaient se multipliant et tout se préparait pour faire entrer sa cause dans la voie qui devait la conduire aux honneurs suprêmes de l'Eglise. La première procédure eut lieu tout de suite après la mort de la Sainte, et quand cette instruction du procès fut terminée devant le tribunal de l'Evêque, le Pape Urbain VIII appela la cause en Cour de Rome. En 1624, furent nommés des juges commissaires, dont la procédure arriva au tribunal de la Rote. .Là commission nommée pour l'examen des vertus, des extases et des miracles de la servante de Dieu, concluait, par le vœu présenté au Souverain Pontife, qu'on pouvait procéder en sûreté à la Béatification.

Sur ces entrefaites, Urbain VIII ayant publié les nouveaux décrets qui modifiaient la procédure pour la canonisation des Saints, tout ce qui avait été fait pour la cause de Catherine fut annulé de plein droit, et l'on dut remettre à plus tard les nouvelles instructions. Après un jugement favorable, obtenu selon les règles d'Urbain VIII, soit au tribunal de l'ordinaire en 1675, soit à celui de la Congrégation des Rites en 1679, on vint au troisième et dernier examen des vertus de la Servante de Dieu.

Le premier décret en faveur de l'héroïcité des vertus de la Vénérable, eut lieu sous le Pape Benoît XIII, le 7 mai 1727 ; le second, en faveur de l'authenticité des miracles, sous le Souverain Pontife Clément XlI, le 30 avril 1732. Enfin la Béatification solennelle fut célébrée à Saint-Pierre par le même Pape, le 23 novembre suivant.

A Florence la joie fut immense et remplit toute la ville, où de brillantes fêtes furent célébrées, dans les couvents dominicains de Saint-Marc et de Santa-Maria-Novella. L'illustre famille de Ricci s'entendit avec les religieux de l'Ordre pour déployer une grande pompe à l'occasion du Triduum, célébré au milieu d'un grand concours de peuple. Les membres de la famille Ducale et les magistrats de la ville voulurent rendre hommage à leur illustre compatriote, devenue au ciel leur puissante protectrice.

L'année suivante, 1733, eurent lieu les fêtes spéciales du monastère de Saint-Vincent de Prato ; l'on terminait la construction d'une église splendide. C'est le 26 du mois de septembre qu'on ouvrit le tombeau de la Bienheureuse, en présence d'une foule de personnages appelés comme témoins. Après 142 ans de sépulture, les restes sacrés de celle qui fut l'épouse de Jésus Crucifié, apparurent aux yeux des générations nouvelles. Au premier aspect, on fut étonné de voir qu'une partie de son corps eût conservé ses chairs, tandis que les autres ne présentaient plus que des ossements desséchés. Mais on fut surtout saisi d'admiration quand on -put constater que les parties respectées par la mort étaient celles qui portaient les marques du crucifiement mystérieux de la Sainte avec Jésus-Christ. Tous les ornements funèbres étaient tombés en poussière, excepté la petite croix de bois qu'on place dans la main de chaque religieuse partant pour l'éternité.

Tout était prêt pour que ce corps sacré fût désormais en spectacle au monde. Retiré de sa tombe par des mains sacerdotales, il fut religieusement déposé dans une belle châsse dorée, ouverte et protégée par des glaces des quatre côtés. Quand les fêtes triomphales s'ouvrirent et qu'on put voir la Sainte apparaître sur une estrade élevée, il y eut dans cette immense assemblée un tressaillement universel de joie, d'amour et de vénération. Pendant ces trois jours, on ne se lassait pas de contempler ces reliques vénérées.

Aussitôt après la béatification, de nouveaux miracles non moins éclatants que les autres, provoquèrent la reprise delà procédure, autorisée en 1734 par Clément XII. L'examen de ces miracles soumis à la Congrégation des Rites, ne fut terminé que dix ans après.

Le Pape Benoît XIV pour leur donner sa solennelle approbation, en 1744, choisit le jour de la fête de saint Philippe de Néri ; enfin, deux ans après, le 29 juin 1746, à la grande solennité de saint Pierre et de saint Paul, il inscrivait le nom de la B. Catherine de Ricci dans le Catalogue des Saints, la proclamant. sainte à la face de l'Eglise universelle. La bulle de canonisation est le plus admirable résumé de cette vie merveilleuse.

Dans : Année dominicaine ou vies des saints, des bienheureux, des martyrs et autres personnes illustres ou recommandables par leur piété de l’un ou l’autre sexe de l’Ordre des Frères-Prêcheurs distibuées suivant les jours de l’année. Nouvelle édition revue et annotée par des religieux du même Ordre, Février t. II, Lyon,Jevaix imprimeur-éditeur, 1884.


[1] Abrégé de la vie de la B. Catherine de Ricci, d'après les pièces du procès de béatification, par le P. Virginio Valsechi (Florence, 1738); Vie de Sainte Catherine de Ricci par le P. Ceslas Bayonne (Paris 1873).

[2] Actuellement sainte Catherine de Ricci est fêtée le 4 février.

[3] Catherine, par l'ascendant de sa sainteté, avait attiré et conduisait à Jésus-Christ non seulement une multitude de filles ou de femmes pieuses vivant dans le monde mais encore bon nombre de prêtres, séculiers ou religieux, plusieurs nobles citoyens, de Florence, qui gardaient pour la mémoire de Savonarole un culte ; enthousiaste, culte que la Sainte pratiquait elle-même.

[4] Ce Christ est encore aujourd'hui conservé et vénéré au monastère de Prato, dans la cellule de la Sainte.

NOTA :

Nous remercions soeur Ancilla Marie pour l'envoi de cet extrait biographique de Sainte Catherine de Ricci.

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