INDEX
LXXXI
Comment
les démons même rendent gloire à Dieu
LXXXII
L'âme,
délivrée de cette vie, voit parfaitement la gloire de Dieu dans toute
créature ; elle n'a plus la peine du désir, mais seulement le désir.
LXXXIII
Comment
saint Paul, après avoir vu la gloire des Bienheureux, désirait être délivré
de son corps.
LXXXIV
Des
causes qui font désirer à l'âme d'être séparée de son corps.
LXXXV
Ceux
qui sont arrivés à cet état unitif sont éclairés dans leur intelligence par
une lumière surnaturelle et infuse de la grâce.- Il vaut mieux consulter,
pour le salut de son âme, un humble qui a une conscience pure, qu'un savant
qui a de l'orgueil.
LXXXVI
Résumé
de ce qui précède.- Dieu invite l'âme à prier pour toute créature et pour la
sainte Église.
LXXXVII
L'âme
demande à Dieu de vouloir bien lui faire connaître les différentes sortes de
larmes.
LXXXVIII
Des
larmes qui se rapportent aux différents états de l'âme.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE
|
1. De même que les pécheurs servent dans cette vie à
augmenter la vertu de mes serviteurs, de même les dé-nions dans l'enfer sont
les bourreaux et les ministres de ma justice sur les damnés. Ils servent
aussi mes créatures, qui, dans leur pèlerinage terrestre, désirent arriver a
moi, leur fin. Ils les servent en exerçant leur vertu par des attaques et
des tentations de toute sorte, en les exposant aux injures et aux injustices
des autres afin de leur faire perdre la chante, mais en voulant dépouiller
mes serviteurs, ils les enrichissent en exerçant leur patience, leur force
et leur persévérance. De cette manière ils rendent gloire et honneur à mon
nom.
2. Ainsi s'accomplit ma vérité en eux. Je les avais
créés pour me louer, me glorifier et pour les faire participer à ma beauté ;
mais ils se sont révoltés contre moi par orgueil, ils sont tombés, ils ont
été privés de ma vision. Ils ne me rendent pas gloire par l'amour ; mais
moi, la Vérité éternelle, je les ai faits des instruments pour exercer mes
serviteurs à la vertu, et des bourreaux pour punir les damnés ou pour
purifier ceux qui sont dans le purgatoire. Tu vois que ma vérité s'accomplit
véritablement a eux, puisqu'ils me rendent gloire, non pas comme les
habitants du ciel, dont ils sont exilés par leur faute, mais comme les
ministres de ma justice dans les enfers et dans le purgatoire.
1. Qui est-ce qui voit et goûte en toute chose, dans
les créatures raisonnables et dans les démons même la gloire et l'honneur de
mon nom ? C'est l'âme dépouillée de son corps et parvenue à moi, qui suis sa
fin. Elle voit parfaitement et connaît la Vérité. En me voyant, moi, le
Père, elle aime ; en aimant, elle est rassasiée ; en étant rassasiée, elle
connaît la vérité, et cette connaissance de la vérité fixe sa volonté dans
la mienne ; elle y est tellement ferme et attachée, que rien ne peut lui
causer de peine, parce qu'elle a ce qu'elle désirait avoir. Elle désirait
avant tout me voir et voir glorifier mon nom ; elle le voit pleinement et
véritablement dans mes saints, dans les anges, dans toutes les créatures,
dans les démons mêmes.
2. Elle voit l'offense qu'i m'est faite ; elle ne
peut plus comme autrefois en ressentir de la douleur, elle en éprouve
seulement de la compassion ; elle aime sans peine et prie toujours avec
charité pour que je fasse miséricorde au monde. En elle la peine est passée,
mais non la charité. Le Verbe, mon Fils, vit finir, dans la mort douloureuse
de la Croix, la peine du désir de votre salut qui le tourmentait ; mais le
désir de votre salut n'a pas cessé avec la peine.
3. Si l'ardeur de ma charité que je vous ai montrée
en mon Fils avait cessé pour vous, vous ne seriez pas. Vous êtes faits par
amour ; si je retirais l'amour, c'est-à-dire si je n'aimais pas votre être,
vous ne seriez pas ; mais mon amour vous a créés, mon amour vous conserve,
et, parce que je suis une même chose avec mon Verbe et mon Verbe avec moi,
la peine du désir a cessé, mais non pas le désir.
4. De même les saints qui ont la vie éternelle
conservent le désir du salut des âmes, mais sans en avoir la peine ; la
peine s'est éteinte dans leur mort, mais non l’ardeur de la charité. Ils
sont comme enivrés du sang de l'Agneau sans tache, et revêtus de la charité
du prochain Ils ont passé par la porte étroite, tout inondés du sang de
Jésus crucifié, et ils se trouvent en moi, l'océan de la paix, délivrés de
l'imperfection, c'est-à-dire de la peine du désir, car ils sont arrivés à
cette perfection où ils sont rassasiés de tout bien.
1. Paul avait vu et goûté ce bien quand je l'élevai
au troisième ciel, c'est-à-dire à la hauteur de la Trinité. Il avait connu
et goûté ma vérité en recevant la plénitude du Saint-Esprit, et en apprenant
la doctrine de mon Verbe incarné. Son âme se revêtit de moi, le Père, par
union et par sentiment, comme les Bienheureux dans le ciel, excepté que son
âme n'était pas séparée de son corps. Il plut à ma bonté d'en faire un vase
d'élection dans l'abîme de ma Trinité, et je le dépouillai de moi, parce
qu'en moi ne peut être la peine ; et je voulais qu'il souffrît pour mon nom.
2. Je donnai pour objet à son intelligence Jésus
crucifié, le revêtant du vêtement de sa doctrine, le liant et l'enchaînant
avec la clémence du Saint- Esprit, qui est le feu de la charité. Il devint
par ma bonté un vase utile et nouveau ; il ne résista pas quand il fut
frappé, mais il dit : "Seigneur, que voulez-vous que je fasse ; dites ce que
vous voulez que je fasse et je le ferai". (Ac., IX, 6). Alors je
l'enseignai en lui montrant Jésus crucifié, en le revêtant de la doctrine de
ma charité. Je l'illuminai parfaitement par la lumière de la vraie
contrition, avec laquelle il effaça ses fautes, en s'appuyant sur ma charité
(La fin de ce chapitre et le commencement du chapitre suivant ne se
trouvent pas dans l'édition italienne de Gigli. Nous les donnons d'après la
traduction latine du bienheureux Raymond de Capoue.).
3. Il se revêtit tellement de la doctrine de Jésus
crucifié, il y fixa si fortement son âme, qu'il ne put en être dépouillé et
séparé, ni par les tentations du démon, ni par les combats de la chair, que
ma bonté permettait pour le faire croître en mérite et en grâce, pour
conserver son humilité après qu'il eut joui des grandeurs de la Trinité.
Jamais il ne quitta en la moindre chose ce vêtement de Jésus-Christ ; il le
garda dans toutes ses épreuves et. ses tribulations, et il persévéra
toujours dans la doctrine de la Croix. Il se l'était tellement incorporé,
qu'il donna sa vie pour ne pas s'en séparer, et retourna vers moi avec ce
vêtement divin.
4. Paul avait goûté ce que c'était que jouir de moi
sans le poids de son corps ; je lui avais permis d'en jouir par union, mais
non pas complètement séparé de son corps. Quand il fut revenu à lui, revêtu
de Jésus crucifié, il lui sembla que son amour était imparfait en le
comparant à la perfection de l'amour qu'il avait goûté en moi, et qu'il
avait vu dans les Bienheureux séparés de leurs corps. Il sentait que le
poids de son corps était un obstacle qui empêchait la perfection et le
rassasiement dont l'âme jouit après la mort. Sa mémoire lui paraissait
faible et imparfaite, et cette faiblesse, cette imperfection le rendaient
incapable de pouvoir me retenir, me recevoir, me goûter avec la perfection
des saints dans le ciel.
5. Il lui semblait que, tant qu'il était dans son
corps mortel, il rencontrait en toute chose une loi mauvaise qui combattait
l'esprit, non. par un entraînement au péché, puisque je lui avais dit :
"Paul, ma grâce te suffit", mais par un empêchement à la perfection de
l'esprit, qui consiste à me voir dans mon essence. Et comme cette vision est
impossible avec la loi et la pesanteur du corps, Paul s'écriait : "O homme
infortuné que je suis! qui me délivrera de ce corps de mort ? car j'ai dans
mes membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit".
6. C'est la vérité ; car la mémoire est combattue par
l'imperfection du corps, l'intelligence, arrêtée par sa pesanteur, ne peut
me voir tel que je suis dans mon essence, et la volonté, enchaînée par ses
liens, ne peut me goûter sans peine, comme je te l'ai fait comprendre. Ainsi
Paul avait bien raison de dire : J'ai dans mon corps une loi qui combat la
loi de mon esprit. De même mes serviteurs que je t'ai montrés parvenus au
troisième et au quatrième degré d'union parfaite avec moi, crient aussi
qu'ils désirent être délivrés et séparés des liens de leur corps.
1. Mes, fidèles serviteurs ne connaissent pas la
crainte, et l'angoisse de la mort, ils la désirent au contraire. Dans la
rude guerre qu'ils ont faite à leurs corps avec une sainte haine, ils ont
perdu cette tendresse naturelle qui unit le corps et l'âme ; ils ont vaincu
et détruit l'amour d'eux-mêmes, et ils désirent mourir par amour pour moi.
Ils disent : Qui me délivrera de ce corps de mort ? Je désire en être
affranchi pour être avec le Christ. Ils disent avec l'Apôtre : La mort est
mon désir, mais je prends la vie en patience. Dès que l'âme est élevée à
l'union parfaite, elle ne souhaite plus que de me contempler et de me voir
glorifié en tontes choses.
2. (Le chapitre LXXXIV commence ici dans
l'édition italienne ) Quand l'âme revient à ses sens corporels, qui
avaient été absorbés en moi par l'effet de l'amour, elle supporte
péniblement la vie, parce qu'elle se voit privée de l'union qu'elle avait
avec moi, ‘et de la société désirable des Bienheureux qui nie rendent sans
cesse gloire. Elle se retrouve parmi les hommes, dont elle voit les
iniquités si nombreuses. Ce spectacle lui cause une amère douleur et
augmente son désir de me voir. La vie lui devient insupportable.
3. Cependant comme sa volonté ne lui appartient plus
et qu'elle est devenue par l'amour une même chose avec moi, elle ne peut
vouloir et désirer autre chose que ce que je veux. Elle désire venir, mais
elle est contente de rester si je l'ordonne, et de souffrir beaucoup pour ma
gloire et pour le salut des âmes. Elle ne s'éloigne en rien de ma volonté,
mais elle court avec ardeur ; revêtue de Jésus crucifié, elle passe par le
pont de sa doctrine, en se glorifiant dans les opprobres et dans la peine.
Plus elle souffre, plus elle se réjouit : la multitude des tribulations
calme le désir qu'elle a de la mort, et souvent l'amour des souffrances
adoucit la peine qu'elle éprouve de n'être pas délivrée de son corps.
4. Non seulement mes serviteurs souffrent alors avec
patience comme ceux qui Sont au troisième degré, mais ils se glorifient
encore de souffrir beaucoup en mon nom ; quand ils souffrent, ils se
réjouissent ; et quand ils ne souffrent pas, ils s'en affligent, parce
qu'ils craignent que je ne veuille les récompenser en cette vie, et que le
sacrifice de leurs désirs ne me soit point agréable. Dès que je leur envoie
au contraire beaucoup d'épreuves, ils sont heureux de se voir revêtus des
peines et des opprobres de Jésus-Christ.
5.- S'ils pouvaient être vertueux sans fatigue, ils n'y
consentiraient pas ; ils préféreraient se réjouir sur la croix avec le
Christ, et acquérir la vie éternelle par la souffrance plutôt que par tout
autre moyen. Pourquoi ? Parce qu'ils sont abîmés et embrasés dans ce sang où
ils trouvent ma charité, ce feu qui sort de moi pour ravir leur cœur, leur
esprit et consumer le sacrifice de leur désir. C'est ainsi que le regard de
l'intelligence s'élève à cette contemplation de ma divinité, où l'amour
s'unit et se développe en suivant l'entendement. Cette vue surnaturelle est
une grâce infinie que je donne à l'âme qui m'aime et me sert en vérité.
1. C'est avec cette lumière qui éclairait son
intelligence que me vit saint Thomas d'Aquin et qu'il acquit, les clartés de
la science, comme le firent saint Augustin saint Jérôme et mes autres saints
docteurs. Ils étaient éclairés d'en haut et comprenaient dans les ténèbres
ma vérité, c'est-à-dire la Sainte Écriture qui parait obscure parce qu'elle
n'est pas comprise, non par le défaut de l'Écriture, mais par l'ignorance de
celui qui ne la comprend pas. Aussi j'ai donné ces lampes pour éclairer les
aveugles et les intelligences grossières, afin que l'homme puisse connaître
la vérité dans les ténèbres.
2. Moi, le feu qui consume le sacrifice, je les ai
ravis en leur donnant la lumière surnaturelle qui fait comprendre la vérité
dans les ténèbres. Et alors ce qui paraissait obscur est devenu évident pour
les ignorants comme pour les savants. Chacun reçoit la lumière selon sa
capacité et selon la préparation qu'il apporte à mie connaître ; car je ne
méprise les bonnes dispositions de personne.
3. L'intelligence reçoit une lumière infuse par la
grâce, supérieure à la lumière naturelle, une lumière avec laquelle les
saints docteurs et mes autres serviteurs ont connu la lumière dans les
ténèbres. Des ténèbres est venue la lumière, car l'intelligence a été formée
avant l'Écriture ; c'est dé l'intelligence que vient la science, puisque
c'est en voyant qu'elle discerne.
4. Avec cette lumière, les prophètes ont vu
l'avènement et la mort de mon Fils ; les apôtres l'ont possédée après la
descente du Saint-Esprit ; les évangélistes, les docteurs, les confesseurs,
les vierges, les martyrs en ont tous été éclairés ; tous l'ont reçue selon
que le demandaient leur salut, le salut des âmes et l'enseignement de la
Sainte Écriture.
5. Les docteurs l'ont reçue pour expliquer la
doctrine de ma Vérité, la prédication des Apôtres et les textes des
Évangélistes ; les martyrs, pour montrer par leur sang la lumière de la foi,
le trésor et le fruit du sang de l'Agneau ; les vierges l'ont montrée par la
charité et la pureté. Les obéissants ont fait briller l'obéissance du Verbe,
cette obéissance parfaite que mon Fils a embrassée pour courir à la mort
ignominieuse de la Croix.
6. Cette lumière est visible dans l'Ancien et dans
le Nouveau Testament. Dans l'Ancien Testament, par les prophètes dont
l'intelligence a été surnaturellement éclairée par ma grâce ; dans le
Nouveau Testament, par la vie évangélique révélée au chrétien fidèle. La
nouvelle loi venait de la même lumière, car elle n'a pas détruit l'ancienne,
elle en est inséparable ; elle en a seulement ôté l'imperfection, parce
qu'elle était fondée sur la crainte.
7. Lorsque le Verbe mon Fils vint avec la loi
d'amour, il l'accomplit en lui donnant l'amour, en ôtant la crainte de la
peine, et en ne lui laissant que la bonne et sainte, crainte. Aussi, mon
Fils disait à ses disciples pour montrer qu'il ne détruisait pas la loi :
"Je ne suis pas venu pour détruire la loi, mais l'accomplir" (S. Mt., V.
17). Comme s'il disait : Jusqu'à présent, la loi était imparfaite ; mais
avec mon sang je la rendrai parfaite et je l'accomplirai en ce qui lui
manque, parce que j'ôterai la crainte de la peine ; je l'établirai sur
l'amour et sur la crainte sainte et filiale.
8. Comment la Vérité est-elle connue ? Par la
lumière surnaturelle qui est donnée à qui veut la recevoir de ma grâce.
Toute lumière qui sort de la sainte Écriture, sort de cette lumière. Les
ignorants, orgueilleux de leur science, s'aveuglent dans la lumière, parce
que leur orgueil et les nuages de l'amour-propre en couvrent et en cachent
la clarté. Ils comprennent la lettre et l'apparence de l'Écriture plus
qu'ils n'en saisissent le sens ; ils goûtent la lettre en consultant
beaucoup de livres, mais ils ne goûtent pas la moelle de l'Écriture, parce
qu'ils sont privés de la lumière avec laquelle l'Écriture a été formée et
présentée.
9. Ceux-là s'étonnent et murmurent quand ils voient
des gens sans instruction plus éclairés sur la vérité que ceux qui ont
longtemps étudié. Ce n'est pas surprenant, puisqu'ils possèdent la cause de
la lumière d'où vient la science ; mais, parce que, les superbes ont perdu
la lumière, ils ne voient pas et ne connaissent pas ma bonté et la lumière
de la grâce répandue sur mes serviteurs.
10. Aussi je te dis qu'il vaut mieux prendre pour le
conseiller de son âme une personne humble qui a une conscience droite et
pure, qu'un savant orgueilleux qui a beaucoup étudié. Car on ne peut donner
que ce qu'on a soi-même. Une vie de ténèbres change souvent en ténèbres pour
les autres la lumière des Saintes Écritures. Tu trouveras le contraire dans
mes serviteurs parce que la lumière qu'ils ont en eux, ils la présentent
avec l'ardent désir du salut des âmes.
11. Je te dis cela, ma très douce fille ; pour te faire
connaître la perfection de l'état unitif, où l'intelligence est ravie par le
feu de ma charité qui donne la lumière surnaturelle. L'âme m'aime avec cette
lumière, parce que l'amour suit l'intelligence ; plus elle connaît, plus
elle aime, et plus elle aime, plus elle connaît. L'intelligence et l'amour
se nourrissent réciproquement.
12. C'est par cette lumière que l'âme isolée du corps
parvient à mon éternelle vision, où elle me goûte en vérité, comme je te
l'ai dit en t'expliquant le bonheur que l'âme reçoit en moi. C'est l'état le
plus élevé où l'âme dans sa vie mortelle puisse goûter la vie des
Bienheureux. Souvent son union est si grande, qu'elle sait à peine si elle
est avec son corps ou sans son corps. Elle a un avant-goût de la vie
éternelle, parce qu'elle m'est étroitement unie, et que sa volonté est morte
en elle : c'est cette mort qui l'unit à moi, et il n'y a pas d'autre moyen
de s'unir à moi parfaitement. L'âme goûte la vie éternelle dès qu'elle est
délivrée de l'enfer de sa volonté propre. L'homme souffre comme un damné
quand il obéit à sa volonté sensitive.
1. Tu as vu avec ton intelligence et tu a entendus
avec ton cœur, comment tu devais profiter pour toi et pour ton prochain de
la doctrine et de la connaissance de ma Vérité. Je te l'ai dit en
commençant, tu dois arriver à la connaissance de la vérité par la
connaissance de toi-même ; mais cette connaissance de toi-même doit être
jointe et unie à la connaissance de moi-même en toi. C'est ce qui te donnera
l'humilité, la haine, le mépris personnel et le feu de la charité que tu
trouveras dans ma connaissance ; tu parviendras ainsi à l'amour du prochain,
en lui étant utile par la doctrine et les exemples d'une vie sainte.
2. Je t'ai montré un pont et les trois degrés qui
représentent les trois puissances de l'âme. Personne ne peut avoir la vie le
la grâce s'il ne monte ces trois degrés, c'est-à-dire, s'il ne réunit toutes
ses puissances en mon nom. Je t'ai montré plus parfaitement ces trois degrés
de l'âme figurés sur le corps de mon Fils unique, dont je fais un moyen de
vous élever, en parvenant à ses pieds percés, à l'ouverture de son côté, et
à sa bouche où l'âme goûte la paix et le repos.
3. Je t'ai fait connaître l'imperfection de la
crainte servile, et l'imperfection de l'amour de ceux qui m'aiment à cause
de la douceur qu'ils trouvent en moi. Tu as vu la perfection du troisième
degré, celle de ceux qui sont arrivés à la paix de la bouche, après avoir
couru avec un ardent désir sur le pont de Jésus crucifié et avoir monté-les
trois degrés principaux, en unissant les puissances de leur âme et toutes
leurs opérations en mon nom, comme je te l'ai clairement expliqué. Tu les as
vus, après avoir franchi les trois degrés particuliers, passer de l'état
imparfait à l'état parfait dans lequel ils courent en vérité.
4. Je t'ai fait goûter la perfection de l'âme et les
parfums de ses vertus. Je t'ai montré aussi les pièges où elle peut tomber
avant d'arriver à la perfection, si elle ne s'applique pas toujours à se
connaître et à me connaître Je t'ai montré le malheur de ceux qui se noient
dans le fleuve, en ne passant pas par le pont de la doctrine de ma Vérité,
que je vous ai donné pour que vous ne périssiez pas ; mais les insensés ont
préféré se noyer dans les misères et la fange du monde.
5. Je t'ai montré ces choses pour augmenter en toi le
feu des saints désirs et la douleur de la perte des âmes, afin que la
douleur et l'amour te poussent à me faire violence par les larmes, les
sueurs, les humbles et continuelles prières que tu m'offriras avec ardeur.
Je t'ai parlé pour que beaucoup d'autres qui me servent m'entendent, et pour
qu'enflammés de ma charité, vous m'imploriez tous et vous me forciez à faire
miséricorde au monde et au corps mystique de la sainte Église pour lequel tu
m'as tant prié.
6. Je t'ai promis, si tu te le rappelles, d'exaucer
vos saints désirs et de récompenser vos peines. Je réformerai la sainte
Église en lui donnant de bons et saints pasteurs. Ce ne sera pas avec la
guerre, le glaive et la cruauté, mais avec la paix, le calme, les larmes et
les sueurs de mes amis ; je vous ai envoyés travailler à vos âmes et à
celles du prochain, dans le corps mystique de la sainte Église, en agissant
par la vertu, l'exemple et la doctrine, en m'offrant de continuelles prières
pour le salut des hommes, et en produisant des vertus dans le prochain. Car
je veux que vous soyez utiles à votre prochain, c'est le moyen véritable de
faire fructifier votre vigne.
7. Ne cessez jamais de faire monter vers moi le bon
encens de vos prières pour le salut des âmes, parce que je veux faire
miséricorde au monde. Je laverai avec vos prières, vos sueurs et vos larmes,
la face de mon épouse, la sainte Église, que je t'ai montrée sous la forme
d'une femme dont le visage est sali et pour ainsi dire couvert de lèpre,
parce que les ministres de la religion et tous les chrétiens l'ont souillée
de leurs fautes, comme je te l'expliquerai bientôt.
1. Alors cette âme tourmentée d'un immense désir, et
tout enivrée de son union avec Dieu et de ce qu'elle avait entendu de la
Vérité suprême, se désolait de l'aveuglement des créatures qui
méconnaissaient leur bienfaiteur et l'ardeur de la charité divine. Elle se
réjouissait cependant de l'espérance que Dieu lui avait donnée, en lui
enseignant ce qu'elle devait faire avec ses autres serviteurs, pour obtenir
sa miséricorde au monde. Elle fixa le regard de son intelligence dans la
douce Vérité à laquelle elle était unie, parce qu'elle voulait savoir
quelque chose des états de l'âme dont Dieu lui avait parlé. Et comme elle
voyait que l'âme passe à ces états par les larmes, elle désirait apprendre
de la Vérité la différence des larmes, ce qu'elles sont, d'où elles viennent
et les fruits qu'elles produisent.
2. La vérité ne pouvant être connue et comprise que
par la Vérité même, elle s'adressait à la Vérité, où rien ne s'aperçoit que
par l'intelligence. Celui qui veut la connaître doit s'élever vers elle par
l'ardeur du désir, en ouvrant l’œil de son intelligence par la lumière de la
foi, en fixant son regard sur la Vérité. Quand donc cette âme eut connu
qu'elle ne s'était pas écartée de la doctrine que Dieu, la Vérité même, lui
avait enseignée, et qu'il n'y avait pas d'autres moyens de connaître ce
qu'elle voulait savoir des différentes larmes et de leurs fruits, elle
s'éleva au dessus d'elle-même par un effort extraordinaire de son désir, et
à la lumière d'une foi vive, elle fixait son regard dans la Vérité éternelle
où elle vit et connut la vérité de ce qu'elle demandait. Dieu se manifestait
à elle, et sa bonté condescendait à son ardent désir et accueillait
favorablement sa demande.
1. La Vérité suprême lui disait doucement : Ma très
douce et très chère fille, tu me demandes de t'apprendre les causes des
larmes et leurs résultats ; je veux satisfaire ton désir. Ouvre donc l’œil
de ton intelligence, et je -te montrerai par les trois états de l'âme les
larmes imparfaites qui viennent de la crainte. Mais avant je t'expliquerai
celles que répandent les hommes coupables du monde : ce sont des larmes de
damnation. ‘Les secondes larmes sont celles de la crainte, celles de ceux
qui fuient le péché pour éviter le châtiment et qui pleurent par crainte.
Les troisièmes sont celles de ceux qui, purifiés du péché, pleurent avec
douceur en commençant à me goûter et à me servir. Mais, parce que leur amour
est imparfait, leurs larmes sont encore imparfaites. Les quatrièmes sont
celles de ceux qui sont arrivés à la perfection de la charité du prochain,
en m'aimant sans intérêt pour eux-mêmes. Ceux-là pleurent, et leurs larmes
sont parfaites. Les cinquièmes sont mêlées aux quatrièmes ; ces larmes sont
d'une douceur extrême, et il y a un grand charrue à les répandre, comme je
te le dirai bientôt.
2. Je te parlerai aussi des larmes de feu, que l’œil
ne verse pas, parce que ce sont celles de ceux qui voudraient pleurer et ne
le peuvent pas. L'âme passe par ces différentes larmes en quittant la
crainte et l'amour imparfait pour arriver à la charité parfaite de l'état
unitif. Je vais t'expliquer toutes ces larmes.
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